Théâtre de la Grange

Présentation

Cette partie présentation est la synthèse d’un entretien réalisé entre l’équipe associative et le laboratoire de recherche (LISRA) le second semestre 2018.

L’association du Théâtre de La Grange a une convention avec la Ville de Brive et est locataire du lieu municipal qu’elle occupe. Le théâtre est utilisé par sept compagnies, qui ont chacune leur association distincte. Quatre nouvelles compagnies ont été accueillies depuis 2012. Il a fallu revoir les statuts prévus à la base pour les 3 compagnies, taillés sur mesure pour elles et faire de la place pour ces nouvelles troupes qui constituent la vie du théâtre. Il y a en plus une programmation de compagnies professionnelles à l’année sur laquelle nous sommes complètement autonomes. Nous ne nous contentons pas de faire venir des troupes, nous souhaitons qu’elles animent des stages pour faire des échanges de pratiques entre professionnels et amateurs. Les échanges de pratiques sont notre marque de fabrique, notre ADN.

Le CA oscille entre une fonction classique du travail artistique et une orientation s’inscrivant dans une logique de développement culturel davantage tournée vers le territoire.

Se pose la question de l’histoire du lieu et de son organisation décisionnelle, dans laquelle les compagnies historiques jouent un rôle majeur. Elles sont au nombre de trois et occupent chacune deux places dans le CA alors que les quatre autres compagnies n’occupent qu’une place. Le dispositif représentatif est complété par 6 membres élus, lesquels font le plus souvent partie des différentes compagnies.

Les statuts sont structurés autour du principe de résidence, donc un double enjeu apparaît : d’un côté questionner l’équilibre de la gouvernance et la notion de résidence qui est centrale dans le projet de l’association, et de l’autre côté, élargir la réflexion sur le rapport de l’association aux autres acteurs du territoire.

Le quartier est mal desservi, il est composé d’une population pauvre, de beaucoup de familles monoparentales, de personnes au chômage, de logements sociaux. Les gens bougent beaucoup ici, ils ne restent pas. Donc l’investissement au Théâtre, en tant que spectateur ou bénévole est compliqué, car les habitants partent. Notre isolement géographique participe à cette difficulté à faire des partenariats avec les autres ici. Il n’y a pas d’autres associations à côté.

Cependant, avec l’ANRU, l’aménagement à venir du quartier va apporter des modifications profondes. Il va notamment changer l’isolement du Théâtre, car bientôt il y aura du passage, les gens vont se garer, il va y avoir une salle polyvalente, nous allons nous retrouver au centre du quartier.

Nos financements publics sont en baisse. Donc créer de nouveaux emplois pour le quartier ne peut pas être notre priorité, il faut d’abord maintenir les emplois existants.

Pour l’instant les demandes de subvention sont de plus en plus sur projet, c’est-à-dire que cela ne rapporte rien, juste plus de travail. Le temps qu’on passe à faire des dossiers de subvention, on ne le passe pas dans le quartier, c’est fastidieux, il faudrait que l’on soit beaucoup plus pour avoir une action territoriale.

Problématisation

Cette partie propose de faire émerger des problématiques transversales à partie de l’analyse de l’entretien par l’équipe de recherche en dialogue avec la démarche réflexive engagée par les acteurs associatifs.

Nous abordons ici un vieux débat sur la démocratisation de l’accès à la culture puisque les habitants du territoire ne sont pas principalement ceux qui fréquentent le théâtre, mis à part le public touché dans le cadre d’actions menées en direction de l’école, du foyer logement, de l’EHPAD, des ateliers dans le cadre de partenariat avec la ville. Comment imaginer d’autres partenariats avec de nouveaux membres porteurs de ces dynamiques territoriales ?

Sachant que chaque compagnie est constituée en association, qui par ailleurs touche des subventions, en quoi le Théâtre de la Grange constitue-t-il un ciment ou une interface permettant de favoriser des formes d’action coopératives ?

Inversement, comment imaginer une prise en compte des demandes qui pourraient remonter du territoire ? Comment penser des espaces de transition et intermédiaires ? Il s’agit ici d’envisager l’articulation entre une logique de résidence et une logique de développement culturel inscrit dans une localité.

La rénovation du quartier entrainera une nouvelle position du théâtre dans le voisinage. Pour autant, est-ce que le simple fait d’être plus visible dans le quartier permettra d’être reconnu, accepté, accueilli comme faisant partie du quartier ? Ne faut-il pas imaginer des espaces de croisement, permettant à chacun (habitants, école, foyer HLM, acteurs locaux) d’être en capacité de penser le quartier et non uniquement de subir les aménagements décidés par ailleurs ? Quel rôle le Théâtre de la Grange pourrait-il jouer dans cette organisation politique locale ?

Cette réflexion pourrait être élargie à d’autres formes d’aménagement. Comment le théâtre pourrait être pensé comme un lieu qui transforme son environnement (et pas uniquement la localité), c’est-à-dire des contraintes extérieures, comme l’économie, la concurrence ? Comment une association d’éducation populaire pourrait proposer d’autres modèles économiques, décisionnels ? Comment peut-elle prendre une place dans les décisions publiques qui lui échappent, notamment en dehors de son champ d’action (culturel) ?

L’économie impose un temps « tendu », de réagir aux opportunités et aux appels à projets, mais aussi une certaine expertise, un savoir gestionnaire, comptable et managérial. Les associations ont tendance à accepter cette voie pour survivre. Mais la perspective originelle de l’éducation populaire n’est-elle pas cette capacité de transformation sociale à mémé de faire bouger les contraintes économiques en vue de l’émancipation des acteurs sociaux ? Comment s’organiser pour les que les transformations venues de l’extérieur (politiques des collectivités, système économique, aménagement du territoire, mise concurrence des acteurs du territoire…) ne soient pas subies ?

Cette perspective d’éducation populaire demande certainement d’ouvrir les espaces de pensée, de discussion, de controverse, de recherche et d’action, pour, à plusieurs, pouvoir avoir prise sur notre environnement, et ne pas être sans cesse en position de réajustement par rapport à lui.

Contact

12 rue René Glangeaud – 19100 Brive

Publié par

Hugues Bazin

Chercheur indépendant en sciences sociales,

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