MRJC / VASI JEUNES

Présentation

Cette partie présentation est la synthèse d’un entretien réalisé entre l’équipe associative et le laboratoire de recherche (LISRA) le second semestre 2018.

Vasi Jeunes (Valorisation, Appui, Soutien aux Initiatives Jeunes) est une association d’accueil, d’animation, et d’éducation populaire, créée en 97 par le MRJC. Depuis une ancienne ferme et ses terres qu’elle gère et anime, l’association s’est engagée dans le projet des Fabriques du Monde Rural lancé par le Mouvement.

L’association accueille des porteurs de projets « en test », des camps, des passants ayant besoin de se poser, et des gens qui viennent presser des pommes. Il y a une animation importante autour du pressoir, pour des camps, mais aussi au niveau des enfants et des familles. Par sa capacité de réflexion, c’est le MRJC qui amène le volet formation (bafa, bafd). La salle principale de la ferme a été faite avec des jeunes et des artisans, c’était déjà une formation en soi qui permet d’en accueillir d’autres. Par exemple, nous organisons des chantiers participatifs, comme les cabanes en bois cordé. L’idée c’est de faire avec les gens et pas à leur place.

Ce lieu était à l’abandon depuis 42 ans et a été donné au MRJC pour le mettre au service des jeunes.

Il y a à la fois dans le mouvement une dimension sociale et une dimension spirituelle. C’est un courant de transformation sociale, et un des buts du MRJC est de contribuer à la conscience sociale, économique et politique.

Le projet se déroule dans un territoire qui repose sur le mouvement associatif (JEP ou culturel). Il repose donc sur peu de gens, car nous sommes sur un milieu très rural. Avec les années qui passent, les associations vivent plus ou moins bien d’un point de vue financier, mais sur des territoires comme Le Nôtre, elles permettent de maintenir des liens et des activités. Ceux qui arrivent ou qui reviennent après y avoir vécu plus jeunes (certains cherchent le rural après avoir connu la ville), trouvent ici des structures, ils peuvent amener les enfants à l’école, leur faire faire des activités, il y a une vie ici. Il est possible d’accueillir des gens, de l’extérieur ou du coin, qui ont besoin d’un lieu en dur, pour faire des séjours, seuls ou en groupes. C’est pourquoi il faudrait pérenniser ce lieu et l’agrandir pour qu’il fonctionne toute l’année (car l’hiver, il faut aimer y vivre, c’est un territoire semi-montagneux un peu rude). Améliorer les conditions d’accueil toute l’année permettrait de faire vivre le territoire et de le faire connaître. Puis de donner envie aux gens d’y faire plus de choses.

Le territoire est excentré, sans aucune influence des métropoles, les retombées des grandes villes sont insignifiantes ici. Donc nous aimerions faire un groupe de réflexion sur les questions de ruralité, tout en étant en appui sur cette localité. Nous nous demandons comment faire sens en société et pensons qu’aujourd’hui il y a un moment favorable pour rebondir et se penser sur le territoire. Ici il y a un potentiel, la beauté de notre pays et sa qualité. Ce sont des leviers de transformation sociale.

Le MRJC est là pour développer des dynamiques de jeunes sur les territoires. Comment faire pour qu’il y ait une dynamique de bénévoles dans notre territoire où il est si compliqué de trouver des bénévoles ? Les jeunes sont plus enclins à quitter la localité qu’à y rester.

Il faudrait que nous adoptions une manière d’être qui rendre le participatif possible. Vasi pourrait être un outil participatif, opérationnel et partageable. Cela nous demanderait aujourd’hui d’inclure des habitants, de s’ouvrir, d’être dans une logique différente, et en même temps que cela soit rentable économiquement, sans pour autant que cela dénature le projet social.

Problématisation

Cette partie propose de faire émerger des problématiques transversales à partie de l’analyse de l’entretien par l’équipe de recherche en dialogue avec la démarche réflexive engagée par les acteurs associatifs.

L’association se questionne sur sa manière d’établir des jonctions avec son environnement, son voisinage et sa localité. Elle constate une tension entre le désir d’expérimenter le « vivre ensemble » et le fait d’être partie prenante dans une société et une localité où l’accueil de populations extérieures au territoire, notamment les « jeunes venus des cités », ne va pas de soi. La volonté d’établir un lien avec le territoire et que « ça bouge » est contredite par certains freins posés par les habitants locaux. L’association a la sensation que rien ne se ferait si tout le monde devait se mettre d’accord localement. La participation des habitants peut effectivement relever parfois d’une injonction venue d’ailleurs (idée de la « démocratie participative ») et ne pas trouver d’écho dans la vie d’une localité, déterminée par d’autres problématiques. Dans ce cas, quelles stratégies ou tactiques adopter ? L’inertie qui pèse sur un territoire est-elle totale ou laisse-t-elle en friche des espaces interstitiels de liberté que l’association pourrait occuper, animer, faire vivre ? Comment se décaler par rapport aux attentes et aux grands principes de la participation des « citoyens » et agir sur d’autres terrains délaissés (la forêt par exemple) ? Comment provoquer des rencontres qui permettent aux habitants de se positionner autrement ? Comment bousculer les habitudes tout en respectant une histoire et une culture locale ? Justement, réfléchir avec les habitants sur l’histoire, la culture, les pratiques et la sociabilité d’un territoire ne serait-elle pas une manière de faire émerger une intelligence commune de situations partagées ? Cela demande moins de penser le territoire en tant que lieu à développer ou aménager (comme le font les politiques publiques ou privées d’aménagement), que de l’envisager en tant qu’espace de croisement et de controverse, où chacun est en capacité d’exprimer les situations qu’il y vit. Ce serait une manière de faciliter l’émergence du commun.

Le fonctionnement du MRJC est basé sur un engagement relativement court des jeunes (projets de 2 ou 3 ans) et aujourd’hui le Mouvement souhaite se projeter sur de plus longues périodes, pour penser ses modèles économiques et son implication sur les territoires. Comment passer d’une logique de projet à court terme avec un turn-over important de bénévoles, et entrer dans un processus s’élaborant dans la durée, permettant la transmission, la continuité et de construire des dynamiques de transformations économiques et sociales qui s’inscrivent dans le temps et les territoires ? Comment changer les manières de se projeter et de penser son rapport au temps ? Il y a ici une tension entre le temps économique qui demande de la réactivité, de l’adaptabilité, un sens de l’opportunité, et le projet social du Mouvement qui se fonde sur l’idée de la transformation. L’urgence de trouver des solutions économiques entre en conflit avec le temps long, lent, moins dense et agité, nécessaire au processus qui façonne les pratiques communes et partagées. Similaire à cette tension temporelle, une contradiction territoriale se fait sentir, entre des impulsions pensées par le Mouvement national (comme les Fabriques du Monde Rurale) et leurs déclinaisons opérationnelles qui ne peuvent se faire que par l’implication pratique de militants en prise avec des problématiques locales. Ouvrir l’espace intermédiaire où pourraient se dire et s’écrire ces tensions contradictoires serait peut-être un moyen de les mettre en mouvement et d’accompagner la conscience de chacun dans la compréhension des enjeux qui touchent son activité et son association. Autrement dit, c’est l’espace de réflexivité qui permet à chacun de se positionner en tant qu’acteur et auteur, plutôt qu’agent.

Enfin, l’association Vasi Jeunes a développé des savoirs et des pratiques autour de ses métiers historiques (chantiers, animations, pressage de pommes) et de son lieu. Aujourd’hui elle ressent le besoin de faire évoluer ses propres pratiques et les espaces dans lesquelles elles se déroulent. Elle souhaite être consciente de son histoire, sans pour autant la reproduire indéfiniment. Mais ce n’est pas sans friction avec sa culture et ses métiers. Comment mettre ces « professionnalités » (entendues comme culture autour des pratiques, au-delà des catégories de professionnel, bénévole, salarié…) en discussion dans l’association ? Comment articuler les aspirations individuelles avec le commun imposé par la ferme et sa localité, par l’association et son histoire ? Se dessine ici un espace de discussion interne et dédié aux questions des métiers en jeu dans l’association, qui pourrait s’inscrire dans la durée et la régularité, et qui permettrait de mettre en dialogue les différentes approches qui cohabitent dans un même lieu. Ce serait un moyen d’avoir prise sur la transformation de l’activité, plutôt que de se la laisser imposer de l’extérieur par le contexte économique par exemple.

