MRJC / VASI JEUNES

Présentation

Cette partie présentation est la synthèse d’un entretien réalisé entre l’équipe associative et le laboratoire de recherche (LISRA) le second semestre 2018.

Vasi Jeunes (Valorisation, Appui, Soutien aux Initiatives Jeunes) est une association d’accueil, d’animation, et d’éducation populaire, créée en 97 par le MRJC. Depuis une ancienne ferme et ses terres qu’elle gère et anime, l’association s’est engagée dans le projet des Fabriques du Monde Rural lancé par le Mouvement.

L’association accueille des porteurs de projets « en test », des camps, des passants ayant besoin de se poser, et des gens qui viennent presser des pommes. Il y a une animation importante autour du pressoir, pour des camps, mais aussi au niveau des enfants et des familles. Par sa capacité de réflexion, c’est le MRJC qui amène le volet formation (bafa, bafd). La salle principale de la ferme a été faite avec des jeunes et des artisans, c’était déjà une formation en soi qui permet d’en accueillir d’autres. Par exemple, nous organisons des chantiers participatifs, comme les cabanes en bois cordé. L’idée c’est de faire avec les gens et pas à leur place.

Ce lieu était à l’abandon depuis 42 ans et a été donné au MRJC pour le mettre au service des jeunes.

Il y a à la fois dans le mouvement une dimension sociale et une dimension spirituelle. C’est un courant de transformation sociale, et un des buts du MRJC est de contribuer à la conscience sociale, économique et politique.

Le projet se déroule dans un territoire qui repose sur le mouvement associatif (JEP ou culturel). Il repose donc sur peu de gens, car nous sommes sur un milieu très rural. Avec les années qui passent, les associations vivent plus ou moins bien d’un point de vue financier, mais sur des territoires comme Le Nôtre, elles permettent de maintenir des liens et des activités. Ceux qui arrivent ou qui reviennent après y avoir vécu plus jeunes (certains cherchent le rural après avoir connu la ville), trouvent ici des structures, ils peuvent amener les enfants à l’école, leur faire faire des activités, il y a une vie ici. Il est possible d’accueillir des gens, de l’extérieur ou du coin, qui ont besoin d’un lieu en dur, pour faire des séjours, seuls ou en groupes. C’est pourquoi il faudrait pérenniser ce lieu et l’agrandir pour qu’il fonctionne toute l’année (car l’hiver, il faut aimer y vivre, c’est un territoire semi-montagneux un peu rude). Améliorer les conditions d’accueil toute l’année permettrait de faire vivre le territoire et de le faire connaître. Puis de donner envie aux gens d’y faire plus de choses.

Le territoire est excentré, sans aucune influence des métropoles, les retombées des grandes villes sont insignifiantes ici. Donc nous aimerions faire un groupe de réflexion sur les questions de ruralité, tout en étant en appui sur cette localité. Nous nous demandons comment faire sens en société et pensons qu’aujourd’hui il y a un moment favorable pour rebondir et se penser sur le territoire. Ici il y a un potentiel, la beauté de notre pays et sa qualité. Ce sont des leviers de transformation sociale.

Le MRJC est là pour développer des dynamiques de jeunes sur les territoires. Comment faire pour qu’il y ait une dynamique de bénévoles dans notre territoire où il est si compliqué de trouver des bénévoles ? Les jeunes sont plus enclins à quitter la localité qu’à y rester.

Il faudrait que nous adoptions une manière d’être qui rendre le participatif possible. Vasi pourrait être un outil participatif, opérationnel et partageable. Cela nous demanderait aujourd’hui d’inclure des habitants, de s’ouvrir, d’être dans une logique différente, et en même temps que cela soit rentable économiquement, sans pour autant que cela dénature le projet social.

Problématisation

Cette partie propose de faire émerger des problématiques transversales à partie de l’analyse de l’entretien par l’équipe de recherche en dialogue avec la démarche réflexive engagée par les acteurs associatifs.

