Trajectoires politiques du XXIe siècle, Démocratie, Citoyenneté, Participation (Dunkerque-59)

A une époque où la politique n’a plus bonne presse, où la défiance a pris le pas sur la confiance et où le divorce entre la société et la classe politique est consommé, il est urgent de dégager des pistes de Capturerenouvellement des expériences démocratiques au sein de nos territoires.
Démocratie, citoyenneté, participation… ces termes ne sont plus que les étendards malheureux d’un monde en bout de course. Pour s’en convaincre : le nombre de personnes à déserter les bureaux de vote, à partager le sentiment de ne plus être écoutés et à estimer ne plus rien avoir à attendre de la politique.
Cependant, ce défaut de démocratie masque mal les alternatives, les mobilisations et les résistances citoyennes qui foisonnent un peu partout dans les territoires (zones à défendre, habitats coopératifs, comités des indignés, etc.). Ces quelques conférences seront l’occasion de dessiner ensemble les conditions et les contours d’une révolution à venir dont il faudra bien un jour se décider à prendre la mesure…

1.     De quoi la démocratie est-elle le nom ? (20 février 2016 – 14h 30)

Alors que certains ont tendance à se replier sur eux-mêmes, d’autres explorent les chemins d’une démocratie plus directe où le peuple (au sens fort du terme) serait au cœur de l’exercice du pouvoir. Eléments d’éclaircissements à l’occasion de cette première conférence.
Avec Ali KEBIR, philosophe, doctorant à l’université de Rennes 1, auteur de « Sortir de la démocratie » (l’Harmattan, 2015).

2.    Vous avez dit éducation populaire ? (19 mars 2016 – 14h 30)

Qu’on se le dise, la révolution démocratique ne tombera pas du ciel … Et sans doute est-il utile pour cela de renouer avec une éducation populaire digne de ce nom visant à la transformation sociale et à l’émancipation collective. Tour et détour de l’histoire de l’éducation populaire en France et ailleurs.
Avec Hugues BAZIN, chercheur indépendant en sciences sociales, coordinateur du Laboratoire d’Innovation Sociale par la Recherche-Action et Joackim REBECCA, sociologue et ancien membre de la SCOP d’Education populaire Le Pavé.

3.    Pourquoi faire participer les habitants ? (23 avril 2016 – 14h 30)

Les démarches de « mise en mouvement » des citoyens se sont hissées depuis quelques années au centre de toutes les actions publiques territoriales (débats publics, conseils citoyens, budgets participatifs). Aussi utiles qu’elles puissent apparaître, elles permettent aussi souvent de contourner la question du partage de pouvoir de délibération et de décision entre les décideurs et la société civile.
Avec Patrick NORYNBERG, cadre territorial, enseignant formateur et essayiste.et Guillaume FABUREL, géographe, professeur à l’Université Lumière Lyon II.

4.    Changer la ville pour changer la vie ? (21 mai 2016 – 14h 30)

Dix ans après les émeutes urbaines, la banlieue reste un sujet à risque pour les politiques. Les fractures raciales, sociales et territoriales ne cessent de se creuser sans que les rénovations urbaines successives ne parviennent à les résorber. La forme de la ville change, certes, mais la pauvreté des populations demeure tout comme le sentiment d’abandon et de stigmatisation dont elles font l’objet.
Avec Hacène BELMESSOUS, chercheur indépendant et essayiste, auteur de plusieurs ouvrages sur les questions urbaines dont récemment « Le Grand Paris du séparatisme social » (Post Editions, 2015).

5.    Trajectoires révolutionnaires (18 juin 2016 – 14h 30)

Squatteurs, zadistes, grévistes, hackeurs… expérimentent aujourd’hui à la marge des institutions de nouvelles constructions sociales plus humaines, solidaires et collectives. Comment interpréter le foisonnement de ces révolutions sinon comme le signe d’imaginaires politiques nouveaux en ces temps de crises où nous en aurions grandement besoin. Rencontre avec celles et ceux qui ont fait de l’engagement politique un principe de vie.
Avec le Collectif Mauvaise Troupe, auteurs de « Constellations : trajectoires révolutionnaires du jeune XXIe siècle » (L’Eclat, 2014).

Organisation

Learning center de la Halle aux sucres est un équipement de la Communauté Urbaine de Dunkerque et qui s’inscrit dans le réseau régional des Learning Centers du Nord-Pas de Calais. Il est le point central du projet de création d’un pôle de ressources et d’expertises entièrement dédié à l’écologie des villes et des territoires urbanisés. Organisé autour d’espaces de muséographie, d’un centre de ressources et d’une programmation scientifique et culturelle,

Coordination scientifique
Richard Pereira de Moura
03.28.29.40.97
richard.pereira@cud.fr

Lieu

Halle aux sucreshallesauxsucres
9003, Route du quai Freycinet 3
59140 Dunkerque
Entrée et activités gratuites (dans la limite des places disponibles)
Renseignements au 03.28.64.60.49
http://halleauxsucres.fr/

Compte-rendu de l’atelier public « Écologie urbaine, économie informelle et espaces publics »

Cette rencontre « Écologie urbaine, économie informelle et espaces publics » s’est déroulée le 16 octobre 2015 à la Maison des Acteurs du Paris Durable (Paris 4e), animé par le laboratoire d’innovation sociale par la recherche-action avec des biffins. Elle a été introduite par la projection du film « Raconte-moi ta rue marchande »

Le principe d’un atelier de recherche-action est de proposer à chacun d’amener ses matériaux d’expérience et de réflexion, de les mettre en échangers, en discussion en commençant par les biffins eux-mêmes qui sont les mieux placés pour produire une connaissance à partir de leur vécu.

Notre invitation a réuni des personnes très différentes plus ou moins directement concernées par les problématiques soulevées par l’économie informelle et l’espace public, le rôle des minorités et leurs formes d’organisation. L’histoire de la lutte des biffins en région parisienne remonte à plus d’une dizaine d’années. L’histoire de la récupération-vente remonte elle-même au fond de l’humanité puisque cette dimension de l’économie informelle a toujours existé dans nos sociétés. Elle représente aujourd’hui dans certains pays 60 à 80 % de l’économie. Les pays riches redécouvrent cette dimension à l’occasion de la crise des années 2000 et l’installation de la précarité pose cette question dans l’espace public à travers la présence de marchés biffins.

Participants

Chantal biffine depuis 25 ans vendeuse à la sauvette

Martine, biffine depuis l’âge de 17 ans : « cela fait une quarantaine d’années. J’arpente Paris de jour comme de nuit, de poubelle en poubelle et je vends à la sauvette ou parfois dans des lieux autorisés et je fais des bijoux avec les matériaux que je récupère ».

Pascal, économiste, investit le collectif rues marchandes pour y développer des expérimentations et participer un groupe de recherche

Jean Claude, animateur d’une cigale qui est un club d’investisseurs dans le cadre de l’économie sociale et solidaire et s’intéresse comment cette économie informelle de la récupération vente peut entrer dans le secteur marchand traditionnel en restant dans une dimension solidaire : « j’habite dans le 12e il y a des projets d’aménagement de places publiques gagnées sur l’espace pris par les voitures. Pourquoi pas créer des activités nouvelles au regard de l’espace disponible ? »

Mélanie qui a terminé une thèse d’anthropologie sur les biffins en Île-de-France. « Je m’attache particulièrement aux modes de résistance des personnes, les stratégies qu’elles mettent en place pour faire face au quotidien ».

Claire, artiste plasticienne et scénographe, animent « Wos agence des hypothèses » qui a réalisé le film documentaire de cette soirée et aussi développé des projets d’étals mobiles à Dakar avec les marchands ambulants,

Malika , anthropologue, a participé à une consultation de citoyens autour des biffins initiés par la Ville de Paris et qui a formulé des propositions : « on demandait qu’il y ait des espaces organisés pour la biffe. Les préconisations allaient donc vers une reconnaissance de la biffe et d’un aménagement dans l’espace, reconnaître les porte-parole des différentes communautés de biffins.

Evelyne chercheur en sociologie des sciences, a travaillé sur les tiers lieux et s’intéresse tout particulièrement à tout ce qui touche aux nouvelles pratiques collaboratives. « Je connais la réalité des biffins surtout avant tout en tant que cliente des brocantes. Les tiers lieux se placent entre la sphère publique la sphère professionnelle »

Zoé, architecte « je m’intéresse aux différentes pratiques dans l’espace public

Hugues,chercheur en sciences sociales au LISRA, cofondateur de « rues marchandes »

Damien, éducateur, ENS anthropologue je m’intéresse au bricolage du quotidien, aux savoirs ordinaires que produisent les gens pour vivre.

Autre participante qui s’intéresse beaucoup au tri anti gaspillage dans une société de surconsommation, des activités comme les répair’café. Je m’intéresse aux ressourceries.

Autre participant « je ne suis pas dans un parti, dans une organisation ici je suis venu grâce à lien avec le support Internet est à la fois on fabrique quelque chose , on construit en faisant.

(NB: D’autres participants se sont présentés, mais, l’enregistrement n’est pas audible, la mauvaise qualité acoustique de la salle n’a pas permis de retranscrire l’intégralité des échanges)

Débat

« Un des enjeux de cette rencontre est de créer un nouvel imaginaire autour de la récupération-vente renvoyée aux déchets, aux rebuts, aux salissures. Les autorités s’appuient sur ces représentations pour justifier une chosification des biffins. À partir du moment où les personnes sont considérées comme des choses, il est plus facile de les exclure de l’espace public, car ils perdent leurs conditions de citoyens ou sont considérés comme des sous-citoyens. Le principe de ce collectif Rues Marchandes est de favoriser une intelligence collective par le croisement de personnes d’horizons différents, mais qui pense que la créativité ou l’innovation sociale peut apporter des réponses à des conditions précaires. Ce basculement nous disant que les marchés biffins ne sont pas le problème, mais la solution, amène à nous interroger sur le rapport à la ville, à l’économie, sur les circuits courts, sur l’habitat, etc. L’imaginaire instituant n’est pas une rêverie, il peut correspondre à l’élaboration de nouveaux dispositifs, mais il y a un blocage au niveau politique et institutionnel dès qu’il s’agit d’ouvrir des espaces marchands dans l’espace public. Il n’y a que trois marchés temporaires qui sont autorisés ou tolérés en région parisienne, leur poursuite reste précaire (porte Montmartre dans le 18e, Croix de Chavaux à Montreuil, Porte de Vanves, dans le 14e).