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La Forêt Belleville – 23250 Vidaillat

CPCV

Présentation

Cette partie présentation est la synthèse d’un entretien réalisé entre l’équipe associative et le laboratoire de recherche (LISRA) le second semestre 2018.

La Coordination pour Promouvoir Compétences et Volontariat est née en 1942 (en tant que Centre Protestant de Colonies de Vacances, au départ). Elle est liée à l’histoire du protestantisme dans un premier temps et s’est engagée dans les années 1980 dans les dispositifs civils, alternatifs au service militaire, dont l’objection de conscience. C’est une association nationale avec des organisations par région (chaque CPCV régionale a sa spécificité), dont, depuis 2005 CPCV Aquitaine qui s’est étendue jusqu’au Limousin depuis le passage à la grande Région.

En janvier 2017 la CPCV Aquitaine s’est ouverte sur la Corrèze en s’appuyant sur l’association CORELIDE (co-développement Corrèze – Grèce, pour maintenir la culture environnementale, le patrimoine de la mémoire..) et en utilisant le Service Civique comme levier pour intervenir sur le territoire.

Une des valeurs de la CPCV est de partir de la « base » et de faire remonter les réalités de terrain. La base c’est le territoire, les salariés, les jeunes volontaires en Service Civique. Cependant, les réalités corréziennes ont peu à voir avec les réalités girondines. La Direction Régionale et la grande Région sont des partenaires, mais leur approche est très « métropolisée ». Depuis Bordeaux, il était difficile de développer notre action sur la Corrèze. Donc une salariée a décidé de passer une semaine par mois en Corrèze, en développant le poste en bénévole pendant 6 mois dans un premier temps avant d’obtenir un poste Fonjep.

Au sein de l’association, l’aspect politique est peu abordé même si à titre individuel des engagements politiques peuvent apparaitre. Il existe pourtant des plateformes associatives pour que les associations se positionnent politiquement. Nous ne nous engageons pas collectivement, peut-être par peur des représailles, étant donné que nous sommes très portés par l’État ou la Région.

Au sujet de la gouvernance, le recrutement des membres du CA, leur faible implication dans l’association et l’absence de délégation dans la prise de décision sont problématiques. Les décisions mettent longtemps à être signées, il y a une inertie de fonctionnement. Pourtant, et même s’il est compliqué de passer outre, nous évitons le fonctionnement pyramidal, ce n’est pas un schéma qui nous intéresse. Il y a une revendication de cogestion et de coresponsabilité. Nous avons travaillé sur ces mots pour être sûrs que nous parlions de la même chose. Mais la « gestion » est vraiment un terme économique et comptable, propre au milieu de l’entreprise. Donc nous sommes plutôt sur de la coresponsabilité que de la cogestion. L’écart entre la dimension entrepreneuriale et la dimension éducation populaire fait que nous ne sommes pas toujours sur la même longueur d’onde.

La relation avec certaines institutions et d’autres fédérations d’éducation populaire sont parfois compliquées, car le terme protestant fait peur. On sent chez elles un manque de culture de la laïcité. Nous travaillons sur le même terrain qu’elles, celui de l’aide aux plus défavorisés.

Les jeunes de la ruralité avec qui nous travaillons ont beaucoup de difficultés, il y a des problèmes d’addiction, de non-recours au droit… Notre objectif est de ne pas exclure des jeunes parce qu’ils ont des problématiques. C’est un travail de fourmi de monter une mission de Service Civique, il faut parfois un an après le premier rendez-vous pour qu’une mission débute enfin. Cela implique des dimensions sociales complexes qui nous ont poussés à renforcer l’équipe avec une éducatrice spécialisée.

Nous avons le projet de réhabiliter une ancienne auberge qui pourrait devenir un tiers lieu associatif que d’autres associations pourraient occuper. Il y a des hébergements possibles pour des jeunes et cela pourrait être un lieu de formation.

Problématisation

Cette partie propose de faire émerger des problématiques transversales à partie de l’analyse de l’entretien par l’équipe de recherche en dialogue avec la démarche réflexive engagée par les acteurs associatifs.

Écosystème, multitude et communs

Une nouvelle association qui s’implante sur un territoire, depuis l’extérieur, doit faire un travail de compréhension du maillage institutionnel, de l’écosystème à l’œuvre et de la sociabilité d’une localité. Comment faire en sorte que ces éléments soient aidant et non des freins ? Comment dans cette logique d’implantation ne pas rester en éternel extérieur au territoire, participer à la vie locale et se laisser transformer par la vie locale ?

Tantôt le tissu institutionnel local est un levier, tantôt un frein. Comment ouvrir les espaces de discussion qui amènent les uns et les autres sur un autre terrain que celui de leurs affaires courantes et la défense de leur institution, pour penser le sens de l’activité et du commun dans une localité ?

L’empêchement à agir lié aux conflits de valeurs (sur les différentes acceptions de la laïcité par exemple) soulève le manque d’espaces en dehors des associations, des institutions et des centralités locales, qui mettraient en discussion les différentes approches. Ces espaces propres au territoire permettraient de faire émerger un commun qui ne serait pas une forme de dilution des valeurs, mais au contraire, la condition de leur croisement et de leur mise en controverse, qui s’articulerait avec l’action associative, plutôt que de la bloquer.

Les réformes territoriales et la centralité Bordelaise de la grande Région N-A provoquent une distance par rapport aux territoires d’activité et ont tendance à engendrer des déplacements, des changements de parcours et d’habitat pour le personnel associatif. Il y a peut-être ici une reconfiguration profonde en train de se jouer sur le rapport au territoire d’activité (lien transfiguré par rapport au communément admis de la localité) et sur le rapport à la carrière dans le secteur associatif (multiplicité des fonctions et des terrains de leur exercice).

Tensions entre la logique de transformation de l’éducation populaire et la logique gestionnaire de l’entreprise.

Il semble que dans un environnement extérieur complexe et instable (économie et politiques publiques en mouvement permanent) et dans des organisations avec des changements fréquents de carrières individuelles, il soit difficile de prendre le temps et l’espace pour analyser, penser et construire sur le terrain une visée holistique de l’activité associative. Une articulation entre dispositifs, développement associatif et vie des territoires semble nécessaire, mais comment agencer les trois dans une perspective de transformation sociale et d’éducation populaire et non de reproduction sociale ? Est-ce qu’il est possible d’instrumentaliser les dispositifs sans se faire instrumentaliser par eux ? (Surtout s’il n’y a pas d’espace pour la discussion de dimensions politiques).

Travailler sur ces problématiques revient à se demander comment émergent les valeurs propres au projet associatif. Comment sont-elles discutées dans l’association et quels sont les espaces dédiés pour ce faire ? Quels processus réflexifs font apparaitre les projets ?

L’espace de controverse et d’élaboration d’un savoir commun est d’autant plus important que des cultures liées à différents métiers (vus comme activité professionnelle et plus largement comme positionnements possibles dans l’association : administrateur, salarié, volontaire, bénévole…) semblent entrer en confrontation. Notamment la culture entrepreneuriale de la comptabilité, de la gestion, du management qui éloigne le milieu associatif de ses valeurs émancipatrices. Ouvrir un espace réflexif (en interne de l’association) est un moyen de conjuguer les trajectoires et objectifs de carrière individuelle avec la dimension collective et la transformation sociale souhaitée par les associations d’éducation populaire. Mais cela demande au collectif d’être prêt à ouvrir la discussion aux dimensions politiques.

