De l’absurdité des parkour-parks

Cette démonstration aura l’avantage de se contenter de peu de mots dans la mesure où les arguments qui la motivent relèvent davantage du bon sens que d’un quelconque débat intellectuel.

En effet, pour constater l’incompatibilité des parkour-parks avec la pratique du parkour, il suffit de se reférer à la définition de ce dernier.

1-Définition du parkour

« Le parkour, c’est l’art de se déplacer, aussi bien dans le milieu urbain que dans le milieu naturel, et c’est se servir en fait de toutes les constructions ou les obstacles qui ne sont pas prévus pour à la base » (David Belle, fondateur du parkour)

2-Voie de conséquence

« Le monde est un terrain de jeux », disait David Belle. Si le monde est un terrain de jeux, nul besoin d’en construire! Tout est déjà là, partout autour. Encore faut-il savoir regarder autour de soi.

Se servir de tout ce qui n’est pas prévu pour à la base. Ce n’est pas là un point de détail de la définition, mais bien son coeur, ce qui caractérise cette pratique, c’en est l’essence. Aussi, le débat de savoir si un tel préfère pratiquer sur les parkour-parks plutôt qu’avec ce qui l’entoure est à replacer dans son contexte: il ne s’agit pas là d’une voie, d’une manière de pratiquer qu’on pourrait opposer à une autre, d’une « école »; non, il s’agit tout bonnement d’une autre activité. Celui qui pratique sur un parkour-park ne pratique de fait pas le parkour. Il ne le peut pas parce que les mots qui définissent cette pratique l’en excluent avec la plus grande fermeté. Il n’y a pas de possibilité de dérogation à cette règle: le parkour, c’est se déplacer avec ce qui vous entoure et n’est pas prévu pour. C’est précisément ce travail de recherche, de créativité, d’imagination, et d’adaptation qui fait l’intérêt de la discipline. Il y a là une différence fondamentale d’avec le skateboard qui, à la base, ne revendique pas dans sa définition propre l’usage exclusif des structures non-dédiées. Aussi, les skateparks peuvent être des lieux de pratique, d’apprentissage et de perfectionnement des mouvements, de rencontre avec les autres pratiquants. Il en va tout autrement du cas du parkour. Le mot « parkour » définissant l’activité qui prend pour objet de se déplacer avec toutes les structures qui ne sont pas prévues pour, il ne peut y avoir pratique du parkour sur une structure dédiée.

Cette question n’est donc pas en débat; elle trouve sa réponse dans la définition même de la pratique qu’elle questionne. C’est pourquoi le rejet pur et simple des parkour-parks ne relève en aucun cas de l’adoption d’une position extrêmiste, mais du pur bon sens. On vise à mettre en conformité théorie et pratique, les deux se définissant réciproquement: la théorie définit le pratique par les mots, la pratique la théorie par les actes. A partir du moment où, au sujet d’une même chose, les mots disent une chose, et les actes en disent une autre, il y a perte du sens. Or c’est bien le sens qui précède les moyens, pas le contraire. On ne se demande pas ce qu’on va faire d’un parkour-park une fois qu’on en a construit un; on se demande plutôt préalablement s’il est utile et pertinent d’en construire un. Mais ce n’est pas parce qu’il y en a maintenant quelques-uns qu’il faut se sentir obligés de les utiliser. Au contraire, il faut garder le sens de la pratique, et, nous l’avons vu, cela passe par le fait de s’adapter à un environnement qu’on n’a pas choisi et qui n’a pas été bâti pour qu’on s’y déplace de cette façon. C’est là que réside le « challenge ». C’est donc de désertion, et rien d’autre, dont nous avons besoin; il faut massivement déserter les parkour-parks et autres structures dédiées à la pratique du parkour, et s’opposer le plus fermement du monde à la construction de nouveaux lieux de ce type. Il ne fait aucun doute que les parkour-parks tomberont en désuétude avant l’essence du parkour. Parce que c’est dans l’essence qu’est le sens, et pas ailleurs.

3-Mauvaises excuses

*Il n’y a rien pour pratiquer là où j’habite.

Vu sous cet angle, c’est sûr, ça commence mal. Il y a toujours tout ce qu’il faut autour de soi pour pratiquer. Dans la mesure où le parkour est l’art de se déplacer dans un environnement donné (généralement le sien propre), et donc, dans un premier temps, de s’y adapter, quel qu’il soit.

