Mouvements sociaux, différentes réflexions et actions revendicatives

Analyse sociologique des différents articles publiés dans PEPS du 1er au dernier numéro, consacrés aux Mouvements sociaux

1)Répertoire des numéros ayant des articles consacrés aux Mouvements sociaux, à différentes réflexions et actions revendicatives avec les années de publication :

-Numéro 1 : Décentralisation (janvier/février 1983)
-Numéro 4 : Travail social des professions qui se cherchent (juillet/août 1983)
-Numéro 5 : Le PEPS nouveau est arrivé (septembre/octobre 1983)
-Numéro 7 : Vieillesse (février/mars 1984)
-Numéro 8 : Economie sociale (avril/mai 1984)
-Numéro 9 : Circonscription/coordination (été 1984)
-Numéro 10 : L’avenir du social (novembre/décembre 1984)
-Numéro 12 : Syndicats/associations : quelles réponses ? (mars/avril 1985)
-Numéro 15/16 : Nouvelles pratiques sociales économiques (hiver 1985 -1986)
-Numéro 17 : Partis politiques et Travail social (mars/avril 1986)
-Numéro 18 : Ca Bouge chez les travailleurs sociaux (janvier/février 1987)
-Numéro 19 : Soyons créatifs (mars/avril 1987)
-Numéro 20 : Travail social-Travail pour la paix (mai/juin 1987)
-Numéro 22 : Le développement local en milieu rural (novembre/décembre 1987)
-Numéro 25 : Travail social et réseaux (mai/juin 1988)
-Numéro 26 : Libérer les idées pour sortir des prisons (septembre/octobre 1988)
-Numéro 27 : Enfance en danger ou enfance sans danger (novembre/décembre 1988)
-Numéro 28 :Banlieue cent visages (mars/avril 1989)
-Numéro 29 : Réussite scolaire (été 1989)
-Numéro 30 : Travail social et bicentenaire de la Révolution (septembre/octobre 1989)
-Numéro 31 : Malaise dans le Travail social (novembre/décembre 1989)
-Numéro 32 : Blues Brothers, frères de banlieues ( Peps info juin 1990)
-Numéro 33 : Un homme, une voix (Peps info, juillet/ août 1990)
-Numéro 34 : La polyvalence de secteur craque (Peps info, septembre 1990)
-Numéro 35 bis : Ethnographie du social (Peps info d’octobre 1990)
-Numéro 36 bis : Etats généraux de la prison (Peps info janvier 1991)
-Numéro 36 : Les cultures de la rue (janvier/mars 1991)
-Numéro 37 : Les travailleurs sociaux sont-ils épuisés ? (juillet/septembre 1991)
-Numéro 38 : Les travailleurs sociaux doivent-ils disparaitre ? (janvier/mars 1992)
-Numéro 39 : Immigration, figure éclairée, regard étranger (avril/juin 1992)
-Numéro 41 : Les figures de l’insertion (janvier/mars 1993)
-Numéro 43 : Assistantes sociales, le Mouvement Concass (juillet/septembre 1993)
-Numéro 45 : Les enjeux de la formation (janvier/mars 1994)
-Numéro 47 :Le comité : un outil, des hommes (juillet/septembre 1994)
-Numéro 48 : Y-a-t-il encore un travailleur social dans le secteur ? (octobre/décembre 1994)
-Numéro 49 : Les nouvelles technologies de la communication dans le Travail social (janvier/mars 1995) -Numéro 50 : L’accès au logement (avril/juin 1995)

2)La cause des mobilisations sociales :