En plus des aspirations professionnelles, les logiques économiques et comptables enserrent l’activité associative. Est-il possible de conjuguer les valeurs de l’éducation populaire (transformation sociale, émancipation, rupture avec les formes multiples de domination) ou les objectifs du travail social, dans un cadre aussi dur que celui de l’économie actuelle ?

Comment expérimenter dans nos propres associations d’autres fonctionnements économiques ? Comment « déséconomiser » nos relations de travail, notre activité ?

Cela demande de prendre en considération que le contexte (économique social…) n’est pas uniquement un état de fait (un « principe de réalité » comme on dit souvent), mais un objet compréhensible, à étudier, à transformer, malléable donc. Une démarche de recherche-action dans les associations pourrait commencer par le fait de questionner son activité associative au regard de l’extérieur. Nos associations sont-elles uniquement déterminées par les phénomènes extérieurs auxquels elles s’adaptent sans cesse ? Ou peuvent-elles avoir prise sur eux ? Et devenir à leur tour transformatrice des réalités sociales ?

Contact

Mairie – 19120 La Chapelle-aux-Saints

Peuple et Culture

Présentation

Cette partie présentation est la synthèse d’un entretien réalisé entre l’équipe associative et le laboratoire de recherche (LISRA) le second semestre 2018.

Nous essayons de nous inscrire dans une logique d’expérimentation plutôt que dans la répétition de projets. Nous avons un fond de réserve qui permet de lancer des initiatives quand il n’y a pas de financement. Il y a un collectif, qui fait office de bureau. 10, 12 personnes, dont les salariés, c’est de ce collectif que les idées viennent, que nous les mettons en place et que nous les validons. Nous nous sommes dotés d’un système où chacun est tiré au sort pour être représentant légal. Cela tourne tous les deux ans.

Nous travaillons en réseau avec des associations différentes, nous agissons souvent en lien avec d’autres organisations. Par exemple, des actions ont été mises en place avec les réfugiés depuis un an et demi, de manière assez ponctuelle, mais régulière dans le temps. Cela vient de l’ensemble du collectif de PEC, nous voulons accueillir sur la ville les nouveaux arrivants et nous souhaitons nous coordonner avec d’autres pour ne pas faire doublon. Nous nous demandons ce que nous pouvons apporter de plus par rapport à ce qui se fait déjà dans d’autres associations classiques (l’alphabétisation, le caritatif…) et comment ne pas faire un énième cours de français. Nous avons donc monté un fond commun, par prélèvement automatique, notamment pour que les réfugiés puissent payer leurs timbres fiscaux. Nous avons fait des cagnottes, des buvettes… Ça se résout à la petite semaine, mais nous voudrions instaurer quelque chose d’un peu durable.

Nous voulons faire de l’interaction pour que les cultures se partagent et se comprennent. On réactive ainsi la « méthode tandem » : une méthode mise au point par l’Office franco-allemand pour la Jeunesse, basée sur le principe de l’apprentissage linguistique mutuel et réciproque.

Nous mettons notre démarche en correspondance avec le domaine artistique. L’idée est d’inviter directement les artistes à venir sur le territoire. Par exemple, Marc Pataut, photographe, est venu sur trois ans et il y a eu beaucoup de contacts autour de son travail de photographie. L’artiste lui-même, en fonction de ses désirs, prenait ses propres contacts. Cela amenait des gens dans l’association que nous ne connaissions pas. Ce qui nous intéresse dans ces collaborations avec des artistes, c’est de ne pas savoir ce qui va se faire d’avance.

Nous invitons prochainement Fabienne Yvert, artiste écrivaine qui va rencontrer un groupe de réfugiés à Uzerche. Elle va aussi voir une femme qui avait une boutique de laine sur Tulle, elle prévoit de travailler avec quelqu’un des restos du cœur. Son idée est de faire des ateliers avec les gens eux-mêmes, avec de la sérigraphie, des cartons, pour faire des petites manifs en ville avec des sacs en craft et se regrouper avec des mots qui sont « portés » par ceux dont on entend habituellement pas les voix.

Nous co-animons également le « cycle travail », qui fut l’occasion de faire des liens entre le passé le présent de nos activités associatives. Dans les années 90s, nous avions mis en place des groupes d’autoformation autour des ouvrages de Gorz, de Meda, de la revue Transversales. Il y avait un travail fait avec 25 personnes avec des lectures de textes, des fiches de lecture, des questions et des échéances de production. Cela a résonné avec la proposition en 2016 de l’association Medication Time de travailler sur le travail selon une forme et un public différents, notamment avec des réseaux qui ne s’appuient pas uniquement sur des « experts ». Cette initiative était liée aussi au contexte « Nuit Debout » et la mobilisation contre la « loi travail ». Cela a suscité de l’intérêt, auprès des jeunes.

Il y a ainsi un terrain propice propre à cette région de liberté d’initiative individuelle et collective, puis des moyens pour le faire dans une certaine autonomie par rapport à la sphère politique.

Problématisation

Cette partie propose de faire émerger des problématiques transversales à partie de l’analyse de l’entretien par l’équipe de recherche en dialogue avec la démarche réflexive engagée par les acteurs associatifs.

L’association semble continuellement en tension entre un processus instituant selon une démarche pragmatique (initiative, invention, autonomie) et le cadre institué dans lequel il se déroule et doit être validé (salariat, évaluation, bilan…), même si Peuple et Culture a davantage d’autonomie financière par rapport à d’autres associations qui n’ont pas de réserves et qui ne se mettent en action que quand ils ont les financements.

Cela se traduit par la difficulté d’accorder différents espaces-temps ou temporalités : le temps long de la pensée se confronte à l’urgence administrative, évaluatrice. Il y a une contradiction entre la réflexivité essentielle pour l’association et l’obligation de produire des bilans, et au final d’être « la tête dans le guidon ». Il est alors difficile d’échafauder une pensée, qui par ailleurs à tendance à s’étioler dans les associations d’éducation populaire, alors que le renouvellement d’une pensée critique du social est nécessaire, notamment en se réappropriant le temps du récit collectif.

Penser est difficile dans un temps court, et l’on risque de ne pas prendre ce temps de la réflexion sous le prétexte de l’urgence. Le pragmatisme et la réactivité empêchent d’élaborer un calendrier hors de celui des institutions ou de l’actualité. Avoir son propre calendrier, ceci pourrait être un objectif central, dans une éducation populaire repolitisée.

Aménager l’espace-temps est donc lié à un effort de transformation sociale.

Comment faire un pas de côté ? Comment le faire avec d’autres ? Plutôt que de faire un projet SUR les autres. Par exemple, comment penser l’accueil des réfugiés ? Cela renvoie à la question de l’hospitalité comme patrimoine commun, comme possibilité d’accueil sur un territoire, comme forme d’organisation sociale et solidaire, en dehors des formes institutionnelles classiques.

Comment faire « commun » ? Sachant que PEC sert d’interface pour faire « réseau » et souhaite inscrire des dispositifs dans le temps, comment penser, expliciter et mettre au travail ce commun qui émerge ?

Ce commun apparait aussi quand l’association aménage l’accueil d’artistes en résidence sur le territoire en cherchant un lien avec les habitants, quand elle propose de prendre le temps de la rencontre alors que les critères culturels institutionnels sont plus basés sur le principe « d’excellence artistique ». Les financeurs demandent souvent à l’association de faire ce qu’elle sait déjà faire car ils sont dans la logique de projet et ont besoin de connaître les objectifs, les finalités, ce qui s’oppose à la logique de processus et à l’inventivité à l’œuvre dans l’association.

Ne s’agit-il pas au contraire de faire reconnaître le droit à l’expérimentation comme modalité opérationnelle amenant à reconsidérer les configurations de développement ? Notamment dans les territoires « délaissés » qui offrent de nouvelles possibilités de liens et d’activité, où cette « déprise » devient le moyen d’un réengagement ?