Aussi, celui qui n’a pas de murs n’est pas dépourvu, il doit simplement apprendre à se déplacer avec ce qu’il a, chercher l’harmonie, l’adéquation, entre les techniques qu’il développe et les objets auxquels elles s’appliquent. Cela peut très bien être des buttes de terre et des racines, comme dans ces vieilles vidéos de Teige Matthews-Palmer (Angleterre).

Ensuite, les gens ont souvent autour d’eux bien plus de choses qu’il ne croient – ou qu’ils ne voient-. Le problème réside généralement dans une paresse imaginative, dans un cruel manque d’imagination et de créativité, et parfois même simplement d’attention.

Dans un premier temps, il faut apprendre à regarder autour de soi. Cela, le parkour nous l’enseigne peu à peu, au fil des années.

Dans un deuxième temps, il faut savoir être patient, et prendre le temps de contempler ce qui nous environne. Combien de fois ai-je entendu des traceurs me dire: « Bon, on change de spot?! » 5 minutes après être arrivés sur le spot en question. Pourtant, je me souviens avoir passé des journées entières, des semaines, parfois des mois sur un seul spot, à chercher la moindre chose, le moindre saut qui m’aurait échappé, la moindre possibilité inexploitée, le moindre chemin inexploré. Et c’est de cette façon, je crois, qu’on aiguise son regard, lequel est indispensable pour pouvoir voir ce que l’on se cache à soi-même.

Dans un troisième temps, il faut faire travailler son imaginaire. Il faut s’attarder, chercher, se poser, réfléchir…avant d’essayer, et, peut-être, de trouver. Il faut chercher toutes les choses qui nous entourent et que nous n’aurions pas encore vues. Il faut chercher toutes les possibilitées cachées dont ces choses pourraient disposer. En faire l’inventaire. Il faut inventer de nouveaux usages aux mêmes choses, et de nouveaux chemins aux mêmes lieux. C’est un peu ça, le parkour.

*Il vaut mieux pratiquer en intérieur et/ou sur des structures dédiées car c’est plus sécurisé.

C’est fondamentalement faux. Le parkour a été inventé dehors, sur les murs des banlieues parisiennes. C’est là que les techniques sont nées, qu’elles se sont perfectionnées, et ont ensuite été transmises. Ceux qui bougent depuis plus de 20 ans sur les murs de ces villes sont aujourd’hui encore, à presque 40 ans, en parfaite santé, et, pour la plupart, pratiquent toujours.

Il n’y pas de corrélation entre extérieur et dangerosité, pas plus qu’entre structure dédiée et sécurité. Le parkour est, du fait du cadre dans lequel il est né et continue à être pratiqué, une discipline du corps et de l’esprit qui exige à la fois de bien se connaître, de bien connaître son corps et ses capacités, ses potentialités, ainsi que ses limites, et à la fois de bien connaître l’environnement dans lequel on évolue, de vérifier la présence de voitures avant de traverser une rue en courant (ce qui ne s’applique d’ailleurs pas qu’au parkour), de vérifier systématiquement la solidité d’un obstacle avant d’y sauter, d’en connaître la texture, de savoir si ça glisse, ou au contraire si ça rappe, s’il y a des bouts de verre sur la surface d’aterrissage, etc. Mais le parkour exige aussi, et pour les mêmes raisons, un apprentissage très progressif et très lent, par étapes successives, et dans lequel les techniques dont est pas encore suffisamment sûr sont travaillées dans des conditions de sécurité maximales (pas de hauteur, pas de matériau glissant, pas de pluie, pas de nuit, pas de saut dans une configuration dangereuse), et répétées des centaines, des milliers de fois, avant d’être, un jour, considérées comme acquises, et pouvant dès lors être utilisées de manière plus intuitive. Il faut bien savoir distinguer entre risque et danger.

Une situation à risque est une situation dans laquelle il y a un certain nombre de probabilités pour qu’on échoue.

Une situation dangereuse est une situation dans laquelle la configuration des lieux ou du saut pourrait rendre l’échec potentiellement mortel, ou du moins très dangereux.

Ainsi, il y a des situations dans lesquelles on peut se permettre de rater un saut, où l’on sait que ça n’aura pas d’incidence sur notre corps, où l’on ne peut pas se faire mal. C’est dans ces situations-là qu’un pratiquant travaille les techniques qu’il ne maîtrise pas encore.

