Quand IKEA somme les consommateurs de moins consommer

consommationIntroduction: pourquoi?

La branche espagnole de l’entreprise suédoise IKEA a mis en ligne le 10 décembre 2014 une vidéo publicitaire intitulée La otra carta (1) et se présentant comme une expérience conduite avec 10 familles. Durant cette expérience, il aurait été demandé aux enfants d’écrire deux lettres listant leurs souhaits pour Noël, l’une adressée au Père Noël, et l’autre à leurs parents respectifs.

 Il serait ressorti de cette « expérience » que la totalité des dix enfants, qui sans exception réclamèrent au Père Noël différents produits de consommation (un jeu, une guitare, une console de jeux, un piano), demandèrent tout autre chose à leurs parents: ils leur demandèrent de passer davantage de temps avec eux. La totalité des dix enfants auraient d’autre part, après qu’on leur a demandé laquelle des deux lettres ils souhaiteraient envoyer s’il ne fallait en choisir qu’une, choisi d’envoyer la lettre destinée à leurs parents plutôt qu’au Père Noël.
La vidéo montre les différentes étapes de l’ »expérience » ainsi que les réactions des parents en découvrant les lettres que leurs enfants leur auraient adressées: tous semblent très émus, plusieurs d’entre eux se mettent à pleurer. Et puis à la question « Cela vous surprend-t-il que vos enfants vous fassent une telle demande? », des parents répondent que non, qu’au fond cela ne les surprend pas, que leurs enfants ont trop de jouets tout le temps, d’autres se lancent même dans une analyse de la manière dont l’hyperconsommation peut en fait servir à combler un vide affectif -et effectif-. Tous semblent reconnaître immédiatement le tort qu’ils auraient eu de n’avoir pas su passer assez de temps auprès de leurs enfants, estiment que si ces derniers l’écrivent c’est qu’ils en ont réellement besoin, et que ce qu’ils ont de mieux à leur offrir, au fond, c’est eux-mêmes.
Plusieurs questions viennent alors à l’esprit: cette « expérience » en est-elle bien une, ou bien s’agit-il d’une fiction où les acteurs, parents et enfants, font et disent ce qu’un script rédigé par l’entreprise commande? Comment une telle unanimité dans les choix et les réactions des sujets de l’ »expérience » est-elle possible? Comment la totalité des parents peuvent-ils si vite revenir sur des habitudes longuement acquises, reconnaître leurs torts, et estimer que leurs jeunes enfants ont raison? Surtout, dans quel but la direction d’IKEA Espagne a-t-elle choisi de réaliser cette publicité, et qu’a-t-elle a gagner à sa diffusion?

I) De l’authenticité de l’ »expérience »

La publicité débute par les mots suivants: « Pourquoi persistons-nous à ne pas donner à nos enfants les cadeaux qu’ils souhaitent vraiment avoir pour Noël? ». Et on peut lire immédiatement après: « 10 familles. Une expérience ».

Le ton est donc donné dès le début: il ne s’agit pas là d’une publicité mais d’une expérience filmée. La question posée serait donc celle à laquelle auraient tenté de répondre les « chercheurs », et les dix familles seraient, elles, les sujets de l’expérience. Or, si l’on est d’emblée surpris par l’identité du « laboratoire de recherches » (IKEA), ainsi que par son activité de prédilection (commerce de détail dans le mobilier), on éprouve également quelque difficulté à tenir ce spot publicitaire pour une « expérience » digne de ce nom.

D’abord, les indications sur le protocole expérimental suivi sont maigres: hormis la participation de dix familles à l’expérience, et les questions de l’expérimentatrice aux enfants et parents, on ne sait pour ainsi dire rien. Comment l’expérience a-t-elle été préparée? Comment en a-ton choisi les sujets? Ont-ils été triés sur le volet, ou bien a-t-on choisi les dix premières familles volontaires? Qu’a-t-on dit en amont aux familles pour la leur présenter? Comment l’équipe expérimentale s’est-elle assurée que les enfants ne s’influencent pas entre eux (puisque nous les voyons assis deux par deux côte-à-côte dans la vidéo)? Nous pouvons nous en tenir là, mais la liste est longue des informations que nous aurions aimé avoir et qui ne sont pas divulguées. Et rien ne porte à croire dans ce que nous voyons dans la vidéo qu’un protocole expérimental quel qu’il soit fut respecté lors du tournage.

II) De l’interprétation des « résultats »

Nous pourrions penser qu’il importe peu que l’ »expérience » en soit bien une ou pas, autrement dit qu’il s’agisse d’un documentaire ou bien d’une fiction, dès lors que le message porté par la vidéo est considéré comme un message positif.C’est là qu’il convient de se demander ce que nous enseigne -ou tente de nous enseigner- ce spot publicitaire.

Des résultats de la dite expérience, plusieurs faits ressortent:
1- Les enfants croient au Père Noël.
2- Les enfants veulent des jouets et des instruments de musique.
3- Les enfants ne demandent pas la même chose à leurs parents qu’au Père Noël.
4- Les enfants considèrent que leurs parents ne passent pas assez de temps avec eux et souhaiteraient qu’ils en passent davantage.
5- Les enfants, s’ils devaient choisir de n’envoyer qu’une seule des deux lettres, enverraient celle à leurs parents plutôt que celle au Père Noël.
6- Les parents sont émus par les mots de leurs enfants.

On découvre donc des enfants qui semblent n’être ni matures ni adultes ni responsables puisque non contents de croire au Père Noël, ils croient en leurs parents dans la mesure où ils préfèrent leur envoyer une lettre à eux plutôt qu’au Père Noël alors que cette dernière aurait à la limite davantage de chances d’aboutir.

En effet, combien d’années cela fait-il que ces parents consacrent à leur travail et à leurs achats le temps qu’ils pourraient consacrer à leurs enfants? Avaient-ils vraiment besoin de tourner dans un spot publicitaire d’IKEA pour le réaliser? Est-il vraisemblable qu’ils renoncent à leur mode de vie productiviste et consumériste lorsqu’à la lumière de ce qu’ils ont « appris », la première chose qu’ils font est de signer un document de droit à l’image pour qu’une entreprise capitaliste puisse utiliser la leur pour redorer la sienne afin, cela va sans dire, de vendre davantage de marchandises?

A la lumière de ces résultats, qu’avons-nous appris?

1- Que les enfants croient au Père Noël, nous le savions déjà puisque c’est nous (leurs parents, j’entends) qui les y poussons.
2- Que les enfants veuillent des jouets, et soient eux-mêmes les jouets de la publicité marchande quotidienne qui construit, modifie, et stimule leurs désirs pour les pousser à pousser leur parents à les leurs acheter, nous le savions déjà puisque c’est nous (leurs parents, j’entends) qui en faisons les frais.
3- Que les enfants ne demandent pas la même chose à leurs parents qu’au Père Noël semble indiquer qu’ils sont moins bêtes que nous ne les pensions, et qu’ils savent à qui demander quoi. Cela indique en réalité la teneur de ce que leurs parents leur ont enseigné: ils ont intériorisé que le Père Noël était leur pourvoyeur en cadeaux, et leurs parents leurs pourvoyeurs en besoins vitaux au quotidien (se nourrir, se vêtir, se loger, se soigner, être protégé, etc), c’est donc en toute bonne logique à eux qu’ils s’adressent lorsque leur demande concerne des besoins cruciaux liés à leur vie quotidienne et non au Père Noël.
4- Que les enfants considèrent que leurs parents ne passent pas assez de temps avec eux et souhaiteraient qu’ils en passent davantage relève, dans une société si obsédée par le travail, la marchandise et l’argent, tant du bon sens qu’il semble improbable que leurs parents ne le sachent pas déjà, d’autant qu’il est plus improbable encore que les premiers aient attendu de tourner dans un spot publicitaire d’IKEA pour le signifier aux seconds.
5- Que malgré le peu de chances qu’ont leurs requêtes d’aboutir, les enfants ont choisi d’envoyer la lettre à leurs parents plutôt que celle au Père Noël, cela montre qu »en dépit de leur jeune âge ils savent où est leur intérêt, et que, s’il leur faut choisir, ils mettent la priorité sur la satisfaction de leurs besoins vitaux plutôt que sur l’obtention d’un nouveau jouet.