« On est dans la rue depuis le début des années 2000. Au début on était une cinquantaine, moi j’ai commencé à Montreuil, on n’était pas beaucoup à biffer. À l’époque personne ne parle de biffins on ne s’occupait pas de nous. On se cachait, on avait honte de fouiller dans les poubelles et de les revendre. Puis le phénomène s’est élargi. On a été de mairie en mairie, de réunion en réunion. Jusqu’à maintenant peu de choses ont été faites pour les biffins, le problème demeure. Le Carré des biffins à la porte Montmartre gérée par Aurore n’est pas suffisant et ne répondait pas aux besoins. Il n’y a que 100 places, mais que faire des « sans places » ? J’ai vécu un moment dans la rue et il faut toujours se justifier de tout. Mon espoir est que la biffe soit mieux reconnue avec plus de marchés, qui ne soient plus réprimés par la police et que l’on ne confisque plus leurs biens. Tout cela coûte à la collectivité alors que nous sommes utiles en récupérant dans les poubelles. Moi je récupère plein de belles choses, j’en fais des créations que je revends. Oui il y a effectivement de l’or dans nos poubelles. Au niveau politique il faudrait que les biffins s’investissent plus pour que la cause des biffins soit reconnue déjà par les biffins. Cela commence par organiser des lieux où les biffins peuvent se retrouver en sécurité et impliquer les politiques, les convaincre sur ce qui peut être fait. Il y a trois marcher sur Paris et ce n’est pas suffisant. C’est difficile de créer un mouvement fédérateur, beaucoup de biffins ont baissé les bras. Chacun continu dans son coin à la sauvette. On a toujours des solutions nous biffins, ils ont beau enlever nos sacs et nos caddies, prendre nos objets, de toute façon on repasse dans les poubelles et on recommence. C’est le cycle, on nous chasse, on sera toujours là quoi qu’ils pensent, on fouille les poubelles, on trouve les objets, on les ramène on les vend, même s’ils viennent nous chasser, ce n’est pas grave, on recommence parce que c’est une question de survie. Rien ne peut nous empêcher de faire les marchés biffins, on sera toujours là. Mais c’est difficile de fédérer les biffins, il faut arriver à le sensibiliser à la question des rues marchandes.

« Le mot biffins avant de revenir dans l’espace public en était sorti, on parlait alors de vendeurs à la sauvette. L’appropriation du mot « Biffin » a été une manière de dire qu’on participe à l’histoire, qu’on est acteur historique. Il y a déjà eu une mouvance associative et des comités de soutien où il y a un discours alternatif qui a été en partie repris par les autorités municipales pour ce qui concerne le Carré des biffins la Porte Montmartre.

« Le paradoxe, c’est que nous sommes en pleine discussion sur l’écologique, les biffins ont été précurseurs. Comment arriver à amener les institutions, les élus sur le terrain. L’enjeu est donc de dire si cette économie informelle est une véritable économie au même titre que les brocanteurs mêmes s’ils n’ont pas de statut. Il s’agit donc de faire basculer dans le champ de la réflexion de l’action cette dimension d’écodéveloppement sinon les mobilisations comme celles qui ont existé dans les années 2000 risquent de rester vaines.

« On cherche à stériliser les pratiques non instituées qui sont déjà en elle-même des réponses. On n’entre pas dans la biffe par hasard, il y a des parcours de carrière de biffins, ce sont des ressources qui sont mobilisées. Alors, comment faire comprendre aux pouvoirs publics d’avoir un autre regard sur des processus qu’ils ne contrôlent pas.

« Nous, on a commencé la lutte, il n’y avait pas le Carré des biffins, ce n’était pas notre problème. On voulait un marché autogéré. Mais tout de suite c’est devenu un marché encadré avec une convention politique et sociale. Alors qu’on n’avait pas besoin pour la majorité d’entre nous d’insertion sociale.

« Est-ce que cela ne passe pas par la reconnaissance d’une liberté individuelle. On peut faire le parallèle avec la manière dont la RATP gère les espaces marchands dans le métro parisien.

« Il est nécessaire d’avoir un permis spécial, de payer une redevance, il y a une sélection avec des obligations.

« La recherche-action doit aider à ce qu’il y ait un minimum d’organisation. Cela passe par une charte.

« Les biffins ont besoin d’indépendance, de liberté et de l’autre côté les pouvoirs politiques ont besoin d’une structure, d’un cadre. Les uns ont besoin de mettre dans des cases et les autres n’ont pas envie d’entrer dans des cases.

« On peut imaginer comme pour la brocante des placiers. Avec un brassard pour être reconnu. Avoir l’installation de conteneurs pour mettre les déchets, s’organiser pour que la place reste propre. On avait déjà pensé à tout ça au début pour qu’il y ait vraiment une valorisation de la vie des biffins.

« Il s’agit de faire comprendre aux politiques faces à la rationalité technicienne que peut s’opposer une autre rationalité qu’on pourrait appeler situationnel, qui part de l’expérience collective en situation. Le technicien réfléchit par segmentation sous forme de catégories, de commissions techniques, car il pense que c’est plus efficient alors que les biffins ne rentrent pas dans cette culture technique. Et c’est pareil d’ailleurs pour toutes les formes de gouvernance, comment faire venir le politique sur cette autre rationalité ?

« On a des stratégies en tant que biffin, on joue sur l’apparence d’une brocante, on met des banderoles sur une place comme pour les vide-greniers comme ça les gens pensent qu’il y a un cadre formel comme pour une vraie brocante.

« Ce sont des stratégies de détournement, de retournement, on pourrait imaginer des formes d’intervention de ce type dans l’espace public qui reprendrait ce principe pour mettre les décideurs devant leurs responsabilités.

« Le vide-greniers sauvage, c’est comme des « flashs mobilité », mais est-ce que ça peut berner longtemps les commerçants, ce sont les premières protester, c’est avec toute la population qu’il faut travailler par rapport à l’image qu’ont les biffins. Les biffins ne sont pas connus et reconnus il faudrait un festival pour qu’ils entrent un peu en visibilité, invitant les formes économiques alternatives, valoriser la dimension créative pour que les biffins aient des interlocuteurs.

« Il n’y a pas la visibilité quand il n’y a pas la grille pour voir. Les biffins ne sont pas repérés parce qu’on ne les voit pas en tant que récupérateurs vendeurs, mais en tant que pauvres occupant la rue. À travers la place marchande c’est donc tout le circuit de l’écosystème qu’il s’agit de faire reconnaître et dont font partie les acheteurs.

« La différence entre le vide-grenier et les biffins, tout cela semble se ressembler ?

« Avant, il n’avait pas de différences, il y a cependant une différence entre brocante et vide-greniers, maintenant le vide-greniers ressemble à des brocantes avec de belles tables de présentation si bien que les biffins se font remarquer dès qu’ils veulent s’installer. On n’arrive pas à négocier des places sur les vide-greniers.

« Il y aussi un lien avec la nature des objets, le brocanteur cherche plutôt des antiquités, ils sont déclarés, ils payent une place, ils ont des dépôts de marchandise. Les emplacements des brocantes professionnelles en province coûtent très cher, ces 300 € la place.

« Les brocanteurs sont là à la première heure pour récupérer des objets sur les marchés biffins.

« L’espace public est un espace du commun qu’il faut négocier, la question se pose alors qui a le pouvoir et la légitimité pour négocier. Pourquoi par exemple exiger une appartenance territoriale rapport à l’emplacement des marchés alors que la biffe s’inscrit dans une mobilité. Les réponses en termes de circuits de récupération sont toujours parcellaires en ce qui concerne les biffins, même si de temps en temps on peut négocier une place dans un vide-greniers, temps en temps c’est le cas d’une ressourcerie, de même Emmaüs qui a des entreprises d’insertion sociale avec des lieux de dépôt-vente.

« Les œuvres caritatives développent leur propre économie dans la transformation des objets.

« On a trop tendance à confondre certaines formes de mobilité, de parcours chaotique ou qui se renouvelle comme un signe de précarité. On peut ne pas avoir nécessairement un statut tout en revendiquant une protection.

« Nous sommes bien entre « précarité l’innovation et l’innovation de la précarité ». Ceux qui sont amenés à répondre à leurs besoins par l’innovation, ce sont les précaires qui innovent, mais ce n’est pas parce qu’on innove qu’on doit être maintenu dans la précarité. On peut donc imaginer des « tiers lieux » mobiles qui jouent le rôle d’interface entre des processus instituant et institué. On peut créer des espaces de croisement même dans les lieux institués ou dans les espaces réglementés. Le propre de ce tiers espace, c’est que les gens peuvent redéfinir leur position et ainsi mettre leur imagination au service d’une créativité. Les pauvres ne sont pas uniquement considérés comme des pauvres et les institutionnels pas uniquement comme des institutionnels. Le principe de Rues Marchandes est de pouvoir créer ce type d’interface.

« Il faut trouver des formes d’autogestion vivante tout en respectant le mode de vie de populations qui ont choisi un certain degré de liberté.

« Une stratégie serait de faire reconnaître des compétences collectives qui ne se confondent pas avec un statut rigide. On retrouve ces compétences dans la capacité à organiser un marché, à développer des réseaux, à négocier des places. Les porteurs de ces compétences deviennent naturellement des leaders de communautés et on peut imaginer une reconnaissance d’animateur de communautés qui permettraient également de résoudre les difficultés qu’ont les interlocuteurs, les institutions, des collectivités territoriales à traiter avec des collectifs. La plupart du temps on ne sait pas travailler avec des communautés constituées, cela fait peur. Alors, les réponses ne sont pas rationnelles. Si on réfléchit un instant en termes déjà économiques, ça revient beaucoup plus cher d’envoyer des forces de répression que s’appuyer sur les forces écosystémiques propres au marché et de favoriser une économie informelle des espaces marchands. Mais on donne toujours le pouvoir toujours aux corps intermédiaires parce qu’ils sont reconnus à travers des corps de métiers, qui sont une autre manière de valider des compétences. La biffe n’est pas en tant que tel un corps de métier, c’est une culture du geste, de l’incertitude, de la résistance. On peut réfléchir à des formes de validation à travers productions concrètes comme l’édition d’un guide des droits et de la culture biffine, des supports qui permettraient à la fois de se défendre et négocier dans des espaces publics.

