Présentation
Cette partie présentation est la synthèse d’un entretien réalisé entre l’équipe associative et le laboratoire de recherche (LISRA) le second semestre 2018.
Cette partie propose de faire émerger des problématiques transversales à partie de l’analyse de l’entretien par l’équipe de recherche en dialogue avec la démarche réflexive engagée par les acteurs associatifs.
Nous fêtons les 50 ans d’existence des CEMEA en 2016 sur le Limousin.
Nous sommes une association d’éducation populaire, mouvement d’éducation nouvelle, complémentaire de l’enseignement public, dans son intitulé même, nous défendons l’éducation pour tous. L’enjeu, c’est de faire bouger ses lignes de l’éducation, même au sein de l’Education Nationale, notamment par la proposition de formations, mais nous nous heurtons parfois au cloisonnement des contraintes de l’institution. C’est un beau défi.
Nous sommes quatre permanents sur l’équipe limousine, une secrétaire qui s’occupe de l’administration et trois personnes sur les actions pédagogiques. Nous avons tous les trois des missions autour de la «vie du mouvement », ce sont des temps de regroupement, avec les militants, des soirées jeux, des débats, etc. Les formations sont aussi portées par les bénévoles, il n’y a pas toujours d’encadrement salarié.
Parfois des salariés sont amenés à dépasser leur temps professionnel pour se consacrer à la vie associative. Cette question du rapport entre bénévoles et salariés est une préoccupation permanente chez nous,c’est une frontière souple propre au fonctionnement associatif mais qui peut poser des problèmes dans le rapport au travail.
Nous avons un projet autour de l’éducation nouvelle et des mouvements d’éducation nouvelle. C’est un projet de construction citoyenne et de changement de société. Pour cela, la formation est un outil principal. Elle est à destination aux adultes du champ éducatif. Nous faisons autant de la formation pour les volontaires que de la formation professionnelle, dans l’animation, avec le personnel de l’Éducation Nationale, de la petite enfance, et du secteur culturel (accompagnement à la médiation culturelle)…
Nous avons également plusieurs projets spécifiques d’accompagnement. On a un animateur qui s’occupe des conseils citoyens des quartiers de la ville de Limoges dans le cadre du contrat de ville. La CAF nous a également missionnés pour animer l’ensemble du réseau des assistantes maternelles (RAM) du 87. En lien avec la DDCSPP 87, nous participons à des journées d’échanges de pratiques avec les professionnels (avec la ligue de l’enseignement, les Francas…) nous nous regroupons pour parler de nos spécificités autour de l’éducation populaire.
Nous avons aussiun groupe de militants investis sur la Creuse autour des questions de l’école. Ils mettent place des temps d’échanges et de débat sur ces questions.
Nous cherchons une cohérence politique au sein du réseau CEMEA. L’association nationale sert de relais au niveau des ministères. C’est aussi une coordination nationale de la vie militante, avec des propositions et des formations. Il y a des commissions nationales sur différents pôles, pour échanger entre ce qu’il se passe sur le terrain dans les associations et avoir une politique cohérente sur tous les territoires
Notre volonté, dans la construction actuelle sur la grande région, était de partir du territoire pour qu’il y ait une dynamique locale, avec un représentant de chacun des territoires. Nous voulons rester très ancrés pour éviter une centralisation des compétences.
Il y a de nouvelles solidarités qui naissent, notamment en Creuse, il y a peu de moyens mais il y a beaucoup de réseaux, de collectif,d’entraides, pour remédier à ce manque-là sur le territoire. Nous travaillons beaucoup sur les partenariats, sur les formations, sur l’école du numérique…. Nous faisons de la mutualisation de connaissances, d’outils et de matériel.
Par exemple, le fait d’avoir en charge les conseils citoyens, permet de rencontrer les autres associations de quartier et de paraître en plus grande visibilité sur le territoire. C’est comme cela qu’on nous interpelle pour de nouveaux projets, que l’on peut répondre davantage aux besoins du territoire et pas seulement à nos besoins à nous. C’est parce que nous sommes sorti de nos champs historiques, que nous avons été repérés et que la porte s’est ouverte. Ça nous amène plutôt à réfléchir sur nos modèles.
Si des tiers lieux naissent et répondent à un besoin, à nous de nous poser des questions, notamment sur les attentes de proximité de la vie locale où les gens ont besoin de se rencontrer dans un espace qui leur appartienne, un espace en partage. Les gens ont besoin de s’approprier des espaces communs.
C’est très fort au sein de notre association CEMEA Limousin, cette idée que ce ne soit pas l’économie qui nous gouverne. Car on est attaché à nos valeurs et nous ne voulons pas faire « pour » l’économie, ou mettre l’économie en premier. Sur les modèles socio-économiques,on se questionne déjà entre nous aux Cemea. Et c’est intéressant de voir que d’autres secteurs sont traversés par les mêmes problématiques. Nous voulons avancer sur notre projet, mais ne pas passer à côté de ce qui peut naître autour.
