Sommaire
S’il y a quelque chose que partage le voyageur, le dissident, le chercheur, l’immigré, le créateur, le clandestin, c’est le passage. Nous sommes dans une période de transition contradictoire et ambivalente entre les forces de réaction et de création. Faire délibérément le choix de la création invite au passage. C’est un cheminement, qui assume sa part d’incertitude. Il n’y a pas de vérité, mais des détours. Une recherche donne à penser, pas à croire.
Nous prétendons que le détour et le voyage constituent une autre rationalité scientifique qui mène au chemin de la connaissance. Le détour privilégie l’esprit de rencontre à l’utilitarisme, le voyage à la destination finale. Nous franchissons les « Colonnes d’Hercule » (limites admises de l’espace assigné), dans le détour quand la « Nova Terra » (Nouveau Monde) rejoint la « Terra Mater » (Terre-Mère) fondatrice. Ainsi, il y a des moments nomades où l’espace de la connaissance se déplie à l’horizontale, et des interzones où il se replie dans la profondeur. Il y a des moments privilégiés d’une rencontre, sans but précis où la qualité d’une présence, la disponibilité, l’imprévu, la spontanéité, l’improvisation, participent tout autant au travail de recherche que la formulation d’hypothèses et de cadres de travail rationnellement constitué.
Pourquoi faudrait-il que quelques auteurs reçus se dressent comme des colonnes d’Hercule au-delà desquelles il serait interdit de naviguer et de faire des découvertes ? Il faut rebâtir complètement le savoir à partir des fondations elles-mêmes » (Francis Bacon, Instauratio magna, 1620).
Zigzag
Les routes sont en zigzag. L’on a trop tendance à les imaginer en lignes droites. Elles sont le plus souvent multiples, marquées par des arrêts fréquents, avec ou sans « l’aide » des passeurs. Être en route, en transit, être littéralement entre deux mondes. Le passage est signe de peur comme d’espoir. Les ombres, les ténèbres forment souvent le cadre d’un passage clandestin. Mais même en pleine lumière, l’angoisse rôde. L’acte de passage est semé de contrastes. (Nancy L. Green, Trans-frontieres : Pour une analyse des lieux de passage, 2000).
Correspondance
Il est urgent que le chercheur mette en intrigue, reprenne le récit de l’autre. Il est temps de quitter notre installation en notre unique société pour reconnaître les forces du nomade : pouvoir sur les chemins qui mènent d’un lieu de sédentarité à un autre, patience du cheminement de fait dans un vaste espace qui n’admet de frontières que celles de l’imaginaire et du savoir-faire, territoire de réseaux du lien social : espaces singuliers de l’identité. » (Tarrius A., Ville, espace et valeurs, 1995).
Je suis voyageur et marin, bien inconcevable de la part de gens qui, n’ayant rien observé par eux-mêmes, n’écrivent, ne dogmatisent que d’après des observations empruntées de ces mêmes voyageurs auxquels ils refusent la faculté de voir et de penser. » (Bougainville, Voyage autour du Monde, 1771).
Dépliement
Dès que tu aperçois une demeure, tu te dis: voici mon terme. Mais à peine arrivé, tu ne tardes pas à sortir pour reprendre la route. L’existence a pour origine le mouvement. Le voyage ne cesse donc jamais.(Ibn Arabî A., Le dévoilement des effets du voyage,1994).
Itinérance
Le chercheur est itinérant dans la mesure où sa démarche pour rencontrer autrui serait plus de l’ordre du trajet que du projet. Le projet vise un résultat à venir, il est de l’ordre des fins, alors que le trajet qualifie une avancée, à petits pas, qui s’ajuste au contexte, qui s’adapte in situ aux circonstances, qui commande parfois une interruption, qui accepte, somme toute, de ralentir son rythme lorsque nécessaire. Le chercheur itinérant poursuit lentement sa route afin de se laisser tout le temps de réfléchir. Il se retourne régulièrement pour examiner le chemin parcouru, c’est-à-dire cette distance qui lie son point de départ et le carrefour d’une rencontre. La valeur de sa recherche, en fait, relève de l’analyse du chemin parcouru. Sa recherche devient une réelle démarche pour rencontrer ceux et celles à qui il donne la parole. (Denis Jeffrey, Le chercheur itinérant, 2004)
Émergences
Qu’est-ce donc la recherche du «mouvement juste», sinon cette conscience maximum d’être là, au creux du mouvement, au centre d’une exactitude, d’une précision, d’un détail, créateur d’espace, producteur de connaissance renouvelant les situations ? Nous ne pouvons saisir les émergences que dans un mouvement, non sous une forme statique [singlepic id=10 w=320 h=240 float=right](folklore, commerce). Entre l’élan du mouvement et la contrainte de la forme, il y a parfois un équilibre harmonieux, sans que l’un prédomine tout en entraînant l’autre. Les forces de réactions, en pensant la maîtriser, laissent échapper la vie ; les forces de création, en se refusant à tout contrôle, la maîtrisent.