6- Que les parents soient émus par les mots de leurs enfants montre qu’ils y sont attachés, ce qui ne semble que modérément surprenant. Cela pourrait aussi traduire un sentiment de honte quant à leurs choix passés, lequel apparaîtrait comme justifié au vu des enjeux, à savoir le sacrifice de ses propres enfants pour de l’argent, et la substitution à une présence personnelle effective une présence par le biais de biens de consommation interposés.

Au terme de l’étude de ces conclusions expérimentales, il faut bien reconnaître que nous n’apprenons pour ainsi dire rien. Nous n’avions en effet pas attendu IKEA pour constater que nous vivons dans une société travailliste, productiviste, et consumériste, où la production et la consommation de marchandises tiennent une place centrale, où le temps nous est confisqué par le capital, et où les enfants, parmi beaucoup d’autres, en font les frais.

III) De l’identité du « laboratoire de recherches »

A ce stade, il est intéressant de s’interroger sur l’identité véritable du « laboratoire de recherches »: qui est donc cet IKEA qui nous fait la leçon en croyant nous apprendre en 2014 des choses si communément admises?

La réponse st simple: IKEA est numéo un mondial de l’ameublement. C’est une entreprise suédoise privée, créée en 1943 par Ingvar Kamprad, et spécialisée dans la conception et la vente de détail de mobilier et objets de décoration prêts à poser ou à monter en kit.

Dans ses 345 magasins répartis dans 42 pays, l’entreprise, qui emploie 139 000 personnes, a réalisé en 2014 un chiffre d’affaires de 28,7 milliards d’euros, et un bénéfice net de 3,3 milliards d’euros en 2013 (2). Son catalogue papier est édité à 212 millions d’exemplaires dans 29 langues, ce qui le place au rang de deuxième publication la plus lue au monde après la Bible (3)!

Il semble que, tout comme la »petite entreprise » que chantait Alain Bashung en 1994, IKEA « ne [connaîsse] pas la crise » (4)!

IKEA n’est donc en fait pas tout-à-fait un « laboratoire de recherches » mais plutôt une entreprise capitaliste, aussi riche qu’efficace, et dont la richesse se fonde sur l’exploitation du travail humain de ses 139 000 salariés, ainsi que sur la création de besoins chez les consommateurs pour les conduire à acheter à l’autre bout de la chaîne.

Ou disons du moins que si IKEA est un « laboratoire de recherches », il est spécialisé dans la recherche de profits plutôt que de vérités scientifiques.

Si les conditions de l’ »expérience » peuvent laisser le spectateur dubitatif, le message du spot publicitaire La otra carta d’IKEA paraît en revanche clair: il s’agit ni plus ni moins d’une invitation et incitation à moins consommer, et à passer davantage de temps avec ses proches -en l’occurrence, ses enfants-.

Autrement dit, nous avons l’une des plus grandes entreprises multinationales au monde, et dont le bénéfice net, en hausse constante d’année en année, repose sur la consommation effrénée de ménages soumis à une publicité omniprésente, qui nous somme de moins consommer, ce qui semble à première vue contraire à son intérêt.

Au-delà de l’évident conflit d’intérêt entre le « laboratoire de recherche » et l’objet de sa « recherche », disons plutôt entre le pourvoyeur du message et le contenu de ce dernier, comment comprendre la stratégie d’IKEA? Quel sens cela a-t-il pour un temple de la consommation de se faire le chantre de l’anti-consommation?

IV) Du but poursuivi par les « expérimentateurs »

Après tout, si le but poursuivi est louable, que nous importe l’identité du « laboratoire »?

Si une multinationale capitaliste est prête à nous informer dans notre intérêt -et contre le sien- dans le but affiché de nous désaliéner des marchandises, c’est-à-dire d’elle-même, ne devrions-nous pas suivre ses conseils et saluer au passage son initiative?

Encore faudrait-il être certain d’avoir correctement identifié l’objectif poursuivi par cette dernière.

Car dans une logique même de survie de l’entreprise, inciter la population à consommer moins relève du suicide commercial lorsque c’est précisément de sa consommation effrénée que l’entreprise vit -et grassement!-.

Or, les entreprises ont cet avantage sur leurs salariés qu’elles ne se suicident pas (5).

Alors, que cherche IKEA en diffusant ce spot publicitaire?

La première hypothèse est de considérer que le message transmis par l’entreprise dans la vidéo ne s’applique, du fait de la nature de son activité, pas à elle. En effet, ce ne sont pas des meubles ou objets de décoration que les enfants réclament pour Noël, et IKEA, qui s’est spécialisé dans ce secteur, s’estime peut-être hors d’atteinte de sa propre critique. Puisque c’est ici d’enfants qu’il s’agit, et puisque c’est de jouets que les enfants rêvent, il n’y a a priori aucun obstacle à ce que les parents continuent à venir s’équiper chez IKEA pour ce qui est de l’ameublement de la maison, tout en passant davantage de temps avec leurs enfants qu’ils peuvent d’ailleurs emmener passer une après-midi de « jeux » dans les dédales de l’IKEA le plus proche. Finalement, la publicité dissuaderait les parents d’aller dépenser chez d’autres l’argent qu’ils pourraient dépenser -en toute bonne conscience- chez IKEA, d’autant qu’IKEA a le mérite d’avoir réuni et soudé la famille!

La seconde hypothèse, qui d’ailleurs peut être complémentaire de la première, est liée à l’image de la marque. L’entreprise soigne en effet beaucoup son image, en vantant notamment un management « cool », proche du salarié, avec tutoiement généralisé, parité hommes-femmes, respect mutuel, et entraide dans l’adversité (6).

Mais IKEA va plus loin: nouvelle « stratégie de développement durable People and Planet Positive » avec des objectifs aussi divers que « favoriser un mode de vie plus durable, acquérir une indépendance énergétique à l’horizon 2020 et améliorer le quotidien du plus grand nombre »; partenariats dans les années 1990 avec WWF et Greenpeace; reforestation via Swedwood (filiale d’IKEA); utilisation de panneaux photovoltaïques dans certains centres de distribution; dispositifs d’éco-mobilité (location de véhicules Hertz, bornes Autolib’, navettes gratuites depuis les centre-villes de Strasbourg et Thiais) dans le cadre de son engagement pour l’environnement; programme « Donnez une seconde vie à vos meubles » avec reprise des anciens meubles de ses clients en échange d’une carte-cadeau à dépenser dans ses magasins; campagne de solidarité mondiale en partenariat avec le Haut-Commissariat aux Réfugiés (HCR), intitulée « Eclairons la vie des réfugiés » pour améliorer les conditions de vie des réfugiés au sein des camps, notamment grâce à un meilleur éclairage et un accès à l’éducation (7); mise à disposition, auprès de municipalités, de cabanes de 17,5 m² (en plastique et matières synthétiques, et sans fenêtres) pour loger les réfugiés, et ce pour la modique somme de 500 euros par cabane (8).