 

J’ai gravi mille fois le Pré du Mollard

Guy Loyrion dort, randonne à pied et à ski, cuisine, lit, écrit et vole en parapente dans guy_loyrionBelledonne, tentant de partager tout cela avec quelques amis. En gros : il y vit ; du moins en partie. Dans le temps qui reste, il s’occupe de l’organisme de formation dont il est responsable à Grenoble. Et s’il reste encore quelques semaines, il découvre d’autres montagnes plus lointaines avant de revenir… dans Belledonne.

 

Mon vallon est le deuxième en partant celui des Adrets, c’est le plus beau. Les Adrets c’est un balcon sur le Grésivaudan, alors qu’ici on se sent immergé en plein Belledonne, dans la rugosité. On est vraiment dans l’enfilade de cette vallée, le versant de Saint Agnès, plein sud, délimité par le torrent du Vorz, et en face le versant boisé et plein nord, côté de Saint Mury. Fin décembre le soleil ne passe pas au-dessus des crêtes avant 11 heures et se couche à 14 heures. Après mi-janvier la trajectoire change et les montagnes ne nous gênent plus autant. Tout au fond du vallon, il y a plusieurs chemins avec des cascades, alimentées par le lac Blanc, et le petit glacier qui le domine. C’est l’un des glaciers le plus à l’ouest des Alpes. On est à 800 m environ pour le village et les sommets sont entre 2500 et 2800. Il y a un chemin de randonnée qui traverse la vallée, là-haut, aux alentours de 1800-2000.

IMMERGÉ AU CŒUR DES MONTAGNES

Mes décollages en parapente se font juste au-dessus du village : tu longes la crête et là où il y a un petit replat, sans arbre. Je ne compte plus, mais pendant longtemps j’ai compté : je pense que je suis monté pas loin de mille fois au Pré du Mollard. Mon truc c’est de marcher avant de décoller, que j’aille dans un endroit que je connais et que j’aime bien ou que je change. Je ne fais plus de ski parce que ça m’ennuie d’être en montagne avec l’impression de prendre le métro, le télécabine comme un transport en commun, sauf qu’il n’y a pas le même cadre. En parapente c’est pareil : voler au milieu de la foule ne m’intéresse pas. Pour moi c’est une une activité de montagne où je suis immergé dans un lieu qui me plaît, que j’ai rejoins à pied. En l’air on peut commencer une autre balade, aller jusqu’à Chamrousse et revenir. Ce n’est pas tellement la durée c’est plutôt le bonheur de se balader, ça m’est arrivé à monter à presque 3000 m. C’est un grand plaisir : comprendre la montagne, les vallées, les versants d’en haut. Plus à l’est, il y a les Sept Laux, les sommets encore beaucoup plus alpins, les aiguilles de l’Argentière, c’est un petit îlot de granite, cela ressemble à la haute montagne comme s’il y avait 1000 m de dénivelé en plus.

L’ALBATROS

J’appris à voler en Haute-Savoie avec la première école de parapente. C’était la première année où il faisait des stages il y a 30 ans. C’était des parachutes de saut, j’ai progressé en même temps qu’a évolué le matériel et les formes de pratiques. Aujourd’hui je suis un peu en dehors des courants à la mode. Ma pratique s’est affinée, mais je suis loin des pratiques « fun » : je marche et je vole. Le matériel est plus léger, ce qui permet de plus facilement le porter plusieurs heures sur le dos. On choisit le parapente en fonction de sa surface et de son poids. Dans les écoles sont des parapentes faciles à conduire, des 2 CV qui ne changent pas de cap quand ils ferment et se rouvrent tout seuls. À l’opposé il y a les formules 1, moi je suis au milieu. À la bonne saison je vole une à deux fois par semaine avec parfois des vols de distance.

SANS BALISAGE

Je fais de l’escalade, de la rando à ski, du trekking, un peu d’alpinisme. On a besoin de changer de terrain pour éviter la monotonie. C’est différent avec le parapente : on ne fait jamais le même vol, même en décollant toujours du même lieu. Cela dépend des conditions, parfois c’est seulement un vol balistique : on va directement sur le terrain de l’atterrissage. Mais dès que je peux, je vais ailleurs. Le plaisir c’est le temps de vol lui-même, là où tu vas, les difficultés techniques, les conditions que tu rencontres à se maintenir en l’air ou à monter, le fait d’oser traverser une vallée sans savoir si on peut revenir à son point de départ avec le risque de se poser loin et de revenir en stop ou de se retrouver dans une zone où l’atterrissage n’est pas possible. Il y a toujours des choix à faire. Tous les paramètres changent, il n’y a pas de balisage. C’est une manière de connaître intimement un lieu, dans une autre dimension. On arrive avoir une connaissance intime d’un massif, dans la manière dont les vallées sont agencées, dans l’organisation des sommets. Aujourd’hui je ne prends plus de cartes dans Belledonne, je sais où je suis.

LE MOUVEMENT PENDULAIRE

Il y a eu une époque dans les villages du balcon où il y avait beaucoup de personnes qui avaient deux activités, qui élevaient des bêtes, ils avaient un peu d’élevage, et d’un autre côté travaillaient dans la vallée, à la papeterie ou aux aciéries, ou ici, à la mine de charbon. C’était des ouvriers paysans parce que les parents avaient une ferme, il n’y a pas beaucoup de terres agricoles pour le pâturage, il n’y a pas beaucoup la possibilité de faire du foin. Il y a la forêt, mais le coût du bois ne couvre pas l’exploitation. Moi je suis un habitant « pendulaire ». Je fais mes allers-retours quotidiens : Belledonne Grenoble et retour. C’est une part de l’identité de Belledonne, du rapport des villages du balcon à la vallée, ici comme dans toutes les vallées perpendiculaires au Grésivaudan.

CHANGER D’HERBAGES RÉJOUIT LE VEAU.

En France la montagne n’est pas souvent une pratique familiale, à la différence des vallées alpines de l’Autriche et de l’Italie, où il peut avoir trois générations qui fréquentent ensemble le même refuge, la même course en montagne. Ici ce n’est pas tellement les natifs de Belledonne qui pratiquent la montagne. Il y a des cercles relationnels, des groupes d’affinité, qui font que les pratiquants se retrouvent pour partager leur passion. Pour le ski et le parapente, je me rends compte que je pratique principalement dans Belledonne. Et ce n’est pas qu’une question de proximité, car même quand j’ai envie de changer d’horizon (comme disait ma grand-mère, « changer d’herbages réjouit le veau »), je vais souvent sur l’autre versant (Belledonne côté Savoie), 1h30 de voiture, alors qu’il serait facile d’aller dans le Vercors, la Chartreuse ou les Bauges.

LA VALLÉE D’À CÔTÉ

L’identité de Belledonne c’est avant tout le massif. Avec les trois stations, Chamrousse, le Collet d’Allevard, les 7 Laux. Aux 7 laux, il n’y a pas vraiment de vie en dehors du tourisme et du ski en particulier, c’est plutôt les Grenoblois qui viennent skier la journée. C’est une différence avec le Collet d’Allevard et Chamrousse où l’activité se combine avec la vieille activité touristique thermale qui fait le pont.
Mais en dehors des activités qui font venir les gens de l’extérieur, j’ai le sentiment que les habitants de Belledonne voyagent peu dans le massif. Les chasseurs ont une connaissance intrinsèque du milieu, mais eux aussi ont des pratiques de proximité. C’est lié à l’ancienneté des racines de chacun. Les habitants du village sont moins curieux de la vallée d’à côté, ont plus de liens et fréquentent plus le « bas » que la petite vallée voisine. Parfois les nouvelles pratiques peuvent amener les habitants historiques à avoir un autre rapport au territoire : comme ce vieux paysan qui a voulu me voir atterrir. Il s’est rendu sur le pré, distant de chez lui d’à peine un kilomètre. Son commentaire : « il y a au moins 20 ans que je ne suis pas venu ici ! »

CEUX QUI BOIVENT LE CHAMPAGNE ET CEUX QUI BOIVENT LE PASTIS

Cela fait 30 ans que j’habite là, les relations ont beaucoup bougé au sein du village ou entre les deux villages. C’était des relations assez conflictuelles avec des histoires entre les familles. Il y a de plus en plus d’habitants venus d’ailleurs, ce qui change la constitution des conseils municipaux. Il y a aussi des rencontres entre les parents à travers les enfants et les écoles, des croisements culturels avec les bibliothèques. C’est le partage des pratiques qui fait que les choses se tissent autrement. Il existe toujours les barrières sociales entre « ceux qui boivent le champagne et ceux qui boivent le pastis ». Mais c’est beaucoup moins cloisonné qu’il y a 25 ans.

COMMUNAUTÉ VIRTUELLE ET RÉSEAU RÉEL

Je suis en lien avec Benoit qui a mis en place une communauté virtuelle autour des pratiques de montagne, du parapente de la randonnée, du VTT. J’ai connu Sophie de l’espace Belledonne il y a 20 ans on a fait des formations d’animateurs de colos ensemble. Je suis le parrain du fils de Jean-Marc. Je participe à une association culturelle. Je suis inclus dans un réseau de liens avec une multiplicité d’appartenances, ponctuelles, restreintes chacune à un domaine mais dont l’ensemble contribue à définir ce qui fait mon identité d’habitant de Belledonne.

