No 22 – Sommaire / Edito

Le développement local en milieu rural

Sommaire

ACTUEL

  • ASSISTANTES SOCIALES DE PARIS: LA CHASSE AUX SORCIERES, par Cather
    ine Verdenaud et Jean Marie Gallet. Trois assistantes sociales sont sanctionnées pour avoir signé une pétition
  • POLITIQUE ET TOXICOMANIE OU UN CAMP PEUT EN CACHER UN AUTRE, par Sylvie Catona et Philippe Bourglan. Le placement autoriatire pour les toxicomanes est toujours d’actualité

ACTION SOCIALE

  • SERVICE SOCIAL ET PROJET DE REHABILITATION. Une expérience à Clichy La Garenne, par Nombaba Hassani. L’implication d’un service social de Secteur dans un projet de réhabilitation d’immeubles vétustes

DOSSIER

  • DEVELOPPEMENT LOCAL EN MILIEU RURAL. L’insertion sociale et professionnelle de jeunes en milieu rural : expérience et réflexion
  • UNE EXPERIENCE DE DEVELOPPEMENT LOCAL DANS LA SARTHE
    L’action du centre social rural du canton de Montfort Le Gésnois
  • REFLEXION SUR L’ACTION DE DEVELOPPEMENT LOCAL EN MILIEU RURAL,par A Caillot et et J Y Besson

RELATION ÉDUCATIVE

  • VIE ET SURVIE D’UN B.A.P.U. DE POITIERS, par Danielle Petit et Philippe Bourglan. L’existence du Bureau d ‘aide psychologique universitaire de Poitiers est remise en cause
  • DE LA SUPERVISION, par Simone Chatelard. La supervision en travail social offre un espace d’analyse et d’évaluation

LE JEU DE L’INTERVIEW

  • RESEAU: PRATIQUE DEMOCRATIQUE? Interview de Marc Hoffmann (Mouvance et réseaux village) par Gérard Chabaud. Les réseaux permettent une réappropriation des individus et des communautés de la parole et identité

LIBRE EXPRESSION

  • CHRONIQUE ANACHRONIQUE, par Gisèle Gueller

Edito

LIBERTÉ SURVEILLÉE

Le vide tiraille comme un creux au milieu de l’estomac: ça donne faim et oblige de bouger même si au fond on sait qu’on ne sera jamais rassasié. C’est un besoin vital: aligner des mots dans sa tête, parler et être entendu, faire des choix et poser des actes; bref: communiquer et être reconnu. Le vide appelle le mouve¬ment et des milliers de lycéens et d’étudiants occupèrent la rue fin 86 partout en France. Cela devenait une nécessité, une évidence: se réapproprier un espace social où s’étendait le vide.
Mais parler et marcher sont des choses simples telle-ment difficiles : il faut savoir utiliser son corps et surtout les mots… Trop pénible de lâcher quelques paroles quand il y a ce fameux nœud dans l’estomac, ça empêche de respirer. Alors s’installe souvent l’incompréhension puis la violence. Abrupte d’un côté, institutionnalisée de l’autre.
Naturellement, le travail social devrait contribuer à offrir les moyens d’une mise en mouvement, d’une réappropriation de l’espace social,où la société travaille sur elle-même.Mais d’autres considèrent ce projet inadmissible, tellement dangereux: peu contrôlable et ne produisant pas de richesse sous la forme d’une plus value grossissant les capitaux.
Par contre, il existe un vide artificiel (il ne provoque pas de mouvement) qui apporte des richesses sonnantes et trébuchantes: celui créant le besoin jamais satisfait de con-sommer.
Et pour la pensée, nous avons le vide- plein, celui de la télé : quand elle est éteinte, on la croit encore allumée, ou celui des idées-suppositoires: plus c’est lisse mieux ça passe.
Le travail social doit participer à ce verrouillage, M. Chalandon nous le rappelle assez souvent. Son problème n’est pas vraiment la communication. Lui qui a le nez fin, presque « renifleur », ne peut sentir le personnel de l’éducation surveillée qui a l’audace de revendiquer des moyens décents pour travailler auprès de ces petits jeunes un peu trop turbulents appelés délinquants; il est hors de question d’offrir la possibilité aux éducateurs d’exprimer de façon intelligible un cri trop longtemps coincé dans les gorges juvéniles. Là où les corps se cognent et les vies se déchirent, la parole devient un privilège de riche.
Europe 1, le 10 octobre. M. Chalandon, lui, parle:
« Il y a plus d’éducateurs que de jeunes dans certains foyers…L’encadrement est trop souple… Entre l’emprisonnement et la liberté, il n’y a pas d’alternative…Les juges hésitent à envoyer un jeune dans un foyer, ils choisissent la prison. »
Conclusion non dite mais évidente: »si les éducateurs étaient remplacés par des matons, nous pourrions désencombrer les prisons en remplissant les foyers. »
Conclusion bien réelle: 60 postes dont 30 éducatifs non reconduits en 1988, 7 personnes convoquées en conseil de discipline, le délégué régional d’Ile de France et le directeur départemental de Paris relevés de leur fonction( motif: « n’appliquaient pas les directives de l’administration centrale »), etc.
Dans la série « Les grands bâtisseurs », après les chalandonnettes, voici les maisons Bouygues: le directeur de « Y’en a qu’une, c’est la Une » est en effet unique( ne pas confondre avec »cinq you la cinq »). Il n’aime pas un petit jeune trop turbulent appelé Polac qui donnait la parole aux gens sans voix. Il jugea cet espace de liberté vraiment trop flagrant. Heureusement il a restauré le « Droit de se taire ».
Mais on prend vite des habitudes et un raz de marée de protestation se leva.
Décidément, la liberté d’expression est passée de mode. M. Beneton, honorable directeur de la DASS départementale de Paris (DASES), n’aime pas, mais vraiment pas du tout, despetites jeunes turbulentes appelées assistantes sociales. Trois d’entre elles ont eu l’indécence de signer à titre privé une pétition pour le relogement de familles sinistrées du vingtième arrondi-semnt, simple expression pour le droit au logement et à la dignité. Expression de M. Beneton: » Ceci est inadmissible »( la pétition, bien sûr), « des mesures s ‘imposent » (au sujet des trois assistantes sociales évidemment). Suivirent les sanctions administratives: avertissements et mutations.
Mais parfois des gouttes d’eau bien innocentes font sortir les rivières de leur lit et les travailleurs sociaux de leur sommeil : 400 à la Bourse du travailde Paris, un millier dans les rues de la capitale entre Ménilmontant et l’Hôtel de Ville, presqu’une grève ou une mobilisation par semaine en sep-tembre et octobre.
Des décideurs prennent des mesures; plus précisément, ils prennent peur: les travailleurs sociaux ne risquent-ils pas de jouer un rôle politique? Comment ne pas comprendre leurs angoisses?Naturellement, ils obtiennent le résultat contraire car ils renforcent chez ces derniers la conscience de leur force collective. Merci, MM. Chalandon, Beneton et les autres qui ne manqueront pas de poursuivre l’œuvre ébauchée par ces illustres personnages. Vous soutenez notre conviction sur l’importance du travail social et notre détermination pour la reconnaissance des profes¬sions sociales dans leur statut et leur pratique.
Un voeu: au moment où l’éthique même du travail social est remis en cause dans son respect de la dignité humaine et de la liberté d’expression, la revue PEPS représente une fissure: soyez nombreux pour qu’elle devi¬enne une brêche.
HUGUES BAZIN