En 2014, IKEA est d’ailleurs classé 19e des « Best Global Green Brands » d’Interbrand, et gagne ainsi 14 places par rapport à 2013 (9), ce qui semble témoigner de l’efficacité de la stratégie de communication de l’entreprise et du soin porté à son image.

La seconde hypothèse pourrait donc se formuler en ces termes: et si ce spot publicitaire avait pour principal but de pousser un peu plus loin l’audace en faisant passer le numéro un mondial de la vente de meubles pour anticonsumériste?

Pour IKEA, les bénéfices seraient en effet multiples.

C’est, dans un premier temps, l’occasion de se démarquer: à l’approche de Noël, au lieu de faire comme la grande majorité des autres multinationales en multipliant les incitations à la consommation à travers leurs publicités, IKEA en prend le contrepied et incite à…moins consommer! Cette posture, à la fois surprenante et provocante de la part d’une entreprise capitaliste, donne à ce spot publicitaire destiné à internet un caractère inhabituel qui le fait du même coup émerger d’entre tous ceux qui sont diffusés quotidiennement à l’approche des fêtes. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que cela a bien fonctionné: 12 millions de vues dans 40 pays différents, plus de 9 millions de personnes atteintes sur Facebook, plus de 24 millions d’empreintes digitales, et sa conversion en modèle éducatif dans plusieurs écoles (10).

C’est ensuite une opportunité pour IKEA de parachever son image d’entreprise « verte », « cool », et « humaine ». En effet, il est d’autant plus indispensable de faire illusion en soignant sa posture et son discours que nos actes en sont effectivement éloignés voire antagoniques.

IKEA, par exemple, est le troisième plus gros consommateur de bois au monde. En 2012, l’entreprise a utilisé 13,56 millions de m3 de bois (11). On comprend donc mieux pourquoi l’entreprise a tout intérêt à être classée parmi les multinationales les plus « vertes » au monde, et à parler à tout va de « développement durable » et d »indépendance énergétique ». C’est la moindre des choses si elle veut continuer à bénéficier d’une image positive auprès des populations, désormais préoccupées par le désastre écologique en cours.

Autre exemple: IKEA, mis en cause en France en 2012 dans une affaire d’espionnage des salariés ainsi que des clients, s’empresse de faire le ménage dans son personnel et de faire disparaître toute trace (12). Dans ces conditions, on comprend mieux pourquoi IKEA met en avant son management « cool », l’ »entraide dans l’adversité » et le reste: on doit toujours en dire d’autant plus dans un sens qu’il y en a à cacher dans l’autre (13).

De la même manière donc, à l’heure où IKEA est numéro un mondial de l’ameublement, et voit son bénéfice net en augmentation constante malgré la « crise » (14), il semble tout-à-fait opportun pour les dirigeants d’IKEA de discourir sur le temps dont nous dépossède notre course effrénée pour la marchandise et de faire dire à nos enfants que nous ferions mieux de le passer en leur compagnie. Cela leur permet de se dédouaner et de faire porter à d’autres -et davantage qu’à d’autres entreprises, ils la font porter aux consommateurs, donc à leurs clients- la responsabilité qui est la leur au premier chef. C’est l’occasion pour eux de se refaire une réputation à peu de frais, en passant sous silence la publicité constante qu’ils imposent aux populations pour les conduire à acheter toujours plus. En d’autres termes, ils culpabilisent et accusent de leur propre méfait celles et ceux qui en sont en fait les premières victimes.

V) Cas d’école

Cette publicité peut surprendre de prime abord, mais il ne faut pas s’y tromper: elle est la règle plus que l’exception. La manière dont IKEA brouille ici les pistes en affichant un objectif (faire que la population consomme moins) aux antipodes de son objectif réel (faire que la consommation consomme davantage) est caractéristique de l’aptitude du capitalisme à récupérer et instrumentaliser la contestation dont il fait l’objet (15).

Le greenwashing (16) -d’ailleurs pratiqué avec beaucoup de talent par IKEA (17)– en est l’un des avatars les plus en vogue.

La récente conférence de Paris sur le climat (ou COP 21), qui s’est déroulée dans la capitale du 30/11/15 au 11/12/15, réunissait ainsi soit physiquement soit par financement interposé des entreprises parmi les plus polluantes au monde – comme Shell, Total, Vinci, BNP, Engie (ex GDF Suez) ou EDF, Renault Nissan, Suez Environnement, Air France, ERDF, Axa, BNP Paribas, LVMH, PepsiCo, Bouygues, General Electric, Carrefour et bien-sûr IKEA- pour discuter des solutions aux problèmes climatiques, problèmes qu’ils ont donc pour bonne partie eux-mêmes engendrés et continuent d’aggraver actuellement (18).

Mais l’utilisation par les capitalistes de la contestation qui leur est opposée en en faisant une valeur ajoutée destinée à écouler toujours plus de marchandises ne se limite pas au domaine de l’écologie, loin de là.

C’est ainsi que The Coca-Cola Compagny, entreprise vendant en tout 500 marques dans plus de 200 pays (19), qui privatise au Mexique de nombreuses sources d’eau, laissant les populations locales sans accès à l’eau potable (20), cela pour fabriquer son soda dont les effets désastreux sur la santé sont désormais tristement célèbres, s’est racheté une crédibilité auprès de populations susceptibles de la critiquer, en ayant par exemple recours au rappeur Akhenaton pour composer et interpréter la chanson illustrant la campagne publicitaire « Vivre maintenant » diffusée par la marque à partir d’avril 2015 (21).

De la même manière, le groupe Galeries Lafayette, spécialiste de la mode, a fait poser torse-nu sur ses affiches publicitaires Frédéric Beigbeder, auteur du roman 99 francs dénonçant les dérapages cyniques de la publicité dans la société occidentale; sur la photographie, il tient dans sa main le livre La société de consommation du sociologue Jean Baudrillard, référence critique du consumérisme (22).

Plus de 20 millions de personnes à travers le monde possèdent un t-shirt à l’effigie d’Ernesto « Che Guevara », dont l’image est désormais plus célèbre que le parcours politique, et ce pour le plus grand bonheur des marques qui les commercialisent (23).

En mai 2008, pour l’anniversaire des quarante ans des mouvements sociaux de mai 68, les FNAC et autres VIRGIN Megastore étaient jonchés de coffrets-hommages, DVD, CD, livres, et toutes sortes de marchandises commémoratives de cette période où le capitalisme fut violemment pris à parti par les populations (24).

Nul besoin d’en recenser ici tous les cas: les entreprises capitalistes ont depuis longtemps fait du détournement et de la marchandisation de la contestation qui leur est opposée une spécialité. Cela a pour elles le double-avantage de vider de son sens toute critique tout en en dégageant une opportunité commerciale le plus souvent redoutablement rentable.

Conclusion: pourquoi pas?

