Les quartiers sont une réserve d’énergie pour le pays. Cette jeunesse est vive et inventive. En débarquant avec notre camping-car le soir dans les quartiers populaires, une boite à outils doit prendre sa place, son utilité en pied d’immeuble pour que le quartier se l’approprie.
On a fait 220 soirées dans 58 quartiers. Dans la quasi-totalité des quartiers visités, c’est le vide que nous avons en face dans la tranche horaire 20 heures / minuit. Alors on allume une lumière dans cette obscurité. Ce sont des populations qui ont vécu dans ce « vide » pendant des décennies faute de politique intelligente, particulièrement d’une approche nocturne de convivialité.
C’est d’abord « aller vers ». C’est respecter l’autre. C’est une relation directe dans un format compréhensible, sans dispositifs compliqués, sans technologies qui échappent aux jeunes. Le dispositif est simple, c’est ouvrir un espace d’accueil poser une table, quelques chaises du thé à la menthe, de la musique de fond. Et on laisse le présent faire son travail.
C’est comme le camion d’épicerie dans les milieux ruraux qui va de village en village. Au lieu de vendre des légumes, on fait valoir des cursus. Les gens se nourrissent avec du bio, c’est-à-dire de la vraie vie.
Comment traduire autrement ces compétences qui fourmillent dans les quartiers ? Il faut faire école, donner le droit à l’apprentissage, faire des sortes d’ateliers permanents ou d’université populaire où les gens prennent le temps d’apprendre et ensuite de voyager, faire leur propre expérience.
La puissance humaine intérieure est géniale, beaucoup de personnes ont pu ainsi s’élever même s’ils sont pauvres. Mais cela n’est pas possible sans un nouveau contrat social, restaurer une dimension citoyenne. Les populations issues de l’immigration ouvrière des pays postcoloniaux sont-elles considérées comme françaises à part entière ? C’est la base, le premier étage de la fusée, savoir si nous participons à un projet collectif, si nous faisons société ensemble. C’est déjà reconnaître l’autre, l’estimer dans une égalité de la relation, savoir si on partage les mêmes droits fondamentaux.
L’humain est une machine à créer, à se rencontrer. Il faut réviser nos équations. Il faudrait un « passeport de voyage », avec trois niveaux : le premier c’est l’action de terrain sans quoi rien n’est possible, le deuxième est une formation à la carte et le troisième c’est le droit au voyage, au départ, vers l’ailleurs. Il manque dans les quartiers des vitrines qui valorisent ses activités et ses compétences, ses formations et ses initiatives, qui valorisent le produit des parcours.
Il y a ce problème de visibilité de ce qu’on fait, on ne sait pas mettre en vitrine ces processus de la production humaine. C’est ce que nous incarnons à travers ce camping-car qui débarque dans les quartiers, et matérialise la réalité de ces espaces.
Contact : Lakdar Kherfi, <kherfi.lakdar@orange.fr>- Médiation Nomade