TéléMillevaches

Présentation

Cette partie présentation est la synthèse d’un entretien réalisé entre l’équipe associative et le laboratoire de recherche (LISRA) le second semestre 2018.

L’association a été créée par les habitants il y a 32 ans, pour valoriser le territoire et donner la parole aux habitants, pour rendre compte de la vie sur le plateau de Millevaches et aussi pouvoir montrer plus largement, à l’extérieur, ce qu’il s’y passe.

L’équipe n’était pas « pro » au départ, elle s’est approprié le média vidéo et est montée en puissance avec la production d’un magazine mensuel. Elle s’est professionnalisée et le périmètre d’intervention de l’association s’est étendu, à partir du plateau de Millevaches qui a une identité forte.

Aujourd’hui nous diffusons le magazine audiovisuel en ligne sur notre site web et de manière moins régulière. Nous testons aussi une nouvelle expérimentation de projections publiques avec un documentaire sur un sujet fouillé, des reportages plus longs sur un thème (forêt, eau, installation sur le plateau, agriculture, l’accueil des migrants). Ce sont des thèmes qui touchent les gens ici. Cela provoque des échanges, de la circulation d’idées, de réactions, des envies d’aller plus loin et de creuser les choses, de faire réagir autour d’un écran.

Nous réalisons des films de commandes venant des collectivités, des établissements scolaires, du Parc Naturel Régional, des Communautés de communes… des films de « promotion » pour tout type de structure qui veut faire connaître son activité et ses événements.

Des ateliers d’éducation à l’image et à l’audiovisuel donnent la possibilité de travailler avec d’autres publics : les personnes âgées en EPHAD, les jeunes des missions locales, les prisons. L’éducation à l’audiovisuel va de plus en plus dans la direction de la « prévention ». Nous essayons de montrer ce que produisent les effets du montage, comment le spectateur peut être manipulé, comment s’approprier le son. Nous faisons des interventions plus techniques comme des exercices de prise en main de l’appareil photo, pour comprendre le cadre, la lumière (et plus largement apprendre à faire un film, un scénario, du montage…) Nous cherchons à structurer et améliorer le contenu de ce que l’on propose. Six ou sept structures du genre existent en Nouvelle-Aquitaine, mais nous sommes les seuls en Limousin à faire ce type d’atelier.

Le principe d’une télé participative est au cœur du projet associatif. Nous sommes régulièrement sollicités pour filmer des évènements. C’est quelque chose qui nous plaît d’accueillir, d’accompagner et faire ensemble, de faire avec les habitants. Dans le cadre d’accompagnement de projet, ce sont des personnes accueillies à Télémillevaches, ou des habitants. Nous les formons, nous prêtons une caméra et nous apprenons les bases, nous accompagnons sur le montage. Par exemple nous prêtons le matériel à un groupe de musique qui veut tourner un clip et qui n’a pas d’argent, nous ne faisons pas leur place.

Nous faisons un gros chantier de numérisation de nos anciens reportages. Dans ce cadre nous mobilisons la fondation du patrimoine, le soutien de la DRAC. Nous nous sommes attelés à la mise en ligne de tous nos films depuis les années 80 sur notre site internet en libre téléchargement. Fréquemment nous reprenons nos archives pour traiter d’un sujet, ce qui permet de montrer l’évolution du territoire en termes de mode de vie, de productions, d’agriculture…

Depuis les années 70, il y a eu plusieurs vagues d’habitants arrivants (des « néo-ruraux » ou simplement de nouveaux habitants, pas forcément des citadins, mais des personnes qui viennent d’autres régions). Il y a donc beaucoup de discussion ici, des auto-analyses qui abordent les phénomènes de coopération, la création d’activités, la militance, le fait associatif, les porteurs de projets… Ce n’est pas propre à notre association, à peu près toutes les structures s’interrogent sur le territoire.

Les subventions pour faire notre magazine ne suffisent pas à faire vivre le reste de la structure sans compter le temps de diffusion et de production. Nous devons chercher de l’argent ailleurs et avoir d’autres activités. Depuis 3 ans nous avons un fonds de soutien, comme dans les radios, pour les médias de proximité. Cela compense en partie. Nous sommes les plus anciens représentants de la Fédération de l’Audiovisuel Participatif. Nous avons des spécialités que d’autres n’ont pas. Nous nous formons en réseau, nous échangeons sur nos pratiques, nous mutualisons de l’économie.

Problématique

Cette partie propose de faire émerger des problématiques transversales à partie de l’analyse de l’entretien par l’équipe de recherche en dialogue avec la démarche réflexive engagée par les acteurs associatifs.

