Illégalité et recherche-action

Intervention du LISRA au colloque sur les recherches participatives avec des groupes déviants, stigmatisés, marginalisés. quelles approches théoriques, pratiques et déontologiques ? (1)

Jeudi 13 septembre 2018 de 11h à 13h
Centre de Formation Saint-Honoré
42-44 Rue de Romainville – 75019 Paris

Notre laboratoire social travaille avec des récupérateurs vendeurs de rue, des vendeurs ambulants, des Roms, des habitants en squat d’urgence dont les pratiques sont soumises à la répression sociale et policière. Nous rencontrons des difficultés lorsqu’il s’agit de problématiser leur pratique d’économie populaire aussi bien dans le domaine de la recherche que de l’action publique.

On parlera alors de pratiques « grises », « informelles », « sauvages » qui sous un caractère technique confortent et confirment une ethnicisation de l’illégalité. Nous entendons par là que la rhétorique des « territoires de non-droit » ne désigne pas seulement une pratique illégale selon un droit positif, mais participe d’une construction sociale de la frontière au-delà de laquelle peuvent intervenir en toute impunité les dépositaires légaux de l’ordre social et de la violence légitime. La criminalisation de la pauvreté, le délit de solidarité au migrant ou l’évacuation des bidonvilles roms participe de ce processus.

Que veut dire dans ces conditions la « participation » de populations assignées à un non-lieu d’où elles ne peuvent d’aucune manière se constituer en hors-lieux, c’est-à-dire en minorité active. Les acteurs sociaux ne peuvent avoir une place comme co-auteurs d’une recherche-action s’ils sont déjà construits socialement par la recherche en tant que corps dociles et étrangers.

Pour que les chercheurs puissent problématiser la non-parole d’une non-existence, ils doivent eux-mêmes se constituer un hors-lieux transfrontalier. Ce qui induit un renversement axiologique, une épistémologie de l’absence pour identifier ce vide ou se manque qui réduit et étouffe la réalité sociale. Sinon la participation n’est qu’une idéologie qui construit l’autre dans sa différence irréductible de non-chercheur, objet d’étude, simples pourvoyeurs de matériaux.

Nous rejoignions ici la proposition d’une « épistémologie du Sud » : il ne peut avoir de justice sociale globale sans justice cognitive globale, c’est-à-dire sans reconnaissance de la pluralité des savoirs, notamment ceux issus de la pratique et de l’expérience.

(1) Colloque international organisé par le Réseau Thématique 3 « Normes, déviances et réactions sociales » de l’Association française de sociologie (AFS), le Centre d’Etude et de Recherche Appliquées (CERA) et l’Association des Chercheurs des Organismes de la Formation et de l’Intervention Sociales (ACOFIS)

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