La résidence semble être une occasion d’expérimenter de la durée, du temps long, avec un rythme moins agité que l’habituelle action associative rythmée par les opportunités économiques ou la réponse aux appels à projets. Les ateliers avec les artistes semblent à la fois ouvrir des espaces de rencontre, d’échanges et d’actions, tout en sortant de la logique programmatique, de la planification, de l’évaluation… Qu’est-ce qui se joue dans ces espaces ? Comment le mettre en valeur ? Comment cela pourrait faire référence et bousculer les institutions dans leur manière d’envisager la production artistique ?

Ainsi, entrer en recherche-action collectivement entre savoirs experts et savoirs populaires, trouver de nouvelles formes d’intervention et de recherche, se réapproprier des formes d’expertise, être en lien avec les mouvements sociaux, tout cela conduit à concevoir d’autres espaces ou « tiers espaces » pouvant s’inscrire dans des logiques d’autoformation. C’est une manière de rompre avec la logique de programme qui consiste à construire des formations et ensuite chercher un public. Ce serait aussi un moyen de dépasser le « problème » de la transmission et de l’implication d’une nouvelle génération d’acteurs dans les associations d’éducation populaire. Comment des alliances peuvent se construire avec les jeunes plutôt que de vouloir les faire rentrer dans les structures ?

Comment alors les associations pourraient s’inspirer d’autres modes de fonctionnement, plus proches d’une « micropolitique des groupes », selon des prises de décisions horizontales et l’aménagement d’un autre espace-temps réflexif ? Il y a une fragilité de la collégialité qui tient fortement aux personnes présentes et à leur culture politique. Il faut donner le temps d’arriver aux personnes, pour que cela puisse marcher avec les « anciens ». Se pose donc la question de la légitimité de « s’autoriser » d’être « force de proposition », notamment dans un cadre sans hiérarchie formelle.

Contact

Avenue Alsace Lorraine – 19000 TULLE

La Roulotte

Présentation

Cette partie présentation est la synthèse d’un entretien réalisé entre l’équipe associative et le laboratoire de recherche (LISRA) le second semestre 2018.

La Roulotte a été créée en 2005. Le but de l’association est d’amener le jeu vers les gens, notamment dans les zones rurales du Limousin. Nous voudrions répondre à ce besoin sur le territoire. Nous sommes cinq au bureau. C’est un bureau-CA. Nous travaillons sur tout le Limousin.

Nous organisons des animations régulières dans les écoles, des ludothèques éphémères, des ludothèques séniors en EHPAD, des soirées jeux. Nous travaillons donc auprès de différents publics, les personnes handicapées, la petite enfance. Nous réalisation d’autres animations ponctuelles tout public lors de fêtes, sur les marchés, chez les particuliers.

Intervenir pour les privés n’est pas vraiment la vocation de l’association, mais sans ces actions ponctuelles qui représentent beaucoup d’entrées d’argent, nous serions en difficulté. Il nous faudrait plus de subventions, pour suivre notre but premier d’éducation populaire. Nous avons de la chance que le bouche-à-oreille continue, ca nous permet de trouver des prestations et de toujours fonctionner à deux. Car il n’y a qu’un salaire aidé sur les deux contrats, c’est un emploi associatif Régional, qui s’arrêtera en 2020. La fin des emplois aidés nous met en difficulté. Tout le reste est autofinancé par de la vente de prestations auprès d’entreprises privées. Aujourd’hui notre fibre de bénévole en prend un coup quand on parle de rentabilité. Il est dommage que ce genre d’association soit soumis à cette exigence.

Le jeu accessible à tous et gratuitement fait partie de nos valeurs. Nous refusons les animations quand l’entrée est payante pour les participants (mais nos prestations peuvent être payantes pour les organisations).

A St Junien la CAF finance un contrat Enfance-Jeunesse dont nous faisons partie, ainsi nos animations sont gratuites sur la commune car nous sommes financés. Nous avons une relation partenariale avec la commune, nous sommes acteurs de la vie associative ici. Nous intervenons dans les quartiers, nous participons également à un programme de Soutien à la Fonction Parentale (sans subvention).

Ces interventions avec une vocation sociale sont basées sur le jeu pour tous, par tous et en tout lieu. Tout le monde a droit au jeu et c’est notre outil de base. Nous souhaitons proposer des jeux intéressants, coopératifs, avec des éditeurs indépendants. Nous le faisons avec le jeu de société en montrant des choses différentes, et nous avons une réflexion pour faire de même avec le jeu vidéo. L’animation et le côté éducatif autour du jeu son très importants. Par exemple, nous ne mettons pas les règles du jeu sur la table. Pour nous, « laisser libre », c’est fondamental. C’est pour ça que nous faisons la distinction entre atelier et jeu libre. En atelier, nous intervenons sur des problématiques, nous recherchons des choses précises, nous sommes liés à des objectifs éducatifs. Mais n’importe quel jeu est éducatif, il y a une dimension sociale dans tous les jeux. On peut apprendre à compter, à lire, à construire des stratégies, etc.

Quand les enfants jouent, les parents discutent. La ludothèque devient un espace de liberté, de parole et de discussion. C’est un lieu d’échange et un lieu neutre où peuvent se rencontrer et interagir différentes professions et statuts sociaux.

Il s’agit de faire sortir les enfants et les parents de chez eux et de leurs écrans, et de leur proposer quelque chose à partir de leurs savoir-faire et compétences. Cela permet de sortir du quartier, de se mélanger, et de gommer les catégories sociales. Ces gens se retrouvent ensemble à jouer, alors qu’ils ne seraient pas adressés la parole dans la rue. La fête du village crée la même chose au milieu de la place. Nos usagers savent qu’on leur apporte quelque chose avec le jeu donc ils sont contents de faire un échange de bons procédés. Par exemple, nous voulions monter un jeu en tissu avec l’équipe, mais nous ne savions pas coudre, donc nous sommes allés voir les habitants qui avaient les compétences, et nous avons fabriqué le jeu ensemble. Ca a bien marché. Mais ca s’est fait en grande partie sur du temps bénévole. Ne pas avoir de subvention nous bloque pour sortir du coté vente de service, c’est pourtant la dimension d’éducation populaire qui nous intéresse, « faire avec les gens ». Or nous avons cette volonté d’entrer en relation avec les habitants, de créer un espace où l’on se sent libre de discuter et de faire une place au bénévolat.

Problématiques

Cette partie propose de faire émerger des problématiques transversales à partie de l’analyse de l’entretien par l’équipe de recherche en dialogue avec la démarche réflexive engagée par les acteurs associatifs.

La pratique de recherche de subventions et de prestations d’animation vient heurter le métier et les valeurs de l’association, notamment quand elle ne pense plus l’action en termes de public, mais d’argent. La nécessité de subsister en tant qu’association entre en contradiction avec ses valeurs d’accessibilité et de gratuité du jeu, d’échange et de bénévolat, de fournitures locales, d’ouverture et d’accueil dans les espaces qu’elle propose au public.

La tension entre la dynamique associative d’éducation populaire et la logique entrepreneuriale grandit à mesure que les fonds publics diminuent. De manière corrélative, les pratiques d’animation s’inscrivant dans une temporalité longue sont contraintes par les conditions à courts termes imposées par les commandes publiques ou privées et les appels à projets.

La normalisation de l’appel à projet amène les associations à être considérées comme de vulgaires prestataires de services subventionnés au « coup par coup ». Comment mettre en place une stratégie qui permettrait de répondre aux appels tout en « faisant à sa sauce, en créant quelque chose de particulier » ?

Ne faut-il pas repenser la notion même de projet si l’on veut repenser le modèle économique ? Autrement dit, penser un projet qui ne soit pas uniquement orienté dans une logique d’activité sectorielle, mais qui puisse en même temps penser le cadre et les rapports sociaux dans lequel il s’insère. Cela demande donc de passer d’une ingénierie de projet type « appels à projets normatifs » à une logique de projet consenti. Ce serait une manière de générer soi-même (et à plusieurs) ses propres appels à projets, avec leur temporalité propre.