Ainsi, IKEA, à travers cette campagne publicitaire, ne fait que recycler une veille technique qui a maintes fois fait ses preuves, que ce soit en matière d’image de marque, ou de bénéfices économiques, la fameuse technique du « Faites ce que je dis, pas ce que je fais ».

Si, au vu de son identité et de son activité, les intentions du « laboratoire de recherche » ne font à présent l’objet d’aucun doute, une question cependant demeure.

Au vu des effets désastreux du consumérisme ambiant et de la publicité marchande qui le promeut sur la population, et quelles que soient par ailleurs les intérêts propres de l’entreprise en diffusant cette campagne publicitaire, que doit-on penser de ses possibles effets?

Et si, bien que ses dirigeants soient mal placés pour nous faire la leçon, c’est précisément d’IKEA que venaient les consignes éducatives et morales adéquates pour une vie meilleure?

Pour le dire autrement encore: après tout qu’importe l’identité du prescripteur si la conduite prescrite est la bonne, et conduit sinon l’ensemble, du moins une partie de celles et ceux qui en auront reçu la prescription à acheter moins et passer davantage de temps auprès de leurs enfants?

Car nous avons beau avoir démasqué l’imposteur et mis au jour ses intentions, la question des éventuels bénéfices que, par quelque effet collatéral , nous pourrions tirer de l’écoute de son message demeure entière. C’est ce que m’a notamment appris une discussion avec un ami, père de jeunes enfants et qui, bien que l’imposture d’IKEA ne lui échappât pas, tendait à considérer qu »à tout prendre, dans le monde de frénésie consumériste qui est le nôtre, il vallait mieux que ce message soit porté par IKEA plutôt que par passé sous silence d’une part, et qu’il vallait mieux que l’arsenal publicitaire d’une multinationale comme celle-ci soit profitable à ce message-là plutôt qu’à un autre. Evidemment, il ne lui avait pas échappé non plus que d’autres, avant IKEA, disaient et écrivaient déjà cela, mais avec quel écho auprès de la population? Avec quelle résonance? Il serait difficile de le mesurer, mais les conversations avec d’autres parents autour de lui n’étaient pas très encourageantes à ce qu’il disait. Ainsi, ce que lui reconnaissait à IKEA, ce n’était pas le mérite de ses intentions prétendument vertueuses, mais les effets positifs collatéraux de la diffusion de masse d’un message que les gens ordinaires peinent à (faire) entendre.

L’objection est solide, mais pour prouver son bien-fondé encore faudrait-il pouvoir mesurer précisément, par-delà la quantification de son audience, les effets qualitatifs de la campagne publicitaire sur les comportements des spectateurs. Or, aucune donnée à ce sujet n’a encore été récoltée à ma connaissance, et il serait imprudent de généraliser à partir d’un ou deux cas quel que fut l’effet qu’eut sur eux la publicité. Car, s’il est évident que le message emporte spontanément l’adhésion massive des parents qui l’entendent -et ce quand bien même ils agiraient de manière parfaitement antagonique jusque-là-, il est beaucoup moins évident qu’au-delà des éventuelles « bonnes résolutions » et autres « professions de foi » cette publicité modifie de manière significative, et sur le long terme, leurs comportements.

Aussi louables soient leurs intentions -contrairement à celles d’IKEA- après visionnage, ils n’en sont pas moins dans la position de l’alcoolique qui décide d’arrêter de boire: ils sont bien décidés à passer dorénavant plus de temps avec leurs enfants…jusqu’au lundi matin où il leur faudra aller travailler et ce jusqu’au vendredi soir, et au samedi après-midi où ils devront aller faire les courses, au cours desquelles ils leur achèteront quelque jouet pour se faire pardonner leur absence hebdomadaire. Il faut en effet bien prendre la mesure du défi: c’est une vie entière d’apprentissage socio-culturel qu’il nous faut déconstruire, et une offensive publicitaire massive et constante qu’il nous faut mettre à distance, ce qui n’est pas rien.

D’autre part, quand bien même la publicité aurait -ce qui, nous l’avons dit, reste à prouver- quelque impact positif sur une partie des spectateurs, quelle en serait la part parmi l’ensemble des effets qu’elle aura eus sur l’ensemble des spectateurs? Comment être sûr que la publicité aura davantage l’effet collatéral que l’effet escompté? Comment être sûr qu’elle sera plus profitable à la population, qu’elle doit désaliéner du règne de la marchandise, qu’à IKEA à qui elle doit, nous l’avons vu, directement ou indirectement ramener des clients? Comment être sûr qu’elle conduira davantage de parents à changer de comportement qu’elle ne conduira de familles chez IKEA? Peut-on penser que si la direction d’IKEA avait de sérieuses raisons d’envisager l’option qui lui serait désavantageuse, elle aurait tout de même investi autant d’argent dans la fabrication et la diffusion de cette campagne publicitaire? Au vu de la nature et du chiffre d’affaires de l’entreprise, rien n’est moins sûr.

En réalisant cette publicité, les dirigeants de l’entreprise IKEA n’ont pas sacrifié leur magot pour une grande cause; ils ont fait un pari, un choix stratégique dont ils ont de bonnes raisons de penser qu’il leur sera plus profitable qu’un autre, et plus profitable qu’à d’autres (leurs clients potentiels en l’occurrence). Avant de pouvoir crier victoire sur l’entreprise et nous considérer comme les vrais bénéficiaires de ce message publicitaire, il faudrait pouvoir s’assurer qu’ils se sont trompés, et ont fait un mauvais calcul.

Or, si nous n’avons pour l’instant aucune donnée sur le nombre de consommateurs ayant diminué leur fréquentation des centres commerciaux après visionnage de cette campagne publicitaire, nous savons par contre que le chiffre d’affaires d’IKEA a fait un bond de 11% en 2015 (25), juste après la diffusion de cette campagne publicitaire donc. Sans naturellement aller jusqu’à mettre cette hausse toute entière sur le compte de ce spot publicitaire, saurions-nous ne voir là que le fruit du hasard?

Notes:

7) Ibid.
13) Ibid.
15) Lire à ce sujet « La société du spectacle » de Guy Debord, téléchargeable gratuitement ici: http://classiques.uqac.ca/contemporains/debord_guy/societe_du_spectacle/spectacle.html
16) Greenwashing: le « verdissage » ou « écoblanchiment » désigne en effet un « procédé de marketing ou de relations publiques utilisé par une organisation (entreprise, administration publique nationale ou territoriale, etc.) dans le but de se donner une image écologique responsable. La plupart du temps, l’argent est davantage investi en publicité que pour de réelles actions en faveur de l’environnement ». (source: Wikipedia)
17) Cf. section IV du présent article
20) Coca-Cola et la formule secrète: https://www.youtube.com/watch?v=N1iAuZcyITY
Cash Investigation « Des paysannes indiennes contre Coca »: https://www.youtube.com/watch?v=54a5x2Cpf64

Véganisme et prosélytisme: les mécanismes de défense de l’ordre social dominant

vache en légumesIntroduction: la rengaine de l’ordre social dominant

Le terme vegan fut utilisé pour la première fois en 1944 par Donald Watson, cofondateur de la Vegan Society, à partir du mot vegetarian dont il a proposé de supprimer les lettres centrales. La Vegan Society définit en 1979 dans ses statuts le véganisme comme « une philosophie et une façon de vivre qui cherche à exclure, autant qu’il est pratiquement possible, toutes les formes d’exploitation et de cruauté envers les animaux, que ce soit pour se nourrir, s’habiller, ou pour tout autre but ». C’est à la fois un choix éthique et une pratique quotidienne consistant donc à bannir de sa consommation tout produit de l’exploitation animale: la viande, le poisson, les oeufs, le lait et l’ensemble des produits laitiers, le miel et les produits de la ruche. Le végétalisme s’en tient, lui, à l’alimentation.