Et puis, il y a des situations dans lesquelles on sait qu’un échec pourrait nous être fatal, mais où l’on sait aussi qu’il y a une probabilité d’échec égale à zéro, parce qu’on connaît parfaitement et le lieu, et son corps, et la technique qu’on utilise, et qu’on l’applique à une distance dont on sait qu’on qu’elle se trouve en-dessous de ce que nos capacités nous autorisent à faire.

Pour résumer, on peut tolérer le risque là où il n’y a pas de danger, et tolérer le danger là où il n’y a pas de risque, mais jamais les deux dans une même situation.

Et c’est tout cela qui, appliqué avec sérieux et au quotidien, crée des conditions de sécurité plus efficaces que n’importe quel filet de rattrapage ou matelas. La présence de ces derniers nous pousserait à éxecuter des mouvements que nous ne maîtrisons pas, simplement parce qu’on sait qu’on pourra se rattraper ou qu’il y a un matelas en-dessous, bref à sous-estimer le danger qui, certes minoré, existe toujours en intérieur, même avec des matelas, et d’autant plus que nous le prenons d’autant moins en compte. Alors que lorsqu’on sait qu’il n’y a ni matelas ni filet de sécurité, ni personne pour nous rattraper, on ne se donne pas le droit à l’erreur sur l’analyse qu’on fait de la situation, et on n’éxecute un saut risqué que parce qu’il est sans danger, et un saut dangereux que parce qu’il sans risque. En ce sens, il n’y a pas meilleure sécurité qu’une parfaite connaissance de soi et de son environnement, doublée d’une analyse précise et juste sur les situations rencontrées. Ce n’est pas de matelas ou de structures dédiées qu’a besoin le traceur pour s’entraîner en sécurité, mais de patience et de sagesse.

*C’est nous qui avons conçu le lieu, du coup il y a plein de choses à faire, c’est génial!

C’est génial, mais ça n’est pas du parkour. C’est une activité autre qui fait certes usage d’un certain nombre des techniques de base du parkour. Mais les structures auxquelles elles sont appliquées n’ont rien d’un environnement alléatoire ou hasardeux, rien qui ne demande quelque faculté d’adaptation que ce soit, rien qui ne fasse fonctionner l’imagination et la recherche créative propres au parkour, rien qui ne ressemble de près ou de loin à quelque chose qui ne serait pas prévu pour à la base. Aussi, ce peut être « génial » pour cette autre activité alors pratiquée, mais il n’en demeure pas moins que pour le parkour, c’est aussi inutile qu’inutilisable.

Quant au fait que le lieu ait été conçu en partenariat avec des traceurs, voire par eux seuls, c’est précisément là que se trouve le problème. Si c’est nous qui concevons les lieux dédiés à la pratique du parkour qui est la notre, on tombe alors dans la pire des dérives: non seulement nous pratiquons sur des structures conçues pour (ce qui pose un problème insoluble par rapport à la définition de la pratique), mais en plus nous sommes à l’origine de leur conception (ce qui opère un renversement des termes impossible à assumer: nous ne nous adaptons plus à ce qui nous environne, mais adaptons ce qui nous environne aux techniques dont on fait usage). Nous ne saurions nous trouver plus éloignés que cela de la philosophie sur laquelle la pratique du parkour s’appuie, de ce qui en énonce les fondements et l’essence.

*Je m’entraîne quasiment tout le temps en ville, mais de temps en temps le parkour-park (ou le gymnase), c’est pratique pour travailler certains mouvements.

Ce qu’il y a autour de nous, que ce soit en ville ou en milieu naturel, est largement suffisant à travailler tous les mouvements dont nous avons besoin – puisque c’est sur cet environnement donné que s’appuie l’élaboration et la modification des techniques de manière à les y adapter -. Autrement dit, si nous n’avons vraiment pas, dans notre environnement, de saut de bras même hauteur par exemple, ce n’est pas un problème que nous ne maîtrisions pas cette technique puisqu’elle nous serait parfaitement inutile dans notre environnement. Et si nous devions un jour évoluer dans un environnement différent où cette technique se montrerait utile, voire indispensable, et bien alors nous pourrions nous y entraîner pour l’apprendre et la perfectionner. Mais nul besoin de savoir nager sur une planète où il n’y a pas d’eau. En tous cas, ce n’est pas le propos du parkour que de maîtriser de manière exhaustive le plus grand nombre de techniques possibles, mais bien de savoir se déplacer dans l’environnement qui nous est donné, et donc d’adapter les techniques et les mouvements dont nous faisons usage aux structures auxquelles elles s’appliquent. Un peu à la manière des animaux en définitive. Apprendre à faire un passe-muraille serait bien inutile dans un endroit où il n’y aurait de toutes façons pas de murs.