A)La transformation du secteur social dans les années 80/90 : le Travail social face à l’Intervention sociale : (1) Pour comprendre les différents article publiés dans PEPS, entre 1983 et 1998, consacrés aux Mouvements sociaux, il est nécessaire de faire un rappel historique sur le développement du néolibéralisme.
Le changement de paradigme de 1973 : Deux éléments majeurs vont être à l’origine de ce changement : en septembre 1973, le coup d’Etat organisé par le général Pinochet au Chili avec le soutien de la CIA, pour éliminer le gouvernement d’Union populaire d’Allende, permettra une répression maximum, puis en octobre 1973, la guerre du Kippur entre Israël et les pays arabes avoisinants (Egypte, Syrie et Jordanie) provoquent le premier choc pétrolier.
(1)Raymond Curie Le Travail social à l’épreuve du néolibéralisme : entre résignation et résistance l’Harmattan, 2010.
Ces deux éléments vont permettre aux économistes néolibéraux avec à leur tête Milton Fridman de tester au réel leurs théories de dérégulation totale des marchés et de remise en cause des protections sociales des Etats. Les actionnaires des grandes multinationales en seront les premiers bénéficiaires.
Le premier laboratoire sera celui du Chili dans le cadre d’une dictature puis ce sera le cas des Etats-Unis de Reagan et le Royaume uni de Thatcher (2). Le modèle néolibéral se propagera dans la plupart des pays du monde après la rupture de 1991 et la fin du bloc soviétique. En Europe le traité de Maastricht en 1992, permettra la création des critères de convergences européens. La mise en place des normes ISO (organisation des standards internationaux) sera un tournant important.
La conséquence de la mise en place des politiques néolibérales se caractérisera par une concurrence accrue des sociétés commerciales et industrielles, la montée en puissance des établissements financiers et des agences de notation avec dans le même temps une baisse importante du pouvoir de régulation des Etats. C’est ce que l’on appellera le début de la mondialisation que certains économistes altermondialistes préfèrent appeler globalisation. Petit à petit on parlera de la fabrique du sujet néolibéral avec la mise en concurrence des individus, le développement des techniques d’évaluation, la logique de compétence, l’encouragement à l’endettement privé et l’incitation à se transformer en capital humain (3).
Partout la perspective dominante sera désormais la RCB (Rationalisation des choix budgétaires) , y compris dans des secteurs qui n’ont pas vocation à être rentable comme la santé, le social, la culture, l’éducation et la recherche. L’excès de gestion restructurant, diminuant ou éliminant les effets bénéfiques du social (4). Pierre Bourdieu (5) expliquait que c’est le tournant de 1992 qui va entériner la rupture commencée en 1973 à propos de la remise en cause du rôle de l’Etat et en marquant la fin de l’Etat providence. Les pays comme la France, vont de plus en plus favoriser la main droite de l’Etat (budget, économie, intérieur, armée et affaires étrangères), au détriment de la main gauche (éducation, social, santé, culture, recherche). La création de l’OMC (Organisation mondiale du commerce) en 1994, permettra d’avoir une vision globale des échanges commerciaux avec comme perspective l’AGCS (Accord général sur les commerces et les services) qui a fait polémique lors du référendum de 2005 sur la constitution européenne.
En effet l’application de cet accord incitera petit à petit à rendre rentable et concurrentiel l’ensemble des commerces mais aussi des services publics et privés.
La conséquence pour le secteur social sera la croissance de la tension entre deux logiques : celle du Travail social et celle de l’Intervention sociale.
Travail social / Intervention sociale :
Dans les articles de PEPS publiés de 1983 à 1998, on voit petit à petit se développer des interrogations, des constatations et des oppositions au développement des politiques néolibérales, même si à l’époque les travailleurs sociaux ne voyaient pas trop les divergences de fond entre Travail social et Intervention sociale. La plupart travaillait dans les deux secteurs historiques de référence (Le Handicap et la Protection de l’enfance) encore peu impactés au début des années 80.
(2)Naomi Klein La stratégie du choc Actes Sud, 2008.
(3)Roland Gori La folie évaluation : les nouvelles fabriques de la servitude, Mille et une nuits, 2011.
(4)Michel Chauvière Trop de gestion tue le social, La Découverte, 2007.
(5)Pierre Bourdieu Sur l’Etat. Cours au Collège de France (1989-1992), Seuil, 2012.
Ce n’est qu’en 1984, que François Mitterrand s’aligne sur une politique sociale-libérale, rejoignant ainsi en grande partie, les gouvernements des principaux pays européens. En 1992, après Maastricht les spécialistes de l’économie pourront expliquer que le social-libéralisme français sera de plus en plus influencé et contraint par le néolibéralisme mondial.
Tout commence vraiment au niveau des changements, dans le secteur de la Politique de la ville et dans celui de l’Insertion.
De nouveaux métiers, de nouvelles références et de nouvelles pratiques vont apparaitre, interpellant et remettant en cause certaines pratiques du Travail social.
Petit à petit plusieurs critères vont caractériser l’Intervention sociale qui s’étendra petit à petit à l’ensemble du Travail social :
Le transitoire et le cours terme – La logique de suivi fractionné – La relation de service – La logique de compétence – La réponse aux symptômes des difficultés.
Le Travail social classique défendant : Le long terme – La logique d’accompagnement global- La relation d’aide – La logique de qualification – La recherche des causes des difficultés.
C’est la décentralisation d’une part et la loi 2002-2 qui permettront le développement de l’Intervention sociale.
Les deux logiques existent toujours aujourd’hui, même si la première est déterminante pour l’obtention des financements.
Les articles publiés dans PEPS dans la période de 1983 à 1998 montrent ainsi plusieurs niveaux de réflexion et d’actions effectués par les travailleurs sociaux.
B)Des contestations en réaction contre des réformes néolibérales qui remettent en cause le sens même du Travail social et qui se manifestent dans les pratiques du quotidien :
B1)Les conséquences de la décentralisation et les réactions des professionnels du social :
-C’est dans le numéro 1 de PEPS qu’apparait une première présentation de la décentralisation, ainsi que deux positions syndicales, celle de la CGT et celle de la CFDT.
L’article de Brigitte Trocmé qui fait partie du collectif PEPS est intitulé « Décentralisation : la paille et le grain » . Il montre une présentation de la nouvelle répartition des compétences territoriales entre la Commune, le Département et la Région. Les compétences les plus élargies étant celles du Département. Trois constats sont faits : la suppression des tutelles de l’Etat, le transfert de l’exécutif aux élus du département et notamment au Président du Conseil Général, l’élargissement des pouvoirs économiques. Dans ce cadre, l’ASE (Aide sociale à l’enfance) devient un secteur important du Département.
-Les deux positions syndicales des représentants des Fédérations Santé / Education spécialisée de la CGT et de la Fédération Santé/Social CFDT montrent un certain nombre de propositions :
Pour la CGT il s’agit de l’interview de Marc Chapiro et de Jean Claude Valette : Les deux représentants mentionnent à la fois des constats et des propositions :
-La décentralisation va entraîner un problème de moyens financiers mais aussi des disparités au niveau des Régions (ressources et politiques).
-Il y a la nécessité d’une planification globale pour que dans toutes les Régions, la décentralisation puisse s’appliquer de la même façon.
-Au niveau national, une politique générale sociale doit se baser sur des éléments statistiques.
-Au niveau local, il y a nécessité de mettre en place une série de concertations entre les différents acteurs du social pour définir les principaux besoins.
-Par ailleurs il faut développer les CREAI afin qu’ils deviennent les animateurs de la concertation et servent pour affiner les besoins.
-Nécessité aussi d’une représentativité syndicale dans les débats.
-Participation aussi des associations de parents de jeunes handicapés.
Pour la CFDT, il s’agit des propositions de Françoise S. :
Cette représentante de la Fédération suggère pour le secteur santé/social :
-La mise en place d’une structure légère avec une approche globale de l’individu.
-La maîtrise individuelle de la santé (réappropriation par les individus de leurs problèmes de santé)
-Mise en place d’un grand service public de santé pour les établissements sanitaires et sociaux.
-Réforme profonde des financements (définition des liens pour le secteur associatif, mise en place d’un système contractuel entre les établissements sanitaires et sociaux, la Sécurité sociale, les divers financeurs et les pouvoirs publics)
-Une vie associative amplifiée avec un rôle accru des professionnels du social.
-Les pouvoirs publics doivent élaborer une politique et des objectifs tout en s’engageant par contrat avec les associations.
-A l’inverse, les associations pourraient aussi prendre l’initiative de solliciter une aide publique à partir d’un projet.
Nous pouvons constater à l’époque une réflexion et des propositions qui ne sont pas vraiment les mêmes pour la CGT et la CFDT. Les représentants de la CGT étant plutôt dans une analyse classique pointant déjà une insuffisance de moyens avec la nécessité d’une approche globale nationale de la décentralisation et la nécessité de débats locaux.
La représentante de la CFDT, privilégiant plutôt une articulation entre un grand service public de la santé, une approche globale de l’individu et une réappropriation individuelle des personnes vis-à-vis de leurs problèmes de santé. Enfin une large place est faite à la vie associative avec un rôle accru des professionnels du social.
Dans le numéro 31, le sociologue Michel Joubert dans un article consacré également à la décentralisation, explique quant à lui les rapports du Travail social face à la décentralisation. Il parle alors de la promotion de nouvelles figures de régulation sociale. Pour lui, les différents intervenants sociaux vont se partager un territoire local (Etat, Organismes déconcentrés, Administrations départementales, Communes et Associations). On assistera ainsi au développement des partenariats avec toutes les limites que cela implique, notamment celles qui relèvent des replis corporatistes.
Un article dans le numéro 37 d’Hugues Bazin, (membre du collectif PEPS), revient sur « La dictature du partenariat »
L’auteur explique qu’après l’espérance du début des années 80, les premières mesures de la Politique de la ville et la décentralisation, la logique du partenariat a créé bien des désillusions. Les logiques partenariales entraînant différentes représentations.
Pour le RMI par exemple, il est demandé aux exclus de faire preuve de bonne volonté pour s’insérer. On a créé ainsi une catégorie de Rmistes. Les partenaires sociaux qui s’en occupent, statuent sur l’acceptabilité des demandes. La logique du partenariat dilue aussi les responsabilités : on ne sait plus qui est responsable de telle ou telle décision, de telle ou telle action. Les travailleurs sociaux sont quant à eux gagnés par un sentiment d’impuissance. Surchargés par leur travail classique d’un côté, ils doivent aussi par ailleurs, prévoir du temps pour des réunions et des projets en partenariat.
En ce qui concerne les banlieues, on a vu se développer tous les dispositifs de la ville et notamment les DSQ (Développement social de quartier). Les travailleurs sociaux ont du mal à se retrouver dans tous ces dispositifs . Le partenariat donne aussi l’illusion de la démocratie et de la concertation. Pourtant l’ouverture d’un espace social reste possible et le Travail social peut retrouver un sens. Le travail en réseaux peut permettre cette ouverture. Il s’agit ici de participer réellement à des actions, de libérer la parole, de retrouver la mémoire et de s’approprier un savoir, un savoir être et un savoir faire.
Nous apprenons dans ces deux derniers articles, à la fois des constats et des critiques vis-à-vis des replis corporatistes des professionnels mais aussi concernant le développement des partenariats. Les actions de nouveaux intervenants sociaux avec de nouvelles méthodes de travail ont rencontré les logiques plus classiques des travailleurs sociaux. Les premiers ont souvent cru répondre à un problème par une seule solution alors que les seconds étaient plutôt sur la logique qu’une question, devait déboucher sur plusieurs types de réponses. L’engrenage du chômage et de la désaffiliation allait entraîner bien des débats et des remises en cause(6)
-Un autre article sur la décentralisation a été écrit dans le numéro 37 de juillet/ septembre 1991 :
L’article s’intitule « Le Travail social face à la décentralisation ». L’auteur Raymond Curie (membre du collectif PEPS) explique que la décentralisation a permis la mise en place de « La localisation du social ». A l’époque, le sociologue Jean-Pierre Garnier expliquait que le gouvernement avait préféré « Localiser le social plutôt que de socialiser le local » dans un article de la revue Espaces et sociétés (7).
L’auteur explique ensuite les principaux dispositifs de La politique de ville. Cependant après plusieurs années de mise en place de ces dispositifs, le chômage et les problèmes sociaux n’ont pas disparu, bien au contraire. Les politiques publiques ont privilégié la réduction des dépenses pour les actions menées et le gommage des oppositions d’intérêts avec la concertation partenariale.
Le pouvoir local s’est trouvé renforcé mais sans avoir les moyens financiers nécessaires. Le fractionnement du social a été une des conséquences avec le repli localisé de certaines pratiques sociales. L’article montre que l’on parle de plus en plus de problèmes locaux mais beaucoup moins de difficultés nationales. Les travailleurs sociaux se sont retrouvés devant deux logiques : celle qui conduit à l’hétéronomie des populations et celle qui conduit à l’autonomie des populations. L’article montre ensuite qu’il ne peut y avoir de véritables politiques sociales durables sans une orientation conséquente nationale.
(6)Robert Castel Les métamorphoses de la question sociale, Fayard 1996 et « Du travail social à la gestion sociale du non-travail » dans Esprit (mars/avril 1998)
(7)Jean-Pierre Garnier « Localiser le social ou socialiser le local » article de la revue Espaces et sociétés n° 40 (janvier/juin 1982)
Puis l’auteur conclu sur l’importance des aides sociales individuelles pour les populations en difficulté mais parallèlement, il est nécessaire que des actions collectives relayées par les travailleurs sociaux aient lieu pour faire remonter les revendications. Cependant ces actions ne peuvent pas suffire sans un réel changement économique et politique favorisant la solidarité plutôt que le taux de profit.
Dans cet article de 1991, on comprend que le virage social/libéral a été pris. La décentralisation, idée généreuse des années 70 n’ayant pas été mise en place avec l’articulation conséquente de l’Etat, a finalement servi de relais aux politiques d’austérité des années 80/90.
Les politiques nationales ont été relativisées avec des économies importantes de l’Etat entraînant des disparités notoires dans les collectivités territoriales. Un exemple avec l’Ecole où désormais la Commune est responsable financièrement des écoles primaires, le Département des collèges, la Région des lycées et l’Etat des universités. Les moyens financiers n’ont pas été les mêmes suivant la répartition géographique. Les subventions pouvant aller du simple au double suivant le niveau financier des collectivités territoriales. Il en a été de même pour le secteur social , notamment pour l’ASE relevant désormais du Département. Les orientations politiques des élus associées aux différences concernant les budgets globaux des Conseils généraux ont creusé les inégalités de répartition et donc contribué à des manques conséquents pour faire face au chômage, à la précarité et aux difficultés sociales en général.
B2) Une réflexion sur le Service public au sein de l’Education surveillée dans PEPS numéro 19 (mars/avril 1987).
Il s’agit d’un entretien réalisé par Patrick Fréhaut (membre du collectif PEPS) avec le secrétaire du SNPES (Syndicat national du personnel de l’Education surveillée). Le contexte de l’entretien, c’est celui de la nomination de Jacques Chirac comme 1er Ministre il y a quelques mois mais celui des premières coupes budgétaires dans l’Education surveillée (207 suppressions d’emploi et baisse des budgets pour 1987). Le SNPES à l’époque regroupait 75% du personnel.
Jean-Marie Angelini explique qu’une politique répressive et coercitive était en cours et notamment concernant la toxicomanie et le code de la nationalité. En ce qui concerne l’Education surveillée, on assiste aussi à la réouverture des centres fermés mais aussi à la mise en place de chantiers de jeunesse qui ne sont que de simples stages traditionnels sans envergure. Le secteur public risque à termes de ne plus avoir qu’un rôle répressif, l’assistance éducative étant déléguée de plus en plus au secteur privé. L’Education surveillée prendrait ainsi beaucoup moins de mineurs en charge. Son rôle doit de plus en plus d’un côté suivre des situations de liberté surveillée avec notamment les sursis mise à l’épreuve mais aussi les TIG (travail d’intérêt général) mais aussi d’un autre côté assurer le travail dans des gros internats pour isoler des jeunes de leur milieu naturel mais avec des temps de placement moins long qu’auparavant. Enfin au niveau des permanences éducatives auprès des tribunaux pour enfants, elles seront regroupées avec d’autres services, ce qui va alourdir le travail.
Le SNPES continuera donc de se battre pour maintenir une politique de prise en charge éducative en terme de prévention et de mandat éducatif, tout en dénonçant le tout répressif.
B3)La réaction des Centres de formation au Travail social du Nord :
L’article paraît dans le numéro 45 (janvier/mars 1994), il est signé par des représentants de la Coordination régionale des centres de formation de travailleurs sociaux (Lille). En 1991, la Coordination régionale des centres de formation au Travail social du Nord a mené une lutte importante pour maintenir le dispositif de formation. En novembre 1993, la coordination est repartie pour de nouvelles initiatives. La cause émanait du Conseil général du Nord, qui annonçait sa volonté pour le Travail social de remettre en question les Conventions collectives et les hébergements sociaux trop coûteux pour les collectivités territoriales. Il remettait en question aussi un avenant de la CC66, sur le versement d’une prime pour un travail le dimanche et les jours fériés.
Les Centres de formation se sont alors mobilisés, dans ce cadre-là, craignant pour leur fonctionnement et leurs orientations. Ils ont rencontré trois fois la DRASS en défendant les points suivants :
-maintien de l’existence des Centres de formation en garantissant des objectifs professionnels permettant aux personnes formées d’être des acteurs sociaux.
-droit d’expression des travailleurs sociaux en formation et du personnel des écoles, dans les instances représentatives.
-droit des moniteurs-éducateurs à poursuivre ou reprendre une formation d’éducateur en respectant leur cursus professionnel.
L’article explique ensuite que le Travail a social est confronté à un changement conséquent : avant il s’agissait de travailler en direction des marges de la société mais avec des espoirs d’insertion, alors qu’à présent l’exclusion s’étant démultipliée, le Travail social est submergé par des demandes auxquelles il répond souvent difficilement et parfois il est dans l’incapacité d’y répondre réellement. L’Etat quant à lui n’a plus intérêt à poursuivre un vrai travail d’insertion qui s’avère de plus en plus coûteux. Par conséquent l’Etat ne souhaite plus développer les professions sociales (les niveaux de qualification coûtent trop cher pour les obtenir et leur technicité est trop centrée sur l’aide et le service aux personnes en difficulté). Au gouvernement comme dans les collectivités territoriales, il est plus intéressant de former des experts en gestion issus de l’Université pour gérer les budgets de l’exclusion.. En revanche il est important de populariser des actions caritatives pour montrer que des actions existent.