Ce qu’il y a avec les graffitis c’est que, avant que l’on ne pénètre de force, ou d’une autre façon d’ailleurs, dans le monde de l’art, on avait déjà notre propre monde de l’art. On avait nos propres règles. À Soho par exemple, certaines galeries avaient peut-être un certain prestige, mais de la même manière, certaines lignes de métro étaient aussi très célèbres, si tu pouvais y travailler, tu étais vraiment très haut placé dans la hiérarchie du mouvement graffiti. (Futura, Coming from the subway, 1984)
Où commence le mouvement ? Où finit-il ? S’il est difficile, voire impossible, de définir un début et une fin au mouvement, c’est sans doute parce qu’il en appelle toujours un autre. Il n’y a pas de passage de relais entre deux mouvements, il y a toujours continuité : nous ne cessons jamais de nous mouvoir. (Sophie Berrué, Le mouvement infini, 2002)
Les formes ont leur vie propre, elles s’engendrent elles-mêmes et s’autoproduisent, elles naissent de processus pour ainsi dire autonomes, en tout cas indépendants de la volonté anecdotique des hommes qui croient les produire. (Focillon, La vie des formes, 1943)
Le mouvement est présent et indivisible. Vous aurez beau rapprocher à l’infini deux instants ou deux positions, le mouvement se fera toujours dans l’intervalle entre les deux (Gilles Deleuze, L’Image-Mouvement, 1983).
Toute forme incarne un système de pensée… la forme représente un système de pensée, une conception du comportement, une façon de modeler. Des attitudes nouvelles émergent avec l’emploi de ces formes (Susan Condé, 2002).
La société et la culture résultent d’une production continue. Il n’y a pas de société achevée, pas de culture achevée. En ce sens, il n’y a pas de hiérarchisation possible. Il faut raisonner en termes d’inachèvement. Nous sommes tous producteurs du social, tous producteurs de la culture. La société, C’est un peu comme l’horizon qui s’éloigne quand on s’en approche. Ce bel ensemble unifié qu’on nous dit, n’existe pas, mais reste continuellement à faire. Et c’est notre dignité. C’est le défi auquel nous avons à répondre. Il n’y a pas de transcendance à laquelle s’en remettre, il y va de notre lieu et de notre temps (Georges Ballandier, Ordre et désordre, 1994).
La maîtrise du dessin et de la couleur, les différentes échelles, l’imagerie populaire colorée, le risque du travail « non autorisé » et le rapport direct entre l’artiste et le public, je me rappelle mon premier dessin dans la rue. Toutes sortes de personnes s’arrêtaient et voulaient donner leurs sentiments. C’était la première fois que j’ai réalisé combien de personnes pouvaient apprécier l’art si on leur donnait la chance. Ce n’étaient pas les gens que l’on voit dans les musées ou dans les galeries, mais un morceau de l’humanité à travers ses différences. L’art prend réalité dans les yeux du spectateur et gagne sa puissance par l’imagination, l’invention, et la confrontation. Mes dessins sont conçus pour provoquer une pensée et exercer l’imagination, à l’inverse de la publicité qui vous dit exactement que penser. Si ma carrière est maintenant reconnue en surface, je préfère continuer à travailler dans les souterrains. Le subway-art trouve une réalité vraie dans ces lieux de passage et de transit. C’est dans ce contexte qu’une expression d’espoir et de beauté porte ses fruits. (Keith Haring, Art in transit, 1982)
Par « culture commerciale », j’entends cette partie de la culture qui est produite et vendue, ou qui est produite pour être vendue. Par « culture non commerciale », j’entends tout le reste. Aujourd’hui, cette démarcation nette entre le libre et le « contrôlé » a disparu. Pour la première fois dans notre tradition, les moyens habituels par lesquels les individus créent et partagent leur culture tombent sous le coup de la loi, qui a étendu son emprise à des pans entiers de la culture jusqu’ici libres de tout contrôle. La technologie, qui jusqu’ici avait préservé l’équilibre historique entre la culture libre et la culture nécessitant une « permission », a été défaite. La conséquence est que notre culture est de moins en moins libre, et de plus en plus une culture de permissions. Il ne s’agit pas d’un protectionnisme qui protège les artistes. C’est plutôt un protectionnisme qui permet de protéger certains secteurs d’activité. (Lawrence Lessig, Free Culture, 2004)
Architecture fluide végétale
Sur une autre conception des modes de structuration de l’expérience humaine
Notre charpente existentielle s’approche plus de la fluidité du végétal que de la rigidité du vertical. Le schéma conventionnel qui voudrait qu’une architecture soit figée et rectiligne pour nous porter et nous structurer nous empêche finalement de vivre et nous fragilise.