A mesure qu’elle gagne de nouveaux adeptes, la pratique, bien que minoritaire, devient davantage visible (1). Ce gain de visibilité du véganisme mettant conséquemment en évidence le carnisme (2) en tant qu’idéologie, il n’est pas surprenant que les carnistes (3) contre-attaquent. En effet, révéler la prégnance de cette idéologie, rendue invisible justement par le fait qu’elle est l’idéologie dominante en matière d’alimentation et donc considérée comme la norme, et révéler du même coup le rôle-clé qu’elle joue dans la manière dont s’alimentent la majorité des individus, c’est en révéler la violence et la normativité. C’est mettre au jour que les conduites, alimentaires y compris, ne sont pas si naturelles que certains -en l’occurrence ceux qui ont un intérêt majeur à ce qu’elles se perpétuent- voudraient nous le faire croire. Mais c’est aussi révéler l’étendue des dégâts produits par ce système de croyances: soixante milliards d’animaux (sans compter les poissons pour lesquels nous ne possédons aucun chiffrage) sont tués chaque année à travers le monde pour satisfaire notre plaisir gustatif (4). C’est enfin visibiliser l’alternative comme possible, en prouvant par sa propre conduite qu’il est possible de se conduire autrement à cet égard, et donc mettre en péril le carnisme comme seule conduite conforme ou possible, autrement dit comme norme sociale.

Comme le décrit très bien Christine Delphy (5), la dynamique de l’oppression prend souvent la forme d’une séquence en trois temps: oppression / rébellion / répression. Dans le cas des non-humains, et bien qu’ils puissent parfois individuellement tenter de se soustraire à la condition qui leur est faite, par exemple en fuyant, il est peu probable qu’ils s’organisent eux-mêmes collectivement contre l’ennemi qui les oppresse, contrairement à ce que l’on peut voir dans le film La Planète des Singes. Aussi la séquence évoquée précédemment prend-t-elle la forme suivante: le pouvoir industriel oppresse les animaux non-humains qu’il exploite et tue pour l’usage d’humains; des individus humains s’organisent collectivement pour dénoncer et combattre cette oppression faite aux non-humains; le pouvoir industriel, et les pouvoirs qui lui sont inféodés, notamment l’Etat, tentent de réprimer cette rébellion par la décrédibilisation des individus qui y participent, et ce dans le but de pouvoir maintenir le système d’oppression des non-humains. Ce sont certains aspects de cette entreprise de décrédibilisation que nous allons tenter de rendre visibles ici.

  1. L’essentialisation de l’ennemi

L’une des stratégies les plus systématiquement utilisées par les dominants lorsque leur domination est contestée consiste à renvoyer les dominés à une nature, à une essence qui leur serait inhérente. Autrement dit, il s’agit de déduire une nature d’un trait physique particulier (la couleur de la peau, la forme du sexe, etc) ou encore d’un choix éthique (dans le cas des véganes, par exemple) en créant un lien de cause à effet de l’un à l’autre. Ainsi peut-on entendre ici ou là que les noirs sont moins intelligents ou plus athlétiques que les blancs, les femmes plus douces ou moins intellectuelles que les hommes, et quantité d’autres affirmations similaires, toujours parées d’une pseudo-scientificité concourant à les rendre incontestables. L’idée sous-jacente, c’est que les noirs sont moins intelligents parce qu’ils sont noirs, les femmes moins intellectuelles parce qu’elles sont femmes, et pour aucune autre raison.

Dans le cas des adeptes du véganisme, il sera par exemple répété à qui veut bien l’entendre qu’ils sont extrémistes, intolérants, moralisateurs, culpabilisateurs, et prosélytes. Le but n’est pas de prendre ici le contrepied de ce discours en tentant de prouver que les véganes ne sont pas ce qu’on les accuse d’être, mais plutôt de dévoiler les enjeux cachés d’une telle stratégie. L’intérêt du processus d’essentialisation pour les dominants est de renvoyer les insurgés dans leur diversité à une nature commune, nature qui expliquerait à la fois leurs conduites, et les dispositions répressives que les dominants se verraient contraints de prendre à leur encontre.

Avant de pouvoir affirmer que les véganes sont ceci ou cela, il faut tout d’abord faire d’individus disparates un ensemble homogène et uniforme (les véganes), c’est-à-dire considérer que le choix éthique que certains individus ont fait a sur eux des effets bien précis d’une part, que ces effets sont identiques d’un individu à l’autre d’autre part, et enfin qu’ils surviennent systématiquement. Ce n’est qu’à ces trois conditions qu’il est possible de construire une entité telle que « les véganes » et de lui attribuer par la suite des qualificatifs s’appliquant à tous ses membres ( extrémistes (6), intolérants, moralisateurs, culpabilisateurs, prosélytes). Une fois le groupe dominé idéologiquement construit par le groupe dominant, ce dernier a tout le loisir d’en définir les caractéristiques. Evidemment, ce processus, qui se prétend strictement descriptif, est en fait prescriptif. Il ne sert pas à décrire le réel, mais à le construire. Il s’agit de donner du dominé une représentation adéquate pour expliquer son statut de dominé et justifier la répression qu’il va subir, en d’autres termes pour maintenir la structure de domination. Faire du choix du véganisme la cause de telles conduites a pour effet à la fois d’en isoler les adeptes, et d’en dissuader les autres.

Il y a dans cette forme particulière d’essentialisation l’idée suivante: quelles que soient les conditions d’existence diverses qu’aient connues la totalité des individus ayant un jour ou l’autre fait le choix de devenir véganes, ils ont par ce choix tant et si bien altéré leurs caractères qu’un certain nombre de traits leur sont désormais communs à tous. Et le hasard (ou la nécessité) a fait que ce sont tous des traits connotés négativement les rendant par conséquent antipathiques: l’extrémisme, l’intolérance, la tendance à moraliser l’autre, à le culpabiliser, et le prosélytisme.

On n’entend jamais la formule certains véganes sont, mais les véganes sont, indiquant bien que l’ensemble des individus est concerné. Et lorsqu’on tente de nuancer ces propos, on nous renvoie un ouais, mais la majorité d’entre eux sont comme ça. Or, il n’y a, à ma connaissance en tous cas, aucune statistique sur les modifications de tempérament opérées par le véganisme sur ceux qui en ont fait le choix, spécifiant à combien de pourcents ils sont devenus intolérants par exemple. Or, s’il n’y a pas de statistiques ni d’études à ce sujet, on peut donc en déduire que ceux qui parlent ainsi fondent leurs croyances soit sur une simple intuition personnelle, soit sur la base de leur propre expérience, forcément limitée à une minorité de véganes relativement au nombre d’individus qui font ce choix. Autrement dit, leur discours prétendument descriptif sur la majorité des véganes n’a pas plus de valeur que celui consistant à décrire les arabes comme étant, dans leur immense majorité, des voleurs et des terroristes (« Mais toi, c’est pas pareil, hein! »), et les femmes comme étant, dans leur immense majorité, fragiles et sournoises.