Problématiques
Cette partie propose de faire émerger des problématiques transversales à partie de l’analyse de l’entretien par l’équipe de recherche en dialogue avec la démarche réflexive engagée par les acteurs associatifs.
Les appels à projet changent-ils le rapport entre service public et privé ?Cette logique prestataire de l’association était-elle déjà inscrite avant ? Et dans ce cas, de quoi les AAP sont-ils révélateurs ?
La principale ressource des associations que sont les bénévoles se « tarie ». Mais s’agit-il de la fin de la militance ou d’un déplacement des ressources vers un autre type « économie du commun » par exemple ? Dans ce cas, plutôt de déplorer « la fin de.. » ne faut-il pas chercher ailleurs des modèles ou d’autres configurations systémiques ?
Est-ce que dans son cas, le renforcement du salariat ne vient pas combler ce déficit bénévole au risque d’épuiser les salariés, qui passent énormément de temps dans l’association ? Ils ne savent plus quand ils sont salariés ou bénévoles et c’est parfois contraire à ce qui est défendu dans le projet de l’éducation populaire,notamment sur le rapport au travail. Est-ce qu’il s’agit simplement de questionner le rapport entre CA et salariat sans s’interroger sur la question du modèle économique ?Autrement dit, est-ce que l’association peut changer à l’intérieur alors que le contexte extérieur évolue vers une autre direction concernant l’économie de l’engagement de la relation ?
Comment toucher un nouveau profil d’acteurs si les associations ont du mal à se distinguer dans leur proposition ou apparaître clairement en termes de visibilité sur le territoire ? Cela pose la question de l’accessibilité à travers des espaces de rencontres, d’échanges,de constructions et de propositions. Devons-nous continuer à réfléchir en termes de dispositifs ou plutôt ne faut-il pas redéfinir nos propositions en termes d’espaces ?
En revanche, les partenariats restent une ressource classique des associations. Ce partenariat reste-t-il celui classique du secteur de l’éducation populaire, ou se renouvelle-t-il avec un nouveau profil socioprofessionnel d’acteur ? Si oui est-ce que ces compétences sont liées uniquement à des corps de métier ou sont-elles de plus en plus détachées pour se mobiliser plutôt sur des formes situationnelles ?
La grande région Nouvelle Aquitaine est l’occasion d’interroger le rapport du« local au global » en termes de réseau, de développement de territoire, d’économie d’échelle, d’espace de diffusion d’expérimentations. Quelle est la bonne dimension ?L’extension du territoire augmente les temps de transport, les temps de réunions croisées, aplanie ou au contraire mais en tension la diversité associative.
D’un autre côté le renforcement d’un réseau sectoriel peut constituer une nouvelle ressource, mais alors, n’est-ce pas au détriment de l’appropriation locale des processus par les acteurs/habitants ?Le renouvellement du mode d’organisation ne serait-il pas en train de se faire davantage par la dimension territoriale, dans une logique de rhizome, que par la fédération sectorielle et ses structures gouvernées par une logique de projets ?
L’organisation en réunions à la chaîne (internes ou partenariales) qui peut devenir une réunionnite est assez symptomatique du fonctionnement associatif qui se rapproche d’une logique identitaire de secteur mais qui ne permet pas obligatoirement de se poser en extériorité par rapport à son fonctionnement et trouver des alternatives.
Où sont alors les espaces possibles de redéfinition qui ne seraient pas simplement utiles pour le renouvellement du projet associatif, mais qui seraient aussi des espaces réflexifs permanents pour penser les extériorités(contraintes politiques, économiques, environnementales) et avoir prise sur elles? Ce serait d’ailleurs conforme à la vocation transformatrice de l’éducation populaire. Mais est-ce que cette« pensée en actes » se déploie dans les lieux classiques de rencontre des réseaux d’éducation populaire, ou faut-il imaginer d’autres espaces ?
Cela renvoie la possibilité d’être attentif sur ce qui se passe dans le territoire, de se laisser envahir son observatoire par les alternatives qui naissent autour, tout en échappant aux radars institutionnels des logiques d’appels à projets ou de dispositifs.Cela veut dire que les intervenants salariés aux bénévoles doivent concevoir leur approche aussi en termes d’espace (donc d’ouverture,de passage, de trans sectoriel…)
Effectivement, où sont les espaces de rencontres d’une diversité sociologique dans un accueil inconditionnel qui permettrait ainsi de faire écosystème et de se sentir dans un espace du commun ?
Il s’agit de réinventer ces lieux de convivialité et de proximité de type café associatif sans obligatoirement entrer dans une logique de « tiers lieux », de prestataire de service et de « pépinière de projets » qui ne changent rien à la logique individualiste productiviste de l’économie libérale.
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