L’association souhaite faire évoluer son modèle, pour cela, la formation autour du jeu est une perspective qui permettrait de conjuguer ses spécificités et valeurs, avec les ressources financières. Mais à cet endroit l’association est confrontée à une dichotomie privé / public : soit elle dispense des formations dans le privé et fait payer, soit, elle forme les agents du service public et doit à ce moment là travailler gratuitement ou pour des sommes symboliques, sans pour autant avoir davantage de subventions par ailleurs. Cette situation est symptomatique de l’impasse dans laquelle les associations sont poussées, prises en tenaille entre un marché concurrentiel où l’éducation populaire n’a pas sa place, et un service public qui n’est plus en mesure de financer le travail associatif.

Peut-être faut-il porter ces réflexions et ces idées d’évolution au sein d’un collectif d’associations, d’un réseau (mutualisation de compétences et de moyens). Comment mettre en chantier collectif ces interrogations, à la fois pour mieux comprendre les phénomènes qui touchent les associations et à la fois pour trouver des solutions « tierces » (au-delà du public et du privé soumis aux mêmes contraintes gestionnaires) à plusieurs et ainsi faire du commun ?

En quoi le territoire peut apporter une dimension tierce et sous quelle forme ? Quels seraient les partenaires et les acteurs susceptibles de se mobiliser dans ce tiers espace économique ? Comment penser une relation en réseau avec d’autres associations (du territoire proche ou plus lointain, du secteur de l’animation ou d’un autre) ? À quelle échelle ouvrir cette réflexion dans l’association et sur son environnement humain (salariés, bureau, CA, bénévole…) ? Comment trouver les moyens, en interne, pour penser l’environnement, plutôt que de se faire penser, manager, écrire, déterminer par lui ?

Il y a en cela une relation entre le modèle économique et la dimension « sociale » du jeu. Le jeu peut aussi se comprendre comme un tiers espace « neutre », de « liberté de parole », de « discussion », de « rencontre » entre métiers différents, de mixité sociale puisqu’il permet de croiser une diversité au-delà des catégories d’appartenance socioculturelles.

Le jeu pourrait appuyer une formation-action et une autoformation réciproque. Le jeu peut accompagner une logique réflexive d’ouverture d’espace où l’on peut faire un pas de côté, interroger sa posture socioprofessionnelle et son mode d’application militant.

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2 Place Auguste Roche – 87200 Saint-Junien

OCCE 19

Présentation

Cette partie présentation est la synthèse d’un entretien réalisé entre l’équipe associative et le laboratoire de recherche (LISRA) le second semestre 2018.

L’OCCE 19 est une association autonome, rattachée à sa fédération nationale, elle fait vivre un programme d’animation, de formation et d’intervention autour d’approches pédagogiques complémentaires à celle de l’Education Nationale.

Tous les premiers mercredis du mois, l’Occe organise des temps d’échange de pratiques entre enseignants, qui cherchent d’autres façons d’enseigner. Il y a un vrai échange professionnel. Le partage, les valeurs communes, les rencontres, la façon de travailler ensemble, d’être à l’autre. Ce qui permet d’interroger les pédagogies institutionnelles et coopératives.

L’OCCE organise ses rencontres dans des lieux peu habituels, car être hors cadre institutionnel ou structuré permet de faciliter l’échange. Nous avons besoin de cette liberté-là, de déborder du cadre.

Autour des pédagogies institutionnelles et coopératives il y a des enseignants, mais également des animateurs, des éducateurs, des citoyens qui se questionnent. Il y a donc des statuts différents dans l’association, ce qui rend l’OCCE complètement protéiforme.

L’association dialogue avec l’institution mais contrairement à l’Education Nationale l’OCCE permet de faire un pas de côté, « hors cadre ». C’est une manière d’être à la fois « huile et grain de sable dans l’engrenage ».
Nous sommes à la croisée de différents mouvements pédagogiques.

Certains ont une accointance avec Freinet, nous nous situons plus généralement dans le mouvement de la pédagogie alternative sans nous référer à un « maître à penser » unique. Nous cherchons ainsi à mettre en valeur la « matière grise » en dehors des logiques de formatage, car le système de formation des enseignants est trop restrictif. Puis dans ce système éducatif, tout pousse à l’individualité, alors qu’on sait que l’enfant apprend mieux avec des pairs.

La pérennité des fonds est un problème, c’est compliqué, car nous ne somme pas une entreprise avec telle ou telle ressource. Or l’Education Nationale à une commande de rentabilité vis-à-vis de ses enseignants, c’est le modèle entrepreneurial qu’elle tente d’appliquer et notre système éducatif est empêtré là-dedans.

Les salariés sont nécessaires pour l’activité que nous voulons développer. Mais nous ne savons pas sir nous aurons les financements à la hauteur. Nous aimerions trouver un équilibre entre les activités et les personnes qui peuvent les assurer.

Toutes les associations départementales ont une autonomie. Nous ne proposons pas toutes les mêmes choses, les mêmes ateliers, les mêmes interventions. Mais nous ne faisons rien isolément, nous travaillons avec d’autres associations et partenaires.

Le CA est variable, avec une dizaine de personnes. Ce sont des gens actifs, donc en poste (ailleurs ce n’est pas toujours comme ça, il y a des retraités). Le CA est ouvert et mouvant. A côté du CA il y a une union régionale avec deux représentants de chaque département. Et la fédération encore au-dessus.

Problématisation

Cette partie propose de faire émerger des problématiques transversales à partie de l’analyse de l’entretien par l’équipe de recherche en dialogue avec la démarche réflexive engagée par les acteurs associatifs.

L’OCCE offre un tiers espace entre la sphère privée et la sphère publique, l’investissement personnel et professionnel. Cet espace à la fois connecté au travail et séparé du travail favorise une démarche réflexive non contrainte et un processus d’auto-formation réciproque. Faire un « pas de coté » vis-à-vis d’une posture d’agent, « déborder du cadre » pour réfléchir à sa condition d’acteur et d’auteur, de co-constructeurs de situations collectives. Il y aurait dans ce sens une écriture intéressante à produire autour de cette expérience collective pour qu’elle serve de référentiel à d’autres structures au-delà du champ pédagogique.

Autrement dit, comment sortir des logiques disciplinaires propres au fonctionnement sectoriel et institutionnel pour engager des espaces d’échanges transdisciplinaires ? Par exemple comment provoquer un croisement des savoirs et penser au-delà du rapport d’enseignement. Comment les pratiques « protéiformes » de l’association viennent bousculer les grilles des métiers classiques ? Est-ce qu’il n’y a pas là une expérience qui repense les statuts, fonctions et organigrammes professionnels ?

Comment penser autrement l’articulation entre le modèle éducatif et le modèle économique ? Cela demande de créer les conditions d’extériorité depuis l’intérieur de l’association, incorporer dans l’asso une capacité à se questionner, à prendre du recul, à distancier son activité.

Dans le constat du conflit entre les valeurs de projets associatifs et les contraintes économiques, remarquons que le modèle entrepreneurial gagne aussi le milieu de l’enseignement. Il faut prouver aux pouvoirs publics qu’il y a des retombées économiques et l’Education Nationale à une commande de rentabilité vis-à-vis de ses enseignants. Comment trouver un mode de fonctionnement qui réinscrit le temps dans une durée, c’est-à-dire pas uniquement la temporalité du projet et de l’efficacité, mais celle du processus réflexif, de la transformation, de l’auto-formation ? L’ouverture de tiers-espaces en est un exemple.