5 bonnes raisons de ne jamais participer à aucune compétition de parkour ou de freerunning

« Le parkour est une discipline non-compétitive. » (Hebertiste and TK17)

« Pas de groupe, pas de chef, pas de compétition; juste une voie. » (Sébastien Foucan)

« Le côté martial, c’est la confrontation avec les obstacles. Dans les arts martiaux, t’es obligé de faire mal ou de battre quelqu’un pour savoir que t’es fort. Alors que là [dans le parkour], c’est juste la rencontre entre toi et l’obstacle. C’est toi contre toi-même. » (David Belle)

« Le parkour est un outil qui peut être utilisé pour faire tant de bonnes choses. C’est [important] que les gens en prennent conscience avant qu’il ne soit trop tard et que le parkour ne devienne quelque chose de strictement physique et ne soit réduit au statut de compétition, ou à un moyen de faire de l’argent, et que le message ne soit perdu. » (Daniel Ilabaca)

« Competition pushes people to fight against others for the satisfaction of a crowd and/or the benefits of a few business people by changing its mindset. Parkour is unique and cannot be a competitive sport unless it ignores its altruistic core of self development. If parkour becomes a sport, it will be hard to seriously teach and spread parkour as a non-competitive activity. And a new sport will be spread that may be called parkour, but that won’t hold its philosophical essence anymore. » (Erwan LeCorre A.K.A. Hebertiste)

Introduction

Le texte qui suit ne prétend ni être une analyse sociologique de la compétition, ni une étude théorique sur le parkour. C’est un manifeste exposant quelques-unes des raisons les plus évidentes – beaucoup d’autres arguments pourraient être évoqués- pour lesquelles nous, pratiquants du parkour, nous étions fermement opposés – et continuerons à le faire – à l’organisation de compétitions de parkour et de freerunning.

1- La compétition n’est compatible avec aucun des principes du parkour

« Le parkour est une méthode d’entrânement ».

Celui qui a dit ça n’est autre que son fondateur, David Belle. Il y est question d’efficience, et non de performance; de fluidité, et non d’acrobaties gymniques exécutées les unes après les autres; de passer des obstacles, pas de gagner un prix. Et puisqu’il s’agit d’une méthode d’entraînement, cela suppose de l’entraînement, pas de frimer puis faire signe aux gens d’applaudir – chaque compétiteur participant généralement à une compétition dans le but de gagner (c’est le principe de la compétition)-. Le parkour n’est pas un sport, et n’a rien en commun avec le sport si ce n’est l’usage physique qu’il fait du corps humain – ce qui reste largement insuffisant pour l’affubler du statut de « sport » -. C’est une méthode d’entraînement physique et mental, une discipline impliquant une philosophie, une façon particulière de penser, de s’entraîner, et de regarder les choses.

La compétition n’est rien d’autre que du spectacle. C’est l’adversité donnée en spectacle. Les gens vous jugent sur votre performance physique. Pour gagner, il vous faut faire mieux que les autres compétiteurs. Vous n’êtes pas là pour vous entraîner, ni même pour penser, ni pour regarder les choses différemment; vous êtes là pour battre les autres et gagner quelque chose. C’est là le seul but que les participants à une compétition sont censés poursuivre. Et ce faisant – essayer de surpasser les autres athlètes (et non les obstacles) dans le but de gagner un prix (trophée, médaille, argent, cadeaux)-, les compétiteurs sont supposés offrir aux spectateurs un spectacle distrayant.