Dans les écoles, les équipes pédagogiques sont confrontées quotidiennement à toutes les difficultés du quotidien et les directions sont englouties par la gestion. En conséquence, les professionnels doivent se mobiliser en se posant les questions suivantes : qu’est-ce qui est juste ? et qu’est-ce qui est légitime de faire ?
Ce type de réaction issus de professionnels de Centres de formation en 1994, se reproduira de plus en plus les années suivantes et à l’heure actuelle également. Le constat sur les changements dans le travail a été suivi ensuite par le transfert de la gestion budgétaire des écoles aux Régions en 2005, avec des conséquences immédiates concernant la baisse des subventions. Il s’est produit ensuite une véritable chasse au marché de la Formation continue. Hors ce secteur étant limité, de nombreuses écoles se sont retrouvées en concurrence et les problèmes de fond concernant les budgets n’ont pas été résolus pour autant. Il s’en est suivi des restrictions de postes de formateurs et d’administratifs, un développement des vacations et un cumul de taches pour les professionnels permanents des écoles qui a affaibli le niveau qualitatif des formations.
B4)Une solidarité internationale :
Enfin pour finir dans cette partie, il faut noter aussi l’engagement de PEPS pour le relais des solidarités internationales. Dans le numéro 25 (mai/juin 1988) par exemple, il est question d’un article intitulé « Chili, répression et torture des travailleurs sociaux ». Cet article écrit par Marcelino Barahona fait état d’un entretien avec Pedro Lopez travailleur social.
Tous les ans Amnesty International dénonce la violation des droits de l’homme au Chili. Le fascisme chilien torture et fait disparaître les opposants à la dictature. Après le coup d’Etat de Pinochet, contre le gouvernement démocratique d’Allende, financé par le département d’Etat américain et organisé par les services de renseignements de la CIA, les partis de gauche ont été interdits (PS, PC, Parti radical Mapu, Gauche chrétienne, Indépendants de gauche …)
Pedro Lopez témoigne de ses trois arrestations et de ses tortures physiques et psychologiques. Il explique que des professionnels de santé collaboraient avec les bourreaux. A sa libération, il contacte « Viccaria » une organisation chrétienne qui défend les droits de l’homme. Il a pu alors témoigner et dénoncer ce qu’il a vécu. Les Ecoles de Travail social et les Universités ont été réorganisées par le gouvernement militaire. Des milliers d’étudiants ont été chassés ou arrêtés. Les travailleurs sociaux ont connu la répression dans tout le pays. Après sa libération, on a tenté de l’assassiner dans la rue. Il a porté plainte au tribunal et grâce à Amnesty International, il a pu quitter le Chili. A son arrivée à Paris, il s’est soigné, a fait les démarches pour sa carte de réfugié, apprend le français et essaye de s’insérer dans la société. Il explique que la solidarité du peuple français est capitale, de même que la condamnation du gouvernement chilien par le gouvernement français. Par ailleurs il faut continuer d’envoyer des courriers au Chili pour exiger les libérations des prisonniers politiques.
A l’issue de cet article, on ne peut que citer à nouveau le livre de Naomi Klein La stratégie du choc en expliquant que la stratégie des néolibéraux américains a commencé au Chili en 1973. Milton Friedman et les monétaristes, via les Chicago boys, avaient besoin d’une dictature pour tester grandeur nature l’application d’une politique néolibérale avec une réduction drastique de l’Etat, sauf pour la répression et le développement maximum de la liberté de marché. Les conséquences dramatiques pour le Chili ont été la disparition de l’Etat social. Quarante sept ans après, l’Etat chilien a toujours beaucoup de mal à se remettre de ces années de dictature, qui pourtant a disparu depuis longtemps.
C)L’incertitude du devenir des professions sociales :
-Dans le numéro 4, (juillet/août 1983) un article de Christian L. (membre du collectif PEPS), intitulé « Le mal d’identité d’une profession mythifiée » revient sur certaines incertitudes.
L’auteur montre que l’éducateur intervient après que les parents et les enseignants ont échoué dans l’éducation des jeunes. Il explique aussi qu’on est passé petit à petit du statut d’éducateur spécialisé au statut d’éducateur spécialiste. Par ailleurs, pour lui, le Travail social a des frontières floues situées aux limites du scolaire, du médical et du judiciaire. La professionnalisation est récente. Autrefois on parlait surtout de vocation et de charité avec des références religieuses : Saint Vincent de Paul étant l’ancêtre le plus connu. Cependant, au début des années 80, on parle toujours d’engagement dans un métier qui ne peut pas être fait par tout le monde.
L’auteur émet ensuite une critique : il pense que les éducateurs ont très peu utilisé les médias et notamment l’écrit. Pourtant l’éducateur a sa place dans la société, il doit la faire reconnaitre, au même titre que d’autres professions. Sa place ne doit pas être marginale.
La recherche d’une identité établie, a évolué avec le temps, mais de nombreuses interrogations demeurent.
-Dans le numéro 15/16, (hiver 1985/1986) un dossier fait état d’un Forum/ Rassemblement organisé en octobre 1985 « Travailleurs sociaux acteurs de l’avenir du social ». Ce dossier montre les interrogations des professionnels du social concernant l’avenir du social. Il parle de la crise de l’Etat/ Providence et par conséquent à termes du Travail social. Il est question de l’appauvrissement grandissant des populations et la montée de l’intolérance mais aussi des conséquences de la décentralisation. Le dossier interpelle les Travailleurs sociaux : seront-ils de simples exécutants ? Ou non ? Le Forum était organisé autour de trois axes : Comment réagir face à la régression des conditions de vie des populations ? Face à la décentralisation, quel espace d’autonomie, les travailleurs sociaux peuvent-ils revendiquer ? Quelles stratégies communes pour les travailleurs sociaux pour établir une identité propre au Travail social ?
D’autres dossiers sont consacrés à ce thème : Numéro 10 (novembre/décembre 1984) : L’avenir du social – Numéro 31 (novembre/décembre 1989) : Malaise dans le Travail social – Numéro 37 (juillet/septembre 1991) : Les travailleurs sociaux sont-ils épuisés ? – Numéro 38 (janvier/mars 1992) : Les travailleurs sociaux doivent-ils disparaître ? Numéro 48 ( octobre/décembre 1994) : Y-a-t-il encore un travailleur social dans le secteur ?
C’est ainsi que l’on pourra lire dans le numéro 10, sous la plume de J.M. Gallet (ES) un article parlant de la nouvelle rationalisation des choix éducatifs (RCE). L’auteur écrit en 1984, bien avant la généralisation de la RCB (rationalisation des choix budgétaires) en 1992. Il s’interroge sur les nouveaux enjeux du Travail social avec la décentralisation, notamment pour les éducateurs spécialisés. Les impératifs budgétaires sont soulignés ainsi que les perspectives de coupes sombres au niveau financier pour certains secteurs du social. C’est la rentabilisation du secteur social qui s’annonce.
Puis dans le numéro 31, l’éditorial d’Eric Auger (membre du collectif PEPS) s’intitule « Péril en la demeure » . Ce dernier s’indigne de lire dans un article du Quotidien de Paris, que le commissariat de police peut être qualifié de service social de proximité. Il s’interroge aussi sur les délimitations du terme travailleur social car on peut aussi bien parler de technicien de la relation, de spécialiste du lien social que de défenseur des exclus et des asociaux. Pour lui, le qualificatif de Travail social ne peut pas être élastique et les différences entre policiers et éducateurs existent bel et bien. Il est temps que les travailleurs sociaux sortent de leur réserve et de leurs querelles de chapelles pour faire remonter les vraies questions et les vrais besoins.
Toujours dans le numéro 31, plusieurs échos du malaise et des mobilisations des travailleurs sociaux apparaissent dans les prises de paroles de syndicalistes et d’un militant du CREM. (Voir le paragraphe spécial dans Echos des luttes).
Dans le numéro 37, deux élues du CHSCT d’une Association de la Protection de l’enfance en Région parisienne écrivent un article « Histoire d’une enquête ». C’est en 1987 que leur CHSCT s’intéresse aux problèmes d’épuisement professionnel. Cet épuisement est tout d’abord moral. Les professionnels donnent plus qu’ils ne reçoivent avec très peu de reconnaissance. Avec le développement des nouvelles orientations sociales et la décentralisation, la logique de productivité est apparue. On parle de plus en plus de démarches contractuelles, d’innovations, d’évaluations, d’obligations de résultats, de marketing…Par ailleurs une certaine dévalorisation des anciennes professions du social a vu le jour. L’épuisement professionnel frappe aussi bien les jeunes que les anciens. La direction générale a répondu aux élus qu’il fallait savoir gérer sa carrière. Le travailleur social doit donc s’adapter à de nouvelles pratiques partenariales et contractuelles, tout en continuant ses accompagnements individuels. Les élus du CHST, après plusieurs difficultés vont réussir à soumettre un questionnaire sur l’épuisement professionnel à l’ensemble des salariés. Quarante-cinq pour cent répondront, ce qui correspond à 127 questionnaires retournés. Puis un chercheur sera chargé de décrypter ces questionnaires avec un rapport final livré en septembre 1991.
Dans le numéro 48, un dossier coordonné par Lorette Pierret et Jean-Luc Dumont (membre du collectif PEPS) s’intitule « Y-a-t-il encore un travailleur social dans le secteur ? » . Dans l’introduction à ce dossier, les deux auteurs s’interrogent s’il faut parler de mutation du Travail social traditionnel et si ce dernier est menacé ? Une tension est apparue entre Travail social et Intervention sociale, la 2e semblant apparaître comme la solution pour éviter la faillite du secteur social. Ce dossier donne alors la parole à 8 professionnels faisant partie des métiers traditionnels du social mais également des nouveaux métiers qui sont apparus.
Puis un article de Marcel Jaeger (directeur adjoint de l’Ecole de Buc) intitulé « Tournant historique », fait apparaître le questionnement suivant : « Y-a-t-il l’émergence d’une nouvelle professionnalité du social ou plutôt un réajustement moins radical qu’il n’y paraît ? ». L’auteur explique que la remise en cause d’une approche trop psychologique dans les accompagnements des éducateurs, s’est développée. Cependant, on constate toujours, que de nombreuses personnes présentent des problématiques personnelles qui ont besoin d’une approche clinique. L’auteur critique ensuite l’analyse de Jacques Ion (8) qui parle de l’entre-soi des éducateurs et du mythe éducatif, puis il termine par un nouveau questionnement « Combien de professionnels exercent dans les secteurs classiques du Travail social et comment repenser leur professionnalité sans pour autant la modéliser sur celles des pratiques de la Politique de la ville et des Politiques d’insertion ? »
Jacques Ion (sociologue), toujours dans le même numéro revient sur le développement de l’Intervention sociale. Il explique l’apparition de nouvelles professions issues de l’Université (géographes, urbanistes, juristes, économistes …) mais aussi de nouveaux petits métiers et du bénévolat (animateurs à temps partiels, femmes relais …) souvent issus de l’immigration.
Par ailleurs une technocratie s’est développée avec l’apparition de nouveaux cadres issus des écoles de gestion, de commerce ou des instituts régionaux d’administration. Les travailleurs sociaux traditionnels sont quant à eux le fruit de l’Etat Providence. L’auteur parle ensuite des difficultés apparues dans les formations. Pour lui on continue de former, comme dans les années 70 alors que les problématiques des populations ne sont plus vraiment les mêmes depuis le début des années 80. On peut s’interroger aussi sur les nouveaux dispositifs (Politique de la ville, Insertion…), les travailleurs sociaux ne s’y retrouvent pas. Par ailleurs, selon lui, il y aurait une démission du politique vis-à-vis du social. Pourtant le Travail social communautaire a existé. Les travailleurs sociaux des années 70 savaient ce qu’ils faisaient , ce qui n’est plus vraiment le cas maintenant, si ce n’est de reproduire des actes routiniers. Pour lui, les formations et les professions sociales doivent pouvoir s’adapter à de nouveaux modèles et à de nouvelles pratiques.
Dans ces quatre numéros, les questions de l’avenir, du malaise, de l’épuisement et de la place des travailleurs sociaux sont abordées. Les nouvelles orientations politiques du social-libéralisme puis du néolibéralisme dans le secteur social font apparaître la logique de la rentabilité. De nouveaux mots sont employés (démarches contractuelles, projets, innovations, évaluations, obligations de résultats, marketing …) qui interpellent les professionnels de terrain. Ces derniers, dans un temps de travail qui n’est pas extensible doivent à la fois participer à des réunions et à des projets en partenariat tout en continuant des accompagnements individuels. Tous ces changements amènent beaucoup d’interrogations chez les travailleurs sociaux (Assistantes sociales et Educateurs spécialisés notamment) avec des phénomènes d’épuisement professionnel mais aussi parfois des changements de profession. On constate aussi des approches différentes (articles de Marcel Jaeger et de Jacques Ion) vis-à-vis des perspectives proposées pour les formations et les professions du social dans l’avenir. Dans le premier cas, il s’agit pour les travailleurs sociaux de repenser leurs pratiques sans pour autant les modéliser sur celle de l’Intervention sociale. Pour le second cas, les pratiques des travailleurs sociaux doivent pouvoir s’adapter à de nouvelles problématiques en tenant compte des apports de l’Intervention sociale. En 2000, Jean Noël Chopart reviendra sur les mutations du Travail social, effectuées dans les années 80 et 90 (9).
(8)Jacques Ion Le Travail social à l’épreuve du territoire, Privat, 1991.
(9)Jean-Noël Chopart Les mutations du Travail social, Dunod 2000.
-Dans le numéro 38 de janvier à mars 1992, trois articles reviennent sur la pérennité ou pas du Travail social mais aussi sur la question des moyens. Mehdi Farzad (membre du collectif PEPS) dans un article intitulé « Les pratiques sociales en milieu scolaire » en présentant les entretiens de deux assistants sociaux, s’interroge sur le manque de temps et de moyens de ces professionnels pour réaliser leur travail.
Victor Girard (Président de commission au CTPS) quant à lui revient sur les difficultés et le manque de moyens des éducateurs en Prévention spécialisée dans un article intitulé « Prévention spécialisée et développement local ».
Raymond Curie (membre du collectif PEPS) dans l’article « Rôle et évolution du Travail social dans les années 70/80 » s’interroge sur le rôle du Travail social dés l’origine mais aussi sur les termes de contrôle social et de partenariat social.
Dans ces trois articles, on s’aperçoit que la nécessité du Travail social persiste mais que celui-ci ne peut pas être pérennisé si les moyens humains, matériels et financiers ne suivent pas. Les trois articles rejoignent ceux décrits précédemment en s’interrogeant sur les nouvelles pratiques qui découlent des nouvelles orientations des politiques sociales.
-Dans le numéro 47 ((juillet /septembre 1994), Hugues Bazin (membre du collectif PEPS) s’interroge sur l’avenir du Travail social dans un article intitulé « Le Travail social et la crise ».
L’auteur revient sur la distinction entre solidarité nationale ou d’Etat et solidarité sociale ou civile. La première s’appuie sur la redistribution des richesses, la deuxième sur les réseaux de proximité. L’Etat capitaliste pendant 30 ans (1945/1975) s’est accommodé de la redistribution des richesses, tant qu’il y a eu la croissance. Le Travail social servant de garde/fou pour l’encadrement et l’aide des personnes en difficulté. La crise des professions sociales interviendra en 1968 et au cours des années 70 avec des remises en cause concernant les rôles attribués. Les mouvements d’éducation populaire aussi seront touchés. Avec la crise économique de 1973, le développement du chômage et de la précarité, l’arrivée à maturité des jeunes issus de l’immigration qui revendiquent des droits, les problèmes d’urbanisme et d’infrastructure des banlieues, une société fractionnée apparaît. Le Travail social ne peut plus répondre aux multiples difficultés sociales posées. Le RMI par exemple, dans la majorité des cas, ne permettra pas réellement les démarches d’insertion. Des remises en cause des acquis sociaux vont se développer dans les années 90. Des conflits du travail de plus en plus violents apparaîtront mais sans débouchés. Parallèlement c’est dans les banlieues et quartiers populaires, que des violences se développeront aussi, très médiatisées, mais là aussi sans perspectives. Enfin de nouveaux mouvements militants apparaitront (AC, DAL, CDSL, ASUD, ACT UP…), les associations caritatives agiront de plus en plus aussi comme Les Restaurants du cœur en se substituant à l’Etat. Ce dernier se désengagera progressivement. Des nouveaux rapports s’installeront entre travailleurs sociaux et bénévoles/ militants avec d’un côté des tensions mais aussi des rapprochements parfois d’un autre côté. De nouveaux liens sociaux restent donc à tisser afin que de nouvelles solidarités soient créer.
D)Le rapport au politique des travailleurs sociaux : entre résignation et critique sociale :
-Dans le numéro 17 (mars/avril 1986), un dossier coordonné par Catherine Boulenger (membre du collectif PEPS) et Alice Billet s’intitule : « Partis politiques et Travail social » .
Ce dossier a été réalisé avant les Législatives de 1986. Un questionnaire permettait d’avoir les avis des représentants des partis. La LCR, le PSU, les Verts, le CDS et le FN ont reçu les membres du collectif PEPS, le MRG a répondu par courrier.
Chaque représentant de parti a exprimé ses idées concernant les politiques sociales mais beaucoup moins vis-à-vis du rôle du Travail social. La LCR, le PSU, les Verts et le MRG étaient les plus ouverts concernant le développement de politiques sociales progressistes. La plupart des représentants connaissaient mal le Travail social. Les grands partis PC, PS, RPR et UDF n’ayant pas reçu les deux membres de PEPS, les analyses ont été faites d’après une documentation et les échos de la presse donnant les orientations de ces partis en matière sociale. Un tableau comparatif a été réalisé, montrant les projets en matière de politiques sociales. Enfin, il faut noter qu’une certaine méfiance des élus vis-à-vis du Travail social existe. En effet les professionnels du social font remonter souvent les difficultés des populations mais aussi celles qui concernent les manques au niveau organisationnel et budgétaire, ce qui déplait particulièrement aux élus locaux.
-Dans le numéro 33 (juillet/ août 1990), Mehdi Farzad (membre du collectif PEPS) a écrit un article intitulé « Un homme, une voix ». Il exprime ainsi, la position défendue par des travailleurs sociaux engagés.
Il pose la question Peut-on parler d’intégration des immigrés dans la société française sans leur accorder le droit de vote ? L’auteur se réfère à l’article 29 de l’Acte constitutionnel du 24 juin 1793 qui disait ceci « Chaque citoyen a un droit légal de concourir à la formation de la loi et à la nomination de ses mandataires ou de ses agents ! ». Il constate que la loi était plus progressiste à cette époque qu’en 1990. Il trouve particulièrement bizarre, le recul du PS lors de la fameuse table ronde sur l’immigration en mai de la même année. Il constate aussi que la France ne peut pas se considérer comme un modèle d’avant-garde sur cette question. Il met en garde contre le retour de douloureux souvenirs de l’Histoire de France.
D’après ces deux apports dans la revue, concernant les relations des travailleurs sociaux avec les partis politiques, on peut noter une certaine déception et des critiques, particulièrement vis-à-vis des partis de gauche après 1981. Les attentes des travailleurs sociaux étaient très fortes, tant du point de vue des orientations des politiques sociales qu’au niveau de l’organisation même du Travail social. L’effet « Mai 1981 » sera vite rattrapé par la logique de l’austérité budgétaire dès 1984, puis par l’alignement sur les critères de Maastricht en 1992. Les politiques sociales et le Travail social seront sacrifiés à la logique de la RCB (Rationalisation des choix budgétaires) néolibérale. Le comportement des élus locaux, même les plus ouverts seront contraints par cette logique implacable mais aussi par des calculs électoraux en ce qui concerne le droit de vote des étrangers. C’est à partir de 1984 que petit à petit les positions des professionnels du social évolueront, soit vers la résignation, soit vers la critique et la résistance mais parfois aussi oscilleront entre les deux (10).
