Note d’orientation pour Rues Marchandes (07-15)

Merci pour celles et ceux qui ont été les premier(e)s à adhérer à notre charte collaborative. Cette note d’orientation à pour objectif de faire le point sur nos travaux. Le collectif « rues marchandes » joue un rôle d’interface entre les différents acteurs, il nous appartient maintenant de confirmer si nous participons à la co-construction d’une forme collaborative « hybride ». N’hésitez pas dans ce sens à enrichir ce texte de vos remarques et modifications que vous pouvez apporter sur la page web ou par retour mail.

Effectivement, il y a six mois, le collectif Rues Marchandes est né d’une approche des récupérateurs vendeurs et de leurs marchés comme un élément de production du partage et des biens communs. Autrement dit, ce n’est pas la ville qui intègre les rues marchandes, mais les rues marchandes qui sont un écosystème urbain. Il s’agit d’ouvrir un nouvel imaginaire où les marchés biffins sont la pointe émergée d’un processus de fond, autant social, culturel qu’économique. C’est aussi une manière de parer à toute ethnicisation d’une catégorie de la population qui ainsi chosifiée facilite leur exclusion de l’espace public. Cette justification culturaliste légitime des prises de décision répressive et vient pallier l’absence de réponse politique globale qui jette dans la rue de plus en plus de précaires. Cette massification de la précarité et de son expression dans l’espace public vient alors nourrir la spirale négative qui tenterait de séparer le bon grain de l’ivraie, les bons et les mauvais pauvres, les anciens et nouveaux biffins, les nationaux et les migrants, les résidents et les nomades, etc.

Il est ainsi important d’apporter une réponse globale et de ne pas séparer les biffins des autres problématiques sociales, culturelles et économiques. Cela conduit notre collectif d’être non seulement interdisciplinaire, mais transdisciplinaire. C’est dire au-delà de l’addition des compétences et des intérêts des uns et des autres, nous posons la question comment ils peuvent être mis au service de la création de liens inédits, de nouvelles formes collaboratives, de compétences et savoirs collectifs, d’une production partagée de connaissances.

Gouvernance d’un écosystème plaçant l’humain au centre

Les Rues Marchandes ne sont donc pas simplement une manière de penser autrement la réalité, c’est une façon d’éprouver concrètement une intelligence sociale. Ce collectif se distingue en cela d’un comité de soutien. C’est au contraire Rues Marchandes qui ont besoin du soutien de ceux qui sont amenés à répondre aux conditions sociales et économiques les plus difficiles. C’est une co-construction des dispositifs et des contre-expertises nécessaires à l’innovation sociale.

Concevoir les relations au sein du collectif comme forme collaborative est donc déjà un objectif en soi si chacun veut bien se poser la question en ces termes : ce qu’il peut faire pour le collectif et non le contraire, ce que le collectif peut faire pour lui. Rues Marchandes deviendront une forme hybride où chacun pourra concevoir sa place comme acteurs-chercheurs.

Dans ce sens, la rédaction en février – mars d’une charte collaborative a été le premier acte posé par Rues Marchandes. En adhérant à la charte, on valide le principe de ce processus collaboratif en recherche-action. Le mode de gouvernance du collectif se veut transparent à travers la mise en place d’une plate-forme collaborative. Pour entrer, rester informé, participer, il suffit de remplir le formulaire d’adhésion à la charte (http://recherche-action.fr/ruesmarchandes/charte-collaborative/). La personne reçoit alors les identifiants pour se connecter à la plate-forme Internet qui est le point (attention cependant pour confirmer de bien renvoyer le mail automatique vous avait reçu). En étant abonné à la plate-forme on reçoit automatiquement les nouvelles mises à jour du site, notamment les articles qui sont publiés et ainsi on reste constamment informer de l’actualité du collectif et des chantiers en cours. Si de plus on s’inscrit comme contributeur ou acteur-chercheur dans l’adhésion à la charte, on peut également publier des articles et contribuer ainsi au développement de ce pôle ressource.