L’OCCE est au cœur d’une tension entre l’institué (ce qui est en place, l’ordre établi) et l’instituant (ce qui émerge, qui s’auto-constitue, parfois contre l’institué, dans l’institué ou autour de lui). L’histoire institutionnelle montre comment les pratiques instituantes deviennent elle-mêmes institution. L’institution des pratiques pédagogiques alternatives ou coopératives est-elle souhaitable ? Souhaite-t-on une généralisation des ces pratiques ? Est-ce qu’il est souhaitable de les faire entrer dans le « cadre » ? Ou au contraire, doivent-elles rester instituantes, autrement dit, subversives et « hors cadres »?

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7 Ter Rue Louisa Paulin – 19000 Tulle

MJC Centre Social La Souterraine

Présentation

Cette partie présentation est la synthèse d’un entretien réalisé entre l’équipe associative et le laboratoire de recherche (LISRA) le second semestre 2018.

L’association a été déclarée en octobre 1964. Nous avons, entre autres, une mission sur l’éducation artistique et culturelle. Nous utilisons la culture pour travailler sur des problématiques transversales comme la santé. L’animation socioculturelle est notre cœur de métier avec, en plus, la spécificité de la gestion du cinéma. C’est important pour le territoire et pour le dispositif d’éducation socioculturelle. Tout en conservant notre cœur de métier, on s’est orienté vers le FSE. Autour de la question de l’illettrisme. Nous avons un personnel convaincu que la culture est un média facilitateur de socialisation. Nous relions éducation populaire et éducation artistique

Les activités de notre structure correspondent bien à nos besoins de territoire. Il y a des équipements importants, un centre culturel avec une capacité de 400 personnes en jauge assise. C’est la seule MJC du Limousin et le fait qu’elle soit centre social pour tout public, de l’enfance jusqu’aux personnes âgées qui font de l’aquagym, fait qu’on touche l’ensemble de la population. On a des services dédiés sur chaque population : un projet d’insertion sociale, le cinéma, outil culturel, un contrat éducation artistique… Donc on peut mutualiser ces projets en interne. C’est mieux que si on avait des services éclatés à mettre en réseau.

Nous travaillons sur la commune sur le projet « micro folie », en partenariat avec la Villette. C’est un musée numérique qui permet d’avoir accès à des œuvres picturales et musicales, c’est pluridisciplinaire. Mais c’est aussi un outil d’éducation artistique qui permet à n’importe quel éducateur (éducation nationale ou autre) de faire un parcours de recherche autour des œuvres.

Problématisation

Cette partie propose de faire émerger des problématiques transversales à partie de l’analyse de l’entretien par l’équipe de recherche en dialogue avec la démarche réflexive engagée par les acteurs associatifs.

Le territoire de la Creuse a été impacté économiquement par l’industrie automobile, notamment GMS. La crise de ce secteur implique des licenciements de gens qui habitent sur le territoire. Cette situation pèse sur l’action de la MJC, car les familles s’en vont et il y a moins de jeunes. D’un autre côté, il y a un passé mutualiste encore prégnant et une solidarité entre les gens. Un mouvement coopératif très fort a perduré dans l’histoire, donc le territoire est marqué par les valeurs de solidarité et d’entraide… Le cercle Condorcet en Creuse est assez actif et il y a beaucoup d’économie solidaire à Guéret.

La conscience d’être un territoire délaissé ou en retrait permet-elle d’imaginer d’autres formes de développement, notamment des expérimentations d’activité et d’économie commune ? Or, la professionnalisation conduit souvent à des recherches de financement dans une logique d’appel à projets alors que le besoin concerne l’appui structurel du fonctionnement.

Le centre culturel est intercommunal, mais la communauté de commune n’a pas la compétence culturelle, simplement la compétence « équipement structurant pour le territoire ». En quoi le travail de la culture, au-delà de la mission historique de l’éducation populaire et des MJC, peut-il contribuer à nourrir un développement culturel, notamment dans une cohérence avec les différents acteurs du territoire ?

L’animation est par définition très large et polyvalente. Le personnel a une vision de l’ensemble des projets, ce qui permet de mutualiser des secteurs et de construire ensemble  pour faire en sorte que les publics se croisent. En quoi cette logique trans-sectorielle propre au lieu peut-elle inspirer, voir servir d’interface, dans un développement local ? On revient à la dimension du territoire apprenant dans le sens générique de tiers espaces au-delà du label « tiers lieux ».

Comment mutualiser des savoirs, des pratiques, des stratégies avec d’autres acteurs et/ou habitants du territoire pour que l’économie ne soit plus uniquement cette contrainte aléatoire et incontrôlable, mais un élément sur lequel jouer, avoir prise, à l’échelle d’un territoire de vie ?

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27, rue de Lavaud – 23300 La Souterraine

CEMEA

Présentation

Cette partie présentation est la synthèse d’un entretien réalisé entre l’équipe associative et le laboratoire de recherche (LISRA) le second semestre 2018.

Cette partie propose de faire émerger des problématiques transversales à partie de l’analyse de l’entretien par l’équipe de recherche en dialogue avec la démarche réflexive engagée par les acteurs associatifs.

Nous fêtons les 50 ans d’existence des CEMEA en 2016 sur le Limousin.

Nous sommes une association d’éducation populaire, mouvement d’éducation nouvelle, complémentaire de l’enseignement public, dans son intitulé même, nous défendons l’éducation pour tous. L’enjeu, c’est de faire bouger ses lignes de l’éducation, même au sein de l’Education Nationale, notamment par la proposition de formations, mais nous nous heurtons parfois au cloisonnement des contraintes de l’institution. C’est un beau défi.

Nous sommes quatre permanents sur l’équipe limousine, une secrétaire qui s’occupe de l’administration et trois personnes sur les actions pédagogiques. Nous avons tous les trois des missions autour de la «vie du mouvement », ce sont des temps de regroupement, avec les militants, des soirées jeux, des débats, etc. Les formations sont aussi portées par les bénévoles, il n’y a pas toujours d’encadrement salarié.

Parfois des salariés sont amenés à dépasser leur temps professionnel pour se consacrer à la vie associative. Cette question du rapport entre bénévoles et salariés est une préoccupation permanente chez nous,c’est une frontière souple propre au fonctionnement associatif mais qui peut poser des problèmes dans le rapport au travail.

Nous avons un projet autour de l’éducation nouvelle et des mouvements d’éducation nouvelle. C’est un projet de construction citoyenne et de changement de société. Pour cela, la formation est un outil principal. Elle est à destination aux adultes du champ éducatif. Nous faisons autant de la formation pour les volontaires que de la formation professionnelle, dans l’animation, avec le personnel de l’Éducation Nationale, de la petite enfance, et du secteur culturel (accompagnement à la médiation culturelle)…

Nous avons également plusieurs projets spécifiques d’accompagnement. On a un animateur qui s’occupe des conseils citoyens des quartiers de la ville de Limoges dans le cadre du contrat de ville. La CAF nous a également missionnés pour animer l’ensemble du réseau des assistantes maternelles (RAM) du 87. En lien avec la DDCSPP 87, nous participons à des journées d’échanges de pratiques avec les professionnels (avec la ligue de l’enseignement, les Francas…) nous nous regroupons pour parler de nos spécificités autour de l’éducation populaire.

 Nous avons aussiun groupe de militants investis sur la Creuse autour des questions de l’école. Ils mettent place des temps d’échanges et de débat sur ces questions.

Nous cherchons une cohérence politique au sein du réseau CEMEA. L’association nationale sert de relais au niveau des ministères. C’est aussi une coordination nationale de la vie militante, avec des propositions et des formations. Il y a des commissions nationales sur différents pôles, pour échanger entre ce qu’il se passe sur le terrain dans les associations et avoir une politique cohérente sur tous les territoires

Notre volonté, dans la construction actuelle sur la grande région, était de partir du territoire pour qu’il y ait une dynamique locale, avec un représentant de chacun des territoires. Nous voulons rester très ancrés pour éviter une centralisation des compétences.