E)Des collectifs constitués et mobilisés sur un thème précis ( à l’initiative de professionnels du social ou de collectifs extérieurs au Travail social qui ont intégré des professionnels du social en leur sein)
-Dans le numéro 7 (février/mars 1984) Cécile une éducatrice de la Marche contre le racisme explique son engagement dans le collectif. Le 15 octobre 1983 commençait à Marseille une Marche contre le racisme qui fut conduite par un collectif et qui regroupera environ 100 0000 personnes à Paris 7 semaines plus tard. A l’origine, des jeunes d’origine immigrée issus du quartier des Minguettes à Vénissieux et soutenu par le prêtre Christian Delorme. C’est la blessure grave d’un des jeunes par un maître-chien mais aussi de nombreux meurtres racistes commis en deux ans qui ont provoqué cette mobilisation. Cécile en formation d’éducatrice à l’Education surveillée a vécu la Marche de l’intérieur.
(10)Raymond Curie Le Travail social à l’épreuve du néolibéralisme, entre résignation et résistance, L’Harmattan, 2010.
Des jeunes d’origine maghrébine et des jeunes de souche française vont se rencontrer durant cette Marche et développer des échanges culturels. La vie en communauté pendant sept semaines a rencontré certaines tensions mais qui seront vite dépassées. En tant qu’éducatrice, elle a été très disponible pour vivre cet engagement et diverses situations avec les autres jeunes. Elle a pu réfléchir aussi sur les représentations réciproques des uns et des autres. Au fil des semaines le soutien de la population, des associations, des syndicats et partis de gauche s’est amplifié. Lyon, fut un carrefour important avec 2000 personnes pour un grand défilé dans les rues.
L’arrivée à Paris fut exceptionnelle. Une délégation sera reçue par François Mitterrand : celui-ci accordera une carte de résident valable 10 ans mais ne s’engagera pas sur d’autres revendications.
-Dans le numéro 18 (janvier/février 1987) un article intitulé « Ca bouge chez les travailleurs sociaux en formation » fait état des échos liés à la mobilisation contre le Projet Devaquet.
Les Travailleurs sociaux en formation de la Région parisienne se sont organisés à la suite de l’assassinat de Malik Oussekine en décembre 1986. La quasi-totalité des Ecoles étaient représentées trois jours après la mort de l’étudiant. Les délégations présentes dans cette Assemblée générale, se prononcent pour participer à la grande manifestation de protestation contre le gouvernement et la violence policière : le mot d’ordre sera « Plus jamais ça, non à la répression ». La décision est prise aussi de mettre sur pied une coordination inter-écoles, car les travailleurs sociaux en formation ont leurs propres revendications. De nombreux étudiants en formation seront présents à la manifestation, puis un nouveau weekend sera programmé à Clermont Ferrand où 14 délégations d’Ecoles de Travail Social seront présentes. Les thèmes suivants ont été abordés : Coordination, rémunération, statuts, formations, et politiques sociales actuelles. Ensuite une autre rencontre a eu lieu à Parmentier et une autre était prévue en janvier 1987 avec l’élaboration d’une plate-forme et des actions prévues.
-Dans le numéro 25, (mai/juin 1988) un article de Raymond Curie (membre du collectif PEPS) s’intitule « Mieux vaut penser le changement pour la prison que de changer les pansements pénitentiaires », il est question du Plan de cinq ans :
C’est un Collectif né en Ile de France, il organisait une journée à Montrouge le 16 mai 1987. Puis l’article parle aussi d’une Journée d’information sur la prison à Orly à l’initiative de l’AOCEP et de la Municipalité, le 18 mai 1987. Enfin, il est question aussi de l’Assemblée générale du Plan de Cinq ans, le 30 janvier 1988. Le Collectif « Plan de cinq ans » , regroupait des professionnels du social, et de la justice notamment. Son but était d’informer et de proposer des alternatives à la prison, particulièrement des peines de substitution, comme les TIG (Travail d’intérêt général). Il se prononçait également contre l’incarcération des mineurs.
-Dans le numéro 30 (septembre/octobre 1989), le numéro est consacré à l’anniversaire de la Révolution française. C’est l’ensemble du collectif PEPS qui a contribué à sa réalisation.
Il s’agissait de célébrer les droits de l’homme et du citoyen mais aussi l’abolition des privilèges dans un sens militant. Plusieurs articles reflètent l’actualité du Travail social confronté aux limites et aux remises en cause des droits de l’homme. La vieillesse, le handicap, la maladie mentale, le chômage, la précarité, la toxicomanie, la délinquance, la désaffiliation et les ruptures familiales étant les principales catégories de difficultés abordées par les travailleurs sociaux en cette fin des années 80.
Dans ce numéro on constate que les deux déclarations des « Droits de l’homme et du citoyen » parues pendant la Révolution apparaissent, celle de 1789 (qui a été reprise par les Républiques successives) et celle de 1793 qui était beaucoup plus engagée et plus révolutionnaire. Le numéro fait état des questions coloniales et postcoloniales, mais aussi du traitement de la misère sociale, du droit au travail, du droit des femmes, du droit de vote des immigrés, des luttes sociales mais aussi d’éducation, de culture et de protection de l’enfance. Ce numéro marque à bien des égards l’orientation politique progressiste de la revue ; les valeurs qui se dégagent des articles indiquent un ancrage très à gauche des différents membre du collectif . Il ne faut pas oublier qu’en cette année 1989, le gouvernement de François Mitterrand avait commémoré le Bicentenaire de la Révolution aux Champs Elysées, sous une forme édulcorée et réformiste, à l’inverse des organisations de la gauche radicale avaient organisé un anniversaire plus révolutionnaire se terminant par un gigantesque concert, place de la Bastille. La symbolique des lieux étaient flagrantes. PEPS étant plus proche des idées de la deuxième célébration.
-Dans le numéro 48 (octobre/décembre 1994), un article est écrit par des militants du Comité des sans logis (CDSL) et de Droit au logement (DAL) :
A l’initiative de DAL créé en 1990 à Paris, un CDSL regroupant des personnes isolées et des familles a été créé en 1993. Ces deux collectifs ont reçu l’aide d’avocats. Des travailleurs sociaux impliqués en parallèle de leur travail, à Paris et en Province ont participé à ces deux collectifs.
La question du logement a été la priorité de ces deux types de collectif, sans oublier le droit à la santé, le droit au travail et à la formation mais aussi le droit à la dignité et au respect. Ces deux collectifs rappellent que le droit de réquisition existe et peut s’appliquer (il a été utilisé en 1945, en 1954 et en 1962).
DAL s’est fait connaître par des actions spectaculaires : notamment les occupations d’immeubles vides. Désormais les deux collectifs travaillent ensemble avec des relais médiatiques. Des personnalités ont soutenu ces actions (L’abbé Pierre, le généticien Albert Jacquard, l’évêque Jacques Gaillot, le professeur Léon Schwartzenberg…). Des regroupements pour des actions unitaires ont eu lieu aussi avec les collectifs AC (Agir contre le chômage). Le 19 décembre 1994, Jacques Chirac annonce sa volonté de réquisitionner des logements, les luttes commencent par payer. Dans le même temps, une Université populaire « Droit devant » s’installe au 7 rue du dragon à Paris après l’occupation des locaux avec la participation d’intellectuels, d’artistes et de scientifiques. Le but est de créer des échanges sur les droits humanitaires, la citoyenneté, le savoir et la formation. Le CDSL continue ses actions sur l’hygiène en obtenant à Paris la réouverture de plusieurs bains/douches municipaux. Il s’occupe aussi pour les jeunes de formation et d’insertion. Enfin le CDSL et AC mènent des campagnes pour les transports gratuits des chômeurs et des précaires.
Dans le même numéro, une lettre ouverte du GRAL (Groupe de réflexion et d’action logement) est adressée au Ministre du logement pour exiger la réquisition de logements vides. Cette association émane de travailleurs sociaux et de bénévoles. Ses actions sont menées aux côtés des personnes sans logis et mal logées. Un travail de collaboration est organisé avec DAL et le CDSL.
-Dans le numéro 50 (avril/juin 1995), deux articles émanent aussi du DAL et du CDSL :
Le premier article est rédigé par Jean-Baptiste Eyraud porte-parole de DAL. Ce dernier explique que le DAL prend racine fin 1986 au plus fort de la spéculation immobilière à Paris mais que sa création remonte à octobre 1990. Il résume les principales actions menées : la lutte contre les expulsions, la constitution de dossiers, l’organisation de la solidarité avec et entre les familles, la formation de militants, les interventions d’urgence, les négociations et les conflits dans les communes de banlieue, la création de comités DAL. Plus de 600 familles ont été relogées, des milliers d’autres maintenues dans leur logement. Des avocats travaillant pour DAL, ont permis des avancées importantes. Le droit de réquisition est maintenu comme revendication.
Le deuxième article est rédigé par Jean Yves Cottin membre du CDSL. Ce dernier revient sur l’occupation de la rue du Dragon et sur le tournant opéré vis-à-vis des jeunes. En effet des jeunes de 18 à 25 ans sont venus pour la 1ère fois exposer leurs problèmes. Du fait du chômage et de la crise du logement, ces derniers sont en grandes difficultés. Une action a été décidée en direction du BAS (Bureau d’aide sociale) du 14e arrondissement de Paris avec la présence de Jacques Gaillot évêque et des médias. La Mairie de Paris accorde un secours d’urgence aux jeunes présents ainsi qu’un suivi social. Le mois suivant la Mairie du 13e arrondissement est occupée avec le soutien d’Albert Jacquard et la commission jeunes d’AC. Un rendez-vous mensuel est désormais prévu.
Ensuite, une opération « Chambres de bonnes » est préparée . C’est un immeuble du 12e arrondissement appartenant à la Régie immobilière de la ville de Paris qui est visé. Le 8 mars 1995, une action est menée avec le soutien de Léon Schwartzenberg .
L’occupation du 8e étage a lieu. Les forces de police sont mobilisées et le maire-adjoint au logement de l’arrondissement intervient. Une délégation est reçue au siège de la RIVP. La Mairie de Paris s’engage à louer des chambres de bonnes aux personnes présentées par le CDSL. Quinze familles sont relogées, puis après d’autres actions, une dizaine de petits logements sont attribués, mais peu de jeunes en bénéficient car les garanties financières sont trop élevées. Une nouvelle action permettra de reloger 21 jeunes avenu Malesherbes dans des locaux du GAN.
Dans ces deux derniers numéros, on constate ce que peut être l’insécurité sociale dans le sens où l’a expliquée Robert Castel (11) et ses conséquences.
Des travailleurs sociaux en parallèle de leur travail s’investiront dans différentes actions menées en défense du logement social et contre la pauvreté. Le chômage, la précarité, la spéculation immobilière entraînant la crise du logement ont débouché sur le développement de la désaffiliation.
-Enfin dans le numéro 49 (janvier/mars 1995), Hervé Haudiquet (éducateur) et Dominique Brunet (intervenant dans une école de Travail social) à travers un article intitulé « Une nouvelle professionnalité, autour de l’accès au droit » explique les orientations de l’association « Réseau pour l’accès au droit et à la justice ».
Cette association a été créée en 1992, elle regroupe des travailleurs sociaux, des syndicalistes et des militants associatifs. Le but étant de ne plus subir le droit en général. Les principales orientations étant : la défense du droit au logement, le droit des étrangers et faciliter l’accessibilité à la justice. Face au libéralisme et à ses ravages, la professionnalité des travailleurs sociaux doit évoluer en mettant le droit au centre des formations et des pratiques sociales. Pour cela la mise en place de pratiques collectives engagées est incontournable.
Mehdi Farzad (membre du collectif PEPS) dans l’éditorial du même numéro tient des propos similaires en expliquant par exemple l’intérêt pour des travailleurs sociaux de participer à l’Université populaire « Droit devant » après l’occupation de la rue du Dragon à Paris. Il regrette que ce soit une minorité d’entre eux qui y participent. Pourtant c’est ce type d’initiative qui permet les échanges, les rencontres et le travail en commun entre militants associatifs, chercheurs, syndicalistes, militants politiques, artistes et travailleurs sociaux pour la défense de l’égalité des droits.
f)Echos des luttes :
Dans les premiers numéros de PEPS , une rubrique spéciale sera intitulée « Echo des luttes », puis ensuite régulièrement des articles feront le point sur les revendications et mobilisations sociales.
(11)Robert Castel L’insécurité sociale, Seuil, 2003.
Dans le 1er numéro (janvier/février 1983), un article de Rémy Gaté qui faisait partie du collectif PEPS fait part de la mobilisation de 11 assistantes sociales en formation à l’ISS de Besançon. (Cet article sera repris aussi dans le numéro 2). Elles ont, participé au Mouvement des travailleurs sociaux en formation de septembre à novembre 1981 et suite à ce moment ont écrit un mémoire collectif. A Besançon une autre école faisait partie du mouvement avec une majorité d’ES, l’IFES. L’article s’intitulait « Travailleurs sociaux en formation : cessation concertée d’activité », il n’y avait pas encore le titre « Echos des luttes ».
L’article fait part des deux grandes revendications majoritaires du mouvement national :
-A court terme, l’extension et la revalorisation des bourses étudiantes
-A long terme, un statut de travailleur social en formation
Avec 7 semaines de grève, les revendications des étudiantes ont concerné aussi le droit d’expression syndical et de réunion. L’unité du mouvement reposait sur l’idée d’un statut commun AS/ES. Mais petit à petit des divergences ont vu le jour à Besançon comme au niveau national entre les partisans d’un statut de travailleur social en formation et les partisans d’un statut d’étudiant boursier.
Le comité de grève, les AG et les commissions vont être marqués par l’enjeu d’articuler les revendications nationales avec des revendications locales. Dans les débats, les éducateurs en formation étant plus habitués à la logique du mouvement social vont prendre un certain pouvoir, notamment oratoire. Les étudiantes assistantes sociales moins expérimentées se consacreront surtout au développement des revendications locales.
Une autre question qui s’est posée dans le mouvement national, c’est l’attitude à adopter vis-à-vis d’un gouvernement de gauche. D’où des positions différentes, entre les partisans d’un conflit dur et les partisans d’une négociation en douceur.
Le mouvement se terminera fin 1981, suite au report dans le temps d’un statut de travailleur social en formation et suite au refus du gouvernement de donner 3500 francs à tous les étudiants. Au niveau local, des avancées en revanche ont été obtenues :
-Mise en place d’un processus d’interrogation sur les formations
-Droit de réunions et d’assemblées syndicales au sein de l’ISS
-Dévoilement des réticences d’une équipe pédagogique, évitant de se confronter aux étudiants grévistes
Pour les 11 assistantes sociales en question, l’analyse collective de la grève a été un outil intéressant au niveau de la mise en commun des expériences, de la clarification des implications, de l’analyse d’un mouvement collectif et du repérage de l’environnement et de son influence.
Ce que l’on peut dire de cette expérience et de cet article avec le recul, c’est qu’en 1981 / 1982, les étudiants des écoles de Travail social ont cru à une possibilité d’avancement au niveau des revendications avec l’arrivée au pouvoir de la gauche. La coordination nationale des travailleurs sociaux en formation réclamait avec le soutien de la CFDT et de la CGT : une garantie de ressources égale au SMIC. La CFDT étant pour la création d’un statut de travailleur social en formation , alors que la CGT se prononçait plutôt pour une indemnité étudiante.
Le gouvernement a préféré à l’époque faire porter ses efforts financiers sur la qualification des personnels non formés et en situation d’emploi. Cependant ce mouvement social des travailleurs sociaux sans précédent depuis 1968, a été relayé les années suivantes par d’autres actions. Celles-ci permettront ainsi des avancées au niveau de la réévaluation et de l’extension des bourses étudiantes. Il faudra attendre cependant, les années 2000 pour l’obtention de la gratification durant les périodes de stages mais avec plusieurs restrictions d’où de nouvelles mobilisations.
Dans le numéro 2 (janvier/février 1983) : un article d’éclaircissement de la CGT est paru suite à celui de Rémy Gaté dans le numéro 1. Puis dans le numéro 3 (mars/avril 1983) à la rubrique Echos des luttes, Rémy Gaté revient à nouveau sur les mobilisations des étudiants des écoles. IL parle d’une mobilisation des étudiants/infirmiers en formation qui a eu lieu le 12 novembre 1982. Il explique aussi que la coordination de 1981 a vu deux logiques en son sein : celle qui défendait le statut de travailleur social en formation et celle qui défendait le statut étudiant. Il parle aussi des problèmes de turn-over des étudiants dans les écoles, qui ne permettent pas de stabiliser des collectifs pour les mobilisations. Enfin, il s’interroge si les travailleurs sociaux en 1984, seront capables de faire des propositions cohérentes au niveau des formations. Dans ce numéro 3 aussi, Rémy Gaté rencontre une délégation du MAS (Mouvement des assistants sociaux) : il explique que le MAS est né le 6 juillet 1982, son rôle : réfléchir, agir et défendre. C’est la trilogie du mouvement. C’est à la suite du congrès de l’ANAS en novembre 1981 que l’idée du Mas s’est développée. Au départ certaines personnes du collectif souhaitaient créer un syndicat mais très vite, les différents membres étant déjà syndiqués, c’est autre chose qui est apparu et notamment : faire apparaître les revendications spécifiques des AS pas assez abordées par les syndicats classiques. Au début, il y a eu une vingtaine d’adhérents, principalement des jeunes femmes. Petit à petit la base s’est élargie et des antennes en Province ont été envisagées, ainsi que l’idée de commissions de travail. Le MAS parlait à cette époque de Nouveau Travailleur Social à causes des nouvelles pratiques qui apparaissaient dans le secteur social.
Les membres du collectif souhaitaient que le MAS soit un véritable lieu d’échanges entre AS. A la fin de la rencontre, la délégation souhaite garder le contact avec PEPS.
Dans le numéro 4 (juin/août 1983), un article d’éclaircissement du MAS parait pour approfondir l’article paru dans le numéro 3 . Un article très intéressant aussi, juste avant l’Echo des luttes parle de la formation des bénévoles.
Trois membre du collectif PEPS : Brigitte Trocmé, Jacqueline Dufresne et André Jaunay ont rencontré la présidente du CEIV (Centre d’études et d’information sur le volontariat)
Les bénévoles sont tout d’abord des militants.
C’est ce que souhaite la présidente Madame Cousté. Le CEIV veille à proposer à différents types de personnes (personnes retraitées, personnes isolées, personnes veuves…) une formation sur le volontariat, tout en leur donnant le sens de l’engagement, l’intérêt du travail en équipe et de la vie associative.
En aucun cas, les bénévoles ne peuvent prendre la place des professionnels :
Le volontariat au contraire, doit favoriser la prise en compte de certains emplois sociaux. Certains postes occupés par des bénévoles se sont petit à petit professionnalisés (Planning familial, Ecole des parents …). La logique du bénévolat comme chez les professionnels du social, c’est que les gens sollicitant des aides puissent à termes, se prendre en charge eux-mêmes, même si ce n’est pas toujours facile, ni possible.
Différents thèmes dans les formations sont abordés :
-Sensibilisation au volontariat
-Dialogue de l’accueil
-Parler en public
-Conduire une réunion

