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Entretien avec les afghans Kamran et Faisal.

 

Atlas soutenait la Terre sur ses épaules.

Il aurait pu, fatigué de le porter, laisser tomber son fardeau. Mais il a continué à le porter. C’est d’ailleurs ce qui est le plus frappant dans cette légende : non le fait qu’il ait soutenu la Terre pendant un temps très long, mais que, bien que trompé, il ne l’ait pas laissée tomber et ait continué à la soutenir, par résistance …

La Terre est lourde et brûle de ces rouages géopolitiques. Des hommes-nations à poil long, membrés de cartouches-mitrailleuses collent un calibre froid sur la tempe des populations et explosent les jolies moments passés en famille en une touche de seconde. L’Europe, Israël et les Etats-Unis, les leaders, de vrais « caïds » dopés aux bastons Police contre Abonnés Netflic, ces Forces Mondiales Interbancaires prennent alors leurs envols pour l’Orient. Parce que la stratégie opère.

Après avoir goûté l’exotique Kabuli Palaw entre une paire de fesses afghanes enchaînée, ces héros militaires s’offrent le plaisir de sortir une seconde fois leurs guns, défonçant Daech et les talibans, pour rétablir l’Ordre le plus pur. Explosif de nature criminelle. La guerre fait feu. Les civils prennent l’air. Les corps sous terre. Puis Clint Eastwood bricole sa propagande, Bradley Cooper sauve le monde et nous voilà apaisés. Un tour de magie-magie et l’Empirisme passe pour de l’Humanitaire. L’OTAN nettoie et rend à son Dieu les vraies couleurs de la Création. Or, tous s’abreuvent d’eau claire des rivières saintes, coulante au bord des chemins de boues et de sang.

De l’invasion soviétique en décembre 1979 à l’intervention des Etats-Unis depuis 2011, l’Afghanistan semble être une salle de théâtre en chantier où malgré les débris, la même pièce articulée tourne en boucle dans la bouche de Gilles Bouleau. Une histoire de charcuterie écrite au siège de l’Alliance Atlantique, autour de buffets chocolat-liqueur et de cocktails sexy en robe rouge et draps gluants, pendant que d’autres s’en vont, le cœur en cerise Mon Chéri.

Cette vidéo est une première rencontre avec Kamran et Faisal. D’autres suivront.

Kamran et Faisal ont quitté les montagnes afghanes.
Le ciel leur est tombé dessus un soir de grêles. Le grand Déluge. A la différence de Noé, ils n’ont pas pu emporter grand-chose. Des bribes de souvenirs pour un futur 2049 moins bien dépeints que dans nos plus belles distractions cinématographiques.

Votre « village planétaire« , messieurs, accueille alors à moignons ouverts le restant des rescapés. Sans pincette ni gant. L’économie, pourtant, circule librement, par liasses de chiffres enregistrés, les frontières numériques s’ouvrent à gorge déployée et les Loups de la Finance écoutent Tiken Jah Fakoly en acquiesçant et tirant sur un gros joint. La Manufacture continue à produire, l’audimat gesticule en furie, de nouveaux travailleurs s’entassent. Une main-d’oeuvre en attente de papiers et après le coup de feu, il ne reste plus qu’à courir pour s’engager dans la compétition nationale de l’Emploi, corps et âmes.

Atlas soutenait la terre par espoir d’un renouveau. Il la porte toujours.

 

 

 

Mikail – Cabane de l’enfance ou la fabrique des souvenirs

Retour aux sources.

Ou du moins, à la source d’une rivière malemortoise fraîchement vaseuse de joies commerciales, construites depuis peu, sur le terrain de l’enfance, de l’espoir et des projections oniriques.
Aujourd’hui, Mikail se retrouve face à des murs de tôles ondulées, plaquardants des « -650% de réduction » aguicheurs sur la dernière pelleteuse de Merlin l’enchanteur.

L’image d’un « monde qui bouge ».

Le Roy triomphe : « Oui à l’avenir fleurissant d’emplois, de médailles d’argent et de blouses séduisantes et ensemble, créons l’ordre nouveau, faisons de la France une entreprise qui tourne et qui donne (un souffle, au cœur) de nos sociétés. ». Sous cette lumière blanchâtre, le destin semble si simple. Il suffit de faire un pas en avant et les portes électriques s’ouvrent d’elles-mêmes.

De l’eau a coulé sous le pont rouillé.

Aujourd’hui,
Mikail est jeune adulte et se confronte à l’emploi.

Comme beaucoup d’entre nous, il est satisfait des bienfaits de l’économie et des coupes éclaires établies par l’exécutif pour tenir son objectif de 3% de déficit public en 2018. L’histoire est en marche et semble patiner sur une glace lisse et sereine, parfum vanille-chocolat, tout au fond d’un bac décongelé.

Derrière
les magasins neufs et saillants
de la nouvelle ZAC du Moulin
de la municipalité de Malemort-sur-Corrèze,
nous sommes partis retrouver nos traces d’enfance,
nos soupçons de légèreté
et de désirs
d’un monde à construire,
un univers à nous,
auquel nous pouvons nous accrocher,
tenir bon,
où rien nous rattrape.

Nous parlons de souvenirs de construction de cabane, nous parlons de l’envie de quitter le territoire pour d’autres possibilités outre-manche, de fantasmes d’un ailleurs meilleur. Nous parlons du travail, de nous, dans notre crédulité, dans nos aspirations, dans nos fictions que nous tentons de rendre possible. Nous donnons à voir et entendre des paroles politiques en gestation, pour rendre compte que sous le vernie rose des écrans télévisuels, sous la délirante hypnose du spectacle médiatique quotidien, « demain nous appartient ».

« Contre-fictionnons » les débilités qui nous gouvernent de leur implacable réalité. Désintoxiquons-nous. Ça urge.

L’ère est cendre. Le vent se lève.