ÉCONOMIE PRODUCTIVISTE ET ÉCONOMIE PARTAGÉE

À Chamrousse, ceux qui pratiquent le ski de rando risquent de se voir amputés d’une partie de leur terrain de jeu pour des raisons économiques difficiles à justifier en termes de rentabilité (extension de la station de ski). C’est quelque chose qui peut faire du lien, mais aussi révéler des intérêts divergents : les conflits font partie du territoire, les oppositions. Comment au nom d’une forme d’activité je m’empare du territoire, j’impose un rapport différent sans avoir le sentiment de marcher sur les terres des autres ?
D’un autre côté, s’est constitué dans mon village et avec le village voisin une AMAP qui a été initiée par l’équipe municipale, dont les gens du cru. C’est un lieu de brassage social : cela rassemble des gens de toutes origines, certains que je connaissais depuis longtemps, d’autres que je ne connaissais pas. Est-ce qu’on peut favoriser une économie locale qui favorise l’activité sur le territoire ? Cela brasse une cinquantaine de familles sur le village. Il y a des producteurs du coin, du maraîchage du Grésivaudan, des gens des vallées proches : les produits laitiers, la viande, qui viennent du balcon de Belledonne.

 

Guy Loyrion, entretien avec Hugues Bazin, Belledonne, novembre 2015jeanmarc_carte

Les Chronique Obliques sont basées sur des rencontres déambulatoires avec des acteurs/habitants du territoire. Chaque visite s’ouvre sur un paysage intérieur et extérieur. Chaque déambulation donne lieu à un article publié sur le blog. Cette chronique constitue la trame d’un récit collectif qui enrichit une cartographie et un outillage conceptuel et méthodologique entre forme écrite et physique, matérielle et immatérielle pour les Rencontres Obliques de Belledonne.

Chaîne d’habitants

Agnès Daburon intervient à titre professionnel sur de multiples territoires. D’étudiante Agnes_GdPicBelledonneamoureuse de paysages grandioses, je suis devenue accompagnatrice de projets de développement et de valorisation des patrimoines. Je ne vis pas dans Belledonne, mais j’y travaille parfois… et je vois la chaîne de chez moi…

Belledonne, c’est la première image que j’aie eue en arrivant à Grenoble : par une fenêtre de l’Institut de Géographie Alpine (situé alors sur les pentes de la Bastille), un bel après-midi de septembre… J’ai savouré mon bonheur d’être là, d’avoir toute cette montagne à découvrir à portée de main !

On a une vision très faussée de ce qu’étaient les circulations inter alpines il y a un siècle. De fait, maintenant, il n’y a plus que le goudron qui compte. Alors que les gens marchaient beaucoup et bougeaient beaucoup, avec une autre échelle du temps qui était le temps à pied, le rapport aux distances était différent.

J’aime beaucoup le terme de « chaîne ». Il reflète totalement l’idée de ce qui fait l’identité, c’est cette chaîne d’habitants et ce sont eux qui vont faire la cohérence du projet. C’est par eux que le Parc naturel régional se fera ou ne se fera pas.

CHARTE COMMUNE

Ce territoire est remarquable par la façon qu’ont ses acteurs de travailler ensemble. Ce qui fait la singularité de ce projet de Parc, de sa force, c’est les gens qui le composent. Ce travail transversal existe. La notion de massif se construit avec un projet de territoire. Ce qui est important, c’est que les gens aient le sentiment d’appartenir à ce projet.
Le Parc régional est un label. La charte indique un engagement qualitatif sur 10 ou 15 ans, selon des règles de jeu communes. Selon les parcs, les formes de gouvernance peuvent changer, les priorités ne sont pas les mêmes. À la différence des parcs nationaux qui sont une émanation de l’État sur des zones très peu d’habitées, il n’y a pas de Parc régional sans volonté locale.
On peut appartenir à un territoire de projet sans obligatoirement se définir par une identité. Derrière la question de l’identité il y a l’affirmation souvent d’un sentiment d’être incompris, pas entendu. Chacun a tendance à défendre son petit coin de paradis. Comment peut-on encourager les habitants d’un territoire à s’approprier un projet ?

ATELIERS D’ACTEURS

J’anime régulièrement des ateliers d’acteurs pour la construction de leur projet de territoire. Il est important que les gens puissent construire eux-mêmes leur analyse. Il s’agit de mettre les personnes en position d’être acteur de leur territoire, à travers des jeux de rôle et d’autres outils d’animations. Réaliser par eux même l’analyse de leur territoire, comme une sorte de « cueillette », est une étape importante pour construire ensuite un plan d’actions. Quand je prépare un atelier d’acteurs, je prends un temps fou pour trouver le bon mot, le bon outil, qui va permettre « d’accrocher » les personnes : par ex. une séquence de film, un petit jeu, des photos anciennes, une promenade sur le terrain, etc… pour que la trentaine de participants décrochent de leur monde, changent leur regard sur des paysages qu’ils côtoient en permanence, et se mettent dans une dynamique constructive. J’accorde une grande importance à ce que ces ateliers participatifs ne soient pas uniquement une balade sur un site et qu’après chacun rentre chez soi. Il s’agit de susciter une prise de conscience, de déclencher des idées et donner envie aux acteurs d’être porteurs de projets.

 

Agnès Daburon, entretien avec Hugues Bazin, Belledonne, novembre 2015agnès-carte

Les Chronique Obliques sont basées sur des rencontres déambulatoires avec des acteurs/habitants du territoire. Chaque visite s’ouvre sur un paysage intérieur et extérieur. Chaque déambulation donne lieu à un article publié sur le blog. Cette chronique constitue la trame d’un récit collectif qui enrichit une cartographie et un outillage conceptuel et méthodologique entre forme écrite et physique, matérielle et immatérielle pour les Rencontres Obliques de Belledonne.

Les chiffonniers du Caire

Au Caire, les chiffonniers habitent des « espaces‑poubelles » qui se situent à la marge de la marge d’autant plus qu’ils élèvent des porcs en terre musulmane. Les chiffonniers du Caire, appelés aussi « zabbaline », sont en majorité des coptes originaires de Haute-Egypte. Ils sont installés dans la capitale egyptienne depuis les années 1940. Issus de mileux défavorisés, les Coptes ont su trouver, dans la collecte et le recyclage de déchets, un moyen de subsistance. Pourtant, leur contribution à la propeté de la ville, n’est pas reconnu par l’Etat.

Les effets de deux réformes de gestion des déchets, celle de 2002 attribue leur collecte à des multinationales européennes, en excluant les chiffonniers, puis celle de 2010 qui valide leur activité de collecte, par la sous‑traitance au profit d’entreprises privées. Les chiffonniers sont entrés en lutte contre le transfert de modèles de gestion du nord au sud et leurs efforts pour être reconnus avant tout non comme les « éboueurs » de la ville, mais comme des recycleurs et des commerçants.

Entretien avec Bénédicte Florin :

 

C’est un jardin secret que tu fais partager

Jean-Marc Vengeon est guide de haute montagne, voyageur impénitent et docteur-Jean-Marc-Vengeoningénieur en mécanique des roches (éboulements, mouvements de versants comme à Séchilienne…), la montagne est le fil conducteur de tous ses choix de vie.

 

À la naissance de notre premier fils Antoine en 1998, ma femme Véronique et moi avons jeté l’ancre à Saint Mury Monteymond, un village des balcons de Belledonne. Nos trois fils ont fréquenté avec bonheur l’école communale, et nous ont aidés à commencer à nous intégrer dans une vie locale dynamique (association de parents d’élèves, MJC St Mury – Ste Agnès, conseil municipal, Au Fil de Belledonne et Espace Belledonne…).

Enfant, je passais mes vacances en Chartreuse, avec beaucoup de randonnées en famille et Belledonne pour nous c’était la haute montagne. C’est raide, c’est un peu austère. La montagne est plus sombre ici à cause de la roche. Il reste des névés l’été… Effectivement, Belledonne c’est la « petite haute montagne » sans les gros glaciers, mais à portée de la ville, c’est un échantillon en modèle réduit des Alpes.

LE LOINTAIN PROCHE

C’est moi qui incite les clients à venir faire des courses d’alpinisme sur Belledonne. En insistant sur sa proximité, qu’il y a peu de monde, que c’est une bonne préparation, etc. C’est un jardin secret que tu fais partager même s’il est à une demi-heure de Grenoble et du TGV. En tant que guide ma pratique n’a pour l’instant pas du tout été axée sur Belledonne, plutôt sur les voyages et les incontournables massifs alpins majeurs. Je commence maintenant à développer cet ancrage local. Les gens viennent avant tout pour des pratiques de ski ou autour des stations, des équipements. Il s’agit de leur faire découvrir autre chose. Il y a déjà quelques sites d’escalade en Belledonne, mais je projette de développer maintenant une offre de sites écoles et d’itinéraires à partir du refuge Jean Collet pour que les gens se fixent un peu. On peut jouer la carte du lointain proche, aménager une sorte de sas, monter en refuge et faire une course.

LA MONTAGNE AU BALCON

Le balcon de Saint-Hilaire n’est pas vraiment plus bourgeois qu’ici, mais ce sont deux ambiances différentes il est beaucoup plus ensoleillé. Il y avait plus d’emplois à l’époque des sanatoriums. Sur Belledonne à partir du XXe siècle les gens sont pluri actif avec une économie paysanne combinée avec des emplois en en vallée dans le commerce et l’industrie (quincaillerie et papeterie). C’est une activité pendulaire en complément de la ferme. Nous ne sommes pas dans des endroits où il y a des immenses alpages débonnaires, on est très vite confronté la montagne.

UNE IDENTITÉ À TROUVER, LA PASSION EN HÉRITAGE

Sans grande identité publique, Belledonne est obligé d’inventer autre chose. Ça peut être considéré comme une contrainte, mais ça peut être une opportunité aussi, on n’est pas attaché à un héritage. Il y a des gens qui sont nostalgiques de Belledonne sauvage sans trop d’équipements. Il y a une nouvelle génération d’alpinistes, grimpeurs et randonneurs qui veulent partager leurs pratiques, qui font des topos qui partagent sur Internet. Petit à petit c’est en train de devenir un massif de pratiques normales, mais pas à travers les institutions, à travers les pratiquants.