  • Gérer les finances d’une association.
    Enfin, une formation destinée aux professionnels du social existe aussi : Comment travailler avec les bénévoles ?
    Le bénévolat est essentiellement constitué de membres issus des classes moyennes :
    Il s’agit essentiellement de personnes ayant au minimum un niveau d’études secondaires, des intellectuels pour une partie. Ce sont des citoyens engagés.
    Relations travailleurs sociaux / bénévoles :
    Les relations sont souvent difficiles mais il existe pourtant des relations réussies. Il ne faut pas oublier que les orientations des bénévoles rejoignent bien souvent celles des professionnels.
    Toujours dans le numéro 4, le CAS (Comité d’action syndicale / UNEF Indépendante et Démocratique de l’Institut Georges Heuyer de Neuilly sur Marne) fait paraître un article intitulé « A propos de la formation des éducateurs ».
    Les étudiants du CAS souhaitent un rapprochement avec d’autres étudiants, d’où l’idée de formuler aussi bien des propositions d’orientations concernant la profession que des propositions concernant la formation, afin d’être reconnu comme interlocuteur pour toutes sortes de négociations.
    Pour le CAS, la formation d’éducateur spécialisé se limite trop à une formation professionnelle, avec des disciplines majoritairement à dominante psychologique. L’éducateur se retrouve ainsi sur le terrain, dépendant de spécialistes. Il s’agit surtout de s’intéresser à des individus mais quid du collectif ? Par ailleurs le CAS critique la logique de contrôle social imposé aux travailleurs sociaux. Le CAS estime que l’on peut s’engager sur une autre voie. Certains textes ministériels à l’heure actuelle (Décentralisation, ZEP, Intégration…) semblent dessiner une ouverture importante, même si des interrogations demeurent.
    Le CAS pense qu’un élargissement des compétences des éducateurs est nécessaire afin que ces derniers deviennent des acteurs du développement social. Le CAS considère aussi que la formation menant au DEES relève de la formation initiale. Ensuite il doit y avoir une formation continue, une formation supérieure, et la recherche. Le CAS pense que la formation avec des moyens multiples (UV, stages…) a pour but d’acquérir et de développer un champ de connaissances. Il se prononce également pour un rapprochement avec l’Université.
    Dans le numéro 4 également, un petit texte de la rédaction entre deux articles sur les luttes, rappelle que la revue se fait l’écho des luttes sociales mais ne peut pas reproduire des tracts entiers de plusieurs pages.
    Cependant un petit communiqué est intégralement reproduit : il s’agit d’un manifeste qui émane d’un comité de soutien aux lieux de vie. Les initiateurs du manifeste sont des travailleurs sociaux de Seine Saint Denis. Deux cent personnes l’ont déjà signé (du secteur social, du secteur psychiatrique et du secteur scolaire) depuis le 15 février 1983.
    Les principaux points du Manifeste étaient les suivants :
    -Dénonçons une campagne de presse qui vise à remettre en cause les lieux de vie, à propos de l’affaire du Coral.
    -Constatons l’échec des institutions face à de nombreuses situations.
    -Témoignons , au travers de la collaboration avec certains lieux de vie, de la qualité de l’accueil et du -bien être des jeunes accueillis.
    Assurons les lieux de vie de notre soutien.
    -Exigeons des institutions qui confient des jeunes aux lieux de vie, d’assurer leurs responsabilités, notamment au niveau des paiements.
    -Appelons les travailleurs des secteurs : social, psychiatrique et scolaire à exprimer leur soutien à l’existence des lieux de vie.
    Comme on le voit avec ces trois articles (Bénévolat – Réflexion sur la formation d’éducateur spécialisé et Défense des lieux de vie) , les articles de PEPS permettaient à la fois de faire des articles à base d’entretiens comme celui sur le bénévolat mais aussi de donner la parole aux étudiants et professionnels de terrain (article du CAS et le manifeste du comité de soutien aux lieux de vie).
    Bien entendu il y aura aussi des articles émanant directement des membres du collectif , ainsi que des articles au nom de l’ensemble du collectif. Dans le numéro 2, il faut signaler également, une lettre ouverte de Tanguy Laurent du 24/09/1982 qui est publiée. Ce dernier revient sur la fin de la parution de « Champ social » et souhaite que PEPS évite l’erreur de ne pas assez faire appel aux lecteurs et aux professionnels de terrain. Il souhaite ainsi, une véritable articulation entre le collectif qui anime la revue et les professionnels de terrain pour la parution des articles.
    -Un autre article intitulé « Mobilisation contre l’exclusion » montre une mobilisation de travailleurs sociaux, toujours dans le numéro 4.
    Il s’agit de professionnels (ES, AS) intervenant dans des cités de transit de 3 villes du Val de Marne. Ces cités ont été construites entre 1950 et 1980 pour résorber les bidonvilles et l’habitat insalubre de l’époque., mais aussi pour accueillir une population immigrée. Le problème, c’est que ces cités transitoires ont duré plus longtemps que prévu. Des études élaborées par plusieurs organismes dans les années 1981/1983 ont montré :
    -que l’habitat n’a jamais joué son rôle de transit
    -que ces cités étaient plutôt des lieux d’enfermement, générateurs d’exclusion sociale.
    Pour les professionnels, il y avait une nécessité de mener des actions à deux niveaux :
    -horizontal : travail avec les populations en favorisant les échanges
    -vertical : en sensibilisant les décideurs. Une association a été créée, elle est devenue un outil utile, celle-ci s’appelait « Alternative aux cités de transit ».
    Il s’agissait alors de dénoncer la politique ségrégative, de travailler avec tous les groupes, de travailler aussi au développement de la vie collective mais aussi de porter le débat devant les différents protagonistes (Gouvernement, municipalités, associations et syndicats). Des réunions et des manifestations ont été organisées. Des contacts ont eu lieu avec d’autres associations et syndicats qui luttent pour l’amélioration de l’habitat social et contre l’exclusion : (CSCV, CSF, ASTI et CFDT notamment. Une interpellation des pouvoirs publics a eu lieu (Municipalités, DASS, Préfecture et Ministère de l’urbanisme et du logement.) Enfin une entrevue a été préparée avec le Chargé de missions auprès du Secrétaire d’Etat aux immigrés, en vue de la résorption des cités de transit.

