Plusieurs raisons ont conduit l’association Paroles et Pratiques Sociales à adopter un nouveau projet pour les années qui viennent. La plus importante caractéristique de ce nouveau projet se situe au niveau de l’objet de PEPS qui ne sera plus les travailleurs sociaux, comme cela fut le cas il y, treize ans, mais les questions sociales. Cela permettra à l’ensemble des professionnels, (travail social, école, culture, justice, entreprise …), de se réunir ensemble autour de la même table et du même objet, c’est à dire les questions sociales. Ceci réunira également les conditions favorables pour que de multiples compétences (pratiques et théoriques) se négocient et se mobilisent autour des questions sociales deve¬nues de plus en plus complexes. Une lecture analytique des étapes importantes qui ont marqué l’histoire de PEPS nous a aidé à mieux comprendre cette nécessité du changement, basée sur plusieurs indicateurs déjà repérés, au niveau social; mais aussi dans la structure de PEPS et chez les personnes qui contribuent à sa réalisation. C’est à partir de cette analyse que nous avons pu, tout en gardant les acquis de PEPS, réactualiser son projet Afin de rendre intelligibles les décisions prises au sein du collectif, un bref historique de la mise en place de l’association en 1982 s’impose. Elle nous aidera à mieux identifier les changements qui ont traversé PEPS depuis sa création. Nous terminerons en exposant les grandes lignes qui définissent le nouveau projet.
TOUT A COMMENCÉ EN 1982
TOUT A COMMENCÉ EN 1982
L’association Paroles et Pratiques Sociales est née en 1982 d’un contexte social et politique particulier. L’initiative est venue d’un groupe de travailleurs sociaux en formation qui voulaient se donner un espace d’expression, un lieu de parole, un réseau de circulations d’informations et de réflexlhs autour de leurs pratiques professionnelles. Ils ont très rapidement mis en place un projet de journal, réalisé par et pour les travailleurs sociaux. Les moments les plus importants qui ont marqué l’histoire de PEPS, peuvent se résumer ainsi :
- Le premier moment est essentiellement consacré à l’inscription d’une « écriture narrative » des pratiques sociales. Forte¬ment liée à la conjoncture socio-politique des années 80, cette période a été marquée d’une part par l’expression du besoin des travailleurs sociaux à reprendre une parole « con¬fisquée par les intellectuels et d’autre part, par un discours plutôt idéologique et égalitaire en résonance avec les problèmes sociaux.
- Le deuxième moment se caractérise par la volonté de PEPS dé s’investir dans un travail rédactionnel en partenariat avec des structures associatives cherchant à manifester leurs pra¬tiques dans le champ du travail social. Cette ouverture a donné lieu à des manifestations telles que la réalisation de plusieurs numéros spéciaux sur la toxicomanie, les nouvelles pratiques économiques et sociales, les prisons, le phénomène des banlieues, les droits de l’homme, etc., en collaboration avec diverses associations (STAJ, LPS, AEUF, CREAF, Mémoire Fertile, Otage, les Centres sociaux).
- Le troisième moment a débuté avec la nécessité de publier des numéros avec un thème central. Cette thématisation vi¬sait à la fois une réflexion plus approfondie des questions abordées, mais aussi un prolongement de la réflexion sur le terrain. L’exemple des numéros consacrés aux Banlieue cent visages, Les cultures de la rue, rendent compte de cette démarche. C’est également dans cette logique que PEPS a pu organiser un colloque en 1985 sur Les travailleurs sociaux, acteurs de l’avenir du social et participer en 1988 à l’élabora-tion d’un colloque inter-institutionnel sur Les politiques locales et Toxicomanie. En mars 1989 par exemple, elle a pré-paré la rencontre nationale Banlieue Cent visages et suite à la sortie du numéro 36 sur Les cultures de la rue, elle a orga-nisé un forum regroupant plusieurs associations de jeunes, des acteurs, des décideurs, ainsi que plusieurs personnalités du monde universitaire, du journalisme et de la culture… Sur le plan rédactionnel, cette période peut etre définie comme une période de production d’écriture coopérative dans la mesure où la rédaction des textes se faisait en groupe et de façon évolutive étalée sur plusieurs séances.
- Le quatrième moment se caractérise par plusieurs changements importants sur le plan rédactionnel, technique et de discipline méthodologique. La revue PEPS est « sortie » en quelque sorte de l’amateurisme, avec notamment la mise en place des rubriques généralistes, regroupant la plupart des thèmes liés aux questions sociales. Mais cette période correspondait également à une réalité qui traduisait une nécessité de changement pour le projet de PEPS ;— Adapter de nouvelles formules d’exploration des questions sociales—. C’est cette nécessité qui a pu jouer un rôle d’analyseur pour la mise en place d’un nouveau projet à la veille du XXIème siècle. (Sur le terme analyseur, voir, Rémi Hess et Antoine Savoye, Analyse institutionnelle, Puf, « Que sais-je ? », 1993).