  1. La nature du choix

Afin de poursuivre le processus de délégitimation des dominés s’insurgeant, une autre stratégie vient s’adjoindre à la première: la négation de la dimension politique du choix ou de l’action des insurgés, la réduction de celui-ci/celle-ci à une simple question de goût(s).

Un bon exemple nous a été donné de cette négation d’une dimension politique au sujet des révoltes des quartiers populaires de novembre 2005. En effet, en dépit du contexte dans lequel avait débuté cette insurrection -à savoir la mort de deux jeunes adolescents, Zyed Benna et Bouna Traoré, dans un transformateur électrique à Clichy-sous-Bois, ainsi que la brûlure grave d’un troisième, Muhittin Altun, alors qu’ils étaient pourchassés par la police sans qu’ils aient commis le moindre délit- ainsi que de la relégation socio-économique des quartiers desquels les victimes étaient issues, et desquels les insurgés surgissaient (7), l’immense majorité des commentateurs (élus, journalistes, et intellectuels) se bornait à faire des évènements d’alors une lecture psychologique plutôt que sociologique, la fois décontextualisée et essentialisante. Plutôt que dans leurs conditions de vie, plutôt que dans la ségrégation et le mépris dont ils font constamment l’objet, on allait chercher des explications à la violence de leur révolte dans les pays d’origine de leurs parents ou grands-parents ou dans les traditions qu’on y suppose associées (8), dans leur couleur de peau ou leur religion (9), ou dans une nature qu’on leur prête et qui conduirait à se défouler gratuitement, à casser pour casser. Au travers de cette lecture, il s’agissait de nier à la fois les facteurs socio-économiques ou tout du moins de nier tout lien de cause à effet entre ceux-ci et la révolte qui éclatait, et à la fois le caractère politique du mouvement en réduisant ce dernier à des « bandes de voyous », des « casseurs », ou encore des « barbares » qui agissent sans motif, par pur goût de la violence. L’enjeu était triple pour le pouvoir en place, que ce type de discours avait l’avantage de dédouaner, en même temps qu’il délégitimait la rébellion des dominés, et légitimait l’extrême violence qui allait être déployée à leur encontre par l’appareil d’Etat.

Même si la forme diffère grandement d’un cas à l’autre, et même si ni le type ni le degré de violence ne sont comparables c’est, toutes proportions gardées donc, au même procédé que nous avons affaire dans le cas des véganes. Mais avant d’en décrire les modalités, attardons-nous quelque peu sur le choix du véganisme. Décider de supprimer de sa consommation tout produit de l’exploitation animale est certes un choix (10). Mais ça n’est pas un choix comme un autre. Choisir de supprimer viande, poisson, produits laitiers, oeufs et miel de son alimentation n’est pas choisir entre un plat de riz et un plat de pâtes. Et si le second cas relève de préférences gustatives individuelles, rendant de fait inutile et inappropriée toute tentative de convaincre l’autre par des arguments rationnels, on ne peut pas en dire autant du premier. Le choix du véganisme est un choix éthique et politique, et non gustatif ou nutritionnel. Or, s’il s’agit bien d’un choix dans les deux cas, la différence, toutefois, est de taille: le premier choix, motivé par un projet politique (l’abolition de toute exploitation des animaux non-humains par les humains) a des effets politiques (mise en évidence de l’idéologie carniste; mise au jour d’une possible alternative par l’addition de modifications des conduites individuelles et la formation de collectifs de lutte; introduction de la question de l’éthique animale (11) dans le débat politique), alors que le second, motivé par une préférence gustative voit ses effets limités à ce domaine (appétit, plaisir lors de la dégustation).

Il est pourtant fréquent de voir les dominants s’insurger contre le « prosélytisme des véganes », contre leurs multiples tentatives de convaincre autrui du bien-fondé de leur choix. Il faut toutefois rappeler, dans un premier temps, que ce sont les dominants (eux seuls étant en position de le faire), donc les carnistes, qui somment les véganes de s’expliquer, qui leur demandent de justifier leur conduite alimentaire déviante. C’est évidemment le cas pour tous les individus qui adoptent une conduite minoritaire et/ou jugée subversive, qu’elle semble choisie ou non (antisexistes, antispécistes, casseurs, mais aussi homosexuel-les, transexuel-les, etc). Dans un second temps, il faut dire les choses telles qu’elles sont: le choix du véganisme comportant à la fois une dimension éthique (celle de cesser toute participation à l’exploitation animale par les humains) et une dimension politique (le projet de faire cesser toute exploitation animale par les humains), il serait absurde que les véganes ne défendent pas leur choix par des arguments, et qu’ils ne tentent pas d’établir la preuve de la validité de ces arguments face aux arguments qui leur sont habituellement opposés (12). Car le conflit, la discussion contradictoire, l’échange d’arguments qui s’opposent et s’imposent les uns aux autres, est l’une des modalités du débat politique, si ce n’est pas sa modalité propre. C’est bien de lui que sont symptomatiques le fait d’argumenter, de dénoncer les sophismes et les tromperies rhétoriques, de mettre au jour les idéologies tapies derrière les discours, de tenter de faire admettre à l’adversaire la fausseté de son raisonnement ou l’incohérence de son propos. C’est donc bien parce que le véganisme est un choix politique qu’il peut et doit être défendu de la sorte, et non parce que ses partisans sont prosélytes ou zélés. Il ne s’agit pas de l’imposer mais de le défendre, pas de vaincre mais de convaincre. Et c’est ce que tentent de faire les véganes chaque fois qu’ils sont sommés par les carnistes de s’expliquer sur leur choix, et chaque fois qu’ils font l’objet par ces derniers de tentatives de délégitimation, comme par exemple avec le fameux et fumeux « argument » dit du cri de la carotte (13).

Au vu de ces éléments, la stratégie de la négation de la dimension politique du choix ou de l’action a cet intérêt qu’elle réduit le choix a une affaire de goût, rendant du même coup illégitime le recours a une argumentation rationnelle pour le défendre (« Chacun ses goûts, après tout! »). Or, ce n’est ici nullement une affaire de régime alimentaire mais de régime politique d’une part, et ce sont d’autre part bien les dominants qui somment les dominés de s’expliquer au sujet de leur(s) conduite(s) déviante(s). Ainsi, l’ordre dominant réussit ce tour de force consistant à contraindre les dominés à s’expliquer, à argumenter leurs choix, tout en rendant de fait illégitime toute forme d’explication argumentée que ces derniers pourraient en donner, et en dénonçant par voie de conséquence leur conduite comme intolérante et prosélyte.

  1. Le pouvoir de nommer (14)

Nous en venons donc au troisième moment de l’analyse de la riposte de l’ordre dominant (ici carniste) face à l’insoumission des dominés (ici véganes).