Il y a de nouvelles solidarités qui naissent, notamment en Creuse, il y a peu de moyens mais il y a beaucoup de réseaux, de collectif,d’entraides, pour remédier à ce manque-là sur le territoire. Nous travaillons beaucoup sur les partenariats, sur les formations, sur l’école du numérique…. Nous faisons de la mutualisation de connaissances, d’outils et de matériel.

Par exemple, le fait d’avoir en charge les conseils citoyens, permet de rencontrer les autres associations de quartier et de paraître en plus grande visibilité sur le territoire. C’est comme cela qu’on nous interpelle pour de nouveaux projets, que l’on peut répondre davantage aux besoins du territoire et pas seulement à nos besoins à nous. C’est parce que nous sommes sorti de nos champs historiques, que nous avons été repérés et que la porte s’est ouverte. Ça nous amène plutôt à réfléchir sur nos modèles.

Si des tiers lieux naissent et répondent à un besoin, à nous de nous poser des questions, notamment sur les attentes de proximité de la vie locale où les gens ont besoin de se rencontrer dans un espace qui leur appartienne, un espace en partage. Les gens ont besoin de s’approprier des espaces communs.

C’est très fort au sein de notre association CEMEA Limousin, cette idée que ce ne soit pas l’économie qui nous gouverne. Car on est attaché à nos valeurs et nous ne voulons pas faire « pour » l’économie, ou mettre l’économie en premier. Sur les modèles socio-économiques,on se questionne déjà entre nous aux Cemea. Et c’est intéressant de voir que d’autres secteurs sont traversés par les mêmes problématiques. Nous voulons avancer sur notre projet, mais ne pas passer à côté de ce qui peut naître autour.

Problématiques

Cette partie propose de faire émerger des problématiques transversales à partie de l’analyse de l’entretien par l’équipe de recherche en dialogue avec la démarche réflexive engagée par les acteurs associatifs.

Les appels à projet changent-ils le rapport entre service public et privé ?Cette logique prestataire de l’association était-elle déjà inscrite avant ? Et dans ce cas, de quoi les AAP sont-ils révélateurs ?

La principale ressource des associations que sont les bénévoles se « tarie ». Mais s’agit-il de la fin de la militance ou d’un déplacement des ressources vers un autre type « économie du commun » par exemple ? Dans ce cas, plutôt de déplorer « la fin de.. » ne faut-il pas chercher ailleurs des modèles ou d’autres configurations systémiques ?

Est-ce que dans son cas, le renforcement du salariat ne vient pas combler ce déficit bénévole au risque d’épuiser les salariés, qui passent énormément de temps dans l’association ? Ils ne savent plus quand ils sont salariés ou bénévoles et c’est parfois contraire à ce qui est défendu dans le projet de l’éducation populaire,notamment sur le rapport au travail. Est-ce qu’il s’agit simplement de questionner le rapport entre CA et salariat sans s’interroger sur la question du modèle économique ?Autrement dit, est-ce que l’association peut changer à l’intérieur alors que le contexte extérieur évolue vers une autre direction concernant l’économie de l’engagement de la relation ?

Comment toucher un nouveau profil d’acteurs si les associations ont du mal à se distinguer dans leur proposition ou apparaître clairement en termes de visibilité sur le territoire ? Cela pose la question de l’accessibilité à travers des espaces de rencontres, d’échanges,de constructions et de propositions. Devons-nous continuer à réfléchir en termes de dispositifs ou plutôt ne faut-il pas redéfinir nos propositions en termes d’espaces ?

En revanche, les partenariats restent une ressource classique des associations. Ce partenariat reste-t-il celui classique du secteur de l’éducation populaire, ou se renouvelle-t-il avec un nouveau profil socioprofessionnel d’acteur ? Si oui est-ce que ces compétences sont liées uniquement à des corps de métier ou sont-elles de plus en plus détachées pour se mobiliser plutôt sur des formes situationnelles ?

La grande région Nouvelle Aquitaine est l’occasion d’interroger le rapport du« local au global » en termes de réseau, de développement de territoire, d’économie d’échelle, d’espace de diffusion d’expérimentations. Quelle est la bonne dimension ?L’extension du territoire augmente les temps de transport, les temps de réunions croisées, aplanie ou au contraire mais en tension la diversité associative.

D’un autre côté le renforcement d’un réseau sectoriel peut constituer une nouvelle ressource, mais alors, n’est-ce pas au détriment de l’appropriation locale des processus par les acteurs/habitants ?Le renouvellement du mode d’organisation ne serait-il pas en train de se faire davantage par la dimension territoriale, dans une logique de rhizome, que par la fédération sectorielle et ses structures gouvernées par une logique de projets ?

L’organisation en réunions à la chaîne (internes ou partenariales) qui peut devenir une réunionnite est assez symptomatique du fonctionnement associatif qui se rapproche d’une logique identitaire de secteur mais qui ne permet pas obligatoirement de se poser en extériorité par rapport à son fonctionnement et trouver des alternatives.

Où sont alors les espaces possibles de redéfinition qui ne seraient pas simplement utiles pour le renouvellement du projet associatif, mais qui seraient aussi des espaces réflexifs permanents pour penser les extériorités(contraintes politiques, économiques, environnementales) et avoir prise sur elles? Ce serait d’ailleurs conforme à la vocation transformatrice de l’éducation populaire. Mais est-ce que cette« pensée en actes » se déploie dans les lieux classiques de rencontre des réseaux d’éducation populaire, ou faut-il imaginer d’autres espaces ?

Cela renvoie la possibilité d’être attentif sur ce qui se passe dans le territoire, de se laisser envahir son observatoire par les alternatives qui naissent autour, tout en échappant aux radars institutionnels des logiques d’appels à projets ou de dispositifs.Cela veut dire que les intervenants salariés aux bénévoles doivent concevoir leur approche aussi en termes d’espace (donc d’ouverture,de passage, de trans sectoriel…)

Effectivement, où sont les espaces de rencontres d’une diversité sociologique dans un accueil inconditionnel qui permettrait ainsi de faire écosystème et de se sentir dans un espace du commun ?

Il s’agit de réinventer ces lieux de convivialité et de proximité de type café associatif sans obligatoirement entrer dans une logique de « tiers lieux », de prestataire de service et de « pépinière de projets » qui ne changent rien à la logique individualiste productiviste de l’économie libérale.

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23A boulevard Saint Maurice – 87000 Limoges

Le battement d’ailes

Présentation

Cette partie présentation est la synthèse d’un entretien réalisé entre l’équipe associative et le laboratoire de recherche (LISRA) le second semestre 2018.

Le Battement d’Ailes, dès 2005, s’est organisé autour de pratiques agro-écologiques. Il s’agit de mêler agronomie et écologie pour penser et mettre en œuvre les fondements d’une agriculture respectueuse de son milieu, permettant de se nourrir dans dégrader l’environnement.

L’association fonctionne en autogestion, ce qui détermine ses relations, ses modalités de travail et de prise de décision. Cela prend forme avec des délégations de pouvoir, des commissions animées par des coordinateurs entourés d’autres personnes pour avoir des marges de manœuvre. La collégiale (composée des amis du territoire) et les bénévoles en immersion sur le lieu, nous permettent d’avoir un regard extérieur sur l’activité de l’équipe permanente (constituée de bénévoles et de salariés).

Le lieu s’étend sur 5 hectares et mêle production agricole (fruitière, légumière, pâturage) habitat et activités d’accueil. Il se conçoit comme un tremplin à différentes initiatives partageant des valeurs communes, une autre façon de vivre l’environnement.

Nous voulions mettre en pratique l’agro-écologie puis la transmettre, plutôt que de rester dans un discours. C’est pour cela que le bâtiment principal a été conçu pour la restauration et l’hébergement, pour faire venir un public large et différent, dans une perspective de sensibilisation et de formation. Nous accueillons beaucoup de stages qui constituent un support pour étendre notre public et essaimer notre expérience. Mais faire uniquement fonctionner le restaurant et l’hébergement ne fait pas sens pour nous. Ce que nous aimons et savons faire, c’est accueillir des gens et faire avec eux. C’est pourquoi nous avons décidé pendant la trêve (temps de réflexion et de pause de l’activité pendant l’automne 2017) de mettre plus en avant l’essaimage. Aujourd’hui, relancer la formation et l’essaimage, qui sont le cœur du projet, demande du temps et de s’y consacrer pleinement.