Pôle ressource

Une des premières activités est donc de collecter les documents pouvant alimenter les chantiers et une expertise dans les domaines juridiques, économiques, sociaux, etc. Une orientation prise à la réunion de mars 2015 et confirmer après notre rendez-vous dans un cabinet d’avocat en juin, était de constituer des fiches techniques et juridiques. Il appartient donc à chaque membre d’alimenter la plate-forme en documents (il faut se connecter au site et utiliser le plugin wp-filebase dans le tableau de bord). Ces documents peuvent apparaître publiquement (sur la page http://recherche-action.fr/ruesmarchandes/ressources/docs-en-telechargement/ ) ou de manière restreinte, visible uniquement auprès des personnes inscrites (cocher la case les droits d’accès).

Le pôle de ressource n’a pas simplement pour objectif de récolter et distribuer des informations, mais aussi d’affûter un vocabulaire, élaborer sa propre grammaire indispensable pour concevoir des paradigmes qui permettent de penser et agir la réalité autrement. Quelques éléments à approfondir de notre vocabulaire :

  • Écosystème d’acteurs : c’est l’interdépendance entre les acteurs et les ressources dans un bassin de vie qui participent à des modèles de partage des biens communs conciliant économie et préservation de l’environnement dans une approche sociale.
  • Les communsrenvoient à la fois au partage non-marchand de ressources vitales matérielles ou immatérielles nécessaires à tout être humain et à ce qui fait lien entre ces êtres humains
  • Le patrimoine populaire constitue un de ces biens communs que chacun peut revendiquer à travers ses fonctions sociales et symboliques de reliance, de transmission, de transformation.
  • « Tiers » (espace, lieux, paysages) indique la possibilité de dépasser la relation binaire conflictuelle en introduisant par ce tiers une complexité, une médiation, un levier une troisième voie, une autre manière de s’impliquer entre espaces publics et espaces privés, économie privée et publique, institution et organisation informelle, espace attribué et espaces délaissés, etc. Cet ainsi que peut s’exprimer une diversité, s’exercer une régulation par un jeu d’interdépendance.
  • Transition (démocratique, économique, écologique, etc.) amène l’idée qu’il est nécessaire aujourd’hui de renouveler les modèles de gouvernance susceptibles de proposer de nouveaux schémas de développement socio-économique correspondant aux enjeux des mutations actuelles de la société et des besoins humains fondamentaux, notamment à travers cette notion de « tiers ».
  • Maîtrise d’usageindique comment les citoyens peuvent développer leur propre capacité d’expertise et légitimer leur capacité d’agir à partir de leur expérience d’usage des espaces, des lieux, des dispositifs, des services inversant le modèle d’une ingénierie de projet conçu dans une chaîne verticale de décision technicienne sans contrôle démocratique.
  • La cartographie sociale est un puissant outil de collaboration pour représenter une intelligence du territoire avec ses ressources humaines suivant ses différentes échelles géographiques et temporelles. La manière de dessiner une carte traduit la manière de se représenter la réalité et par conséquent d’agir sur elle.
  • Minorité active: c’est la prise de conscience des acteurs de leur rôle historique bien souvent minoré dans la capacité d’orienter les processus socioéconomique profitant à l’ensemble de la société, cela commence par la possibilité d’écrire sa propre histoire à travers un récit collectif.

La créativité au service de l’innovation sociale

C’est en constituant sa propre grammaire que la plate-forme ressource Rues Marchandes génère des supports documentaires originaux :

  • « Les biffins valorisent nos poubelles… pour vivre », un reportage de Franck Seuret publié pour Alternatives Économiques Plus : http://recherche-action.fr/ruesmarchandes/2015/06/12/les-biffins-valorisent-nos-poubelles-pour-vivre/
  • Haïku vidéo « Raconte-moi Ta Rue Marchande », un documentaire vidéo de 21mn réalisé par Wos Agence des Hypotheses : http://recherche-action.fr/ruesmarchandes/2015/06/28/haiku-video-raconte-moi-ta-rue-marchande/

Ces bases documentaires participent d’un « travail de la culture » facilitant une sensibilisation et une expérimentation. Il est cohérent que la culture soit aussi un chantier pour Rues Marchandes conçues comme un ensemble de formes situationnelles et interactionnelles originales.

C’est déjà la rencontre entre un parcours de vie et un parcours de l’objet qui est source de créativité : transformation des matériaux, mobiliers urbains, conception de l’espace public, circuit court économique, etc., constituent autant un renouvellement des formes sociales susceptibles d’amener des réponses politiques.

