Observatoire des discours d’adhésion professionnels

Publié par intermedes le

Observatoire des discours d’adhésion des professionnels aux institutions
Conceptualisation
    Les discours d’adhésion des  professionnels (sociaux, éducatifs ou autres) aux institutions qui les emploient sont caractérisés par le recours des professionnels à l’argumentation officielle  des structures qui les emploient, sans aucune forme de distanciation ou d’appropriation.  De plus ces situations de recours à ces discours d’adhésion, survient quand ces mêmes professionnels se trouvent en difficulté pour justifier leur action, face à des partenaires ou des usagers et qu’ils ne parviennent pas à produire de justification  ou une argumentation qui leur  soit propre
  Concrètement, le recours à de tels discours, relève  d une  une situation défensive et aboutit à une renonciation vis avis de toute position personnelle ou originale qui impliquerait un décalage vis à vis de la position institutionnelle.  Le  recours à ce type de positionnement  peut être assimilé  a une forme de renonciation vis a vis de toute liberté d agir mais également de penser, dans un cadre professionnel La possibilité, comme la nécessité d’une telle liberté est à cette occasion, couramment déniée par l’intéressé
L’adhésion  apparait des lors comme l’unique solution pour endurer une posture professionnelle qu’on supporte dès lors qu’on ne peut plus la justifier autrement que par sa soumission
Contexte
À partir des années 80 , les institutions éducatives se sont volontiers présentées elles mêmes comme étant en difficulté soit pour contacter soit pour fidéliser leur public, soit pour répondre à de nouveaux besoins sociaux. Elles ont ainsi permis que s’exprime couramment au sein de la société des discours de souffrance ou difficulté  la part de leurs employés.  Nous connaissons ainsi mille exemples médiatisés de    » témoignages » de professeurs en souffrance , ou révoltés, etc.
On peut ainsi se référer par exemple aux discours concernant une forme de la démission parentale qui  se sont cristallisés autour de l’école et des institutions éducatives et sociales à partir de 1984. Mais nous pensons également aux perpétuelles interrogations autour delà question de l échec scolaire, ou aux premières générations de mesures en lien avec la politique de la Ville qui mettaient en avant le désœuvrement de la jeunesse et sa marginalisât ion croissante
Ces discours dans leur ensemble mettaient en avant des problèmes non solutionnés , non résolus   En ce sens ces discours contribuaient à démocratiser une forme de réflexion collective  concernant des problématiques sociales et éducatives.
 Les acteurs sociaux engagés dans des pratiques innovantes observent depuis quelques années une modification substantielle de cette tendance.   En effet , l’ensemble des problématiques classiques a été reformulée sous l’impulsion de politiques et mesures volontaristes.  Ainsi l’échec scolaire est il devenu lutte contre le décrochage scolaire et les difficultés éducatives ont elles été désignées par le vocable de Reussite Éducative qui désigne selon les cas, soit un dispositif soit une ligne politique.
Les difficultés présentées il y a peu comme des problèmes insolubles  semblent aujourd’hui hui s’épuiser dans les réponses institutionnelles qui y sont apportées. Une sorte de renversement sémantique semble avoir identifié les difficultés sociales à des mesures dont les professionnels  sont les exécutants. Dès lors, les situations difficiles qui révèlent l inadaptation des méthodes ou des solutions semblent déniées et renvoyées à un vide de toute rationalité possible. Ce sont des situations dont la compréhension est des lors limitée et renvoyée totalement aux particularités des individus qui les portent
Hypothèse.
 À partir du constat de ces changements de discours,  un certain nombre d’acteurs sociaux engagés ont remarqué un changement de posture et de discours des professionnels eux mêmes.
  Ainsi les professionnels de nombreux collèges qui tout au long des années 90 jusqu’à 2010 avaient mis en avant leurs difficulté éducatives , semblent aujourd’hui hui avoir complètement modifié leurs discours  Au point de ne plus du tout communiquer autour de problématiques , mais au contraire de produire des annonces résolument optimistes: on communique autour de l’orientations , du succès de certains  eleves etc. Les exclusions d´élèves, dont nous savons pourtant  qu’elles n’ont en aucun cas décliné tant sur le plan local que national, dans leur nombre, sont présentées sous des abords positifs quasiment comme des stages. Le renvoi d’élevés âgés de 16 ans et plus est présenté comme relevant selon le cas d’orientations ou de partenariats. Ainsi les problèmes ne sont plus nommés qu’au travers des mesures qui étaient censées soit les éviter soit les résoudre
 Du côté de l’action sociale , nous repérons des tendances similaires: les institutions et dispositifs mettent en avant une vision positiviste de leur activité qui masque l’existence même de problématiques non résolues. Les professionnels qui dans leurs pratiques concrètes rencontrent des situations qui les dépassent , refusent pour autant de les reconnaître et continuent de véhiculer la position officielle.  Ceci est particulièrement étonnant dans le cadre d un secteur professionnel caractérisé au contraire par une culture ancienne  de l’analyse des problématiques complexes et de la critique institutionnelle .
 Les acteurs éducatifs engagés  auprès de populations en grande difficulté sociale , et en particulier auprès des familles et enfants précaires,  rencontrent ainsi des professionnels socioéducatifs qui peuvent affirmer contre toute logique que la situation  de mineurs en grande difficulté ne relève en rien de leurs fonctions ou responsabilités.