Si nous appliquons à l’expérience humaine ce nous dit La Fontaine dans le « chêne et le roseau », alors le plus résistant n’est pas apparemment le plus solide.
Claude Parent et Paul Virilio avaient théorisé à leur époque l’alternative d’une « architecture oblique ». Cet esprit des espaces en pentes favorise le mouvement et replace le corps au centre des interactions quelque part où le sensible et l’intelligible s’enrichissent mutuellement…
S’appuyer sur le végétal permet de réintroduire ces « espèces d’espaces » de Georges Perec particulièrement menacées d’extinction : les espaces autonomes ou interstitiels, là où peut s’exercer une qualité de présence, des histoires de rencontres, des chemins que se dessinent en marchant.
L’image la plus juste serait un jardin plutôt sauvage échappant aux lois domestiques. C’est précisément un espace qui pousse du milieu, dont le processus d’émergence ne peut être défini par ses extrémités. Laissez un morceau de ville en friche, un espace sans fonction et voyez comment l’esprit rebelle écarte les murs.
C’est impressionnant, la force d’un brin d’herbe, alors un être humain, imaginez s’il se met simplement à changer de point de vue, d’un obstacle qui sépare en faire un lieu qui réunit, imaginez cette force qui joue des contraintes d’autant de lézardes esthétiques comme un exercice de style à la Queneau, elle peut alors soulever n’importe quel obstacle comme levier de transformation sociale.
Il faut de l’espace pour innover, cette architecture fluide nous l’enseigne et indique par là un autre rapport au temps. Habituellement opposés par l’esprit gestionnaire et sécuritaire, l’éphémère à la durée, le mobile et le stable se rejoignent ici dans le même mouvement de l’expérience comme des situations en spirales.
Cette force instituante crée de l’espace dans l’ordre même de l’institué et ainsi fait évoluer l’institution de l’intérieur, condition incontournable pour renouveler le pacte citoyen et faire société.
Ce mouvement souple, imaginatif du vivant construit et déconstruit les villes, sous l’apparence de l’interstitiel et de l’éphémère crée des centralités résistantes à l’enfermement et aux ghettos comme ces cultures populaires émergentes avec ses interfaces et ses déambulations.
Alors, quand le « culturel » (industriel ou institutionnel) empêche ce travail de la culture, muséifie et commercialise l’espace, revenons au jardinage! Les architectures fluides et végétales favorisent cet art de cheminer ensemble et gardent ouvert un champ du possible quand l’espace public retrouve sa fonction politique.
L’albatros
Souvent, pour s’amuser, les hommes d’équipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
Le navire glissant sur les gouffres amers.
A peine les ont-ils déposés sur les planches,
Que ces rois de l’azur, maladroits et honteux,
Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
Comme des avirons traîner à côté d’eux.
Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule!
Lui, naguère si beau, qu’il est comique et laid!
L’un agace son bec avec un brûle-gueule,
L’autre mime, en boitant, l’infirme qui volait!
Le Poète est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l’archer;
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l’empêchent de marcher.
Baudelaire, Les Fleurs du mal.
Syndrome albatros
Clown masqué décryptant les arcanes de la nuit
Dans les eaux troubles et noires des amours-commandos,
Tu croises des regards alourdis par l’oubli
Et des ombres affolées sous la terreur des mots.
