Journées interstice
Les journées « interstice » ne sont pas des interventions classiques mais l’expérimentation d’ouverture d’espaces relationnels une autre manière de découvrir un territoire à partir de ces « failles ». Dire de l’interstice qu’il met en mouvement le territoire, c’est définir le territoire autrement que par une addition de lieux juxtaposés ou de cercles concentriques. En quoi l’investissement d’espaces transforme le territoire ? Ce sont des espaces « incertains », temporaires qui connaissent une activité humaine sans qu’il soit facile d’en déterminer la fonction au préalable. C’est une manière de dresser une autre cartographie des ressources humaines.
C’est un « protocole situationnel » basé sur une forme coopérative dans une unité de temps et d’espace. Instaurer une refondation, c’est repartir des situations sociales de base dépouillées, selon des principes méthodologiques épurés du jargon d’expertise techniciste (savoir vertical), un cadre de travail minimaliste mais riche par le processus collectif qu’il enclenche (savoir horizontal). La situation interstitielle doit rompre avec le schéma de l’opération culturelle (relation de savoir/pouvoir) et reconstruire une pensée politique de la culture (transformation sociale par l’expérimentation).
Les « journées interstice » peuvent se concevoir autour des trois points suivants :
Mode de repositionnement de son engagement socioprofessionnel
Il est très difficile de redéfinir son mode d’intervention puisqu’il est déjà rempli. L’interstice prend le mouvement à contre-pied, en posant l’hypothèse que c’est en partant du « vide » que l’on crée du « jeu » et du « Je ». C’est-à-dire quelque chose qui n’est pas constitué à l’avance, que l’on peut redéfinir dans le contenu même de son intervention. Car depuis l’interstice, on peut décaler son regard sur la réalité quotidienne, c’est voir les choses autrement. Voir autrement les choses, c’est déjà les transformer. Parce qu’on part de l’entre-deux on peut envisager les deux côtés, là, juste au centre d’un espace qui pousse du milieu, la marge devient le centre. Donc peu importe où se déroule l’espace de l’interstice, il est là où il se passe quelque chose.
Nous partons de l’idée que l’humain est un être créatif, que l’innovation sociale est un mode naturel de réponse à des situations, que chacun dans son incomplétude, dans son inachèvement, est en recherche perpétuelle. Mais il existe rarement un espace pour exprimer cette recherche, l’interstice le procure. Il n’y a pas d’un côté des intervenants qui seraient plus en recherche et de l’autre des spectateurs qui attendraient des solutions. Chacun peut provoquer une performance, une pratique dans l’espace en amenant ses matériaux, en développant son travail de recherche. Cela peut être des mots, son corps, des sons, des images, une écriture, une griffure, son parcours d’expérience, une tentative du mouvement. Autant d’ateliers à ciel ouvert où chacun est auteur d’un processus et coauteur d’une situation collective.
Expérimentation d’un autre espace esthétique
L’espace esthétique est délimité par la relation triangulaire entre des matériaux travaillés, l’individu qui travaille ces matériaux et une intention en direction des personnes qui reçoivent ces matériaux exposés à leur regard. Ce qui fait œuvre, ce n’est pas une finalité professionnelle, le caractère événementiel grandiose et grandiloquent, mais l’indicible, l’invisible qui renvoie sans cesse à un questionnement existentiel, à notre propre incomplétude. L’interstice a pour but de remettre ce processus au centre en provoquant un décalage dans la relation classique œuvre – artiste – public. Interroger le rôle de l’espace esthétique, c’est donc aussi questionner les processus de production et de diffusion culturelle, les lieux, les réseaux, les dispositifs qui s’y consacrent et qui les ont parfois accaparés. C’est restituer l’art comme outils au service d’un processus social.
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