L’UTILITÉ DE PEPS : AUJOURD’HUI
Les interrogations collectives des membres de l’association , Paroles et Pratiques Sociales ont confirmé l’idée selon la-quelle avoir un espace libre, autonome et non corporatiste dans le champ social était plus que jamais nécessaire. Car, il n’existe pas ou très peu de lieux d’échanges et d’auto-formation indépendants pour des professionnels des questions sociales, confrontés aux complexités des situations, souvent décrites et vécues en décalage avec leurs formations initiales et avec les politiques institutionnelles mises en place. Nous faisons le constat qu’il manque un espace de réflexion et d’inscription des pratiques qui permettrait de créer de nouveaux outils pour les praticiens, des usagers, des étudiants en formation initiale, des formateurs, des chercheurs, des bénévoles, etc. Créer un espace de recherche participative où à partir des compréhensions contextuelles des situations, on pourra adopter des approches critico-alternatives par rap¬port aux problèmes sociaux. Ceci nous aidera à comprendre en quoi les solutions instituées ne répondent pas toujours aux attentes des usagers ni à celles des professionnels. En ce sens, PEPS pourrait être un espace caractérisé par un effort d’analyse et de conceptualisation des pratiques des indivi¬dus qui seront amenés à présenter des expériences inédites localement réalisées. Cette recherche transversale d’outils d’analyse pourrait intéresser aussi bien les usagers, des professionnels que des décideurs institutionnels.
Plusieurs raisons nous encourageaient à adopter un change-ment :
- en ce qui concerne la version 1982 de PEPS, nous avons en effet constaté qu’elle correspondait à un contexte politique, social et culturel particulier. Aujourd’hui, ce contexte n’est plus le même et la première version de PEPS devient quel¬que peu caduque,
- les membres actifs de l’association ne sont plus majoritairement des « travailleurs sociaux de base », comme cela fut le cas il y a treize ans. Ils sont surtout des chercheurs, des formateurs, des enseignants universitaires. En ce sens, PEPS ne peut pas ne pas intégrer les activités de la recherche et de la formation dans ses programmes,
- le traitement des questions sociales fait appel à une réunion de compétences multiples venant de secteurs professionnels divers, car le temps où chaque secteur professionnel envisageait certains problèmes sociaux comme sa « chasse gardé . est fini. Par exemple, la question de la violence des jeunes ne peut être considérée comme seule affaire de l’école, ni celle des travailleurs sociaux. Ceci nécessite une approche multiréférentielle des questions sociales, exigeant une autre approche qu’une simple compilation de textes certes très intéressants, comme nous le faisions jusqu’alors, depuis deux, trois ans, l’expression libre et narrative des pratiques des travailleurs sociaux, qui auparavant caractérisait la revue, n’existe plus. Ceci rendait progressivement la charte . de PEPS inadaptée,
- nous avons donc pensé que l’activité rédactionnelle de PEPS devait reposer sur les initiatives de recherche et de formation qui désormais devront figureront dans les objectifs de l’association. La revue ainsi pourrait devenir un outil de forma¬tion. Nous avons remarqué que pour ne pas rester des observateurs silencieux face aux questions sociales, l’associa¬tion Paroles et Pratiques Sociales ne pourrait se développer qu’avec l’adhésion et le soutien d’une équipe élargie et d’un nouveau projet dans lequel chacun trouverait sa place.
PEPS : DEMAIN
La réflexion sur les ressources matérielles et intellectuelles de PEPS ont permis de présenter un nouveau projet pour les années qui viennent. Il comprend trois dimensions activités de formation, de recherche et de publication.
Études/Recherches
L’association décide de suivre un axe de recherches sur les questions sociales, dans une logique participative. Les con-ditions qui favorisent et motivent l’équipe sont nombreuses :
- PEPS possède un acquis considérable en matière d’analyse et de problématisation des thèmes relatifs aux questions sociales. Ce capital d’expériences peut être utilisé et mobilisé pour les explorations relatives aux études et recherches. Parmi les publics potentiels, on peut notamment citer les associa¬tions de quartier, les structures sociales, les banlieues, les écoles de travail social et les universitaires intéressés par les sciences humaines et sociales, pour qui PEPS peut intervenir seul ou participer en partenariat.
- PEPS est en relation directe avec le terrain et les acteurs du changement. Cependant, la plupart des personnes qui inter-viennent pour PEPS mènent par ailleurs des expériences de recherches dans le cadre de leur profession ou de leurs études supérieures (étudiants-chercheurs-formateurs).