En réalité, rendre le spectacle appréciable au public n’implique absolument pas d’être créatif d’une quelconque façon (et cela en dépit du fait que la créativité soit théoriquement l’un des quatre critères sur lesquels les compétiteurs sont jugés). Pour rendre le spectacle agréable au public, il vous « suffit » de l’impressionner. Pourtant, le parkour et le freerunning ont cela en commun qu’ils impliquent tous deux une démarche créative, pas comme une adjonction ou un bonus, mais comme une part constitutive de ces deux pratiques. Alors que le parkour exige d’être créatif dans la manière dont vous vous adaptez à un environnement donné et au mobilier qui le compose, constituant autant d’obstacles qu’il vous faudra passer, le freerunning exige de celui qui le pratique qu’il soit créatif dans ses mouvements, dans chaque mouvement particulier qu’il exécute, et dans la façon dont il les combine les uns avec les autres. Malheureusement, la manière dont les actuelles compétitions de parkour et de freerunning sont conçues n’encourage pas la créativité, mais le fait d’impressionner, le fait de faire un maximum de choses en un minimum de temps, le fait de faire des choses « difficiles », qui ont l’air « incroyables », pas d’amener quoi que ce soit de nouveau – pas de « créer »-. Et si cela permet toutefois à certains freerunners d’être créatifs dans les choses qu’ils choisissent de montrer, cela n’autorise en aucun cas la part créative du parkour à s’exprimer, dans la mesure où rien n’est fait pour cela, puisque, comme David Belle le dit, « Le parkour, c’est l’art de se déplacer, aussi bien dans le milieu urbain que dans le milieu naturel, et c’est se servir en fait de toutes les constructions ou les obstacles qui ne sont pas prévus pour à la base« , ce qui n’est le cas dans aucune compétition de parkour ou de freerunning, où le moindre petit obstacle est un module construit par des professionnels et destiné précisément à la compétition à venir.

Autrement dit, les compétitions de parkour et de freerunning ne consistent qu’en une juxtaposition de mouvements séparés – exécutés pour leur caractère « impresionnant » ou périlleux – et de performances physiques, réalisés sur des structures dédiées, où l’athlète cherche à caser le maximum de gros sauts et de mouvements difficiles dans un temps restreint, sans qu’il n’y ait besoin pour autant d’aucune transition entre les différents mouvements, ni d’aucun chemin suivi; d’un autre côté, le parkour est l’art de se frayer un chemin à travers son environnemet immédiat, et de franchir les obstacles qui s’y trouvent de la manière la plus efficiente possible, par des mouvements simples et utiles, et en recherchant pertpétuellement l’efficience, laquelle comprend fluidité, vitesse, contrôle, sécurité, et économie d’énergie. En conséquence, la nature même du parkour l’empêche d’être décliné en une quelconque forme de compétition.

Mais il faut bien admettre que les Championnats du Monde de Freerun – de même que l’ensemble des compétitions de parkour et de freerunning apparues depuis celle-ci – se trouve, de loin, être la forme la pire que ce genre de compétitions eut pu prendre (la quasi-totalité des mouvements exécutés sont des saltos et des mouvements gymniques, et presque pas un seul mouvement simple et utile; les sauts sont tous séparés les uns des autres, sans aucune transition qui les relie; aucun « chemin » n’est suivi par le participant; aucune prise en compte de la nécessité d’économiser l’énergie; recherche de la performance plutôt que de l’efficience…), aussi lointaine que possible des valeurs et principes du parkour.

Le parkour n’a pas besoin de compétitions. Il a ses formes propres de rencontres et de rassemblements de pratiquants, d’évènements. Il n’est incompatible ni avec les rencontres, ni avec les « évènements ». Il existe dans le parkour une importante part sociale, faite d’échanges et de rencontres entre les pratiquants. Mais cette part sociale du parkour peut s’exprimer – et s’est toujours exprimée, depuis la naissance de la pratique – par d’autres moyens que la compétition: entraînements collectifs, ateliers, rassemblements, « parkour days », voyages à la rencontre de traceurs d’autres régions du monde, discussions avec d’autres (traceurs comme passants) lors des entraînements, etc. Un « parkour day » (grand rassemblement de traceurs venant s’entraîner tous ensemble), par exemple, est un évènement, au sens où c’est quelque chose qui a besoin d’être organisé. A l’occasion de ce type d’évènements, les pratiquants se rencontrent les uns les autres, s’entraînent ensemble et discutent, échangent techniques et conseils. Ce type de rencontres sont généralement fort enrichissantes, les traceurs le savent, et s’y rendent aussi souvent qu’ils le peuvent. Il n’y a jamais eu besoin de les transformer en compétitions avec des prix à gagner pour les rendre attractives à la communauté des pratiquants.

