A l’heure où le logement devient un produit standardisé et un objet de spéculation, une part croissante de la société civile exprime son besoin d’habiter autrement en construisant des lieux propices à son épanouissement. Si habitat coopératif et éco-hameaux sont aujourd’hui plus médiatisés mais peu abordables, des citoyens de tous horizons fabriquent de nouvelles formes et modalités d’habiter entres les rouages des machines économiques que sont devenues les villes. Cet article se propose de rendre compte de la richesse de ces habitats citoyens souvent masquée par les clichés et l’ignorance qui entourent le mot « squat » et la diversité des réalités qu’il recouvre. Il s’agit alors de s’intéresser aux squats d’artistes comme un « tiers espace » où se réinvente collectivement l’habiter en reconstruisant des manières d’être et de faire en dehors des conventions dominantes. Ces inventions constituent des pistes de réflexions crédibles pour concevoir une architecture qui réponde aux enjeux de la crise actuelle, qui est non seulement écologique mais aussi anthropologique.
Les squats font partie des pratiques citoyennes prenant le contre pied de ce que l’on pourrait appeler l’architecture conventionnelle par comparaison avec le monde agricole.
A côté des néo-paysans, un certain nombre d’architectes font aussi aujourd’hui un pas de côté. Parmi ces multiples trajectoires d’individus et de collectifs qui cherchent à redonner sens à l’acte de construire et à l’habiter, cet article rend compte de l’expérience d’un architecte au sein de plusieurs squats franciliens. Cette recherche-action, engagée en Juin 2016, a été menée successivement dans plusieurs squats : au Grobat, situé Cité Griset dans le XIéme arrondissement de Paris, au Gargantua, situé rue de Presles à Aubervilliers, puis au Clos Sauvage, situé rue du Clos Bénard à Aubervilliers. Entre récit et analyse, cet article explore différentes dimensions des squats pour restituer la complexité de ces lieux comme une combinaison mouvante de lieux et de personnes en interaction constante. En relation avec leur quartier et leur territoire, ils ouvrent des espaces de possibilité, d’expérimentation, de rencontre, d’éducation, dont la production manque cependant de documentation. L’organisation sociale qui les structure comme leur formes matérielles est riche d’enseignement pour concevoir une ville à la hauteur des enjeux de la transition écologique, démocratique et sociale. Ce travail de documentation et de valorisation est d’autant plus urgent qu’il existe actuellement une invisibilisation de ces espaces au profit d’une marchandisation et d’une récupération politique de l’occupation temporaire de locaux vacants aux profits d’associations à la fois bien plus constelles et bien moins innovantes. Ce mouvement déjà amorcé en Belgique depuis plusieurs années a conduit à une déligitimation des squats dans les média ouvrant la voie à l’actuel projet de loi rendant le squat illégal. Dans ce contexte européen, cette recherche action tien tout autant du manifeste que d’un travail d’inventaire d’une diversité face à l’homogénéisation croissante des modes de vies et leur appauvrissement.
Contact : Arthur Bel <arthur_bel@hotmail.fr>
Arthur
octobre 13, 2018 at 1:33pmArticle complet : https://www.cairn.info/revue-cahiers-de-l-action-2018-2-page-79.htm#anchor_plan