Le dernier avantage, et pas des moindres, dont disposent les carnistes tient dans la relative invisibilité de leurs propres conduites ainsi que de l’idéologie qui les motive. En effet, parce qu’ils sont à la fois dominants et majoritaires, ils sont la norme. Qu’ils sont la norme veut en réalité dire plusieurs choses. D’abord, leurs conduites (ici, le fait d’inclure dans son alimentation des produits issus de l’exploitation animale; dans d’autres cas, ce sera le fait d’être hétérosexuel-le, sexiste, etc) sont naturalisées (elles sont perçues comme étant naturelles et non culturelles) et apparaissent ainsi comme normales, indépendamment du contexte politique et socio-culturel dans lequel elles s’imposent. Ensuite, parce qu’elles sont perçues comme normales, ces conduites deviennent du même coup les marqueurs de la normalité, c’est-à-dire qu’elles permettent de désigner par contraste les conduites extra-normales, et donc les individus -puisqu’il y a toujours un individu derrière une conduite- déviants (ici, les véganes; dans d’autres cas, les homosexuel-les et transexuel-les, les antisexistes, etc). Enfin, toujours du fait qu’elles apparaissent comme naturelles, et de leur capacité à discriminer le normal de l’extra-normal, ces conduites ainsi que l’idéologie qui les sous-tend (le carnisme) bénéficient d’une relative invisibilité. Bien entendu, puisqu’elles sont majoritaires et normatives, elles sont visibles dans le sens où il est courant de les observer, mais précisément pour les mêmes raisons, elles sont invisibles dans le sens où elles ne sont presque jamais vues pour ce qu’elles sont: des constructions sociales, et non des lois naturelles. De la même façon, elles ne sont la norme que parce qu’elles sont socialement construites comme la norme par l’ordre dominant, et ce processus de normalisation, lui, nous est invisible et inaccessible.

Invisible, parce qu’il nous précède, et donc nous produit, nous construit comme dominés dans la structure sociale. Inaccessible, parce que c’est depuis cette position qui est la notre, celle de dominés, que nous l’évoquons. Or, le processus de normalisation est toujours le fait des dominants: ce sont eux qui déterminent la norme, ce sont encore eux qui tentent de produire des comportements qui s’y conforment, et ce sont toujours eux qui cherchent à l’invisibiliser en la donnant pour naturelle.

La norme n’est pas un point de vue. C’est le point de vue. Le point depuis lequel on observe, on décrit, on prescrit, on nomme, on classe, et on hiérarchise. Mais c’est aussi le point depuis lequel on échappe à l’observation, à la description, à la prescription, à la nomination, à la classification, et à la hiérarchisation. C’est le point depuis lequel on peut voir sans être vu. C’est l’angle mort dans la structure de domination. Celui depuis lequel elle s’auto-légitime, se renforce et se perpétue sans qu’on puisse la prendre sur le fait.

C’est ce pouvoir qui est à l’oeuvre dans les discours sur les véganes dont nous faisons ici état: celui de nommer (« les véganes »), de classer (conduite normale ou anormale; ici on la classera « extrême »), de décrire (« ils sont intolérants »), de prescrire (« il faut qu’ils apprennent à être tolérants »), et de hiérarchiser (le choix carniste est préférable au végétarisme, lequel est préférable au végétalisme, lequel est lui-même préférable au véganisme, etc) selon des critères tels que la normalité, la naturalité, le caractère réputé trop extrême d’une conduite, etc. De cette façon, les dominants font apparaître les dominés comme déviants, extrémistes et intolérants, et discréditent du même coup la cause qu’ils défendent.

En effet, en dépit du fait que ce sont toujours les dominants qui peuvent se permettre d’exiger des dominés qu’ils se justifient, en les sommant par exemple de s’expliquer sur l’exclusion de la viande, du poisson et des produits laitiers de leur alimentation, ce sont ces derniers qui apparaissent comme des inquisiteurs (« intolérants », « culpabilisateurs », « prosélytes ») lorsqu’ils argumentent leur choix. Pourtant, le carnisme étant la norme et le fait de la majorité, ce sont bien plus souvent les carnistes qui sont en position offensive que les véganes, et force est de constater, lorsqu’on est végane, que les assauts pleuvent: « T’es végane? Mais c’est hyper dangereux pour la santé? Et pourquoi tu manges pas de viande?! Tu vas être carencé! Et les protéines?! Et le calcium?! Et la vitamine B 12?! En plus, c’est débile: il n’y a pas de mal à manger les animaux, eux se mangent bien entre eux! C’est naturel! Et qui te dit que les plantes ne souffrent pas, non plus?! Et puis c’est un peu extrême comme choix, c’est pas très sympa pour les autres quand tu manges chez les gens ou à l’extérieur! C’est un peu anti-social, non?! Et de toutes façons, on est omnivores, donc il faut qu’on mange de tout, sinon pourquoi on a des canines?!… ». Seulement, il y a une différence: ces assauts-là, ceux que les carnistes multiplient à l’encontre des véganes ne se voient pas. Ils ne se voient pas parce qu’ils sont du côté de la norme. Ainsi l’agression, telle qu’elle est perpétrée quotidiennement par nombre de carnistes, n’est pas vécue par ces derniers comme une agression, mais comme l’expression du bon sens et de l’indignation légitimes soulevés par une conduite déviante telle que le véganisme. Par contre, aussitôt que les individus assaillis s’insurgent, et argumentent vigoureusement en faveur de leur choix, alors là les dominants crient au scandale, à l’agression violente et injustifiée dont ils font l’objet, au manque d’ouverture d’esprit, au prosélytisme, à l’intolérance, à l’extrémisme.

C’est en somme un véritable renversement qui est opéré dans l’énoncé qu’utilisent les dominants pour décrire ce rapport de forces. Les opprimés apparaissent pour les oppresseurs, les assaillants pour les victimes, les conduites normalisées pour subversives, et les dominants invoquent leur « droit à la différence » que les insurgés ne respecteraient pas. On voit ici comment l’invisibilité de la norme comme norme profite aux dominants, rendant invisibles le mouvement répressif qu’ils engagent à l’encontre des insurgés comme mouvement répressif, et l’idéologie qui lui sert de base comme idéologie. N’est en fin de compte visible pour ce qu’elle est, lorsqu’ils finissent par l’éprouver, que la colère des dominés dont l’ordre dominant fera évidemment mine de ne pas comprendre l’origine, comme lors des révoltes des banlieues de novembre 2005. Le dramaturge Bertolt Brecht notait ainsi: « On dit d’un fleuve emportant tout sur son passage qu’il est violent, mais on ne dit jamais rien de la violence des rives qui l’enserrent. »

Conclusion: le choix des armes

Ainsi, bien avant de recourir à la violence physique inouïe dont il sait parfois faire preuve, c’est sur le terrain des mots et des représentations que l’ordre social dominant livre bataille. Il s’agit pour lui tant d’acquérir une légitimité que de délégitimer ceux qu’il s’apprête à frapper, tant de rendre visible la violence avec laquelle les dominés s’insurgent que d’invisibiliser la violence, symbolique comme physique, déployée à leur encontre.