Toi qui voulait baiser la terre dans son ghetto,
Tu en reviens meurtri, vidé par sa violence
Et tu fuis ce vieux monstre à l’écaille indigo
Comme on fuit les cauchemars souterrains de l’enfance.
De crise en delirium, de fièvre en mélodrame,
Franchissant la frontière aux fresques nécrophiles,
Tu cherches dans les cercles où se perdent les âmes
Les amants fous maudits, couchés sur le grésil
Et dans le froid torride des heures écartelées,
Tu retranscris l’enfer sur la braise de tes gammes,
Fier de ton déshonneur de poète estropié,
Tu jouis comme un phénix ivre-mort sous les flammes
Puis, en busard blessé, cerné par les corbeaux,
Tu remontes vers l’azur flashant de mille éclats
Et malgré les brûlures qui t’écorchent la peau
Tu fixes dans les brumes : “Terra Prohibida”;
Doux chaman en exil, interdit de sabbat,
Tu pressens de là-haut les fastes à venir
Comme cette odeur de mort qui précède les combats
Et marque le début des vocations martyres,
Mais loin de ces orages, vibrant de solitude,
T’inventes un labyrinthe aux couleurs d’arc en ciel
Et tu t’en vas couler tes flots d’incertitude
Dans la bleue transparence d’un soleil torrentiel.
Vois la fille océane des vagues providentielles
Qui t’appelle dans le vert des cathédrales marines.
C’est une fille albatros, ta petite sœur jumelle
Qui t’appelle et te veut dans son rêve androgyne…
Paroles: Hubert-Félix Thiéfaine.
Musique: Claude Mairet “Eros uber alles” © Editions Lilith-Dimanche
Le complexe de l’albatros
Je me croirais le plus heureux des mortels, si je pouvais faire que les hommes pussent se guérir de leurs préjugés. J’appelle ici préjugés, non pas ce qui fait qu’on ignore de certaines choses, mais ce qui fait qu’on s’ignore soi-même. (Montesquieu [1748] (préface à L’Esprit des lois)
Il peut paraître banal de comparer l’Albatros du poète, piteusement empêtré dans ses grandes ailes blanches dès qu’il abandonne les hauteurs pour se mettre au niveau du commun des hommes.
On sait que le mot « albatros » vient du vocable portugais « alcatraz » qui nous rappelle le célèbre pénitencier de San Francisco dont la réputation assurait que l’on ne pouvait s’en évader… Jusqu’au jour où trois condamnés à la réclusion à vie réussirent l’exploit de s’en échapper, ce qui condamna l’établissement. On ne les reverra jamais et on a même supposé qu’ils s’étaient fait refaire le visage et avaient changé d’identité !
Peut-on parler de liberté (puisque c’est de cela qu’il s’agit) lorsqu’ils se trouvent réduits à choisir entre deux souffrances ? Ou bien faire pénitence et purger leur peine à perpétuité, en renonçant à leurs potentialités et en développant un sentiment de frustration. Ou bien tenter de s’évader, de fuir dans la solitude, la psychose ou le suicide, de se désolidariser de leur milieu, et de paver leur pseudo-liberté au prix de la marginalisation et de la culpabilité. S’adapter ou être exclu.
Il devient « l’infirme qui volait » dépeint par BAUDELAIRE. Alors, intellectualiser ou s’inhiber ? Se défendre ou s’interdire ?L’indicible pourrait prendre les traits de l’impensable.Ainsi que le disait FREUD, « de tous temps, ceux qui avaient quelque chose à dire et ne pouvaient le dire sans danger, se coiffèrent du bonnet du fou ».
Leur insertion sociale est difficile et souvent originale. Les professions précaires ou peu courantes sont privilégiées. Ils semblent de plus être porteurs de valeurs qui les particularisent : pas de recherche de l’argent ni de la réussite sociale en général, valorisation par contre de la solitude, du temps libre, des loisirs, du retour à la nature et évitement de la routine et des contraintes hiérarchiques.
Docteur Alain Gauvrit, Le complexe de l’albatros.
