28 janvier 2020

Tiers espaces et communs urbains

Par Hugues Bazin

Des zones de transition, de métamorphose ou d’effondrement témoignent d’une reconfiguration des rapports sociaux, des modèles socio-économiques et de leurs traductions sur les territoires.

Cette session de l’Université du Bien Commun propose un protocole d’atelier participatif visant à aborder ensemble les modalités d’émergence et les incidences de ces laboratoires vivants.

Session Initiée par Claire Dehove et Jean-Pascal Derumier
Avec Sylvia Fredriksson, Hugues Bazin et Tibo Labat

Présentation

Aujourd’hui, la plupart des biens collectifs sont gérés, soit par l’état, soit par le privé … avec en creux le message à l’adresse du citoyen que tout est fait pour répondre à ses besoins.

Une voie alternative à cette prise en charge passive du citoyen est celle des communs qui repose sur une communauté et un mode de gouvernance aptes à partager de façon créative et démocratique des Biens Communs. 

Communs, communs urbains, tiers espaces renvoient à une grande diversité de lieux appropriables collectivement : espaces naturels, délaissés urbains, lieux en transition, jardins collectifs, bâtiments municipaux vacants, infrastructures sportives en libre usage, ZAD et autres expérimentations éco-politiques. Ils ont aussi partie liée avec la mobilité (co-voiturage et mobilités douces), l’autonomie alimentaire ou le financement  participatif.

Les tiers espaces communs invitent à repenser nos modes d’organisation socio-économiques. Ils peuvent s’investir de façon spontanée, éphémère, organisée ou pérenne ou bien encore à partir d’une intention collective tournée vers le bien commun. On y fabrique, des rêves, des outils, des concepts qui participent de la diversité dont nos sociétés ont besoin pour se renouveler et surtout répondre aux défis de la crise systémique. Le principe de laboratoire social permet d’évaluer comment des tiers espaces contribuent à un imaginaire instituant de la société en alliant justice sociale et validation d’une production plurielle des savoirs (expérimentations sociales, espaces intermédiaires de l’existence, centralités populaires).

Dans un espace urbain, on parle de communs urbains pour qualifier les tiers espaces où les citoyens sont amenés, par une appropriation collective, à s’autonomiser, à s’auto-organiser et à contribuer à la transformation de nos modes traditionnels de fabrique et de gestion des villes. Les communs urbains situent cet engagement dans la cité sous l’angle de la démocratie d’initiative partagée (contributive) portée par une pluralité d’acteurs.

Les initiatives portées par des logiques citoyennes dans les tiers espaces et les communs urbains sont très diversifiées et elles entretiennent un fort lien de perméabilité. Elles font l’objet de classifications parfois contradictoires qui demandent à être revisitées avec précision, afin que ces expériences ne soient pas détournées de leurs objectifs initiaux au profit des logiques économiques prédatrices qu’elles pensaient combattre. On peut toutefois s’appuyer sur nombre d’écrits scientifiques, de wikis communautaires, ou d’autres médias, pour noter que les communs construisent un espace politique par la production sémantique et documentaire, reliant les initiatives locales et disséminant le commoning à tous les aspects de la vie sociale.

Le public participant à la session est invité à apporter des documents et à livrer des récits relatifs à ce type d’expérimentation afin de constituer un corpus commun que les intervenants invités vont enrichir de leurs outils spécifiques et de leurs pratiques sur les terrains. Parmi celles-ci, sont prévus un film et un témoignage sur la vie à la ZAD de Notre-Dame des Landes (spécificité d’une lutte qui a su mélanger résistance et alternative à l’aéroport au profit de l’expérience d’un paysage en commun), un documentaire de WOS/agence des hypothèses sur des Zones de Gratuité, ainsi que des ouvrages relatifs aux tiers espaces et aux communs urbains.

La session compte se structurer  autour de ces quatre questions : 

  • Quel corpus théorique pour construire de nouveaux référentiels communs ?
  • Comment faire de ces expériences des fers de lance de la transition vers d’autres formes socio-économiques ?
  • Comment valider ces acquis d’expériences et cette production de savoirs et en faire de véritables leviers de transformation ?
  • Comment ces référentiels peuvent investir le champ politique afin d’orienter les politiques publiques?

Cette session-atelier se terminera par un moment récapitulatif du corpus élaboré ensemble puisqu’elle est une étape de recherche destinée à poser les bases de réflexion en vue de la journée-forum que l’UBC organisera en octobre 2020 et qui sera dédiée à ces espaces autonomes de la pensée et de l’action.

Les intervenants :

  • Hugues Bazin est chercheur indépendant en sciences sociales. Il est animateur du Laboratoire d’Innovation Sociale par la Recherche-Action (LISRA), chercheur associé à la Maison des Sciences de l’Homme Paris-Nord. Il développe une démarche autour de tiers espaces permettant de prendre en compte des populations et des problématiques qui restent bien souvent dans l’angle mort de la connaissance.
  • Claire Dehove est artiste chercheuse et scénographe. Elle a initié WOS/agence des hypothèses qui a généré des dispositifs collaboratifs tels que le Hall de Gratuité à Bobigny, Libre Ambulantage à Dakar, les Anarchives de la Révolte, les Anarchives de la Migration, le Ministère MAPHAVE à Montréal, l’Ambassade des Communs à Bordeaux et l’Ambassade de la MétaNation (avec Quebracho Théâtre).
  • Jean Pascal Derumier est spécialiste du management des organisations et de l’innovation. Après avoir été consultant puis à la direction I&R de la SNCF, il crée son entreprise de conseil spécialisée dans l’accompagnement des territoires en transition. Il est fondateur de l’association Innovation Citoyenne et Développement Durable (ICDD). Suite à trois livres sur cette problématique, sa dernière publication porte sur la transition territoriale.
  • Sylvia Fredriksson est designer et chercheuse. Elle a été commissaire scientifique de l’exposition  L’Expérience des tiers lieux à la Biennale Internationale du design de Saint-Étienne 2017. Elle est contributrice du collectif interculturel Remix the Commons et de la Myne/ Manufacture des Idées et Nouvelles Expérimentations à Villeurbanne. Elle est coordonnatrice avec Nicolas Sauret du Dossier Ecrire les Communs publié en 2019 par la revue Sens Public.
  • Tibo Labat est architecte et activiste. Membre fondateur du collectif Fertilequi s’attache à faire vivre les friches et interstices des métropoles. Il acoordonné avec l’artiste Stefan Shankland, Tuvalu, une exploration relative au métabolisme urbain, aux flux globaux de matériaux et de la régénération des sols. Il participe activement à L’habiter en Lutte du territoire de la ZAD à Notre-Dame-des-Landes.