Ce qu’indique la recherche-action, c’est que l’on ne peut pas changer les cadres d’action sans changer les cadres de pensée et réciproquement. Il ne s’agit donc pas seulement de donner la parole aux personnes, mais aussi de permettre un changement de regard des institutions sur les personnes intéressées, engager des espaces coopérations qui conduisent à une transformation des pratiques et des fonctionnements. Ce sont ces transformations qui sont cœur de la recherche-action. Cela peut se mesurer d’un côté par la possibilité d’orienter les politiques et des dispositifs et de l’autre produire des savoirs.
À la différence d’une ingénierie de projet qui vise avant tout à la résolution technicienne d’un « problème », ici il s’agit plutôt de veiller à ce que toutes les personnes concernées puissent prendre une position d’acteurs-chercheurs sur les questions qui les concernent. C’est donc un mouvement qui part naturellement du « bas » vers le « haut », de la maîtrise d’usage à travers des expérimentations, vers la maîtrise d’œuvre et d’ouvrage sous la forme de lieux de délibération collective et d’orientation politique.
Nous devons déjà dépasser la contradiction initiale où le dispositif d’une recherche-action est initié du « haut » (institutions) pour aller vers le bas (populations) alors que le principe de la recherche-action essaie d’instaurer un mouvement inverse. Il s’agit donc de trouver les espaces de croisement qui permettent de déplacer les postures et se rapproprier le processus afin de réduire la distance entre dispositif et principe. C’est ainsi que nous évoquons l’idée de « laboratoire social » et « d’espace instituant » offrant la possibilité de lier les deux.
- L’entretien peut prendre différentes formes, individuelles ou collectives. Par exemple l’entretien « conscientisant » a pour objectif d’amener la personne à travailler sur ses propres matériaux biographiques, valoriser une cohérence et se sentir respecter dans une totalité qui fait sens. Ce qui ne veut pas dire que provoquer un entretien déclenchera mécaniquement chez la personne un processus réflexif sur son expérience, mais si les entretiens sont systématiquement enregistrés et retranscrits, la lecture et l’écriture sont placés au centre du processus d’aller-retour. La forme « récit de vie » offre les matériaux pour des ateliers de recherche-action.
- L’atelier de recherche-action est une configuration humaine et sociale nourrie par des parcours d’expérience et des expérimentations collectives. L’atelier offre une unité de temps, de lieu et d’action avec un rythme de rencontres et se donne un objet limité, défini à partir des pratiques communes aux membres. Ce cadre contribue à structurer la conduite de recherche. Les réunions d’acteurs autour de problématiques communes amènent dans un temps donné à une production collective qui se finalise par un écrit de recherche. L’écrit, quelle que soit sa forme permet de rendre visible ce processus et partager la connaissance avec d’autres.
- La cartographie sociale à partir de parcours territoriaux, de rencontres et d’interview, d’ateliers, vise à la construction et la visibilité de savoirs collectifs (ressources humaines du territoire, compétences collectives, émergence de pratiques, nouvelles mobilités, réseaux ou initiatives informels et autonomes, modes de formation par les pairs et d’échange réciproque du savoir, etc.) par et pour les habitants d’un territoire donné, afin qu’ils se forment et se positionnent en tant qu’acteurs de la transformation sociale en faisant varier les échelles (structure, quartier, relations entre quartiers, ville, agglo, etc.)