« Je ne plierai pas, je ne m’en irai pas en silence. Je ne me soumettrai pas. Je ne me retournerai pas. Je ne me conformerai pas. Je ne me coucherai pas. Je ne me tairai pas. Le courage, c’est de chercher la vérité et de la dire ; ce n’est pas subir la loi du mensonge triomphant » (Jean Jaurès).
Samedi 17 octobre à la Maison du Temps Libre de Stains nous assistions à la lecture d’Octobre 61, j’ai vu un chien pièce pour le théâtre et pour un « travail de mémoire » de Patrick KARL inspirée par Jean-Luc Einaudi dont les écrits ont mis en lumière le rôle de l’État français dans la répression des luttes pour l’indépendance algérienne. Débusquant la censure et le mensonge d’État, son livre La bataille de Paris levait le voile sur l’une des pages les plus sombres de l’histoire franco-algérienne, sur laquelle l’université ne s’était, jusque-là, guère penchée. Le 17 octobre 1961, et dans les semaines qui suivirent, « plus de cent cinquante personnes sont mortes ou disparues », pointant du doigt la responsabilité des forces de l’ordre – alors dirigées par le préfet de police Maurice Papon.
« L’histoire de la colonisation et des décolonisations est un ensemble de tragédies inachevées. Une chaîne de causalités dont les rouages agissent toujours au gré du ressac et des résurgences nourrissant ainsi le limon de nos sociétés en crises successives justifiant les pratiques d’un État sanglé par le capitalisme en constante adaptation ».
Patrick Karl, comédien et metteur pour le théâtre depuis 1980, a cheminé à la rencontre du Théâtre d’Art. Sa pièce « Octobre 61, j’ai vu un chien » est composée de ses souvenirs, mais s’inspire en particulier de celle de Fatima Bedar, la plus jeune victime recensée de ce crime d’État.
Ce 17 octobre 2015, j’étais en compagnie du chorégraphe Mehdi Slimani créateur du spectacle « LeS DisParuS » avec la Cie No MaD en mémoire des disparus du 17 Octobre, « à la mémoire de tous les justes qui disparaissent dans le silence. Pour la mémoire, pour l’apaisement, contre l’oubli et la barbarie, l’intimité d’une danse, pour une dignité retrouvée… »
Pour cette soirée, nous étions accueillis par Azzédine Taïbi, le maire de Stains, rare maire « issu de la diversité » comme disent les médias d’une ville de 35000 habitants. Il m’a précisé qu’il était éducateur de rue avant de reprendre des études, comme je le fus aussi tout près dans la ville de Garges-les-Gonesse avant de reprendre des études. S’il existe une posture universelle où nous pouvions nous retrouver, c’est bien celle de « marginal sécant » ou « passeur ».
La diversité prenait un sens politique dans la salle, de tous les âges et de toutes les couleurs à écouter ce texte de théâtre dans la conscience et l’affirmation d’être acteur historique, non pas simplement dans une référence au passé, mais dans ce qui se forme en ce moment, à travers ce récit collectif en train de s’écrire. Plus précisément, les personnes s’écrivent et ne veulent plus être écrites par ceux qui imposent un « récit national » fantasmatique, vide abyssal et nauséeux de la logorrhée néoréactionnaire et xénophobe.
Une intelligence sociale existait ce soir-là comme un moment respirable avec ceux qui œuvrent sans relâche à un travail d’émancipation par la culture. Si l’éruption salvatrice vient, les quartiers populaires et les minorités actives en seront bien l’avant-garde.