2- Les compétitions de parkour et de freerunning sont extrêmement dangereuses

Les compétitions de parkour et de freerunning, dans la mesure où elles poussent l’athlète 1- à faire le plus de choses possibles dans un temps très court et limité, et 2- à faire des choses difficiles et dangereuses (celles précisément qui sont supposées être impressionnantes) plutôt qu’utiliser des techniques simples and et sûres, placent l’athlète dans une situation de grand danger, et ce quel que soit son niveau d’aptitudes.

Plusieurs raisons à cela:

1- Il lui faut réaliser ses acrobaties dans la hâte, ce qui, cela va de soi, est contraire à tout bon sens.

2- Les acrobaties qu’il lui faut exécuter si hâtivement sont des acrobaties très coûteuses en énergie et difficiles à réaliser.

3- Le fait qu’il réalise sa performance dans le cadre d’une compétition l’amène inévitablement à désirer la victoire (quoi qu’il en coûte), et, dans le but de gagner, à impressionner le public et les juges (quoi qu’il en coûte).

4- La situation de stress élevé et inhabituel à laquelle il est alors confronté du fait des 3 raisons énoncées précédemment risque fort de le conduire à perdre ses moyens.

Ces 4 paramètres contribuent à modifier sensiblement l’état d’esprit de l’athlète, et à changer sa perception des choses, modifier son rythme cardiaque, sa respiration, son attention et son aptitude à la concentration, et parfois à l’amener à trembler. Cela signifie que n’importe quel compétiteur, indépendamment de son niveau d’habileté, peut être affaibli par les paramètres inhérents au contexte de la compétition – ce qui, dans le cas d’une pratique qui comme le parkour ou le freerunning peut s’avérer dangereuse, comporte de grands risques pouvant conduire à des tragédies -. Et, – c’était prédictible -, nombre d’accidents sont d’ores-et-déjà survenus.

On notera dans certains de ces cas que l’athlète ne s’arrête pas après sa chute, pourtant extrêmement dangereuse (et potentiellement mortelle), et qu’il continue à exécuter des acrobaties, parce qu’il ne veut pas perdre, pour rien au monde, et parce que le contexte de la compétition le conduit à penser de cette manière – gagner quoi qu’il arrive -. Alors qu’une bases les plus importantes du parkour est la sécurité (la capacité à assurer sa propre sécurité dans sa pratique), qui doit être prise en compte avant quoi que ce soit d’autre – c’est là la seule façon d' »être et durer », comme David Belle le voulait -. Sans la moindre possibilité d’économie d’énergie ni de s’assurer de l’absence de danger avant d’exécuter une acrobatie, les compétitions de parkour et de freerunning ne sont pas seulement stupides et dangereuses, mais elles sont l’exact opposé du parkour.

3- Les compétitions de parkour et de freerunning ont été créées par des non-pratiquants, qui ne se soucient pas le moins du monde du parkour ou de ses pratiquants, mais seulement de gagner de l’argent

Question: Qui est à l’origine des compétitions de parkour et de freerunning?

Réponse: Une entreprise du nom d’Urban Freeflow (Les évnènements World Freerun sont nés d’un partenariat entre Urban Freeflow et ses agents et business managers, All Our Business (AOB)), laquelle entreprise, en dépit du fait que cela a toujours été violemment critiqué par une part très importante de la communauté des traceurs, a toujours clamé – aujourd’hui encore d’ailleurs – être LE « Réseau International Officiel du Freerun et du Parkour », alors même que leur site n’est ni multilingue, ni affilié d’une quelconque façon avec David Belle, fondateur du parkour.

Certains de ceux qui se cachaient derrière le nom Urban Freeflow (UF) à cette époque (l’un d’entre eux est depuis, et aujourd’hui encore, à la tête de la firme), et qui furent ceux qui impulsèrent ce projet de compétitions, ne sont plus pratiquants – et cela depuis bien longtemps maintenant -, et montrèrent à plusieurs reprises (en faisant d’UF une grosse entreprise de vente de t-shirts; en développant en partenariat avec un éditeur de jeux vidéos un jeu du nom de « Freerunning », dans lequel les héros ne sont autres que ces ex-traceurs eux-mêmes (ce qui ne manque pas d’égocentrisme); en créant une marque de vêtements; en enseignant le parkour à la Police et à l’Armée anglaises; Paul « Ez » Corkery (le patron d’UF) menaça même d’écraser la communauté australienne de parkour par le biais de son point de distribution UF à Queensland, Australie; etc) qu’ils se moquaient éperdument de la communauté des traceurs, comme ils se moquaient éperdument du parkour, et que leur seule motivation – certes extrêmement forte – était l’argent. Depuis la naissance de la firme, en 2003, UF a fait tant de choses dommageables aux communautés du parkour et du freerunning que je ne peux pas en établir la liste exhaustive ici.