Les autres échos des luttes dans les numéros suivants :
-Dans le numéro 7 (février/mars 1984), c’est un communiqué de l’ANED (Association nationale des éducateurs DDASS) qui appelle les éducateurs en question à s’organiser et à se mobiliser. Sur les points suivants :
-Reconnaissance d’un statut professionnel et juridique dans le code de la santé publique.
-Aborder les problèmes de fonctionnement comme agents sociaux territoriaux liés au nouveau cadre de la décentralisation.
-Développer des actions de recherche et de réflexion.
-Développer une démarche pour la reconnaissance d’un statut national.
-Dans le numéro 8 (avril/ mai 1984) des travailleurs sociaux d’AEMO font état de gros problèmes au niveau des frais de déplacement pour les professionnels travaillant pour la DASS du 92. Un fort mécontentement concerne la réduction des frais de déplacements. Ils protestent auprès de la DASS en refusant d’effectuer des déplacements car les remboursements ne sont plus assurés. Une grève est mise en place le 27 janvier 1984.
-Dans le numéro 9 (été 1984), une lettre émane d’étudiantes AS de plusieurs écoles de la Région parisienne. Elle fait état de la pénurie de stages et d’une mobilisation pour faire bouger les choses. Une réflexion sur la cause de la pénurie est engagée, mais aussi des démarches auprès des instances et des professionnels concernés.
-Dans le numéro 12 (mars :avril 1985) un collectif de professionnels soutenu par CGT-CFDT-FO et des associations de soutien aux droits des immigrés, fait paraître un article dénonçant la discrimination à Paris au niveau des politiques sociales à l’encontre des Etrangers et des Français pauvres.
Cet article dénonce la politique de discrimination menée par l’Aide sociale à Paris. Il fait état aussi de la demande de transmission de listes nominatives de personnes d’origine étrangère qui sollicitent une aide financière, ainsi que le fichage de la population pauvre de Paris. Il dénonce aussi l’obligation de communiquer aussi les titres d’identité à la Préfecture de Police.
-Dans le numéro 13 (été 1985), Hugues Bazin (membre du collectif PEPS) revient sur cette mobilisation avec des informations recueillies auprès du collectif de travailleurs sociaux. On y apprend que la CNIL a dénoncé la création de fichiers. La note en question a du être abrogée mais il y avait toujours des photocopies de cartes d’identité de réalisées.
Le collectif a également interpellé Jacques Chirac et la Mairie de Paris, avec une délégation reçue le 13 décembre 1984. Le collectif a appelé à ne plus faire de photocopies des pièces d’identité. Ensuite le 8 mars 1985, une rencontre a eu lieu au Ministère de la Solidarité. Le bilan positif de cette mobilisation, fut la création d’un collectif solidaire de travailleurs sociaux qui a freiné certaines orientations répressives et en a empêché d’autres.
-Dans le numéro 18 (janvier/février 1987), le collectif des intervenants en toxicomanie de la Région parisienne fait paraître une pétition : cette dernière vise à réunir un maximum de signatures contre le projet de loi Chalandon. Le titre était « Contre l’enfermement thérapeutique érigé en système ». La pétition dénonce le recours à l’incarcération pour les personnes toxicomanes.
Elle réaffirme l’importance de la séparation entre le pénal et le soin mais aussi la nécessité de l’écoute et de l’accompagnement pour les toxicomanes.
-Dans le numéro 23 (janvier/février 1988), trois échos des luttes sont caractéristiques de la période.
Le premier intitulé « Quand le pot de terre résiste aux coups du pot de fer et gagne la victoire ». L’information fait état de la décision de la Mairie de Paris, du 29/12/1987 levant les mesures répressives à l’encontre de trois assistantes sociales qui avaient signé une pétition en faveur des familles sinistrées à la suite d’incendies criminelles dans le 20e arrondissement. C’est la détermination de nombreux collègues travailleurs sociaux, agents administratifs, élus, comités de soutien mais aussi LDH, CFPS, CFDT, CGT et FO qui a payé. Cette mobilisation obligea le Maire de Paris, Jacques Chirac à remettre en question la décision arbitraire du Directeur de l’Action sociale, de l’enfance et de la santé.
Le deuxième émane de la revue « Otages » dont le siège est à Paris, (Revue d’expression pour les détenus), il fait part du soutien à un « Manifeste pour l’amélioration de la détention et des conditions de réinsertion des détenus et ex-détenus », avec le Mouvement CRI et le Collectif Minerve. La publication dans PEPS rappelle l’importance de faire connaître le Manifeste avant l’élection présidentielle.
Enfin le troisième est signé du MFPF (Mouvement français pour le planning familial) de Seine-Saint-Denis. L’information indique que ce Mouvement lutte pour les droits des femmes et des couples à pouvoir choisir d’avoir ou non un enfant. Ce droit est remis en cause au Sénat mais aussi dans les discours de Jacques Chirac en 1987. Le MFPF rappelle la différence entre publicité et information et explique que son travail ne consiste qu’à informer mais que ce droit est incontournable. Il appelle à soutenir son action et à signer des pétitions.
-Dans le numéro 25(mai/juin 1988), deux informations apparaissent :
La première parle de précarité en expliquant qu’en comparant les cartes, entre le vote Le Pen d’un côté et les taux de chômage les plus élevés de l’autre, cela permet de vérifier la propagande qui a été faite par le FN vis-à-vis du manque de travail. Dans ces conditions, il est nécessaire que la position des chômeurs et des précaires puisse être prise en compte. C’est pourquoi le journal ILLICO (siège à Paris) créé par des associations de chômeurs est un moyen d’agir en ce sens. PEPS relaie l’information.
La deuxième parle du Mouvement Riposte ( dont le siège est à Paris) . Celui-ci a édité un Manifeste intitulé « La répression conduit à l’arbitraire ». Ce Manifeste explique que tout le monde a le droit à la culture, y compris ceux qui se sont engagés dans des impasses. Il s’agit donc de trouver ensemble, des réponses adaptées aux situations individuelles des jeunes les plus démunis.
-Dans le numéro 26 (septembre/octobre 1988), trois organisations qui travaillent en direction des prisons sont présentées : le GRIP (Groupe de réflexion et d’information sur la prison), le GENEPI (Groupement national d’enseignement aux personnes incarcérées) et le CJP (Comité justice prison).
Après le GIP (Groupe information prison) où Michel Foucault s’était investi dans les années 70 puis le CAP (Comité d’action des prisonniers) avec des personnalités comme Jean Lapeyrie, Serge Livrozet et Jacques Lesage Delahaye, les trois organisations citées plus haut vont cibler davantage leurs interventions.
-Le GRIP dont le centre était Lyon, avait pour but d’éveiller la conscience publique aux situations d’injustice, découlant des failles de l’actuel système pénal et de l’enfermement systématique du justiciable dans des lieux dégradants. Son journal était le GRIP, et sortait 5 fois par an. Ce collectif préconisait des mesures de prévention pour contrer les causes de la délinquance. Il s’agissait aussi d’intervenir dans les médias, d’interpeller le Gouvernement mais aussi de demander des révisions de procès avec le soutien d’autres associations.
-Le GENEPI, dont le siège était à Paris, rassemblait à cette époque environ 700 étudiants dans 50 groupes locaux. Le but était de participer à l’effort public en faveur de la réinsertion grâce aux contacts entre étudiants et monde pénitentiaire. Différentes interventions sont réalisées (enseignements, formations qualifiantes et informations socioculturelles…)
-Le CJP, dont le siège est à Genevilliers dans la cité du Luth, dans les locaux de l’ASTI a pour but d’informer toute personne sur ces droits en cas d’arrestation ou en cas de détention mais aussi de savoir choisir un avocat . Son rôle aussi est de soutenir les familles pour les différents contacts nécessaires à prendre vis-à-vis des personnes emprisonnées.
-Dans les numéros 29, 30 et 31 : Plusieurs articles de Raymond Curie (membre du collectif PEPS), parlent des luttes du CREM (Collectif unitaire de travailleurs sociaux) avec des échos des mobilisations durant toute l’année 1989 (Voir en détails dans le chapitre suivant).
-Dans le numéro 32(PEPS INFO) de juin 1990, plusieurs échos de mobilisations apparaissent : Tout d’abord une information de PEPS à propos du Collectif « Droit de vote » de la LDH de Paris. Face à la montée de l’intolérance et du racisme, les travailleurs sociaux doivent s’engager dans un travail de solidarité avec les populations immigrées. PEPS fait partie du Collectif « Droit de vote » lancé par la LDH. De nombreuses initiatives sont prévues.
Une information également sur le CASIF EST. La poursuite des démarches s’effectue pour demander l’homologation du DEASS au niveau II. Pour l’instant, seules les AS cheffes ont obtenu gain de cause et sont classées dorénavant dans la catégorie A. Un appel a été lancé pour la constitution d’un Collectif d’AS d’Ile de France regroupant syndiqué(e)es et non-syndiqué(e)s.. Les revendications sont les suivantes : Homologation du DEASS à Bac plus 3 (Niveau II), avec intégration dans la catégorie A – Refus de la définition donnée par le rapporteur de la commission d’homologation. En conséquence le CASIF EST appelle à la création de collectifs départementaux pour porter ces revendications.
Un autre écho émane du numéro 32 : il concerne des expulsions de populations immigrées. Plusieurs dizaines de familles immigrées en situation régulière ont été expulsées suite aux incendies du 20e arrondissement de Paris. Depuis elles campent Place de la Réunion. Des manifestations et des soutiens sont organisés à l’appel du Comité des mal logés, soutenu par un Collectif plus large. Le SSP dans le cadre du CRC santé-sociaux appelle à la solidarité et à intervenir auprès de la Mairie de Paris.
Une information sur le procès d’Auch apparait aussi : elle fait état de la comparution au tribunal le 3 mars de 4 fonctionnaires dont une assistante sociale, pour non dénonciation de crime. Quatre cent personnes sont venus les soutenir car c’est le secret professionnel qui est ici remis en cause.
-Dans le numéro 33 (PEPS INFO) de juillet/août 1990, deux échos de mobilisation apparaissent. Tout d’abord celle concernant la Prévention spécialisée du Val de Marne. La Prévention spécialisée se restructure sous les contraintes de la décentralisation. Ses budgets sont remis en cause, le social coûte trop cher. Le constat effectué fait apparaître :
-la baisse des budgets de nombreux clubs
-des postes gelés d’éducateurs (non-remplacés depuis longtemps)
-la remise en cause des avantages acquis (exemple pour les mutuelles qui ne doivent plus être prises en compte pour une partie par l’employeur)
-la restriction des frais de fonctionnement pour les professionnels..
Au niveau pédagogique aussi, le contrôle départemental se fait sentir sur les orientations des clubs. Parfois aussi des désaccords ont lieu entre département et municipalités, ce qui fait que les clubs peuvent se retrouver confronter à deux orientations différentes. Cependant dans le Val de Marne, l’ASE a encore des moyens importants, c’est pourquoi les clubs se structurent au sein d’une Union Départementale. Celle-ci va désormais siéger au Conseil Technique Départemental. Par ailleurs elle organisera à la rentrée un Forum pour médiatiser les actions de la Prévention spécialisée. Au niveau des salariés, une structuration est en cours aussi avec une élaboration de revendications et la désignation de représentants.
Une autre information était intitulée « Mal logés, le provisoire dure longtemps ». Depuis des semaines dans les 18e, 19e et 20e arrondissements de Paris, des centaines de personnes sont à la rue. Pourtant le nombre de logements vacants dans la capitale ne cesse d’augmenter d’après l’INSEE (100 000 logements privés et 30 000 logements publics sont vides). Des travaux sont et vont être menés pour la rénovation de logements mais à termes ce sont de nouveaux propriétaires qui s’installent , plus solvables. Un Comité des mal logés s’est constitué demandant des relogements dans Paris avec à l’appui des manifestations. Des travailleurs sociaux y participent. Des rénovations peuvent être effectuées avec ensuite des loyers alignés sur un barème fixe, aussi bien pour le privé que pour le public.
Un communiqué émane de Mémoire Fertile : Ce mouvement organise une série d’actions à la rentrée : un relais Nord/ Sud de ville à ville, pour répondre à la gravité de la situation sociale, pour promouvoir le droit de vote des résidents étrangers, le droit au logement et au séjour des immigrés, et exiger une justice contre les crimes racistes.
-Dans le numéro 34 (PEPS INFO) de septembre 1990, quatre échos des mobilisations apparaissent :
L’appel des 250 (qui deviendra ensuite Ras le Front) : l’information fait état d’un appel lancé par des personnalités pour organiser unitairement une riposte contre le Front National. Le 1er objectif sera d’organiser une immense manifestation nationale. Le Collectif organise son AG de rentrée le samedi 6 octobre 1990 à 15 heures au cinéma La Clef à Paris.
Le Collectif national contre la double peine souhaite réunir toutes les associations et personnes qui veulent lutter contre la double peine (prison puis expulsion du territoire français). Un grand meeting aura lieu le 6 octobre 1990 à la Bourse du travail à Pris.
Les Etats généraux de la prison : le Plan de cinq ans communique que les Etats généraux de la prison auront lieu à La Sorbonne le 10 novembre 1990.
Le logement des plus défavorisés : l’IDL 95 a lancé une pétition à remette au Ministre du logement avec en soutien une manifestation en octobre.
-Dans le numéro 35 bis (PEPS INFO) d’octobre 1990, deux échos de luttes sont signalés. Tout d’abord un communiqué de Mémoire Fertile à propos de la révolte de Vaulx en Velin. Ce communiqué explique que cette révolte des jeunes est justifiée. C’est le résultat d’une logique d’exclusion sociale, économique, culturelle et politique. Elle fait suite à plusieurs faits importants :
. le renoncement du gouvernement au droit de vote des étrangers
. la multiplication des cas de double peine
. la remise en cause du droit à la spécificité culturelle
. la chasse hypocrite aux clandestins
. la remise en cause du droit d’asile
Mémoire Fertile exige que toute la lumière soit faite sur les derniers événements mais exige aussi que tous les procès laxistes des criminels racistes soient revus. Une réelle citoyenneté avec l’acquisition de l’ensemble des droits de la République est indispensable.
Un autre écho fait apparaître la question du « Droit de vote ». Plus d’une centaine de signatures de personnalités pour un parrainage existent. Une rencontre des collectifs est prévue le 12 janvier 1991 à l’initiative de la LDH. Une audience a été demandée auprès du Président de la République, par ailleurs des villes se regroupent à l’initiative de maires pour créer des conseils municipaux étrangers associés. Les Collectifs « J’y suis, j’y vote » soutiennent ces actions.
-Dans le numéro 36 bis (PEPS INFO) de janvier 1991, deux échos des luttes sont mentionnés. Le premier parle des Etats généraux de la prison qui ont eu lieu à La Sorbonne à Paris, les 9 et 10 novembre 1990.
Les débats ont porté sur deux grands axes :
. Le premier concernait les actions à mener pour améliorer le sort et les conditions des personnes incarcérées, tout en menant campagne pour éviter au maximum l’incarcération et en proposant des solutions alternatives.
. Le deuxième a été de rappeler que la prison doit être supprimée car ce n’est pas une réponse humaine. Ceux qui sont incarcérés se marginalisent de plus en plus.
L’information fait apparaître ensuite diverses initiatives spécifiques à prendre.
Le deuxième écho parle du Comité national contre la double peine. (prison et expulsion du territoire). Ce Comité a été créé en juin 1990 par des personnes en instance d’expulsion ; son but est de de lutter contre la double peine. Deux initiatives auront lieu : les 21 et 23 mars 1991. La première sera réalisée dans le cadre de la journée internationale contre le racisme et la deuxième sera l’organisation d’une manifestation à Paris jusqu’au Ministère de la justice.
-Dans le numéro 37 (juillet/septembre 1991): l’ article d’Eric Auger et Nelly Gaugain (membres du collectif PEPS) s’intitule « Assistants sociaux : un métier qu’on casse »
Il faut tout d’abord noter le jeu de mots employé dans le titre : « Qu’on casse » en lien avec l’appellation « Concass » titre de la coordination des AS à l’époque.
L’article explique ensuite que depuis le 16 septembre 1991, les assistant(e)s sociaux (ales) sont en grève reconductible. Une manifestation nationale très importante a eu lieu le 1er octobre 1991. Trois revendications apparaissaient :
-Reconnaissance du diplôme d’AS à Bac plus 3.
-Revalorisation des salaires
-Davantage de moyens pour travailler.
-Dans le numéro 43 (juillet/septembre 1993), un dossier entier est consacré à la coordination des AS et à ses revendications : La CONCASS.
A l’époque en 1991, le temps des coordinations dans les mouvements sociaux était au beau fixe. Le but recherché était d’élargir les mobilisations pour dépasser les enjeux et les clivages syndicaux, particulièrement pour une profession comme celle des AS, peu syndiquée. En ce qui concerne les revendications, il faut également noter qu’il faudra attendre 30 ans (ce sera le cas en 2021) pour que les diplômes D’AS et d’ES soient reconnus Bac plus 3 et niveau 2 universitaire. Il aura fallu encore plusieurs autres mouvements revendicatifs au sein des professions sociales pour faire aboutir cette demande. Par ailleurs, les salaires progresseront peu et les moyens pour cette profession seront soumis de plus en plus à la RCB (Rationalisation des choix budgétaires) exigée par les politiques sociales néolibérales. Concernant les diplômes, certaines Ecoles de travail Social (Paris et Lyon notamment ) anticiperont la nouvelle loi et dés le début des années 2000 permettront à leurs étudiants de passer une licence (de sociologie, de sciences de l’éducation ou de psychologie) en parallèle des diplômes d’AS et d’ES, ce qui permettra d’obtenir Bac plus 3).
3)Le type de mobilisations sociales : (coordinations, actions syndicales, pétitions, forums/débats…)
a)Mobilisations fractionnées en général :
-Les réponses syndicales et associatives :
La position des syndicats en 1989 lors de la mobilisation du CREM :
Dans le numéro 31 (novembre /décembre 1989), trois positions syndicales apparaissent : celle du CRC Santé Sociaux (Ile de France), celle du SAASSH et celle de la CFDT Santé Sociaux (Rhône-Alpes) :
La position du CRC Santé Sociaux (12) Ile de France, avec Anne Sermot :
Le CRC Santé Sociaux s’est construit en 1989, à partir de sections CFDT Santé Sociaux exclues par la Fédération pour cause de soutien aux coordinations infirmières. A l’heure actuelle, nous pouvons faire un constat d’éclatement des professions sociales mais aussi une demande d’agir ensemble.
La mobilisation du secteur social d’avril 1989 a montré l’importance d’un nouveau mode de mobilisation.
La décentralisation a pointé la logique d’austérité du gouvernement au niveau des départements. L’Etat se décharge de ses prérogatives. Sur le terrain on constate :
-un accroissement de la charge de travail pour les travailleurs sociaux (notamment dans la gestion des dossiers RMI)
-un manque de moyens en général , un seul exemple celui de l’Economie sociale.
Dans les mobilisations sociales, le CRC constate qu’il n’y a pas eu de dérapages corporatistes. Conscient des limites et des impasses syndicales actuelles, le CRC ouvre le débat pour redéfinir un outil syndical adapté aux réalités de maintenant.
La position du SAASSH (Syndicat autonome des assistant(e)s de service social hospitalier) avec Alain Marchal :
Le syndicat est né en 1989, dans le contexte des revendications et mobilisations hospitalières. Le SAASSH souhaite préparer le rendez-vous ministériel de janvier 1990 pour la refonte du statut d’AS hospitalier. Des revendications catégorielles existent pour un statut clarifié. Son but est d’étendre l’action syndicale à tous(tes) les AS des hôpitaux et intégrer le statut du Secteur public. Dans un second temps, il pourra agir aussi au cours de mobilisations, avec d’autres professions sociales. La décentralisation devra se mesurer en fonction des résultats de l’efficacité des actions.
(12)CRC (Coordonner Rassembler Construire)
Les responsabilités des AS à l’heure actuelle augment de plus en plus avec des exemples comme le RMI où les mesures prises sont un leurre.