LIBRE OU AMÉNAGÉ, NATUREL OU ARTIFICIEL, SAUVAGE OU DOMESTIQUE, ROOTS OU MAINSTREAM

Il y a un débat sur jusqu’où il faut équiper les voies d’ascension. Soit ce sont les grandes voies soutenues assez difficiles et donc équipées ou alors tu fais un itinéraire et tu équipes là où ce n’est pas possible de se protéger facilement. On est donc dans un entre-deux. Si tu fais une ascension et que tu ne l’équipes pas, tu dis simplement ce que tu as utilisé et les gens font leurs choix. Si tu commences à laisser du matériel en place, tu veux faciliter le parcours de ta voie. C’est à la fois garder un plaisir pour soi et rendre accessibles une pratique. On peut faire des choses un peu austères et élitistes. Il y a de la place cela n’empêche pas de flécher en parallèle des parcours plus faciles.

MANIFESTATIONS ÉVÉNEMENTIELLES ET NOUVELLE ÉCONOMIE

Le trial de Belledonne (Échappée Belle) est en chemin hors-piste. Ce genre de performance athlétique a des limites physiques. Ces pratiques de masse posent quelques problèmes de partage de territoire avec les bergers. Mais en termes d’image, c’est un dynamisme qui apparaît porteur. La proximité des métropoles facilite aussi l’accès. Ce sont les stations de ski qui font encore l’économie de montagne alors que le tourisme vert diffus est difficile à chiffrer. Dans les stations il y a aussi les emplois secondaires puisqu’il faut nourrir et loger les saisonniers. C’est la partie visible. Mais ce qui se développe aujourd’hui, ce sont des zones touristiques hors stations. C’est difficile de construire une unité territoriale alors que certaines communes ont leur agenda propre et pas forcément très lisible (comme Chamrousse). Quelle place peut prendre le parc régional par rapport à l’importance économique de la vallée ? Il peut avoir un rôle de pivot.

MODÈLE DE GOUVERNANCE

L’espace Belledonne a proposé un siège pour les accompagnateurs et guides en tant que groupe socio-économique professionnel sur le territoire. Cela a permis de créer une sous-section des guides et accompagnateurs de montagne au sein de l’association « Au Fil de Belledonne », qui regroupe les petits acteurs du tourisme et de l’accueil de Belledonne. Ça permet de commencer à structurer ces professions sur Belledonne. Le territoire a besoin d’interlocuteurs dans les professions de montagne.
Il faut accepter le principe qu’il existe des tensions entre communautés sur le territoire et ne pas s’interdire certains sujets pour chercher ensemble un terrain d’entente, surtout si on veut favoriser une dimension d’accueil.
Par exemple, les conflits d’usage avec les chasseurs sont récurrents et parfois dramatiques. Dans le partage du territoire, il y a une façon de dire aux autres qu’on les a pris en compte, dans les règles qu’on se donne et qu’on respecte effectivement. Ce degré de vivre ensemble est à construire. Je ne me sens pas toujours en sécurité dans la forêt quand je croise des chasseurs qui ne prennent pas la peine de casser leur fusil pendant leurs déplacements, même sur des itinéraires de randonnée fréquentés. La chasse fait partie de la tradition des territoires de montagne, mais elle doit s’adapter au territoire d’aujourd’hui avec les diverses pratiques. Une place n’est jamais due, cela se mérite. Il serait de l’intérêt de tous et des chasseurs en premier de chercher des solutions ensemble sur le territoire plutôt que d’attendre qu’elles soient imposées de Paris après un fait divers sanglant de trop. Il peut y avoir des cartographies informatives sur les zones de pratiques comme les zones de chasse ou de balade en fonction des saisons ? Ou des jours sans chasse le week-end ? Il manque une base partagée. Chacun doit apprendre à se respecter et à connaître l’autre et faire de l’application de ces règles une fierté, une sorte d’identité revendiquée comme un label de qualité.

 

Jean-Marc Vengeon, entretien avec Hugues Bazin, Belledonne, novembre 2015jeanmarc_carte

Les Chronique Obliques sont basées sur des rencontres déambulatoires avec des acteurs/habitants du territoire. Chaque visite s’ouvre sur un paysage intérieur et extérieur. Chaque déambulation donne lieu à un article publié sur le blog. Cette chronique constitue la trame d’un récit collectif qui enrichit une cartographie et un outillage conceptuel et méthodologique entre forme écrite et physique, matérielle et immatérielle pour les Rencontres Obliques de Belledonne.

École thématique « Recherche-action Participative : outils et ontologie » (Saint Martin de Londres – 34)

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Contexte

« Les outils et méthodes de la Recherche Action Participative (RAP) ont fait leurs preuves pour développer une nouvelle éthique des relations entre sciences et sociétés. Il ne s’agit plus d’extraire les observations ou connaissances du citoyen afin d’alimenter la base de données du chercheur, mais bien de co-construire avec le citoyen des projets de recherche adaptés dont le déroulé sera caractérisé par une collaboration permanente aboutissant à une meilleure compréhension des phénomènes et à l’élaboration conjointe de solutions, condition pour une acceptation sociétale efficace. » GDR PARCS

Objectifs

Partant de cette vision, l’objectif principal de l’école est de faire avancer et de consolider les pratiques liées à la RAP en France, en rassemblant et en fédérant des chercheurs et acteurs clés ayant de l’expérience dans ce domaine.
Le format proposé se veut innovant par rapport aux formations « classiques ». Nous focaliserons notre réflexion à partir des projets de chaque participant et de leurs interactions en utilisant les techniques de la RAP. Cherchant à proposer une démarche résolument participative et à s’extraire de l’exposé des savoirs de chacun, il s’agit ainsi de partager ses acquis et de mettre en débat les difficultés rencontrées et les limites identifiées.

Public

Cette école est destinée aux chercheurs, doctorants et acteurs des sciences participatives :

  • en priorité à ceux qui sont déjà engagés dans un programme de recherche impliquant la participation de citoyens et pour lequel ils auront développé des interrogations sur des aspects précis de la RAP ;
  • dans un second temps à ceux souhaitant développer un projet de recherche s’appuyant sur les outils de la participation.

Programme prévisionnel

Ceci est un programme préliminaire. La démarche participative utilisée peut générer des modifications d’agenda tout au long de l’école.

Cartographies

  • Attentes des participants
  • Approches
  • Valeurs
  • Profils de compétences
  • Enjeux/problèmes de la RAP

Discussion des problèmes récurrents

A partir des problèmes récurrents identifiés collectivement, des ateliers de résolution de problèmes seront organisés en sous-groupes. Voici quelques pistes :

  • Comment co-construire un projet participatif avec et pour les citoyens ?
  • Comment prendre en compte et gérer les questions éthiques et déontologiques dans la RAP ?
  • Pourquoi et comment intégrer les savoirs locaux, les mettre en valeur sans les dénaturer ?
  • Les nouvelles exigences des citoyens ne nécessitent-elles pas un changement de posture du chercheur ?
  • Comment prendre en compte et gérer les conflits, les relations de pouvoir et les intérêts des parties prenantes ?
  • Comment s’engager dans une formation à la recherche (master, doctorat) en utilisant les outils de la RAP ?
  • Comment mieux intégrer les citoyens dans l’analyse et l’interprétation des données?
  • Comment valoriser et publier un article sur des données participatives et le rédiger avec les outils de la RAP ?
  • Comment analyser et évaluer l’impact d’un programme de science participative et comment cette évaluation permet-elle de faire avancer les processus de la RAP ?

Vers la RAP du futur

  • Mise en cohérence des outils et des approches
  • Formation/Certification à la RAP
  • Rôle du numérique dans la RAP du futur
  • Les TIC au service des SAC (les sciences de l’analyse et de la communication)
  • Observatoire des sciences de la participation

Page web de l’école : https://frama.link/EcoleThematique

ÉcoleThématique Recherche Action Participative 7-11 mars 2016 : Inscription close

Comité d’organisation
Hugues BAZIN, Sylvie BLANGY, Pascaline BOURGAIN, Jennifer CARRE, Anaïs CHAPOT, Jacques CHEVALIER, Isabelle CHUINE, Gaëlle DARMON, Paula DIAS, Anne DOZIERES, Philippe FELDMANN, Nils FERRAND, Serge FRANC, Frédérique JANKOWSKI, Yanick LASICA, Martine LEGRIS, Claude MIAUD, Christian REYNAUD, Lionel SCOTTO
Comité scientifique
Hugues BAZIN, Aurélie BOTTA, Isabelle CHUINE, Paula DIAS, Anne DOZIERES, Philippe
FELDMANN, Serge FRANC, Olivier GIMENEZ, Fabien HOBLEA, Yanick LASICA, Martine LEGRIS, Raphaël MATHEVET, Claude MIAUD, Lionel SCOTTO
Autres formations RAP
Nous vous signalons deux autres formations sur la RAP organisées par le GDR PARCS, qui sont ouvertes dans la limite des places disponibles :
n 17, 18 et 19 mars 2016 : Formation avancée RAP, Montpellier (membres GDR prioritaires).
n 29, 30 et 31 mars 2016 : Formation introductive Labex DRIIHM, Montpellier (membres OHM prioritaires).
n 19, 20, 21 octobre 2016 : Formation avancée RAP, Grau du Roi (membres GDR prioritaires).

Plus d’informations :
https://frama.link/PageFormation

La biffe, perspectives d’un écosystème ?