Télémillevaches est identifié comme acteur incontournable sur le territoire, comme une association sollicitée de façon privilégiée par les habitants pour suivre des évènements locaux, des projets, des luttes. Elle participe au maillage d’associations, d’habitants et d’initiatives du territoire par son travail filmique. Elle contribue à la mémoire collective grâce à son rôle d’archives. N’est-ce pas le signe d’une construction d’un récit collectif et qui permettrait aux acteurs populaires de se réapproprier leur histoire ? Comment produire des données issues de l’histoire et de l’activité de l’association accessibles au plus grand nombre ? Produire ce récit collectif est une manière de ne pas être « écrit » par l’extérieur et de produire ses propres références, de participer à l’émergence d’une culture qui part des pratiques, du vécu, d’une localité…

À travers cette valorisation, pourrions-nous définir un « droit au patrimoine » mobilisant des ressources (savoirs et compétences) dans le cadre d’un projet partagé ? En quoi cela forme-t-il un « territoire apprenant », une « campagne vivante » où des personnes cherchent, s’investissent, créent ?

L’image vidéo est à la fois un médium (support d’information et de communication), un travail sur les représentations et les modes de réception (identité sociale et culturelle), une économie (industrie audiovisuelle). Comme le furent les radios libres qui constituèrent un « laboratoire » social et culturel, en quoi cette plate-forme audiovisuelle contribue à une culture de l’espace de réflexion collective, à un « tiers espace réflexif » ? Comment cela peut s’organiser collectivement ? Comment dégager des moyens en communs pour pérenniser l’espace et l’étendre à des expérimentations partagées ?

Le village de Faux-La-Montagne forme comme un épicentre de l’identité du plateau et se caractérise par la recherche de nouvelles formes d’organisation, de mutualisations et d’expérimentations collectives. Il y a des réflexions permanentes, des collectifs qui se croisent, des militants… Comment pourrait se définir cette dimension autogestionnaire dans une logique horizontale et égalitaire en rapport avec l’écosystème du plateau ? Quelles correspondances entre forme écologique, organisationnelle et économique ?

L’autogestion s’oppose à la spécialisation à outrance des activités et des postes de travail. Chacun peut avoir des rôles, des compétences, des savoirs distincts et complémentaires, mais l’organisation collective produit un espace de création de sens et un positionnement politique. Autrement dit, du commun, sans pour autant empêcher la controverse. La dimension autogestionnaire se nourrit des espaces réflexifs et permet ainsi d’articuler le pluriel et le commun, une certaine liberté de pratiques et l’égalité des salaires, l’absence de spécialisation et de hiérarchie. Il semble que l’autogestion nécessite donc une démarche d’auto-formation et de formation réciproque qui rejoint l’éducation populaire.

À côté de cette logique intersectorielle liée à une dimension autogestionnaire et territoriale, le réseau « sectoriel » de l’audiovisuel est investi avec d’autres télés participatives : échange de pratiques, formation, mutualisation, fédérer les forces pour peser sur les institutions (Région, etc.). Cela questionne le modèle économique qui pèse sur le fonctionnement. Il y a une ouverture de l’activité vers la sphère marchande puisque la demande de prestations commerciales autour de l’image est croissante, même dans leurs dimensions éducatives. D’un autre côté l’investissement dans le collectif « Associations-Nous » permet de concevoir de manière pragmatique une mutuelle d’associations où se croisent la dimension employeuse et la dimension réflexive. Il n’y a pourtant pas de contradictions profondes entre ces pratiques (la prestation et la réflexivité) car semble persister une habitude de questionnement et de production commune de sens qui permet aux associations locales de ne pas être complètement soumises aux aléas, aux urgences et aux pressions du temps économique.

Ainsi une enquête collective a été lancée pour rendre compte de la place des associations à l’échelle du plateau, notamment de l’emploi associatif, pour montrer son impact sur le territoire et le valoriser auprès des collectivités : « Combien cela fait vivre de personnes, quelles qualifications cela apporte, qui investit sur le territoire et devient propriétaire ». La capacité à mobiliser les outils de l’enquête et, plus généralement, de la recherche, dans l’association et dans une localité plus grande, est certainement un moyen pour la démarche associative de légitimer son approche, son expérience, les savoirs qu’elle en tire, et mesurer (autant que renforcer) sa puissance de transformation sociale.

Contact

Le Bourg – 23340 Faux la Montagne
Site internet : https://telemillevaches.net/

BEAUB FM

Présentation

Cette partie présentation est la synthèse d’un entretien réalisé entre l’équipe associative et le laboratoire de recherche (LISRA) le second semestre 2018.