Nous sommes inscrits dans plusieurs réseaux (réseaux RAE, Paysans Dès Demain, REPAS) qui permettent de prendre du recul, de rencontrer d’autres initiatives et d’accueillir des personnes qui veulent se former et tester leurs projets. En interne de l’association nous avons beaucoup de temps de réflexion autour de nos pratiques et de nos vécus (réunions d’équipe, entretiens individuels, séminaires, trêve…).

En ce moment (septembre 2018), l’équipe est réduite et il y a des changements réguliers depuis 3 ans, donc le but aujourd’hui est d’accueillir de nouvelles personnes afin de porter une équipe solide pour tenir le projet.

Problématique

Cette partie propose de faire émerger des problématiques transversales à partie de l’analyse de l’entretien par l’équipe de recherche en dialogue avec la démarche réflexive engagée par les acteurs associatifs.

Le Battement d’Ailes évoque la culture du jardin comme un espace d’expériences fortes liées à des individualités (ayant chacune leur vision, leur culture, leurs techniques propres) qui se succèdent sur le terrain sans produire nécessairement des objets, références ou savoirs communs et donc transmissibles. S’ajoute à cette complexité humaine une complexité technique puisque chaque espace de jardin a une histoire, une fonction et une destination différentes des autres. Comment se constitue un champ de savoirs communs sans pour autant raboter les aspérités que constituent les styles et cultures individuels ? Souvent dépendant d’une logique disciplinaire ou sectorielle de type universitaire (et que l’on peut retrouver dans le jardinage tout autant que dans la philosophie), un corpus de savoir est toujours lié à un rapport de pouvoir dans la capacité pour un groupe socioprofessionnel d’orienter un champ historique, en l’occurrence, ici, celui de l’agriculture et de l’écologie. La recherche-action peut trouver une place spécifique comme production de savoirs à partir des pratiques, en articulant le commun et le singulier, c’est-à-dire en prenant soin de la dimension organique des groupes.

Les savoirs-faires sont riches, mais font difficilement l’objet de transmissions centralisées dans un tronc commun. Comment mettre en valeur ce patrimoine commun alors que chacun développe sa propre vision, son propre parcours d’expérience ? Comment constituer l’héritage de connaissance des anciens pour ensuite le réinvestir dans des gammes de pratiques, de gestes, de valeurs et de connaissances à (auto) produire dans l’expérience vécue ? Autrement dit, comment maintenir l’entrelacement entre passé et présent, entre « anciens » et « nouveaux » ? Comment penser l’équilibre entre la transmission (qui peut-être lourde et contraignante d’histoire) et la liberté d’inventer (qui peut être nécessaire aux arrivants pour mieux sentir leur place et s’épanouir dans leur activité) ?

Comment ne pas tomber dans le travers de la référence aux anciens comme des « dogmes » de bonnes pratiques ? Comment laisser s’exprimer et reconnaitre les styles de chacun comme une richesse, comment se laisser le temps de l’enquête commune ?

Cela revient à poser la question de ce qui fait récit collectif et procure une vision globale entre les anciens et les nouveaux arrivants. Ce qui renvoie à l’ouverture d’un espace réflexif en définissant un espace tiers où l’on prend du temps et de la distance par rapport aux différentes formes d’engagement très prenantes, voire épuisantes.

L’association semble décrire impression de « courir tout le temps », de « ne pas faire les choses vraiment ». Plutôt que de « prendre le temps » ou « d’avoir du temps », comme si le temps n’était qu’une donnée quantitative. Alors, peut-être est-il nécessaire de penser le temps comme un espace dans lequel il ne pourrait pas être capté (par la logique productiviste, par l’urgence, par la gestion du quotidien…). Autrement dit, il s’agit d’ouvrir un espace « tiers », qui serait en dehors de l’activité quotidienne, qui consacrerait une place centrale à la posture d’extériorité par rapport à la structure. Ce serait l’occasion d’hybrider la démarche avec d’autres qui ne sont pas de la structure. Tant que la nature de ce « tiers espace réflexif » ne sera pas définie et repérée, il ne pourra acquérir une autonomie et se confondra surement avec l’espace socioprofessionnel, avec ce qu’il a d’enfermant, de gestionnaire et de technique.

Par exemple, l’association désire travailler sur ce qu’elle appelle sa posture « technico-politique », creuser davantage les significations pour chacun de l’autogestion et de l’agro-écologie, et évoquer les « tabous ». Or ce travail réflexif désiré aura certainement du mal à se réaliser s’il reste pris dans les murs des lieux et des cultures socioprofessionnelles. Comment provoquer un espace dédié à ces questions, avec d’autres sur le territoire, afin de déplacer et de destructurer les réflexions habituelles, pour se transformer au contact de formes étrangères ?

La sensation d’urgence est souvent liée à une projection, et donc une dépossession du présent au nom de l’avenir. L’urgence se fait toujours au détriment de la qualité de la présence. Du coup, il est difficile d’atteindre la démarche réflexive souhaitée, (mais aussi productive, qui « remet les mains dans la terre » et qui « fait sens ») si l’on reste dans la logique de projet en se demandant « à quoi ça sert », quel est le rapport « coût / efficacité », etc. L’urgence est souvent liée à un temps économique dont nous choisissons peu les règles, un temps agité, liée aux opportunités, cerné par la concurrence et la logique de survie. Comment habiter pleinement l’association et son territoire ? Comment opposer une présence à cette absence de nous-mêmes que la contrainte économique impose ? Comment, pour ce faire, trouver des points d’appuis extérieurs à l’association ? Le Battement d’Ailes a pris l’habitude de travailler en réseaux pour provoquer de l’extériorité et d’initier des temps de trêve et de séminaire pour entrer en réflexion sur son activité. Mais pour autant elle semble inquiétée sur son versant économique. Alors, comment déséconomiser son rapport à l’activité ? Est-ce que la mutualisation des ressources, à une échelle locale pour commencer, ne permettrait pas une relâche des tensions économiques tout autant que de nouveaux points d’ancrages, d’essaimage et d’appuis à porté de main ?

Dans cet essaimage par capillarité, comment en même temps former un corps de métier spécifique (l’agro-agriculture, la permaculture, la formation en éducation populaire, etc.) et changer de l’intérieur les corps de métier existant comme l’agriculture, l’aménagement du territoire et l’éducation ?

La relance de l’essaimage va-t-elle permettre un travail collectif pour « faire parler le métier » (entre anciens et nouveaux) afin de dégager ce qui fait commun, mais aussi de rendre visible et de poser les controverses?

Qu’est-ce qui structure (ou « forme » dans tous les ensembles du terme) un collectif ? Est-ce le projet ou le processus ? Les financements enferment les associations dans une logique de projet au point d’en perdre les fondements initiaux. La dissociation ensuite du projet et de la réalité écosystémique ou organique vivante provoque une tension, voire une fracture, dans le modèle de gouvernance, et finalement de l’épuisement par perte de sens. Le problème n’est peut-être pas le temps quantitatif ou le financement, mais la cohérence. Or cette cohérence est le fruit d’une rencontre entre le vécu de la pratique et la production individuelle et collective de savoirs, de connaissances, de valeurs, dans lesquels chacun se retrouve. La question autogestionnaire ne peut prendre corps que si une production de savoirs issue des pratiques interroge et réajuste continuellement le processus. Résister à la logique productiviste revient probablement à établir au sein même de la structure un « contre-espace » d’où la cohérence et le commun peuvent émerger.

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Lauconie 19150 Cornil
Site internet : https://lebattementdailes.org/