RUES MARCHANDES vous invite à une soirée projection-débat

« La biffe, perspectives d’un écosystème ? »
Mardi 1er mars, de 19h à 22h
A l’Archipel, 26 bis rue de Saint Pétersbourg
75008 Paris
Entrée libre

Projection

des films de WOS/agence des Hypothèses/Claire Dehove et Julie Boillot-Savarin

  • « Raconte-moi Ta Rue Marchande » : reportage-portrait de l’activité biffine en région parisienne/
  • « Kit de Libre Ambulantage » : étals ambulants pour le commerce informel dans l’espace public

Débat

animé par Sophie ALARY d’Aurore et Christian WEISS, géographe, membre du collectif Rues Marchandes, en présence de :

  • Hugues BAZIN, sociologue, chercheur au LISRA, co-fondateur de Rues Marchandes
  • Patrick  SPISAK et Lucia SAVU, biffins adhérents de l’association AMELIOR
  • Martine HUSER, biffine bijoutière, collaboratrice du film KIT de Libre Ambulantage
  • Mohamed ZOUARI, co-fondateur et président de l’association Sauve Qui Peut
  • Samuel LE COEUR, co-fondateur et président de l’association AMELIOR
  • Ninon OVERHOFF, présidente du SIGA SIGA/ la Boutique Sans Argent (Paris 12ème)
  • WOS/agence des Hypothèses/Claire DEHOVE et Julie BOILLOT-SAVARIN

La biffe, perspectives d’un écosystème ? (Paris)

RUES MARCHANDES vous invite à une soirée projection-débat

« La biffe, perspectives d’un écosystème ? »rues-marchandes-amelior
Mardi 1er mars, de 19h à 22h
A l’Archipel, 26 bis rue de Saint Pétersbourg
75008 Paris
Entrée libre

Projection

des films de WOS/agence des Hypothèses/Claire Dehove et Julie Boillot-Savarin

  • « Raconte-moi Ta Rue Marchande » : reportage-portrait de l’activité biffine en région parisienne/
  • « Kit de Libre Ambulantage »  :   étals ambulants pour le commerce informel dans l’espace public

Débat

animé par Sophie ALARY d’Aurore et Christian WEISS, géographe, membre du collectif Rues Marchandes,  en présence de :

  • Hugues BAZIN, sociologue, chercheur au LISRA, co-fondateur de Rues Marchandes
  • Patrick  SPISAK et Lucien SAVU, biffins
  • Martine HUSER, biffine bijoutière, collaboratrice du film KIT de Libre Ambulantage
  • Samuel LECOEUR, co-fondateur et président de l’association AMELIOR
  • Ninon OVERHOFF, présidente du SIGA SIGA/ la Boutique Sans Argent (Paris 12ème)
  • WOS/agence des Hypothèses/Claire DEHOVE et Julie BOILLOT-SAVARIN

 

Une carte, ça sert avant tout à rêver

Alain Doucé est accompagnateur en Montagne codirigeant de Belledonne en Marche, alain-Doucephotographe, auteur, il navigue depuis toujours entre montagne et approche sensible du monde qui nous entoure. Entre volonté de comprendre et envie de transmettre.

 

Le matin la première chose que je fais en me levant c’est de regarder le lever de soleil sur Belledonne. Ce matin les nuages étaient roses.

La montagne est suffisamment grande pour qu’il y ait de la place pour tout le monde. La période de l’automne est ma période préférée c’est là que l’on se retrouve un peu plus seul, avec le sentiment de retrouver « sa » montagne, les touristes sont partis et je me retrouve seul avec elle. Je ne cherche pas forcément la foule.

MODE DE PROGRESSION ENTRE LE PROCHE ET LE LOINTAIN

J’ai plein d’amis sur le plateau de la Chartreuse qui ne connaissent pas Belledonne. La personne qui vient de loin a une connaissance, une vision plus étendue géographiquement des Alpes qu’un natif qui va connaître avant tout autour de chez lui. Pourquoi faire une heure de route alors qu’en partant de chez soi l’on a la montagne. Quelqu’un de plus éloigné aura moi une connaissance approfondie d’un secteur, mais a tendance à explorer différents secteurs.

Il y a différents modes de progression dans le paysage. Le parapentiste ne va pas l’appréhender de la même façon que le marcheur. En parapente on peut partir de la Chartreuse (des Petites Roches) le matin en face est, alors que l’on va plutôt voler sur Belledonne en soirée en ouest puisque le soleil va taper sur ce versant en fin de journée, créant des ascendants, alors que le versant de la Chartreuse va passer à l’ombre. Il y a un jeu avec le soleil.

Dans cette progression dans le paysage, la notion d’effort a reculé, la plupart des personnes s’écartent à moins d’une heure du parking de stationnement. Il y a une barrière psychologique à partir de 600 m de dénivelé dans la journée. Les gens suivent le chemin balisé, le monde rassure.

Quand tu prospectes, que tu sors des sentiers balisés, que tu vas chercher sur la carte l’hypothétique terra incognita qui t’éloigne des grands axes de randonnée tu es comme un chercheur d’or, et tu es disponible pour dénicher la « petite perle ». Il faut aussi savoir renoncer, faire marche arrière, accepter les frustrations.

DES ZONES BLANCHES NON BALISÉES

La montagne de Belledonne est une montagne qui est exigeante, c’est des pierriers, des pentes raides… Tous les chemins ne sont pas de grands axes très roulants. Les personnes qui font l’Échappée Belle en trail s’en rendent compte en comparaison avec celui du Mont-Blanc.

Il y a une cartographie du photographe. La photo est une possible entrée dans le paysage. La vision d’une photo inspirante donne envie de faire la même, phénomène accentué par la diffusion numérique. Alors que la vision des photos déjà prises devrait inciter à en faire des différentes. Quel est le point de vue que l’on va prendre ? Quels sont les lieux photographiés, célèbres par leurs redondances ?

Sur les ateliers de cartographie avec les enfants, nous proposons d’ouvrir plein de cartes différentes avec des échelles différentes. La première question que je pose c’est à quoi sert une carte ? On me répond que ça sert à se retrouver, à se déplacer, à ne pas se perdre. Mais je dis qu’une carte, ça sert avant tout à rêver. C’est se donner la possibilité d’aller. C’est imaginer des possibles, des histoires.

L’utilisation des GPS conduit à une réduction. Cela a tendance à focaliser, c’est un « selfie cartographique » ! La carte on l’étale, on découvre d’autres chemins d’autres possibilités. C’est cette curiosité qui est intéressante, le caractère exploratoire d’une terre inconnue, la zone blanche est plus intéressante que la zone balisée, on peut avoir des surprises. Une lecture de carte uniquement focalisée sur les chemins balisés réduit le champ des possibles

Il faut trouver le mode accessible entre élitisme et populisme, faire quelque chose qui touche sans être trop complexe. La formule des entretiens est motivante, ça donne le temps d’imaginer comment cette cartographie imaginaire et prospective pourrait s’articuler.
Marquer sur la carte l’endroit où on aime aller, l’endroit que je ne connais pas, mais que j’aimerais découvrir, l’endroit que je n’aime pas, et puis passer le relais à d’autres personnes. C’est le principe de la tache d’huile. On dessine quelque chose en allant voir les pratiquants.

carte-alain

Alain Doucé, entretien avec Hugues Bazin, Belledonne, novembre 2015

Les Chronique Obliques sont basées sur des rencontres déambulatoires avec des acteurs/habitants du territoire. Chaque visite s’ouvre sur un paysage intérieur et extérieur. Chaque déambulation donne lieu à un article publié sur le blog. Cette chronique constitue la trame d’un récit collectif qui enrichit une cartographie et un outillage conceptuel et méthodologique entre forme écrite et physique, matérielle et immatérielle pour les Rencontres Obliques de Belledonne.

 

Je préfère l’espace au territoire

Anne Trégloze est Sculptrice. Elle vit et travaille en Belledonne depuis une dizaine Anne-Trégloze_DSC2821d’années (mais aussi parfois en d’autres lieux lointains, pour changer d’espace).

 

 

Je raccroche ce territoire à mon quotidien sachant que je vis et travaille ici. Tous les matins et le soir je regarde le paysage. L’atelier est un lieu ouvert et fermé, c’est là où je travaille, où j’ai besoin d’être seule tout en accueillant des personnes.

 

 

Espèces d’espaces

Je préfère le mot espace au mot territoire. Le territoire induit des limites alors que l’espace est ouvert, il a plusieurs dimensions. Les cartes ont tendance à aplatir. Ce qui est important, ce n’est pas une carte géographique, mais une carte existentielle, ce que font les gens ici.
La notion de territoire amène l’idée de territoire défendu. C’est une terre défendue par des gens qui considèrent que c’est la leur. A l’inverse de l’espace, que j’imagine partagé, ouvert et accueillant.
Je connais les lieux que j’aime à travers les personnes que j’y connais. Le meilleur moyen de connaître un espace c’est de le parcourir par des gens pour lesquels on a un intérêt, avec qui on partage.

Patrimoine vivant

C’est une dimension intéressante le patrimoine, mais il faut qu’il vive. Belledonne, on pense plus au massif montagneux, aux alpages, à la forêt. On parle de patrimoine naturel, mais où sont les gens qui vivent maintenant ici? Qu’est-ce qu’on fait des gens? Des gens qui sont ici depuis longtemps, des gens qui passent, des gens qui arrivent, qui ont envie de rester ou pas?

Quand on parle de culture et patrimoine, on se réfère tout de suite à la préservation des bâtiments, c’est faire un circuit des intérêts locaux, tout ça semble un peu figé. Un patrimoine ne sert pas simplement à être regardé. Il serait intéressant de confronter le patrimoine avec la culture et l’art contemporains. Par exemple redécouvrir des lieux anciens, mais qui n’ont plus d’utilité et qui prendraient une nouvelle fonction à travers une forme contemporaine.
Des maisons de vigne ou des granges peuvent être réhabilitées et accueillir des œuvres contemporaines, faire l’objet d’un circuit pédestre de découverte. C’est ce qui a été réalisé autour de Digne avec l’artiste Andy Goldsworthy.
Il est intéressant de se réapproprier l’histoire, mais avec un regard contemporain, une autre approche : c’est quoi ces objets et ces lieux, d’où ils viennent, où ils vont, est-ce qu’ils ont encore un sens ?…

Dessine moi une carte

Je construirais une carte de Belledonne en pointant des gens, des lieux et des expériences qui m’intéressent. Chacun serait libre de contribuer en y superposant sa strate personnelle. Créer quelque chose qui soit accessible à tout le monde et concret.

(Anne Trégloze, entretien avec Hugues Bazin, Belledonne, novembre 2015)carte-anne

Les Chronique Obliques sont basées sur des rencontres déambulatoires avec des acteurs/habitants du territoire. Chaque visite s’ouvre sur un paysage intérieur et extérieur. Chaque déambulation donne lieu à un article publié sur le blog. Cette chronique constitue la trame d’un récit collectif qui enrichit une cartographie et un outillage conceptuel et méthodologique entre forme écrite et physique, matérielle et immatérielle pour les Rencontres Obliques de Belledonne.