Complexité
Développer une organisation en « carte de pensée », c’est libérer et promouvoir la pensée créatrice. Cette organisation non hiérarchique et linéaire de la connaissance s’oppose au conformisme qui d’habitude limite notre capacité d’entendement. En effet, nous sommes contraints dès le plus jeune âge à entrer dans des cadres rigides qui s’opposent à la manière dont fonctionne naturellement notre pensée. Cette carte mentale, sur le principe de l’organisation neuronale, de la navigation libre, « errante, non-rationnelle », favorise par associations et correspondances, renvois multiréférentiels, la mise en lien inédit des idées et des concepts tout en permettant d’inclure ces composantes dans une unité cohérente visible. Une carte de pensée est donc un système de relations articulées autour de nœuds conceptuels. Cette représentation graphique de la connaissance rejoint le principe de la complexité propre à la recherche-action. Par cette mise en visibilité, la carte de pensée permet une conscience de la complexité sans prendre le risque du réductionnisme inhérent à une approche analytique classique qui sépare les éléments. Nous pouvons assimiler de nouvelles perspectives de réflexion et d’action dans nos structures cognitives de compréhension et de perception existantes. Nous pouvons alors concevoir, produire, communiquer et diffuser (comme ici à travers ce support), des organisations complexes ; mais aussi les analyser, les diagnostiquer, les évaluer.
En isolant et/ou morcelant ses objets, le mode classique de connaissance efface non seulement leur contexte, mais aussi leur singularité, leur localité, leur temporalité, leur être et leur existence et il tend à décharner le monde ; en réduisant la connaissance des ensembles à l’addition de leurs éléments, il affaiblit notre capacité à remembrer les connaissances ; plus généralement, il atrophie notre aptitude à relier (les informations, les données, les savoirs, les idées) au seul profit de notre aptitude à séparer. Or une connaissance ne peut être pertinente que si elle situe son objet dans son contexte et si possible dans le système global dont il fait partie, que si elle crée une navette incessante qui sépare et relie, analyse et synthétise, abstrait et réinsère dans le concret. (Edgar Morin, Jean-Louis Le Moigne, L’intelligence de la complexité, 1999).
Le cerveau n’est pas un centre de pouvoir, mais un organe démocratique. (Edgar Morin, La méthode. La connaissance de la connaissance, 1986).
Pour moi, la “complexité” n’a rien à voir avec le “compliqué”. Il s’agit plutôt des espaces créés par les relations entre différents éléments. Et plus ces différents éléments sont simples, plus les relations sont intéressantes visuellement et plus elles créent de la complexité. (Pascal Dombis, 2005)
Beaucoup de gens ont un arbre planté dans la tête, mais le cerveau lui-même est une herbe beaucoup plus qu’un arbre. À la différence des arbres ou de leurs racines, le rhizome connecte un point quelconque avec un autre point quelconque. Le rhizome n’est pas fait d’unités, mais de dimensions, ou plutôt de directions mouvantes. Il n’a pas de commencement ni de fin, mais toujours un milieu, par lequel il pousse et déborde. Il constitue des multiplicités. » (Gille Deleuze et Félix Guattari, Mille Plateaux, 1980)
Les logiques disciplinaires visent fondamentalement à l’institutionnalisation et à la normalisation des discours et des pratiques. Elles ont une tendance naturelle à la reproduction de l’existant, même si la rupture et la marginalité peuvent y faire valeur (Yves Jeanneret et Bruno Ollivier, Les sciences de l’information et de la communication : savoirs et pouvoirs, 2004)
Dans la spirale ordres-désordres, l’œuvre est l’émergence éphémère d’une hybridation, un passage. De la peinture aux nouvelles technologies, un champ se matérialise : réseaux – jeux d’échelles – prolifération – autosimilarité – hybridation – récursivité structures dissipatrices – effet papillon attracteurs étranges – infinitisation. Le paradigme de la complexité chaotique-fractale constitue la dynamique privilégiée de la recherche contemporaine des pratiques et du savoir. Aujourd’hui, nous nous engageons dans un renouveau radical du modèle de création. (Le manifeste du Groupe Art et Complexité)
L’art fractal se tient à l’écart de toute transcendance. Bien au contraire, il s’appuie sur l’observation à la fois méthodique et intuitive de la nature qui procède par saturation de l’espace, se reproduit par itération, récurrence, compilation d’un ensemble à l’image du détail, autant de règles parfois infléchies par d’imprévisibles hasards. Ce dynamisme interne fonde l’esthétique de l’art fractal (Philippe Biget, Le jardin limousin, 2004)