Méthodo
« Les conditions épistémiques et éthiques de validation de la recherche-action à travers l’approche en laboratoire social »
La recherche-action adopte une « éthique de reliance ». Elle décrit cette attitude et aptitude à créer du lien, à susciter des correspondances inédites entre acteurs et chercheurs, entre disciplines, entre modes d’engagement. Cette reliance structure aussi bien le pragmatisme d’une intelligence sociale cherchant une solution à des problèmes concrets qu’une science de la complexité recombinant dans une nouvelle forme des éléments de recherche. La réflexivité, la praxis et la transdisciplinarité constituent ses racines, sa « radicalité » au sens propre.
En tant que science réflexive, la recherche-action interroge les modalités de production des discours et des catégories de pensée et d’action. C’est donc naturellement dans les courants critiques que sa pertinence est validée comme ce fut le cas dans les années 70/80 avec la socioanalyse, l’analyse institutionnelle, l’ethnométhodologie et autres microsociologies.
En revanche, l’absence de courants scientifiques autonomes susceptibles de produire ses propres référentiels conduit la recherche-action à être continuellement écartelée entre deux formes de légitimité : la légitimité technicienne opérationnelle et la légitimité scientifique académique. Nous entrons alors dans un tiers-secteur de la recherche assez nébuleux, à l’instar du tiers-secteur économique qui peut regrouper des dispositifs très institués ou au contraire totalement informels.
Nous remarquons par exemple que la rhétorique de la « participation » des citoyens apparue dans les années 2000 tient plus de l’injonction paradoxale que de la réponse à une crise des modèles de gouvernance pour laquelle la recherche-action est convoquée comme justificatif à la fois scientifique et opérationnel.
Mais si elle n’est pas réduite à une simple méthodologie, alors la recherche-action est la mieux placée pour répondre aux situations complexes, émergentes, éruptives (circuit d’auto fabrication, maîtrise d’usage de l’espace public, cultures urbaines, tiers lieux, etc.), ou encore dans les périodes de mutation des secteurs socioprofessionnels lorsque les acteurs cherchent à reprendre la direction historique de leur mouvement (travail social, santé, économie sociale et solidaire, etc.).
À la croisée des savoirs profanes, techniciens et scientifiques, cette approche permet d’accéder au réel dans sa totalité et restituer la démarche des personnes dans leur intégrité. C’est un système ouvert profondément créatif parce qu’il n’élude pas les notions de crise, de désordre, d’auto-organisation, de hasard, d’incertitude.
Depuis une quinzaine d’années nous essayons de concevoir des dispositifs qui puissent accompagner ou provoquer ce type d’espaces de recherche qui jouent le rôle d’interface entre formes instituantes et instituées. Autrement dit, comment s’instituer de manière autonome en créant les conditions d’une reconnaissance et d’une validation ?
Trois dimensions sont mises en jeu : le plan individuel à travers l’acteur-chercheur, le plan du groupe à travers le chercheur collectif et le plan de la société à travers le laboratoire social. Pour simplifier, nous utilisons cette dernière notion de « labo social » pour résumer l’ensemble du processus.
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