Sommaire
MYTHE ET RÉALITÉ
- De la prison au contrôle social par Jacques LESAGE DE LA HAYE, Psychologue, chargé de cours à Paris VIII
- Démocratie carcérale : Point de repère Par Pierre TOURNIER, Ingénieur de
recherche au CNRS - Logique étrange Par Dominique LEMAIRE, Revue OTAGES
PRATIQUES PRISONNIÈRES
- Le parloir familial et conjugal par Jacques LESAGE DE LA HAYE,
Psychologue, chargé de cours à Paris VIII - Exploitation d’un canal de télévision interne à la prison de Fresnes par Raymond CURIE, Éducateur en Prévention spécialisée
- L’expérience de Turin par Raymond CURIE, Éducateur en Prévention spécialisée
EFFETS A DÉFAIRE
- Quels remèdes ? par Dominique LEMAIRE, Revue OTAGES
- Être détenu aujourd’hui par OUNA, Médecin, Arthérapeute en milieu carcéral
- La récidive et sa mesure par Pierre TOURNIER, Ingénieur de recherches au CNRS
- Interview de Mme JARNOT-SALEM, Juge des enfants au Tribunal de Nanterre (92), par Patrick FREHAUT, Educateur de l’Education surveillée
SORTIE DE SECOURS
- Vivre ou survivre , interview de Oudina WESTPAL, Assistante Sociale au Comité de probation de Paris, par Marceline BARAHONA, Assistant Social
- Le D 49.1: Mise sous écrou par Danièle PETIT, Assistante Sociale au Comité de probation de Poitiers
REVENDICATION
ECHO DES LUTTES
BIBLIOGRAPHIE
Édito
La gégène est passée de mode. Cette forme barbare de production électrique est laissée aux sociétés peu démocratiques, mal dégrossies. Une société développée devait se donner des moyens de torture raffinés.
Imaginons. Une nuit sans lune, un tunnel plongé dans le brouillard, oui rien de plus noir… La non-communication dans sa plus pure et implacable réalité où nuit et brouillard font se rejoindre les deux extrêmes de la logique d’une société de consommation libérale poussée à son paroxysme.
Cela peut être les caissons d’isolement sensoriel, le dernier luxe arrivé sur le marché après le walk man et les lunettes noires, comble du nihilisme où la liberté proclamée s’emprisonne elle-même.
De l’autre côté de l’ombre, cela peut être les Q.H.S. bien connus dans nos prisons, rebaptisés (Q.I., Quartiers d’Isolement) afin d’étouffer une publicité un peu gênante.
« Il faut sortir du tunnel ». Mr Arpaillange croyait que les phrases politiques devaient être appliquées à la lettre. Il a simplement dit que maintenir les Q.I., prison dans la prison, était un fâcheux dérapage puisque légalement il n’y a pas de différenciation dans le statut des détenus.
M. Rocard qui n’aime pas du tout l’isolement politique lui a rappelé les exigences de l’ouverture. Ainsi la non-communication peut elle être partagée jusqu’aux plus hautes structures de l’état. Fermez la parenthèse.
La première réaction saine face à l’obscurantisme est de se scandaliser face à l’énorme gâchis principalement humain mais aussi social et économique que représente la détention de dizaines de milliers de personnes ; auquel il faut ajouter le coût du traitement social à la sortie de prison afin de soigner sans jamais y arriver totalement les blessures causées par ladite détention.
Ce numéro spécial de PEPS réalisé en collaboration avec la
revue OTAGES ne manque pas de battre en brèche les idées reçues et les lieux communs.
Cependant, s’attaquer à la logique de l’enfermement, versant de l’ombre de la logique sécuritaire est un travail de longue haleine. Le cercle infernal est bien implanté dans les mentalités, les discours et les actes où prime la démagogie plutôt qu’une politique courageuse.
Tous les indicateurs sont aux rouges. Les prisons surchauffées s’enflamment régulièrement. Mais rien ne pourra évoluer tant que l’univers carcéral sera compris comme un purgatoire sans retour possible à la vie terrestre, « A world apart », un monde ségrégué sans emprise sur la réalité sociale et économique, sur la vie simplement. C’est le principe de l’enfermement : évacuer les problèmes en les bétonnant. On va construire de nouvelles prisons comme on creuse un dépôt de déchets nucléaires : quand ça ne se voit pas, ça n’existe pas.
Aussi ce numéro spécial est conçu comme une interpellation qui prend la forme d’un cri à travers le témoignage de détenus.
Isolement sensoriel, non-communication, humiliation, les qualificatifs de la non-existence du détenu sont aussi les formes d’une déshumanisation de la société « évoluée ». Les murs s’étendent bien au delà du périmètre de la prison.
Les différents aspects de l’isolement touche aussi le travail social. Briser ses murs et dresser des ponts entre le travailleur social et le social avec lequel il travaille, c’est aussi le but des revues PEPS et OTAGES, de ce numéro. Prendre la parole et la donner, trouver un langage, construire une pensée constituent les meilleurs moyens de n’être pas les simples exécutants d’une politique ou d’une directive, d’influencer les mesures préventives, curatives et répressives dont la prison représente l’échec flagrant.
Hugues BAZIN