La carte n’est pas le territoire

Bernard Amy est alpiniste et écrivain très engagé dans la protection des milieux naturels B.Amy-3biset dans la recherche d’un équilibre entre pratiques sportives de la montagne et développement d’une montagne à vivre. Ancien chercheur au CNRS dans le domaine des sciences cognitives, il s’intéresse aujourd’hui à la sociopsychologie des pratiquants de la montagne.

 

 

 

 

 

J’ai emmené l’autre jour sur un sommet un couple d’amis. Ils étaient émerveillés. C’était des randonneurs qui allaient en Belledonne, mais c’était la première fois qu’ils allaient au sommet au-dessus de chez eux.

PORTE D’ENTRÉE

Belledonne est un massif de montagnes qui a échappé au grand développement de la fréquentation sportive des montagnes de type Mont-Blanc ou Écrins. La carte n’est pas le territoire et ne dit pas le comportement et les idées de ceux qui pratiquent le territoire.

Il existait un ancien topo-guide des escalades dans le massif de Belledonne, et pendant plusieurs décennies il n’y a rien eu d’autre. Toutes les voies décrites se limitaient aux Grand Pic de Belledonne, l’extrémité sud du massif au-dessus d’Uriage. C’est qu’à l’époque, il n’y avait pas de voiture, on partait de Grenoble en tram jusqu’à Uriage, puis on montait en une journée à pied au refuge de la Pra. Et le lendemain on faisait une course en montagne sur Belledonne. Après, quand est arrivée une plus grande facilitée de circulation, les gens se sont concentrés sur les massifs du Mont-Blanc et des Écrins. Les JO et le ski à Chamrousse n’ont pas ouvert une porte d’entrée dans Belledonne. Il y avait des relations d’alpages entre les deux versants de Belledonne trois mois chaque année.

VERTICALITÉ ET TRANSFUGE

Il y a des conflits verticaux entre les vallées, toutes les crêtes qui descendent de Belledonne sont les points de contact entre les communes. Les marins se connaissent tous alors que les montagnards sont chacun dans leur vallée. Ce sont des mondes cloisonnés, fermés comme dans le versant nord des Pyrénées. Ce ne sont que des vallées parallèles, et il faut descendre à Toulouse et remonter car il n’y a pas de communication transversale. Ce sont des mondes clos. L’exemple caricatural est entre Chamonix et Beaufort dans le Beaufortin. Chacun considère l’autre comme un étranger. Il y a eu des transfuges comme Frison-Roche qui était de Beaufort et il est devenu guide à Chamonix, on ne lui a jamais pardonné.

ÉCONOMIE DU DEDANS ET ÉCONOMIE DU DEHORS

Il y a des gens qui vivent en Chartreuse et qui vivent de la Chartreuse. Il y a un tissu économique de petites industries traditionnelles ou touristiques. La zone habitée de Belledonne se réduit au balcon et aux deux vallées orientales. Les habitants de Belledonne ne sont majoritairement pas des agriculteurs, ce sont des résidents. L’économie du tourisme en Belledonne ne tourne qu’autour de trois stations.

LE NOMADE ET LE SÉDENTAIRE

Le conflit entre nomades et sédentaires apparaît en toile de fond dans le rapport entre les sportifs randonneurs ou alpinisme et les gens du pays. Pour ces derniers ce sont des gens qui passent et qui habitent ailleurs à Grenoble ou Chambéry. Ils apparaissent comme des instables qui n’habitent pas un lieu donné. Ils sont assimilés à des nomades. Mais la nouvelle génération qui arrive va jouer un rôle de charnière.

LA CONNAISSANCE EN PARTAGE

L’idée de Parc vient d’un mouvement de la base. Je pense par exemple à l’ancien maire des Adrets qui avait envie de construire des choses. L’idée n’a pas été imposée du haut, elle implique les collectivités et le pays. La mise en place de ce projet ne peut pas se faire en ignorant les gens de la vallée. Et réciproquement il faut que les gens d’en bas ait envie de s’impliquer dans un projet comme celui-ci. Dans les espaces délibératifs, les fédérations de pratiquants ainsi que les structures associatives de Grenoble et Chambéry devraient aussi être parties prenantes. Y compris les chercheurs comme ceux de l’Institut de Géographie Alpine, qui ont des choses à dire. Récemment un colloque a été organisé à Grenoble sur les pratiques de la montagne pour savoir ce qu’on sait et ce qu’on ne sait pas, car on manque de données. La plupart des discours sur l’évolution des pratiques en montagne reposent sur des impressions. Ce colloque a permis de faire se rencontrer des chercheurs et des acteurs de terrain à qui il avait été demandé de venir avec des propositions d’étude précises.

 

(Bernard Amy, entretien avec Hugues Bazin,  Belledonne, novembre 2015)carte-bernard

Les Chronique Obliques sont basées sur des rencontres déambulatoires avec des acteurs/habitants du territoire. Chaque visite s’ouvre sur un paysage intérieur et extérieur. Chaque déambulation donne lieu à un article publié sur le blog. Cette chronique constitue la trame d’un récit collectif qui enrichit une cartographie et un outillage conceptuel et méthodologique entre forme écrite et physique, matérielle et immatérielle pour les Rencontres de Belledonne.

Les figures du chiffonnier et son rôle dans l’industrie au 19eme siècle

Le Collège de France inaugure en 2016 une série de cours sur les chiffonniers, voici les deux premières interventions au Collège de France le 5 janvier 2016

Les chiffonniers littéraires : Baudelaire et les autres

Conférence d’Antoine Compagnon, historien de la littérature française (Littérature française moderne et contemporaine : Histoire, critique, théorie)

Le chiffonnier de l’époque est un homme libre comme,  vivant à sa guise, s’autorisant au vagabondage . Modèle du petit entrepreneur, il est aussi un marqueur contemporain d’un changement du rapport au temps et à l’objet où rien ne se perd, tout se récupère, tout se transforme, rien ne meurt.  Une visite passionnante d’un univers à travers la relation entre le chiffonnier et l’écrivain. Le premier fournit le papier au second qui nourrit le mythe.  « Ce vil chiffon est la matière première de nos bibliothèques ».

Cette industrie, dont le mode est repoussant, doit être encouragée

Conférence de Sabine Barles,  maître de conférences à l’Institut Français d’Urbanisme (Paris-VIII) et chercheur au laboratoire Théorie des Mutations Urbaines (UMR CNRS 7136)et auteur de « L’invention des déchets urbains : France, 1790-1970 » (Champ Vallon, 2005)

Quelle est la place des déchet, dans l’économie du 19eme siècle qui consacre l’âge d’or du chiffonnage ?

Télécharger les fichiers sonores des interventions :

Rencontres « Pratiques écologiques et éducation populaire : l’éducation qui vient » (Paris)

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Présentation

L’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP) et la plateforme nationale AllISS (Pour une alliance sciences et sociétés) organisent les 4es rencontres de l’Observatoire de la jeunesse et des politiques de jeunesse, dans le prolongement de la COP 21, autour des impacts des mobilisations écologiques sur les pratiques éducatives. A l’heure où l’environnement s’affirme comme une préoccupation majeure des acteurs économiques, politiques, et des citoyens, l’INJEP et l’AlliSS proposent d’impliquer les acteurs éducatifs, et, en particulier ceux de l’éducation populaire, dans une réflexion sur la manière dont ces préoccupations enrichissent, voire, renouvellent leurs pratiques.
S’il est une intention au cœur du projet de l’éducation populaire, c’est bien celle de la production, de la circulation et des échanges de savoirs et de savoir-faire. Comment les acteurs sont-ils impactés par ce que certains nomment l’« âge du faire », cette culture de « la fabrique » qui invite les citoyens à construire les savoirs par les pratiques coopératives ?

Ecologie urbaine, agriculture, alimentation, habitat, santé, territoire… Cette actualité permet de questionner les logiques scolaires dominantes, en interrogeant le rapport au savoir à travers l’étude des pratiques écologiques. Dans ce domaine, de nouvelles coopérations entre acteurs de la recherche, acteurs éducatifs (éducation formelle et non formelle) et acteurs sociaux (associations, ONG, collectifs…) sont à l’œuvre. Elles posent la question de la production, de la circulation, du partage et des croisements de savoirs au cœur des débats autour des pratiques écologiques.

En quoi ces dynamiques enrichissent-elles aussi bien les acteurs associatifs que les institutions éducatives (école, université) et, plus généralement, l’ensemble des acteurs publics ? Ces changements sont-ils à la source du renouvellement des politiques territoriales ? L’ enjeu de ces rencontres est de répondre à ces questions.

Programme provisoire

Les conférences et la table ronde seront animées par Emmanuel Porte (INJEP) et Lionel Larqué (ALLISS). Elles seront suivies d’un temps d’échange avec la salle.