Beaub FM a 30 ans d’existence, 30 ou 40 personnes actives (avec des émissions à l’antenne), il y a sept personnes au CA et cinq salariés en emploi aidé confrontés à la précarité. La professionnalisation est une composante de la reconnaissance de notre métier, mais l’engagement professionnel comme la participation au CA sont intimement liés au projet et à la gouvernance de l’association. Cela passe par une certaine sensibilité culturelle,sociale et politique partagée.

Par exemple, nous avons fait des émissions sur les quartiers avec les habitants. Nous accueillons des groupes de musiques peu ou pas diffusés. Nous sommes au 9e étage dans un quartier prioritaire…Mais en même temps nous avons un lien avec tout le monde, car nous sommes une radio ouverte et tout le monde passe par nous pour parler de ce qu’il fait.

Comment permettre aux gens du milieu rural de venir à Limoges et inversement ? Par exemple nous envoyons souvent nos salariés vers le plateau de Millevaches, se former à Pivoine notamment. Il faudrait que ça aille dans les deux sens, que les gens puissent venir ici.

90 % des programmes sont réalisés par les bénévoles ou salariés au sein de la radio. Nous faisons partie de la Ferarock, ça nous permet d’avoir une représentation au niveau national (auprèsdu ministère de la Culture, des syndicats de radio, de la fédélima,du FSER, du CSA, de la Sacem, on a des représentations dans toutesces instances grâce à la Ferarock). On fait partie de 2 syndicats de radio, du syndicat des musiques actuelles, et on est au CA du RIM.

Pour maintenir ce salariat, nous faisons des prestations privées, nous répondons à des appels à projets. Notamment le FSER, qui est le fond de soutien à l’expression radiophonique. Nous avons peu de subventions locales. Cela permet une liberté d’expression des médias associatifs et avoir d’autres médias que le mainstream et donc d’autres contenus. Le FSER est sur 3 axes qui nous obligent à nous engager, et ce n’est pas si mal pour ça :

  • Action culturelle et éducative
  • Action en faveur del’intégration et lutte contre les discriminations
  • Action en faveur du développement local et l’environnement

À force de rencontrer du monde ici, nous voyons bien qu’il y a besoin d’un lieu pour se croiser et pour que les gens communiquent.Il nous faudrait un lieu de vie.
Avec des énergies différentes au même endroit, pas qu’une mutualisation de compétences, mais un lieu de vie, des échanges techniques, de pratiques.
Ce genre de lieu, plein de gens l’aimeraient, mais il n’y a pas encore d’initiative dans ce sens ; il y a un disquaire associatif, des programmateurs ou des assos sans bureau qui pourraient se rencontrer,faire du lien. Il y a une possibilité avec le contrat de filière spécifique aux MA d’avoir des aides pour faire une expérimentation et un test de la faisabilité d’un projet.

Problématisation

Cette partie propose de faire émerger des problématiques transversales à partie de l’analyse de l’entretien par l’équipe de recherche en dialogue avec la démarche réflexive engagée par les acteurs associatifs.

Comment ne pas être régi uniquement par des préoccupations économiques, entre le projet associatif et le maintien de salariat ?

Quel équilibre entre précarité subie et précarité choisie ?Comment évaluer des actions qui ne se résument pas uniquement à des prestations de services, mais ouvrent un espace de croisement et d’échanges ?

La professionnalisation pousse à reproduire une technicité alors que l’engagement associatif pousse à se renouveler. Comment mutualiser ces pistes d’autonomie ? Comment se former à l’auto-missionnement ? (choisir les activités / actions qui nous semblent pertinentes, plutôt que de répondre aux opportunitésproposées sans cesse par l’extérieur).

La question de la transmission est récurrente dans le milieu associatif et peut prendre plusieurs formes (formation,autoformation, expérimentation, etc.): comment passer le flambeau entre une première génération militante et nouvelle génération dont le mode d’organisation n’est pas tout à fait le même,notamment dans le rapport entre l’engagement personnel et collectif ? Comment, d’une manière générale, entrer en réflexion sur ce qui fait collectif aujourd’hui ?

La conscience d’être un acteur susceptible d’orienter le cours historique, de changer les pratiques ne peut se faire que dans une implication en situation. Les radios dites « libres » ont été historiquement des laboratoires sociaux de croisement des idées et des esthétiques. Elles peuvent continuer à jouer ce rôle sur les territoires, constituer de nouvelles centralités populaires.

Contact

4 allée Fabre d’Églantine – BP 2031 – 87070 LIMOGES Cedex
Site internet : http://beaubfm.org/