Ne serait-ce qu’une question de participation ?

La Démocratie participative opposée à la Démocratie « contemplative » ainsi que la Participation des habitantEs, la gouvernance participative ou les méthodes d’empowerment sont des termes de plus en plus à la mode, voir souvent galvaudés.

Ainsi, une loi de réforme de la Politique de la ville a même été promulguée le 21 février 2014 pour renforcer le pouvoir d’agir des habitantEs et leur participation dans le cadre de la politique de la ville avec notamment la création de Conseils citoyen.

Une autre loi a été adopté en 2014, le 31 juillet : la loi-cadre de l’ESS (Économie Sociale et Solidaire) et un chapitre y est dédié à l’innovation sociale dont un des quatre piliers est la participation citoyenne (habitantEs, usagers, bénéficiaires, clientEs) à la construction des réponses à leurs besoins.

Mais, entre désengagement potentiel de l’État, démarches humanitaires et entrepreunariat social, qu’en est-il réellement de la participation des habitantEs ? Que fait-on de cette participation ? La participation est-elle une finalité en soi ? Que faire des enquêtes publiques ? des diagnostics partagés ou autres questionnaires participatifs ?

Quel est le sens de la participation des habitantEs à la vie de la Cité ?

Participer à un sondage dans l’attente de réponses institutionnelles ? Formuler les réponses aux problématiques quotidiennes par ceux qui les vivent au quotidien ? Agir et mettre en place collectivement des solutions ?

Comment dégager de l’émancipation populaire et du pouvoir d’agir ? Comment faire rimer « Créativité » et « Réalités » ?

Telles sont les questions, parmi d’autres, auxquelles notre Recherche-Action dans un quartier populaire de la région PACA tentera de répondre !

  1)    L’innovation sociale ?

Aujourd’hui, il semblerait qu’en dehors de l’innovation il n’y ait point de réussite. Les institutions demandent de définir le caractère innovant des projets déposés, l’innovation doit trouver sa place partout. Dans notre Recherche-Action, nous avons une boîte à outils qui sont vus comme innovants. Cependant, ces outils ne sont pas tout jeunes : le Théâtre Forum et les méthodes d’Empowerment sont nés dans les années 60. Innovation sociale, chiffres, pourcentages, statistiques, freins, obligation légale, bénéfices…

  2)  de juin 2014 à janvier 2015

Nous sommes arrivés sur le quartier avec une action de porteur de paroles. Il s’agit de poser une question qui semble toucher l’ensemble de la communauté ou des communautés et d’afficher les réponses sur de grands papiers de couleur afin de susciter des micros ou macros débats. Nous avons fait cela 5 mois entre septembre 2014 et janvier 2015 autour de la question « Quelles améliorations voudriez-vous apporter à votre quartier ? ».

Nous avons pu noter 3 phases : la première phase fut celle de la curiosité et a duré trois semaines. La deuxième phase fut celle de l’interpellation des habitantEs : « A quoi vont servir les réponses ? À alimenter des statistiques ? On nous interroge sur tout un tas de questions depuis des années et ça ne nous sert à rien; y’a aucune réponse! ». Nous avons tenté d’expliquer notre démarche qui était de pouvoir organiser des ateliers collectifs avec les habitantEs pour demander des réponses aux décideurs, pour s’approprier l’espace public, et pour essayer de mandater des représentants dans les réunions des institutions et, surtout pour construire ensemble des solutions sans attendre que cela vienne « d’en haut ». Alors, à commencer la troisième phase : l’acceptation. Notre action est passée de la rencontre aux rendez-vous hebdomadaires, le temps de se saluer, de se reconnaître, de se sourire…de construire !

Nous avions l’ambition de faire participer les habitantEs à notre animation de rue mais je me rends compte que c’est nous qui participions à leur quotidien. Nous nous sommes investis sans attendre de gratification, nous avons pris place pour comprendre, connaître, sentir…et au final s’immerger pour partager les problématiques. Après le 7 janvier 2015 et les événements de Charlie Hebdo, nous avons même partagé des morceaux d’intimité confiés comme un récit de vie à peine dévoilé.

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Analyse graphique de l’action porteur de paroles : cliquez sur l’image pour agrandir

  3) Sur le marché, nous avons rencontré la responsable-bénévole d’une association de femmes. Nous avons prit rendez-vous puis avons décider plusieurs animations (ou plutôt deux jeux collectifs un sur l’alimentation et l’autre sur le concept de richesse) auprès de groupes d’enfants pendant deux après-midi et la mise en place d’un Théâtre-Forum sur « Le droit au bien-être féminin ». Les groupes en question étaient des familles musulmanes et la question de l’émancipation fut au cœur de nos mutuelles préoccupations.

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4) Au jardin public : C’est lieu central sur le quartier et un lieu où se vivent conflits, jeux, discussions, sourires… Nous avons posé deux tables pour proposer des ateliers créatifs. L’objectif étant la rencontre de et avec l’autre. Des jeunes de toutes cultures se sont précipités avec leur envie de participer et leur idées reçues sur les cultures différentes. Les premières fois, il y eut de gros conflits et de grosses bagarres puis, ensuite, les discussions se sont mises en place. Nous avions posé des feuilles de papier à plier, des origamis et le partage de la culture japonaise. Parler d’une culture qu’aucun ne connaît ou ne vit fut un levier essentiel pour faire vivre ce Tiers Espace au jardin. Enfin, au bout de quelques semaines se sont les adultes qui sont venus à nos tables : « On vous regarde de loin, c’est bien ce que vous faites ? Vous êtes qui ? », « Venez boire un café au coin là bas, j’ai des gens à vous présenter »…

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