Échanges et diffusion de connaissance

Un des principes de notre laboratoire social est de provoquer des situations d’expériences collectives et d’en tirer des enseignements partageables et appropriables par tous.

  • Le 18 avril nous étions présents sur le marché solidaire du quartier de la Noue à Bagnolet co-organisé par l’association Amelior et le Centre Social et Culturel Guy Toffoletti (http://recherche-action.fr/ruesmarchandes/2015/04/15/atelier-recherche-action-dessine-moi-ou-raconte-moi-ta-rue-marchande-bagnolet-93/),
  • Le 21 juin nous participions à la Serre pédagogique du Grand Parc de Saint-Ouen à une rencontre organisée par Via Paysage (http://recherche-action.fr/ruesmarchandes/2015/06/19/les-rues-marchandes-au-grand-parc-de-st-ouen/)
  • Le 13 et 24 juin nous avons contribuer à la « Conférence de citoyens » commanditée par la Mairie de Paris et organisé par l’IFOP sur le thème : « quelles solutions vis-à-vis de la vente illégale sur l’espace public à Paris ? (note de préconisation à venir)
  • Le 24 juillet, Rues Marchandes seront présents aux rencontres de l’association Halem (HAbitants de Logements Éphémères ou Mobiles) à Rouen dans la co-animation d’un atelier sur l’économie informelle (http://recherche-action.fr/ruesmarchandes/2015/07/16/economie-informelle-dans-la-ville-foraine-mont-saint-aignan-76/)
  • Le 20 septembre nous tiendrons un espace d’échanges au grand événement associatif « l’Eco-Festival La voie est Libre » (http://www.lavoieestlibre.org/) à Montreuil (http://recherche-action.fr/ruesmarchandes/2015/07/09/la-voie-est-libre-par-christian-weiss/)
  • Le 19 octobre nous organiserons sous la forme d’une table-ronde une première restitution publique sur l’avancée de nos travaux à la Maison des Acteurs du Paris Durable

Ces moments les plus visibles de situations d’échanges et de diffusion de connaissance s’appuient sur un travail en réseau continu. Depuis plusieurs mois autour des espaces marchands, nous développons des rencontres avec les associations « Sauve-Qui-Peut », « Amelior », « Aurore ».

Dans l’esprit de développer une équipe transdisciplinaire, des contacts ont été pris avec des juristes, des économistes, des entrepreneurs de l’économie sociale et solidaire et tous acteurs susceptibles de contribuer au développement du programme de recherche-action.

Expérimentation sociale et formation-action

L’affinement des connaissances sur les territoires et les problématiques ainsi que la structuration de notre collectif offriront une base pour conduire des expérimentations et des formations-actions en 2016. Ces dispositifs ont pour particularité d’accorder une place centrale aux principaux intéressés, notamment aux récupérateurs-vendeurs afin qu’ils apparaissent comme interlocuteurs représentatifs aux yeux des pouvoirs publics, soient reconnus dans leurs compétences et puissent défendre une employabilité. C’est le principe même d’une recherche-action d’indiquer que nous pouvons comprendre une situation complexe sans le concours de ceux qui la vivent, car ils mobilisent et synthétisent mieux que n’importe quelle étude ou intervention tous les éléments pour répondre à leur situation.

La formation-action engage un aller-retour où la personne se réapproprie sa propre expérience. S’opère d’une certaine façon un dépliement entre une expérience individuelle contractée, peu explicitée puisque la personne a rarement l’occasion de s’exprimer de cette façon sur sa vie, vers une expression collective dégageant des problématiques qui dépassent le caractère individuel pour devenir des questions publiques. Cet aller-retour entre expérimentations dans son champ social ou professionnel et partage d’expériences en atelier conduit à s’autoformer réciproquement entre acteur-chercheurs. Le principe est de concevoir ses propres modes de validation comme l’écriture d’un récit collectif, d’une autobiographie, d’une monographie, etc. Ce dispositif permet donc de faire reconnaitre des compétences et une professionnalité de personnes autodidactes qui ne sont pas habituellement consultées, car n’étant pas regroupées dans des structures partenariales officielles et valider par des cursus diplômants académiques.

Expérimentation sociale et formation-action peuvent difficilement se concevoir l’un sans l’autre ; l’ouverture de nouveaux espaces marchands est intimement liée à la possibilité pour les acteurs de dégager leurs propres critères d’évaluation.

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