8h30-9h00 : accueil
9h00-9h10 : mot d’accueil
9h10-9h30 : introduction par Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports

9h30-10h45 : CONFERENCES INTRODUCTIVES

  • Jean-Paul Bozonnet, enseignant-chercheur à l’Institut d’études politiques de Grenoble
  • Olivier Sigaut, enseignant au ministère de l’agriculture, à l’Université de Bordeaux et chargé de cours à l’Institut national polytechnique de Bordeaux

10h45 : pause

11h00-12h30 : Ateliers « Savoirs d’expériences et pratiques écologiques »

  • Produire collectivement (Écologie urbaine et habitat):
  • Robins des villes
  • Open Source Ecologie
  • Centre social Chemillois – Repair’ Cafés
  • Yes we camp
  • Réseau AMAP Ile de France

Partage et croisement des savoirs (méthodes, outils, postures, pédagogies)

  • Climates
  • Laboratoire d’Innovation Sociale par la Recherche-Action
  • Bâtisseur des possibles
  • Association ATD Quart Monde
  • Centre d’entraînement aux méthodes d’éducation active (Céméa)

12h30-14h00 : Déjeuner

14h00-15h30 : Ateliers « Essaimage et pollinisation : les territoires de la société de la connaissance »

  • Politique et stratégie des lieux
  • Réseau des Tiers-lieux francophones
  • Association Les petits débrouillards
  • Jardins partagés IDF
  • Association Anciela

Territoires éducatifs et écologiques

  • Plateforme open-source Movilab
  • Mairie de Loos-en-Gohelle
  • La Ligue de l’enseignement
  • Forum des organisations de solidarité internationale issues des migrations (Forim)
  • Collectif des associations citoyennes

15h30 15h45 : pause

15h45-16h30 : Regards sur les ateliers

  • Marianne Cerf, chercheuse à l’Institut national de recherche agronomique (INRA)
  • Rafaël Ricardou, coordinateur de l’Antenne Ile-de-France de l’association Grdr- Migration-Citoyenneté-Développement
  • Claude Bourquard, GRAINE Ile-de-France
  • Robert Caron, Centre Paris-Lecture

16h30-18h00 : TABLE RONDE
Perspectives

  • Nicolas Hulot (sous réserve) président-fondateur de la Fondation pour la nature et l’Homme
  • Dominique Gillot, sénatrice, sénatrice, présidente du Conseil national de la culture scientifique, technique et industrielle (CNCSTI)
  • Antoine Dulin, membre du Conseil économique, social et environnemental (CESE)

18h00 : Verre de l’amitié

Informations pratiques

Vendredi 5 février 2016
4ES RENCONTRES DE L’OBSERVATOIRE
« Pratiques écologiques et éducation populaire : l’éducation qui vient »
de 9 h à 18 h30.
École nationale supérieure
d’architecture Paris-Belleville
60 bd de La Villette 75019 Paris
Métro : Belleville

Inscription en ligne

Informations complémentaires
01 70 98 94 39 – conferences@injep.fr
Contact presse :
Roch Sonnet
01 70 98 94 40 – sonnet@injep.fr

Téléchargez le carton d’invitation

Ceux a qui les poubelles donnent

Pascale Chouatra aborde l’innovation sociale et les nouveaux traits sociologiques de la précarité en France, l’occasion de revenir sur son parcours et de nous interroger sur notre rapport à la marge, à la lutte et à l’égalité. Il sera notamment question des Biffins : « ceux à qui les poubelles donnent ».

Pascale Chouatra est éducatrice spécialisée. Après avoir travaillé dans le milieu psychiatrique et auprès de jeunes de la rue, elle devient responsable de service sur le projet expérimental du « Carré des Biffins », une forme innovante d’accompagnement social introduite dans le XVIIIème arrondissement de Paris. Une aventure humaine qui l’a conduite à « inventer une autre forme de travail social, plus égalitaire et plus proche de l’éducation populaire, voire de la pensée de Saul Alinsky ».

De cette expérience, Pascale Chouatra tirera un livre, « De seconde main » co-signé par Yvan Grimaldi, « dans le but de transmettre aux futurs travailleurs sociaux, mais aussi à tous les acteurs, des solutions pour améliorer le sort de ceux qui subissent les affres de la crise et la souffrance qu’elle engendre au quotidien ».

Une autre acuité sur la vie en Belledonne > ROB 3 déc. 2016

Rencontre avec Alban de Tournadre

Alban a passé une semaine en Belledonne avec comme camp de base la Gélinotte de Freydières. Ce passage constitue l’une des étapes d’un travail plus vaste qui aboutira à la réalisation d’un spectacle d’une quarantaine de minutes.

Chacune des ses présences, sur des territoires différents (Capdenac, Pic St Loup), s’accompagne de mises en situation qui le confrontent à des modes de relation avec les gens, d’immersion dans un paysage, de perception intime d’un quotidien.

Sa présence ici l’a incité à questionner avec les ROB la manière de prolonger sa présence, après son départ, à travers une trace :  » Et si nous nous étions rencontrés,  qu’aimeriez-vous qu’il vous reste ? Des loups dessinés à la craie sur les arbres, l’agrandissement d’une de mes photos dans votre paysage, une carte postale dans quelques temps, un site internet … ». Son  regard en tant que personne extérieure et sa manière de le restituer ont été autant d’ouvertures pour partager la diversité des perceptions sur Belledonne.

Avons nous besoin de traces pour garder le souvenir d’événements qui par nature sont éphémères ? Comment les Rencontres Obliques de Belledonne se confrontent-elles aussi à cette réalité et qu’est-ce chacun voudrait en transmettre ?

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Zone d’Action Climat et Rues Marchandes

le mercredi 9 décembre 2015 de 17h à 18h , pendant la ZAC/ Coalition Climat au Centquatre, WOS/ agence des hypothèses, le Laboratoire d’Innovation Sociale par la recherche-Action et le collectif Rue Marchande proposent une rencontre débat autour de l’’économie informel des biffins avec la projection du film « Raconte-moi ta rue marchande » (22’’)

elle sera précédée à partir 16h des haïkus-docus suivants :

KIT PALP (7’’) – WOS/Zones de Gratuité (20’’) – WOS/KIT d’Ambulantage (23’’) – Libre Ambulantage à Dakar/Cie du Bien Manger (11’’) –

Rendez-vous au « forum Ouvert », Le Centquatre – 5 Rue Curial, 75019 Paris (M° Riquet, Marx Dormoy )

 

La ZAC sera un espace pour faire converger les réseaux militants du monde entier, les artistes mais également les non initiés et toutes personnes souhaitant s’informer et s’enrichir autour d’activités culturelles.

Connaître la programmation complète de la ZAC du 7 au 11 décembre 2015

Hold-up mental

Nous assistons à une manipulation mentale utilisant le choc traumatique des derniers attentats pour anesthésier la conscience populaire. Les plus anciens d’entre nous se souviendront peut-être que le titre « Hold-up mental » fait référence au célèbre morceau du groupe de rap IAM [1] .

« Lourde comme le rythme qui m’accompagne13943429-720x485

Je lance l’ascension qui frappe sans palabre

Les incultes qui tentèrent de nous étouffer

Dans un ghetto où il est difficile de s’échapper

Car il est clair que l’ignorance est une énorme barrière

Un obstacle à l’évolution autre que guerrière

Mais je me suis un jour pris en main

Et suis parti en quête de précieux bouquins

[…] Vos exactions entraînent un verdict sans égal

Subissez à présent un hold-up mental »[2]

13943429Le hold-up mental dont parle IAM est une déconstruction du langage dominant opéré par le rap pour faire émerger un nouvel imaginaire émancipateur de sa condition sociale, notamment à travers la prise de conscience de l’accès à la connaissance comme outil de libération. Le but est d’opérer un choc mental par le flow (rythme des mots scandés), véritable « retournement de la tête » appuyé par la force métaphorique et allégorique du vocabulaire. C’est en fait la base du rap, qu’il est donc inutile d’appeler « hardcore », « social » ou « politique » sinon pour le distinguer d’une variante édulcorée reprenant dans une version stéréotypée et une visée commerciale (les deux étant liées) cette faculté de faire passer un message.

Le « hold-up mental » dont nous parlons aujourd’hui est exactement inverse de ce que voulait exprimer IAM. Ici, la « stratégie du choc » [3] est utilisée pour légitimer un état d’urgence et étouffer dans l’œuf le réveil d’une conscience politique, en l’occurrence la mobilisation de la société civile autour de la question du climat. C’est symptomatique d’un modèle de gouvernance qui, au lieu de faire confiance à la responsabilité citoyenne qui serait le meilleur appui aux négociateurs de la COP 21, préfère vider les rues des manifestants et déresponsabiliser ou infantiliser leurs encadrants pour que les chefs d’État puissent se réunir tranquillement.

Cela a commencé par le discours martial devant la Représentation Nationale, l’imposition du deuil et l’injonction du drapeau, enfin le discours aux Invalides sur « une génération devenue l’image de la France », n’autorisant qu’une seule vision de la société délégitimant toute analyse critique assimilée à du « sociologisme » ou de la « justification »[4].

Le détournement consiste ainsi à transformer le légitime choc émotionnel en légitimation d’un rapport de domination qui permet aux autorités, sans l’ombre d’un débat, de mettre en résidence surveillée des militants, d’interdire les manifestations puis les réprimer sous le couvert de l’état d’urgence. Des pratiques dignes d’un État autoritaire que ne renierait pas Monsieur Poutine.

L’alliance objective du système économique que nous décrivions dans un précédent billet[5] est renforcée par celle du système médiatique. La fonction première de décrypter la réalité a été dévoyée au profit d’une construction de la réalité. Il ne s’agit plus d’informer, mais de participer à une expérience commune cimentée par l’émotion, autre manipulation mentale qui n’a de seul but que vendre du cerveau disponible par effet de subjugation.

Ainsi est opposé de manière particulièrement perverse le recueil du deuil incarné par l’autel populaire érigé en mémoire aux victimes des attentats au pied de la statue de la Place de République à la violence irrespectueuse des manifestants sur cette même place appartenant pourtant au même peuple. Un simple décryptage des vidéos permettrait de comprendre comment une manifestation pacifique ce dimanche 29 novembre dégénère en affrontements par effet de nasse, vieux système par ailleurs utilisé par les forces de l’ordre pour séparer les « bons » des « mauvais »[6].

Les effets risquent d’être surprenants où ce gouvernement va finir par réussir en quelques jours d’état d’urgence à ce que n’a pas pu faire la gauche radicale en 30 ans, c’est-à-dire relier et renforcer un mouvement social au-delà de ses logiques groupusculaires.

[1] Hold-up mental (4’51), Akhenaton, Shurik’N / IAM, «Red, Black and Green » EP 1991, « Micro d’Argent » Album Edition limitée, 1998
[2] Lyrics complets ici – vidéo ici
[3] Voir l’excellente analyse de l’essayiste canadienne Naomi Klein.
[4] Michel Wieviorka, Terrorisme : pouvons-nous critiquer le discours officiel ?
[5] Quand le terrorisme devient le meilleur allié du capitalisme
[6] La police se lance dans le tri sélectif des manifestants et ici pour un récit détaillé de la manifestation