Dans l’hôpital notre autonomie est parfois mal perçue. C’est pourquoi nous sommes prêts a nous associer à d’autres personnels hospitaliers pour des mobilisations tout en défendant nos spécificités. Le syndicat se bat pour :
-Une augmentation salariale
-Une reconnaissance des diplômes bac plus 3
-Un accès à la catégorie A
-Une modification d’accès à la formation (bac ou équivalent)
La position de la CFDT, via une lettre de la CFDT Santé Sociaux Rhône Alpes, adressée aux Conseillers généraux employeurs de la DPAS :
Le constat est fait que des tâches de plus en plus complexes sont demandées aux travailleurs sociaux, vis-à-vis du travail avec les pauvres, les chômeurs, les personnes âgées et les personnes en difficultés en général.
Les conditions de travail sont inacceptables :
-Un problème flagrant de sous-effectif existe. Les postes vacants ne sont plus remplacés. Plusieurs Centres médico-sociaux ont fermé.
-Aucun concours de recrutement n’a été fait depuis des années.
-Une gestion anarchique du personnel a été relevée.
-Un manque considérable de moyens matériels et de fonctionnement sont constatés.
Le Travail social commence a perdre son sens, il se parcellise avec des tâches ponctuelles, assistancielles et juxtaposées. Pour le RMI par exemple, l’importance des moyens et du partenariat sont une nécessité.
Une journée d’action a été prévue le 29 juin 1989 : plusieurs revendications y apparaissaient :
-Augmentation des effectifs – Des moyens matériels et informatiques – Un statut des personnels territoriaux – La mise en place d’une commission tripartite pour la question des personnels mis à disposition par l’Etat – Réunion d’un CTP chaque trimestre.
La position des syndicats lors de la mobilisation de la CONCASS en 1993 :
Dans le numéro 43 consacré à la CONCASS, un article reproduisant l’intervention de J.C. Valette pour la CGT aux Etats Généraux des 15 et 16 mai 1993 est publié. L’article est intitulé « Pour un renouveau professionnel et syndical ».
La CGT critique le plan d’action du gouvernement, imposé en décembre 1991 pour les professions sociales. Il est signalé aussi que la CGT a siégé dans deux commissions mis en place par le gouvernement et le CSTS, elle s’est prononcée pour des changements conséquents : notamment en critiquant la position du gouvernement Balladur qui priorise l’économie en abaissant le coût du travail mais aussi elle défend la logique de service public qui est remise en cause et dénonce l’orientation libérale du gouvernement.
Par ailleurs la Confédération soutient la réflexion de la CONCASS qui priorise le sens donné au travail dans un cadre collectif. Pour la CGT, dorénavant se pose la question de la convergence commune d’actions des professions sociales, mais peut-être aussi en lien avec les professions de santé. Il s’agit de construire un Travail social avec une culture commune pour l’avenir.
b)Une mobilisation unitaire cependant : l’exemple du CREM : dans 3 numéros successifs de PEPS ; des articles concernent une mobilisation sans précédent qui se terminera même en novembre 1989 par une mobilisation commune avec la coordination de la Santé : (Numéros 29, numéro 30 et numéro 31)
Dans le numéro 31 de novembre/décembre 1989, une interview d’un éducateur spécialisé Lionel Lafarguette membre du CREM explique ce mouvement. Il s’agissait d’une coordination regroupant différentes professions sociales avec des personnes syndiqué(e)s et non-syndiqué(e)s. Les principales revendications portaient sur une revalorisation des salaires, sur des embauches conséquentes, sur des conditions de travail améliorées et sur une refonte des formations. Le CREM a permis une conscience unitaire et collective. Il a obligé les syndicats a se positionner face à lui.
Lionel Lafarguette explique que face à des demandes sociales de plus en plus grandes, les moyens sont de plus en plus limités. Les Conventions Collectives quant à elles ont peu évolué depuis les années 60. Il y a également un manque d’unité des programmes de formation, un tronc commun entre différentes professions s’avère indispensable. Les personnes non qualifiées (faisant fonction) sont trop nombreuses et la décentralisation a impacté les prix de journée qui n’ont pas été réévalués.
Face à ces problèmes, le CREM a été un moment de l’histoire des mobilisations sociales dans une optique unitaire.
c)Une autre mobilisation importante : La CONCASS (Coordination nationale des collectifs d’assistant(e)s de service social Numéro 43 (Juillet/Septembre 1993)
Dans ce numéro, au début il est question de la suite du mouvement de grève de 1991 avec la reconnaissance de la qualification pour les AS et de l’utilité sociale du métier. Par ailleurs, il s’agit aussi de critiquer le fait que le diplôme est toujours reconnu au niveau III, que les salaires ne sont pas assez élevés et que les carrières sont sans réelles perspectives.
Puis il est question des « Etats généraux » proposés par la CONCASS, du 15/ 16 mai 1993. Différents points ont été abordés : L’accès au logement, l’accès à la santé, la quasi disparition de la prévention en matière de Protection de l’Enfance, la question des moyens du Service Social en milieu scolaire, les limites du RMI, la question du droit des personnes avec la généralisation de l’informatique et la question des formations. Enfin plusieurs cas spécifiques ont été abordés, comme celui de Montjoie : la notion de non-assistance à personnes en danger a été questionnée.
La CONCASS est ensuite présentée en tant que Mouvement. Il s’agit d’une coordination regroupant des syndiqué(e)s, des non-syndiqué(e)s et des associatifs.
Il s’agit de plusieurs collectifs qui vivent et se mobilisent dans une logique nationale. L’essentiel des revendications portées sont celles qui sont citées précédemment et issues du mouvement de grève de 1991.
d)Les deux initiatives de PEPS en 1990 et 1991 :
A partir de la publication de deux numéros spécifiques : le numéro 28 de mars/avril 1989 intitulé « Banlieue cent visages » et le numéro 36 de janvier/mars 1991 intitulé « Les cultures de la rue », deux initiatives engagées ont été organisées en reprenant les appellations des deux numéros en question.
La première fut une « Rencontre Nationale » à Longjumeau en mars 1990 et la deuxième un « Forum » à Paris en octobre 1991. Ces deux temps forts ont montré l’intérêt du collectif PEPS pour donner la parole aux jeunes, aux militants associatifs et aux travailleurs sociaux mais aussi à des artistes, à des élus et à des représentants institutionnels et ministériels.
Dans les deux numéros en question puis ensuite lors des deux rencontres, les rapports entre acteurs associatifs et professionnels du social ont été fructueux, sans mettre de côté les tensions et certaines incompréhensions qui existent de part et d’autre.
Le côté militant des différentes actions de terrain qui ont été recensées lors de ces événements a montré un potentiel très riche au niveau culturel et social. Dans l’éditorial du numéro 36, Hugues Bazin (membre du collectif PEPS) rappelait que face à la fracture profonde de la société qui était la plus visible dans les quartiers populaires, plusieurs possibilités de changement étaient à prendre en compte :
-des outils de transformation de la société étaient en cours d’élaboration dans les banlieues.
-que l’un de ces outils était représenté par l’expression artistique et culturelle.
-qu’il était urgent et vital de tisser des réseaux et de renouer les fils du dialogue entre les acteurs de terrain (15/30 ans notamment) et les professionnels du social sans oublier les élus et les représentants institutionnels et ministériels.
-enfin que ces liens devaient être directs afin de marquer la fin de ‘l’aristocratie’ de ceux qui parlent « pour » ou qui « font pour » les autres.
Dans son livre « La culture Hip-Hop », Hugues Bazin explique qu’il faut aborder ce type de culture par une approche globale. Il s’agit en effet de bien comprendre le message, ce qui donne aux expressions, leur richesse leur direction et leur sens : « Ce message est essentiellement moral. Il se base sur les notions de responsabilités, de prises de conscience individuelles et collectives, des valeurs universelles fondamentales »(13).
C’est aux acteurs sociaux et politiques d’en percevoir la pertinence et l’importance. Le premier numéro a été réalisé avec 4 partenaires (PEPS, LPS, STAJ et Mémoire Fertile), la Rencontre Nationale de Longjumeau suivra avec des associations, groupes artistiques et musicaux mais aussi professionnels du social et élus de plusieurs régions de France : le groupe Zebda de Toulouse étant l’un des groupes les plus connus.
Le deuxième numéro a été réalisé avec la participation de plusieurs acteurs des cultures de la rue mais aussi des sociologues et des travailleurs sociaux. Le Forum qui suivra sera animé par des grapheurs, des rappeurs, des associations artistiques, musicales, des sociologues, enseignants et travailleurs sociaux.
4)La durée de ces mobilisations sociales : (éphémères ou prolongées) :
Comme nous venons de le voir, une partie de ces mobilisations a été éphémère, notamment quand il s’agissait de causes bien déterminées et bien délimitées (revendications sur les conditions de travail, sur le refus de la baisse des remboursements de frais de déplacements, sur la contestation de décisions arbitraires ou pour dénoncer des mesures répressives vis-à-vis de la toxicomanie, ou également celles concernant les immigrés étrangers et les français pauvres à Paris…).
(13)Hugues Bazin La culture Hip-Hop, Desclée de Brouwer, 1997.
En revanche on peut considérer que de nombreuses mobilisations se sont renouvelées sans cesse et durent encore pour certaines, après des arrêts plus ou moins longs. Ce fut le cas pour les mouvements de travailleurs sociaux en formation, les différents mouvements concernant le statut, les salaires et les demandes de moyens des éducateurs spécialisés et des assistantes sociales. Dans les années 2000, les mobilisations se sont renouvelées avec l’intégration des revendications dans le cadre plus global de la défense des conventions collectives. Dans un contexte plus large, des travailleurs sociaux non pas cessé non plus de s’impliquer dans différentes luttes collectives : celles d’AC, de DAL , du CSL notamment. Enfin pendant ces années 1983/1995, la participation à des actions syndicales bien que restant minoritaires pour les professions sociales n’a pas cessé. A noter le développement dans ces années-là d’un nouveau syndicat, radicalement ancré à gauche : le CRC qui deviendra par la suite SUD santé-sociaux. La raison essentielle de cette création étant la rupture de nombreux militants avec les orientations recentrées de la CFDT qui a rompu avec son engagement autogestionnaire des années 70. Enfin, il faut remarquer également que ce sont surtout les mobilisations des éducateurs spécialisés et des assistantes sociales qui sont relatées, les informations concernant les autres professions sociales apparaissent moins (Conseillères en économie sociale et familiale, Educateurs techniques, Moniteur-éducateurs, AMP…). D’une part parce que ces professions ont été associées en partie avec les autres mobilisations sociales mais aussi parce que les capacités d’organisation de ces professions ont été beaucoup plus faibles.
5)Les conséquences de ces mobilisations (avancées et limites) :
a)Les avancées :
Dans le numéro 30, dans la rubrique « Echo des luttes » le 21 octobre 1989 est présenté comme une date importante avec la convergence des luttes sociales et hospitalières : Coordination infirmières et Coordination du secteur social (CREM) ensemble devant le Ministère à Paris, c’est le point fort de toutes ces années.
L’importance des coordinations :
Il est incontestable que les différentes luttes sociales ont été largement impactées par le renouveau de l’organisation militante via la mise en place des coordinations regroupant personnes syndiquées et non-syndiquées. Ce n’était pas la première fois que ce type d’organisation existait. A partir de 1968 dans plusieurs secteurs professionnels des regroupements ont vu le jour, avec des comités de grève regroupant syndiqué(e)s et non syndiqué(e)s. Cependant les syndicats étaient toujours très influents. Pour le Travail social dans les années 80, les syndicats étaient moins présents et comme nous l’avons vu, parfois pas présents du tout quand des regroupements corporatifs ont vu le jour. Le CREM a été un temps forts ou la plupart des professions sociales ont été représentées. Cette démarche unitaire ayant réussi à la fin à organiser une initiative commune avec le secteur de la Santé.
On peut considérer aussi que la participation de travailleurs sociaux à plusieurs collectifs larges a contribué à des avancées, ce fut le cas pour « Le Plan de cinq ans », le « DAL », le « CDSL », La « Marche contre le racisme de 1983 » notamment. Des avancées ont vu le jour aussi au niveau local sur des points précis au niveau de l’organisation du travail et au niveau de la rémunération mais aussi pour empêcher des mesures répressives (voir les exemples cités plus haut).
Les initiatives de PEPS « Banlieue cent visages » à Longjumeau et le « Forum » de Paris ont contribué à faire connaitre et à valoriser les cultures de la rue ainsi que les associations de jeunesse issues des quartiers populaires, notamment auprès des professionnels du social.
Dans les années 2000, plusieurs initiatives militantes reprendront les critiques et les propositions, des travailleurs sociaux, apparues dans les années 80 et 90, dans le cadre notamment des Etats généraux du social. Des cahiers de doléances et de propositions seront largement diffusés aux élus et aux représentants politiques (14).
Enfin on peut considérer aussi qu’au bout de nombreuses années de luttes et revendications, une certaine revalorisation des bourses étudiantes, l’obtention de la gratification pendant les stages et la reconnaissance à Bac plus 3 des diplômes d’ES et d’AS a pu déboucher, mais essentiellement dans les années 2000.
b)Les limites :
Dans le numéro 31, de novembre / décembre 1989, intitulé « Malaise dans le Travail social » , le dossier commence par une introduction montrant les limites des mobilisations dans le secteur. Plusieurs explications en étaient données qui persistent encore à l’heure actuelle. Aujourd’hui, on pourrait les regrouper en trois thèmes principaux.
-Le problème du fractionnement des luttes : le secteur social est constitué de nombreuses professions spécifiques : une minorité seulement de professionnels dans les années 80 se reconnaissaient comme travailleurs sociaux, d’où la diversité des luttes sociales. La plupart employaient plutôt les termes classiques pour désigner leurs métiers et n’élargissaient pas souvent à l’ensemble des professions sociales quand il s’agissait de parler de revendications. Mais ce terme de « Travail social » a progressé, il est de plus en plus utilisé. Le langage syndical utilisant le terme « Travailleur social » a été repris dans des textes de chercheurs mais aussi dans des textes ministériels. On a vu également apparaitre dans les années 2000, le terme « Professionnel du social ». Cependant même si le terme est beaucoup plus utilisé actuellement, cela ne signifie pas que l’ensemble des professionnels se retrouvent facilement solidaires dans les mobilisations.
La méconnaissance du contrôle social : De nombreux travailleurs sociaux n’ont pas conscience de leur position dans l’échelle sociale, mais surtout du rôle classique attribué par l’Etat et les Collectivités territoriales face aux personnes et familles en difficultés. Pourtant dés la fin des années 60, les premières critiques importantes du contrôle social se sont développées, portées par des sociologues et des travailleurs sociaux militants. Cette question reste d’actualité : en effet un Travail social qui ne repose que sur des aides ponctuelles individuelles, sans conscientisation et implication des personnes en difficultés, ni moyens conséquents et sans critique du contrôle social, est voué souvent à l’échec. A l’inverse un Travail social qui s’appuie sur des réseaux associatifs, des aides individuelles et collectives, en travaillant au développement de la conscientisation et implication des personnes, avec des moyens suffisants, tout en se démarquant du contrôle social, peut permettre une meilleure insertion des personnes en question. Cependant, c’est au niveau des orientations sociales, culturelles, économiques et politiques, nationales et internationales que d’autres changements importants sont à prévoir, sous-peine d’un éternel recommencement des pratiques des travailleurs sociaux et sans évolution réelle des populations en difficultés..
-La question du militantisme dans le secteur a été posée aussi : A l’origine de la création des professions sociales, mais encore à présent, l’état d’esprit de beaucoup de professionnels repose sur le fait que grâce à leur seul travail, ces derniers vont contribuer à modifier réellement par des actions individuelles les conditions de vie des personnes accompagnées, que ce soit dans le secteur du handicap, de la protection de l’enfance et de l’insertion.
(14)Michel Chauvière, Jean-Michel Belorgey et Jacques Ladsous Reconstruire l’action sociale, Dunod, 2006.
Cette approche tient ainsi très peu compte du déterminisme social et des actions collectives.
Pourtant avec le temps, l’évolution des réflexions progresse, mais de la prise de conscience des réalités à l’engagement, il y a un pas à franchir que beaucoup ne font pas. La culpabilité d’abandonner les personnes accompagnées pendant les grèves, la méfiance vis-à-vis des retombées de la part de directions ainsi que les réflexes corporatistes, contribuent aux faiblesses de l’engagement militant. C’est pour cela que les actions syndicales, les mobilisations diverses, les grèves ont toujours reposé sur des minorités.
Conclusion :
Après Champ social, dans les années 70, la revue PEPS a occupé une place importante dans les années 80 et 90 pour des travailleurs sociaux engagés, même si ce fut une minorité de professionnels qui ont pu la lire à l’époque. Les différents échos des réflexions et mobilisations qui existaient dans ces années là sont encore d’actualité pour une bonne partie aujourd’hui même si des modifications du contexte et des nouvelles formes d’actions sont intervenues.
En ce qui concerne le néolibéralisme, le combat des travailleurs sociaux n’a pas changé, au contraire, il s’est durci (défenses des conventions collectives, mobilisations contre l’exclusion, contre les expulsions d’immigrés sans papiers, soutiens aux mineurs étrangers, défenses du droit des femmes, actions contre les violences policières et contre le racisme, résistances face aux fusions/recompositions d’associations, face aux disparitions de services, mais aussi face aux manques dramatiques de moyens humains et financiers…). Il s’agit toujours de minorités de professionnels qui se mobilisent et souvent le dos au mur quand les situations de travail ne sont plus supportables.
Cependant à l’heure actuelle ces luttes restent toujours fractionnées, mais l’exemple récent de 2108/ 2020 donné par les professionnels de Santé pourrait servir de référence.
La crise du néolibéralisme depuis 2008, ainsi que celle liée au coronavirus à démultiplier les capacités de résistance et d’organisation des personnels de santé. Après plusieurs années de protestation à un haut niveau, l’année 2020 a vu pour la première fois un recul des politiques néolibérales dans ce secteur, particulièrement dans celui des Hôpitaux. La tarification à l’acte a été remis en cause, même si la globalité de cette approche n’est pas complétement éliminée. Enfin une certaine hausse des salaires, certes très insuffisante a été obtenue pour le personnel hospitalier. Il reste cependant la question des moyens financiers et matériels de fonctionnement, qui n’est pas réglée et toujours la revendication concernant la hausse des salaires.
Le fait historique à retenir, c’est la mise en place d’un Collectif Inter-Hôpitaux très puissant, qui a pu décider nationalement et régionalement des actions à mener, tout en les médiatisant. Il est bien évident que le poids du secteur de la Santé d’un côté et du secteur Social de l’autre ne sont pas au même niveau. Il n’empêche que les travailleurs sociaux les plus éclairés pourraient peut-être s’inspirer de ce modèle, voire envisager un grand Mouvement unitaire Santé/Social comme celui qui avait duré un court moment en 1989. Au niveau politique, comme au niveau social et économique, il est toujours question de rapport de forces et de stratégies.
La revue PEPS pendant une quinzaine d’années a essayé d’être un carrefour où des rencontres et des échanges entre étudiants, professionnels et chercheurs ont pu avoir lieu. Elle a par ailleurs servi de relais pour médiatiser de nombreuses actions militantes contestant l’ordre social établi.