Il m’a semblé opportun d’en dévoiler quelques techniques et enjeux dans le cadre de la campagne de délégitimation menée par les carnistes à l’encontre des véganes. Plutôt que de répondre au discours dominant par un discours inverse, plutôt que de répondre à ces accusations par la simple négation ou par une accusation contraire, il m’a paru plus approprié de tenter d’en dévoiler les enjeux stratégiques. En effet, démentir point par point les accusations anti-véganes reviendrait à jouer le jeu des carnistes, celui de la justification. Or, perdre la bataille du choix des armes pourrait s’avérer désastreux dans le contexte qui est le nôtre, celui d’une écrasante domination carniste, à la propagande redoutablement efficace, qui forme les représentations avec lesquelles les individus pensent. Si c’est la parole des dominés contre celle des dominants, c’est perdu d’avance, cette dernière ayant à la fois l’avantage de l’exposition dans l’espace public par un accès privilégié aux médias lui garantissant une publicité immédiate (15), et celui du long processus de conformation aux normes sociales que l’environnement socio-culturel dans lequel nous avons grandi a opéré sur chacun d’entre nous (16). Autrement dit, nous sommes prédisposés à croire ce qui ira dans le sens de la norme plutôt que ce qui la remettra en cause. C’est pourquoi il m’a paru judicieux, plutôt que d’affirmer que les véganes ne sont pas ce qu’on les accuse d’être, d’analyser le discours qui les vise afin d’en révéler les techniques et enjeux: ce que les dominants ont à gagner dans le fait qu’on croit que les véganes sont ce qu’ils disent qu’ils sont, et comment ils s’y prennent pour nous en convaincre.

Notes:

1) Quelques statistiques sur l’évolution du véganisme aux Etats-Unis ici: http://www.huffingtonpost.com/2014/04/01/vegan-woman-lifestyle_n_5063565.html

2) « carnisme: système de croyance, ou idéologie, selon laquelle il est considéré comme éthique de consommer certains animaux. Le carnisme s’oppose essentiellement au végétarisme ou au véganisme. Le terme carnisme a été défini en 2001 par la psychologue sociale Melanie Joy. Selon Dr Joy, c’est parce que le carnisme est une idéologie violente et dominante qu’il est resté anonyme et invisible, et de ce fait, manger de la viande est considéré comme une évidence plutôt que comme un choix. Or lorsque manger de la viande n’est pas une nécessité pour sa propre survie, cela devient un choix, et les choix proviennent toujours de convictions.« 
Telle est la définition que donnait auparavant du carnisme l’encyclopédie en ligne Wikipédia.Il n’y a plus à ce jour de définition de « carnisme » dans aucun des dictionnaires et encyclopédies en ligne. On pourrait dans un premier temps s’en étonner lorsqu’on sait que le terme, inventé en 2001 par la professeure de psychologie sociale à l’université du Massachusetts Mélanie Joy, est aujourd’hui vieux de 15 ans, et qu’il a été repris par nombre d’auteurs. Mais ce serait là ne pas voir que l’idéologie qu’il décrit est toujours très largement dominante, et qu’il est contraire a son intérêt que ce mot se répande. Nous pouvons ainsi nous interroger sur les raisons réelles qui ont motivé la suppression par Wikipédia de l’article qui en donnait la définition il y a de cela encore quelques mois, définition pourtant sérieuse et précise, reprise des travaux de Mélanie Joy. Or, nous pouvons remarquer sur la page suivante que malgré la demande, motivée par des arguments solides, faite par un(e) internaute de maintenir l’article, celui-ci n’a pas été restauré: http://fr.wikipedia.org/wiki/Discussion:Carnisme/Suppression
Il est intéressant d’observer que la bataille se livre aussi -comme tente de le montrer le présent article- sur le terrain sémantique, et de comprendre les enjeux stratégiques d’une telle bataille, pour l’idéologie dominante comme pour celles et ceux qui tentent de la combattre.
Une définition quelque peu différente en est donnée ici: http://www.carnism.org/

3) « Les carnistes ne sont pas simplement des carnivores ou des omnivores : ces deux derniers termes ne renvoient qu’à l’aptitude physiologique à se nourrir de certains types d’aliments. Les carnistes mangent de la viande par choix, et les choix reposent sur des croyances. Cependant, l’invisibilité du carnisme fait que ces choix ne semblent pas en être. »
Lire à ce sujet l’article suivant, dont la citation ci-dessus est tirée: http://www.cahiers-antispecistes.org/spip.php?article400

4) Pour plus de données numériques sur les effets de la consommation de viande: http://www.planetoscope.com/elevage-viande/1172-nombre-d-animaux-tues-pour-fournir-de-la-viande-dans-le-monde.html

5) Article Race, caste, et genre en France de Christine Delphy, dans Classer, dominer: qui sont les autres?, La Fabrique, 2014.

6) Lire à ce sujet: http://www.huffingtonpost.fr/kevin-barralon/les-vegans-sontils-des-extremistes_b_4834635.html

7) Surgissaient, car jusqu’ici on ne les voyait pas, ou faisait mine de ne pas les voir, ce qui est toujours fort commode pour les dominants.

8) Lire à ce sujet: http://tempsreel.nouvelobs.com/societe/20051116.OBS5310/la-polygamie-cause-des-emeutes.html

9) Lire à ce sujet: http://www.acrimed.org/article2202.html

10) Le mot choix est ici entendu au sens suivant: « action de choisir quelque chose, quelqu’un, de le prendre de préférence aux autres ; résultat de cette action. » (source: dictionnaire Larousse en ligne) Il sert à décrire l’action de sélection d’une option, le fait de la préférer à une autre, et en aucun cas à supposer le sujet qui choisit comme libre de son choix.

11) « Les animaux ont-ils des droits ? Avons-nous des devoirs envers eux ? Si oui, lesquels ? Si non, pourquoi ? Et quelles en sont les conséquences pratiques ? L’exploitation des animaux pour produire de la nourriture et des vêtements, contribuer à la recherche scientifique, nous divertir et nous tenir compagnie est-elle justifiée ?
L’éthique animale est le domaine de recherches dans lequel se posent ces questions. Elle n’est pas, contrairement à un préjugé répandu, un ensemble de réponses univoques, une charte consensuelle, une compilation de règles idéales sur ce qu’il est « moral » de faire aux animaux. De ce point de vue, demander si telle ou telle pratique est « conforme à l’éthique animale » n’a aucun sens. Elle est le lieu d’un débat, souvent extrêmement polémique, dans lequel s’affrontent des positions nombreuses et contradictoires. » Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, L’Ethique Animale, Que-sais-je, PUF, 2011.

12) Sur cette page, sont listés puis réfutés la majorité de ces arguments: http://vegfaq.org/
Et pour les anglophones, quelques compléments sont disponibles ici: https://www.facebook.com/notes/michael-vegananarchist-ahimsa/common-anti-vegan-arguments-how-to-quickly-refute-the-same-lame-excuses-that-are/120926087965760?ref=nf

13) A ce sujet, lire cet article d’Yves Bonnardel: http://www.cahiers-antispecistes.org/spip.php?article40
Voir aussi: Peter Singer, La libération animale, Petite Bibliothèque Payot, 2012, p.409.

14) Lire, à ce sujet, l’article Les Uns derrière les autres de Christine Delphy, dans Classer, dominer: qui sont les autres?, La Fabrique, 2014.

15) Carte du PPA (Parti de la Presse et de l’Argent) disponible ici: http://lesmoutonsenrages.fr/2013/12/16/la-presse-francaise-touche-beaucoup-dargent-les-francais-que-dalle/
Voir aussi le film Les Nouveaux Chiens de Garde, téléchargeable ici: http://www.zone-telechargement.com/31434-31434-les-nouveaux-chiens-de-garde-dvdrip.html

16) Lire à ce sujet l’article Le lavage de cerveaux en liberté de Noam Chomsky, disponible en ligne ici: http://www.monde-diplomatique.fr/2007/08/CHOMSKY/14992
Lire également La fabrique du consentement: de la propagande médiatique en démocratie de Noam Chomsky et Edward Herman, éditions Agone, 2008.