L’association se questionne sur sa manière d’établir des jonctions avec son environnement, son voisinage et sa localité. Elle constate une tension entre le désir d’expérimenter le « vivre ensemble » et le fait d’être partie prenante dans une société et une localité où l’accueil de populations extérieures au territoire, notamment les « jeunes venus des cités », ne va pas de soi. La volonté d’établir un lien avec le territoire et que « ça bouge » est contredite par certains freins posés par les habitants locaux. L’association a la sensation que rien ne se ferait si tout le monde devait se mettre d’accord localement. La participation des habitants peut effectivement relever parfois d’une injonction venue d’ailleurs (idée de la « démocratie participative ») et ne pas trouver d’écho dans la vie d’une localité, déterminée par d’autres problématiques. Dans ce cas, quelles stratégies ou tactiques adopter ? L’inertie qui pèse sur un territoire est-elle totale ou laisse-t-elle en friche des espaces interstitiels de liberté que l’association pourrait occuper, animer, faire vivre ? Comment se décaler par rapport aux attentes et aux grands principes de la participation des « citoyens » et agir sur d’autres terrains délaissés (la forêt par exemple) ? Comment provoquer des rencontres qui permettent aux habitants de se positionner autrement ? Comment bousculer les habitudes tout en respectant une histoire et une culture locale ? Justement, réfléchir avec les habitants sur l’histoire, la culture, les pratiques et la sociabilité d’un territoire ne serait-elle pas une manière de faire émerger une intelligence commune de situations partagées ? Cela demande moins de penser le territoire en tant que lieu à développer ou aménager (comme le font les politiques publiques ou privées d’aménagement), que de l’envisager en tant qu’espace de croisement et de controverse, où chacun est en capacité d’exprimer les situations qu’il y vit. Ce serait une manière de faciliter l’émergence du commun.

Le fonctionnement du MRJC est basé sur un engagement relativement court des jeunes (projets de 2 ou 3 ans) et aujourd’hui le Mouvement souhaite se projeter sur de plus longues périodes, pour penser ses modèles économiques et son implication sur les territoires. Comment passer d’une logique de projet à court terme avec un turn-over important de bénévoles, et entrer dans un processus s’élaborant dans la durée, permettant la transmission, la continuité et de construire des dynamiques de transformations économiques et sociales qui s’inscrivent dans le temps et les territoires ? Comment changer les manières de se projeter et de penser son rapport au temps ? Il y a ici une tension entre le temps économique qui demande de la réactivité, de l’adaptabilité, un sens de l’opportunité, et le projet social du Mouvement qui se fonde sur l’idée de la transformation. L’urgence de trouver des solutions économiques entre en conflit avec le temps long, lent, moins dense et agité, nécessaire au processus qui façonne les pratiques communes et partagées. Similaire à cette tension temporelle, une contradiction territoriale se fait sentir, entre des impulsions pensées par le Mouvement national (comme les Fabriques du Monde Rurale) et leurs déclinaisons opérationnelles qui ne peuvent se faire que par l’implication pratique de militants en prise avec des problématiques locales. Ouvrir l’espace intermédiaire où pourraient se dire et s’écrire ces tensions contradictoires serait peut-être un moyen de les mettre en mouvement et d’accompagner la conscience de chacun dans la compréhension des enjeux qui touchent son activité et son association. Autrement dit, c’est l’espace de réflexivité qui permet à chacun de se positionner en tant qu’acteur et auteur, plutôt qu’agent.

Enfin, l’association Vasi Jeunes a développé des savoirs et des pratiques autour de ses métiers historiques (chantiers, animations, pressage de pommes) et de son lieu. Aujourd’hui elle ressent le besoin de faire évoluer ses propres pratiques et les espaces dans lesquelles elles se déroulent. Elle souhaite être consciente de son histoire, sans pour autant la reproduire indéfiniment. Mais ce n’est pas sans friction avec sa culture et ses métiers. Comment mettre ces « professionnalités » (entendues comme culture autour des pratiques, au-delà des catégories de professionnel, bénévole, salarié…) en discussion dans l’association ? Comment articuler les aspirations individuelles avec le commun imposé par la ferme et sa localité, par l’association et son histoire ? Se dessine ici un espace de discussion interne et dédié aux questions des métiers en jeu dans l’association, qui pourrait s’inscrire dans la durée et la régularité, et qui permettrait de mettre en dialogue les différentes approches qui cohabitent dans un même lieu. Ce serait un moyen d’avoir prise sur la transformation de l’activité, plutôt que de se la laisser imposer de l’extérieur par le contexte économique par exemple.

Contact

La Forêt Belleville – 23250 Vidaillat

Publié par

Hugues Bazin

Chercheur indépendant en sciences sociales,

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