- Les difficultés sociales ne peuvent plus trouver leurs « solutions » dans les réponses officielles des institutions et de la hiérarchie étatisée. Elles nécessitent une réflexion souvent en dehors de toute recommandation institutionnelle. Parmi les thèmes de recherche, ont peut notamment citer la dé¬marche ethnographique des pratiques socio-éducatives, les nouvelles technologies au service de la communication, le développement au Nord et au Sud, la reconnaissance des acquis en situation de formation et d’insertion, les cultures professionnelles, les cultures de la rue, l’approche psychanalytique des questions sociales, la violence des jeunes, la délinquance juvénile, etc. Une approche transversale et multiréférentielle de ces différents thèmes pourrait aider les praticiens à redéfinir leur culture professionnelle (éducative, sociale, scolaire et culturelle…).
Formation
L’association Paroles et Pratiques Sociales est un organisme de formation. Depuis 1982, elle a mené plusieurs expériences de formations dans les domaines du travail (social, édu¬catif, culturel, la communication et la formation des travailleurs sociaux). Aussi bien au niveau des contenus qu’au niveau des outils méthodologiques, PEPS est en mesure de proposer ses expériences aux autres acteurs sociaux. Au sein de l’Association Paroles et Pratiques Sociales, existe une équipe pluridisciplinaire ayant des pratiques professionnelles diverses, des formations complémentaires, des expériences de mise en place de projets et enfin, la réalisation de la revue. Leur domaine d’intervention vient des sciences de l’éducation, de la sociologie, de la psychologie, de l’ethnosociologie, de l’ethnographie, de l’analyse institutionnelle, de la psychanalyse, de la linguistique…). Parmi les thèmes de formation que nous proposons, l’écriture, est de nos spécificités et constitue un objet d’intervention dans les structures à vocation sociale. En situation de formation ou d’exercice, en effet, l’écriture est souvent pratiquée sous sa forme contraignante, et son utilisation par des professionnels a pour fonction principale l’apprentissage et l’intériorisation des normes instituées, la notation, la catégorisation, etc. Pour les étudiants par exemple, l’adhésion obligatoire à cette écriture est observable tout au long de la période de formation (la rédaction du mémoire, les soutenances, etc.). Ces mêmes étudiants une fois arrivés sur le terrain et dans la vie professionnelle, rendent compte souvent du décalage existant entre le contenu de leur formation et les réalités du terrain. L’écriture utilisée dans le cadre professionnel est alors une écriture administrative, normative, « officielle * et surtout une écriture vide. Dans cette pers¬pective, la position d’extériorité de PEPS, sa compréhension du phénomène favoriserait une expressions écrite libre et instituante, en même temps que la conceptualisation des événements décrits. Ces praticiens, étudiants, ou bénévoles associatifs sont invités à écrire d’une façon nouvelle qui prenne sens pour eux, mais aussi pour la structure et ses partenaires, voire pour les publics avec lesquels ils travaillent.
D’autre thèmes de formation peuvent être proposés par PEPS. On peut, en particulier, évoquer les pratiques socio-éducatives, l’approche ethnographique des pratiques socio-éducative, le développement au Nord et au Sud, les pratiques de reconnaissance des acquis en situation de formation et d’insertion, les activités éducatives péri-scolaires, les cultures professionnelles, les cultures de la rue, l’approche psychanalytique des questions sociales, la violence des jeunes, etc.
Publication
En tant que fonction fédératrice, la publication constituera désormais une activité encore plus importante et avec des exigences nouvelles au sein de l’association Paroles et Pratiques Sociales. Son rôle va être centré essentiellement sur l’enrichissement des activités de recherche tout en servant d’outil d’information pour les adhérants de PEPS. La revue va rester la voie privilégiée de l’expression libre des personnes intéressées par les questions sociales et un moyen de communication à leur service. Le fait que l’ensemble des réflexions menées lors des formations et des recherches soient consignées, permettra aux auteurs une autre forme d’évaluation de leurs expériences.
STRATÉGIES DE DIFFUSION
L’ensemble des textes présentés dans ce numéro, ont été organisés en fonction du nouveau projet de PEPS. Dans la première partie de l’ouvrage, et à partir des expériences de PEPS, les auteurs ont cherché à dresser un constat de la situation sociale. Chaque texte débouche sur une proposition qui se présente comme un projet de recherche.
Aussi, le nouveau projet de PEPS mérite être diffusé par tous les moyens : information, organisation de réunions dans les associations de quartier, les structures socio-éducatives, les Institut Universitaires de Formation des Maîtres, les organismes de formation, les écoles de travail social, les universités, etc.). La réussite de ce nouveau projet nécessite une augmentation du nombre d’adhérents et d’abonnés et un investissement dans d’autres villes que Paris. Nous avons un ef¬fort considérable à faire pour développer des réseaux locaux de professionnels non-Parisiens, qui comme nous l’avons constaté, sont souvent en manque d’informations, et des lieux d’échanges. Le nouveau projet de PEPS doit inscrire dans ses perspectives, une étude sur ses expériences menées depuis treize ans. Cette étude peut permettre aux personnes qui souhaitent adhérer à PEPS de mieux comprendre l’histoire des questions sociales traité par PEPS et leur cheminement. Elle pourra également sensibiliser l’implication des étudiants en formation initiale à cette recherche.