4- Les compétitions de parkour et de freerunning ont été créées contre l’avis de la communauté des pratiquants du parkour

Lorsqu’une annonce fut faite pour annoncer la prochaine apparition de compétitions de parkour et de freerunning, des traceurs du monde entier s’élevèrent d’une seule voix pour protester et s’y opposer fermement, donnant de ce fait naissance à une forme de front international qui lia entre elles l’ensemble des différentes commnautés dans le but de lutter contre une telle chose. Nombre d’articles et de messages firent leur apparition sur les forums, en particulier sur Parkour.NET, qui était alors le véritable portail international du parkour (et qui était reconnu comme tel par la communauté des traceurs), pour dénoncer les dommages prédictibles de la compétition, et informer les gens de son incompatibilité avec les valeurs du parkour. Un logo, « Pro parkour, against competition » (Pour le parkour, contre la compétition), fut alors créé, et la quasi-totalité des utilisateurs de parkour.NET l’utilisèrent comme signature en bas des messages qu’ils postaient sur le forum.

Un certain nombre d’entre eux se rendirent également sur les forums d’UF (alors responsable de cette situation) pour leur dire leur désapprobation, et leur demander de cesser immédiatement de travailler à l’organisation de compétitions de parkour, en tenant compte notamment de l’ampleur du mouvement de protestation qui embrasait alors la communauté des traceurs.

Ez, patron d’UF, se mit par conséquent à supprimer un-à-un tous les commentaires qui sur leurs forums n’allaient pas dans le sens de leurs objectifs, et à bannir chacun de leurs auteurs, ce qui eut au moins le mérite de faire croire aux plus jeunes, attirés par UF notamment du fait de son ultra-visibilité, qu’il n’existait absolument aucune opposition à l’organisation de compétitions de parkour et que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes…et aussi de rendre ceux qui étaient d’âge un peu plus mûr furieux contre UF: d’abord, UF avait décidé, seuls et sans consulter qui que ce soit d’autre, d’organiser des compétitions de parkour et de freerunning, ce qui témoignait de leur parfaite ignorance du parkour et du sens dont cette pratique est porteuse (ainsi que du freerunning, puisque la réponse que Sébastien Foucan (fondateur du Freerun) fit à une question qui lui fut posée sur les forums de Parkour.NET avait établi de manière claire son opposition à l’organisation de compétitions de Freerun); ensuite, ils avaient décidé de ne pas tenir compte de la large vague de protestations venant de toutes parts de la communauté internationale des pratiquants du parkour, et de continuer ce qu’ils avaient commencé; enfin, ils cesnuraient et bannissaient la moindre parole dissidente sur leurs forums.

La communauté, en colère et réduite au silence sur les forums d’UF, fit même des manifestations publiques contre la politique d’Urban Freeflow, comme lors de l’incendie d’un t-shirt UF en Australie, après qu’Ez menaça de détruire la communauté australienne de parkour.

Il y eut aussi beaucoup de protestations contre la nature marchande de l’évènement, beaucoup de sites de parkour et de freerunning exprimant l’idée que l’introduction d’un processus de marchandisation et de commerce accolé à ces pratiques, ainsi que l’introduction de sponsors, en compromettrait la vraie nature.

A cela, Ez répliqua: « Les gens qui disent cela sont ceux qui n’ont aucun sponsor. Ni aucune visibilité. »

Sa réponse est amusante, en cela qu’elle montre l’étroitesse d’esprit avec laquelle il envisage le parkour et le freerunning, considérant comme une vérité à la fois évidente et indiscutable que parkour et freerunning ont besoin de sponsors, que les sponsors sont nécessairement une bonne chose pour eux, et que ces pratiques ne sauraient survivre sans cela, et pensant conséquemment que les traceurs ayant un sponsor sont heureux et épanouis, contrairement à ceux qui n’en ont pas et qui, eux, sont malheureux et envieux, et que c’est cela qui explique leur désapprobation de la marchandisation du parkour (et des compétitions), désapprobation qui n’est rien d’autre que l’expression de leur colère. Comme chacun l’aura compris, il ne s’agit là que d’un procédé rhétorique lui permettant de disqualifier toute critique à l’égard de son point de vue.

