30 avril 2016

Agir en primitif et prévoir en stratège

Par Hugues Bazin

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« Agir en primitif et prévoir en stratège » (René Char, Feuillets d’Hypnos , 1946)

C’est une époque dominée par l’innommable, elle avale les mots comme un trou noir la lumière
empêchant de nommer les luttes, renforçant les régimes d’exception.

Un engagement ne se fait pas à l’abri du « Bien », mais au regard du Néant. De cet « inconcevable peuvent naître des repères éblouissants » nous dit René Char sous l’Occupation.

« Les résistants commencent à créer cet espace public entre eux où la liberté peut apparaître »
confirme Hannah Arendt

Cela commence par « se tenir face à », « s’arrêter ».

Cela commence par des traces, car les traces indiquent le passage des routes braconnières.

Cela commence par le retournement des lieux pour en explorer méthodiquement toutes les échappées.

Cela commence par la déconstruction des politiques et de l’historique officiel
pour que se dessine un autre récit collectif, un nouvel imaginaire.

Cela commence par une écriture réflexive, à la fois dépouillée et complexe, radicale et rigoureuse,
intimement liée à l’action et totalement poétique.

« L’essentiel est sans cesse menacé par l’insignifiant…
Le poète se remarque à la quantité de pages insignifiantes qu’il n’écrit pas ».

Dénudés et délogés, sans héritage, sans tradition, sans équipement et sans préparation, primitifs et stratèges, revendiquons ce non-espace-temps comme culture de la brèche.