  Ces positions prennent parfois des proportions extrêmes quand ces discours aboutissent à couvrir la situation d.enfants qui dorment dans la rue ou quand ils permettent de ne pas prendre en considération que la « solution d hébergement » qui a été proposée aboutit dans les faits à déscolariser durablement  tous les enfants d’ une même famille. 

Ce qui est des lors étonnant et qui justifie l’intérêt d’une telle action de recherche , n’est pas tant l’impossibilité pour ces s professionnels de trouver d autres solution  que l’attitude déterminée de ces derniers à justifier la dite situations, à la juger normale , et à dénier  ainsi les principes mêmes de leur profession et de la mission de leurs services.

Mais en dehors de l’école et de l’action sociale, on rencontre une telle attitude,et plus couramment encore, chez des acteurs  administratifs ou fonctionnaires des collectivités en lien avec du public: professionnels de bibliothèques,  ludothèques , mais aussi animateurs  , professionnels  de la petite enfances peuvent le cas échéant et confrontés a des situations qui rentrent en contradiction avec les fondements mêmes des structures qui les emploient, développer la même attitude.  Des discours de justification seront ainsi repris avec la même forme d adhésions sans tenir compte des contradictions ou incohérences entre le sens même de leur métier et les situations ainsi justifiées. Il peut s’agir d’enfants exclus des cantineś scolaires , rejetés des structures municipales . Encore  une fois, ces discours ne se limitent pas à justifier de telles situationś ; ils visent en réalité à nier l’existence même du problème, selon quelques variantes que nous étudierons
Méthodologie.
   Une telle action de recherche n’a pas pour but de quantifier le phénomène mais à caractériser son fonctionnement et à produire un dispositif explicatif propre à rendre compte des fonctions qu’il remplit et des tendances au sein de la société qu’il dévoile
    Cette rêcherche s’intègre pleinement dans la démarche d’acteurs sociaux qui , confrontés a des situations qu’ils jugent incohérentes de la part de professionnels sociaux ou administratifs, souhaitent comprendre les ressorts de telles attitudes pour mieux les anticipeŕ et y faire éventuellement face
   C’est un véritable enjeu de compréhension pour ces acteurs qui sont souvent bousculeś et  mis en difficulté par le phénomène relevé et qui les expose, faute d’y trouver suffisamment de sens , au risque du découragement
  Ainsi cette cherche action ne reposera pas sur des enquêtes de type statistiqueś mais sur des témoignages. Du fait de la nature mémé défensive du phénomène observé, il ne faut pas s’attendre à ce que ces témoignages proviennent des professionnels concernés eux mêmes, mais plutôt des acteurs qui en ont été destinataires
  Cela n’empêchera aucunement cependant que l’on puisse compéter le matériau de ces témoignages par des interviews de professionnels
Posture du chercheur
   Le chercheur coordinateur de cette  action de recherche bénéficie de qualifications universitaire (doctorat en Sciences Humaines et sociales, HDR en cours) mais prend en compte une posture d’acteur social impliqué dans l’objet même de sa recherche
    Il souhaite  s’entourer d’acteurs sociaux qui ont été confrontés aux même type de phénomène et qui partagent le même désir de caractériser, faire connaître et comprendre de telles situations
Matériel de la recherche
  À ce stade, cette action de recherche est  au stade du démarrage. Elle peut cependant s’appuyer sur le témoignage de nombreux acteurs sociaux ou éducatifs déjà rencontrés: militants associatifs, artistes de rue, confrontés aux discours d’adhésion déjà décrits
Une première ébauche de ce matériel est disponible sous la forme de deux articles de Laurent OTT, publiés dans la revue professionnelle du secteur sociale, RAJŚ dans son numéro du mois de Mai, aux pages 14 å 21
Catégories : Contributions

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