Les fondateurs du parkour et du freerunning, David Belle et Sébastien Foucan, de la même manière que la communauté internationale des traceurs le fit, dirent leur désapprobation avec l’organisation de compétitions de parkour et de freerunning, et ne participèrent ni contribuèrent jamais à aucune d’entre elles.

5- Les compétitions de parkour et de freerunning ont été créées en partenariat avec Barclaycard, un organisme de crédit qui est, aujourd’hui encore, leur sponsor

« Urban Freeflow fut critiqué pour avoir organisé des compétitions de freerunning sponsorisées par Barclaycard. »

(Wikipedia (version anglaise), article « Urban Freeflow »).

Le fait qu’UF introduise des sponsors dans les milieus du parkour et du freerunning est une preuve de leur totale incompréhension de ces disciplines.

Mais le fait que ce soit des sponsors tels que « Barclaycard » – qui est un organisme de crédit financier, dont le seul but est de pousser les gens à s’endetter auprès d’eux, pour les voir ensuite s’acquitter de leur dette auprès d’eux pendant parfois des dizaines et des dizaines d’années, cela avec des taux d’intérêt extrêmement élevés – est plus qu’une simple incompréhension, c’est immoral.

Et cela lie de manière directe le parkour – qui loin d’être une pratique strictement physique, est aussi une pratique philosophique, conduisant celui qui le pratique à développer une manière de penser le rendant d’une certaine manière plus libre et conscient qu’auparavant – avec le capitalisme financier, conduisant ceux qui le subissent à l’aliénation la plus complète, les rendant totalement dépendants, par la centralité d’un travail que personne n’a choisi, par le développement des crédits, et par l’omniprésence dans l’espace public comme privé de la publicité marchande et ses injonctions incessantes à consommer.

UF a choisi le pire sponsor possible, jouxtant les mots « parkour » et « Barclaycard », et amenant les pires mécanismes d’aliénation de la finance au sein du parkour, supposé être une activité libératrice.

« Cependant, beaucoup de pratiquants du parkour et de freerunning sont convaincus que ce sont des disciplines « libres » qui n’appartiennent ni aux entreprises, ni aux sponsors, ni aux médias. »

(Wikipedia (version anglaise), article « Urban Freeflow »).

Conclusion

Comme vous l’aurez compris, le parkour est une pratique qui ne saurait s’accomoder d’aucune façon de compétitions ou de championnats.

Et c’est pour cette raison qu’il nous faut continuer à nous battre contre les compétitions, et ce jusqu’à ce qu’elles cessent d’exister.

Faire disparaître les compétitions de parkour et de freerunning n’est pas très compliqué; nous n’avons pas nécessairement à être violents, nous n’avons pas besoin d’insulter ceux qui y participent, nous n’avons pas besoin de crier.

Tout ce que nous avons à faire, c’est de faire circuler l’information afin que chaque communauté de traceurs de par le monde soit au courant de notre positionnement et des raisons qui le motivent.

Tou ce que nous avons à faire, c’est de déserter massivement tout type de compétition de parkour et de freerunning, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus un seul participant, ou du moins jusqu’à ce qu’il y en ait si peu que les sponsors trouveront l’affaire plus suffisamment rentable et partiront à leur tour.

Ce texte a été écrit dans le but d’informer, tout particulièrement les jeunes et les débutants dans ces pratiques, dans la mesure où du fait de leur âge ils ne sont pas censés savoir ni comment ni pourquoi la compétition a fait son apparition dans les domaines du parkour et du freerunning, ni pourquoi c’est contraire aux valeurs du parkour.

Je demande à tous les traceurs, à travers le monde, qui défendent les valeurs du parkour et la philosophie dont il est porteur, de poster ce texte partout où ils le peuvent, et de l’envoyer à qui ils voudront.

Je leur demande de faire circuler l’information, d’apporter des arguments et des contributions au débat, et d’aider cette initiative comme ils le pourront.

Je demande à ceux qui seraient encore engagés dans des compétitions d’y réfléchir à la lumière de tous ces arguments, en espérant que cela les dissuade définitivement de jamais participer à une quelconque compétition de parkour ou de freerunning.

Je demande à tous de nuire à la compétition, dans la ferme intention de la faire disparaître, par tous les moyens nécessaires.

Ce texte est totalement libre d’usage.

-L’1consolable