Raymond Curie


Bibliographie :
-Bazin Hugues La culture Hip-Hop, Desclée de Brouwer 1997.
-Bourdieu Pierre Sur l’Etat. Cours au Collège de France(1989-1992), Seuil 2012.
-Castel Robert Les métamorphoses de la question sociale, Fayard 1996, L’insécurité sociale, Seuil 2003, « Du travail social à la gestion sociale du non-travail » article de la revue Esprit, (mars/avril 1998)
-Chauvière Michel Trop de gestion tue le social, La Découverte 2007.
-Chauvière Michel, Jean Michel Belorgey et Jacques Ladsous Reconstruire l’action sociale, Dunod 2006.
-Chopart Jean-Noël Les mutations du Travail social, Dunod 2000.
-Curie Raymond Le travail social à l’épreuve du néolibéralisme : entre résignation et résistance, L’Harmattan 2010.
-Garnier Jean-Pierre « Localiser le social ou socialiser le local » article de la revue Espaces et sociétés, numéro 40, (janvier/juin 1982)
-Gori Roland La folie évaluation : les nouvelles fabriques de la servitude, Mille et une nuits 2001.
-Ion Jacques Le Travail social à l’épreuve du territoire, Privat 1991.
-Klein Naomi La stratégie du choc, Actes Sud 2008.

No 41 – Les apports successifs de l’immigration

Cet article fait suite au premier texte paru sur ce thème dans le numéro 39 de PEPS ; l’auteur aborde ici la question de l’évolution juridique concernant l’immigration en retraçant parallèlement l’histoire des différentes.

DES ORIGINES A 1946

Avant 1851 : L’immigration de voisinage

Jusqu’en 1851 l’immigration a été un phénomène naturel et de voisinage, il s’agissait essentiellement d’étrangers habitant les pays limitrophes de la France ; les belges, les allemands, les suisses, les italiens et les espagnols ainsi que les anglais qui s’établissaient dans des régions proches de leur pays. Une exception les polonais qui sont partis d’un pays plus lointain et sont arrivés dans les Charentes en passant par la Marne. Cette immigration est retardée par les obstacles naturels que constituent les Pyrénées, les Alpes, le Jura et les Vosges alors que les plaines du nord la facilitent ainsi que les grandes villes comme Paris, Lyon et Marseille.

De 1851 à 1931: Une progression constante

C’est en 1851 qu’à lieu le premier comptage des étrangers résidant en France, il a lieu à l’occasion du recensement mais ne tient pas compte des habitants d’origine étrangère et naturalisés. A cette date on en recense 381000. Dès lors leurs effectifs ne feront qu’augmenter au fil des recensements. En 1931 ils seront 2 715 000 avec un pourcentage de la population totale de 6,58% égal à celui d’aujourd’hui proportionnellement. Cependant depuis 1921 sont apparues des nationalités nouvelles portugais et africains.

C’est dans cette période que se dessinent les caractéristiques de l’immigration française conséquence à la fois du ralentissement de l’accroissement naturel de la population et de l’essor économique du pays. Elle est le fait d’hommes jeunes, salariés pour la plupart qui viennent occuper des emplois en expansion ou délaissés par des français (Agriculture ,carrières, mines, bâtiment, terrassement ,métallurgie et emplois domestiques). C’est aussi à cette époque que l’on voit se dessiner les premières tentatives d’organisation de l’immigration, soit du fait d’organismes privés (Fédérations des sociétés agricoles du Nord-Ouest, Houillères du Nord et du Pas de Calais pour les mineurs polonais, Comités des forges de Meurthe et Moselle pour les italiens,    Société générale d’Immigration créée en 1924 ; soit du fait de l’État qui à partir de 1916 prend en charge le recrutement de certains migrants (Grecs, portugais et espagnols) et qui par le décret du 2 Avril 1917 crée pour la première fois une carte de séjour pour étrangers.

De 1931 à 1946: Le reflux

La première guerre mondiale avait entraîné un besoin de main d’oeuvre pour la reconstruction du pays et une relance de la prospérité économique :Avec la crise de 1931 et la deuxième guerre mondiale, c’est l’inverse qui va se produire. C’est une époque ou les premières dispositions prises par les pouvoirs publics pour ralentir l’entrée des travailleurs étrangers et encourager les départs sont prises. La loi du 10 Août 1932 posant le principe de la limitation des effectifs étrangers dans chaque secteur.

DE 1946 A NOS JOURS

Les migrations au lendemain de la guerre

La France est exsangue, l’économie est à reconstruire et la population a diminué d’environ un million de personnes. L’immigration est donc une nécessité évidente sur laquelle tout le monde s’accorde . Par contre des divergences entre organismes apparaissent sur l’évaluation. Si l’immigration est souhaitable, elle doit être maîtrisée. L’ordonnance du 2 Novembre 1 945 définit les conditions d’entrée et de séjour en France des étrangers et crée l’Office national d’immigration auquel l’Etat confie le monopole des opérations de recrutement des travailleurs ainsi que l’organisation du regroupement des familles.

L’échec de l’immigration organisée

De 1946 à 1982 et malgré l’arrêt officiel en 1 974 le nombre des étrangers à augmenter progressivement ainsi que la population française dans le même temps. Cependant cette évolution a été assez fluctuante et liée à des facteurs conjoncturels et structurels plus profonds.

1946 à 1956: L’échec d’une immigration maîtrisée

Les différents organismes qui gèrent les questions de l’immigration se fixent des objectifs quantitatifs et qualitatifs : De 1946 à 1947

les entrées doivent concerner 430 000 personnes, avec un effort accentué sur l’Italie même s’il est prévu de diversifier les nationalités accueillies. Le résultat est tout autre, il n’y aura que 100 000 entrées comptabilisées par l’ON I, les algériens l’emportant sur les italiens .Par contre l’immigration salonnière est importante. A partir de 1950 l’immigration restera à un niveau très bas sauf pour les algériens qui bénéficiaient de la libre circulation.

L’ONI ne tiendra pas le rôle attendu, les procédures officiels d’introduction sont lourdes, l’accueil notamment des familles est négligé, les problèmes de logement non résolus, ce qui favorisera l’immigration clandestine encouragée par une partie du patronat. La conséquence c’est que l’image des étrangers se dégrade aux yeux de l’opinion publique.

1956 à 1965 : L’essor de l’immigration

Cette période est marquée par la guerre d’Algérie, la reprise économique et la modification du contexte international Est-Ouest.

L’ONI introduit ou régularise 430 000 travailleurs permanents, on constate alors que les espagnols, les marocains et les portugais progressent au détriment des italiens. Ces chiffres sont cependant trés éloignés des prévisions, ils prouvent que les flux migratoires échappent aux pouvoirs publics et au contrôle de l’ONI qui régularise des situations à postériori. A partir de 1962, le retour des militaires et des rapatriés d’Algérie provoque un accroissement massif de la population active nationale. L’immigration dans la même période, connait un niveau très élevé. C’est l’époque d’un net recul de l’immigration italienne, de l’essor de l’immigration espagnole (surtout familiale) et portugaise, de la reprise des immigrations marocaines et algériennes et du début d’une immigration noire africaine. Cette extension n’ayant pas été maîtrisée par les pouvoirs publics, ceux-ci vont réagir en élargissant le champ d’intervention de l’ONI, en contrôlant l’immigration algérienne et africaine noire et par l’extension de l’effort d’insertion du FAS.

1966 à 1974: Du contrôle à l’arrêt de l’immigration

Comme celle qui précède, cette période est marquée par un niveau élevé de l’immigration. Cette augmentation n’est pas linéaire, après un ralentissement entre 1966 et 1968, la reprise s’effectue de 1969 à 1970 puis chute brutalement en 1971. Des régimes particuliers apparaissent pour les travailleurs de la CEE qui bénéficient à partir d’octobre 1968 de la libre circulation et pour les algériens à partir de décembre 1968 qui pourront obtenir désormais un certificat de résident (61a fois titre de séjour et carte de travail ) mais les entrées sont contingentées. L’essor des immigrations portugaise, marocaine, tunisienne et turque se confirme.

Le contrôle de l’État s’accroît sur le processus migratoire (restriction des pratiques de régularisation, subordination de l’immigration à l’emploi et suspension de l’immigration en Juillet 1974).

De 1975 à 1982 : Une évolution récente

Cette période se traduit par une relative stabilité de l’immigration mais par une modification qualitative. Le pourcentage atteint au recensement de 1982 s’établit pratiquement au même niveau qu’il y a cinquante ans (6,8% contre 6,6%). C’est une époque qui se caractérise par un freinage important de l’immigration ,lié à la baisse de l’emploi dans l’Industrie et le bâtiment ainsi qu’aux mesures gouvernementales. Les événements politiques survenus dans certains pays (Iran, Sud est asiatique, Turquie…) ont entraîné l’arrivée de nouveaux étrangers souvent en qualité de réfugiés. Le regroupement familial pour les familles de travailleurs immigrés et un taux de natalité élevé a augmenté considérablement le nombre de jeunes et de femmes.

Au niveau du logement une amélioration s’est effectuée petit à petit, du foyer Sonacotra au « bidonville » on est passé maintenant aux appartements en HLM avec le relogement de familles entières . U n autre fait important au niveau des familles, la plupart des jeunes sont nés en France et beaucoup adoptent la nationalité française. Cependant la dégradation des conditions de vie dans les banlieues et la montée du chômage touchent en premier les populations immigrées.

En ce qui concerne les derniers chiffres du nombre d’étrangers en France, les statistiques du ministère de l’intérieur font état de 4 453 765 étrangers autorisés à résider en France au 31 Janvier 1986 ; l’INED estimait suivant ses bases au 1er Janvier 1986 que la population étrangère était de 3752 000 personnes sans les franco-algériens.

Ces chiffres traduisent donc une relative stabilité de la population étrangère et répertoriée comme telle dans la nation française (1).

Raymond CURIE, in No 41 « Les figures de l’insertion », pp 5-7


(1) Maryse Tripier, L’immigration dans la classe ouvrière en France, Ed. Ciemi L’Harmattan, 1990.