Atelier Deuxième Vie des Objets – jeudi 4 mai EHESS-Paris

 

 

Nous avons le plaisir de vous inviter à la prochaine séance de l’Atelier « Deuxième Vie des Objets » intitulée « Lieux et territoires des déchets » qui se déroulera le jeudi 4 mai 2017, à l’EHESS-Paris, de 9h30 à 12h30.

Nous écouterons les interventions de :

Efrén SANDOVAL HERNANDEZ (Professeur, Centro de Investigaciones y Estudios Superiores en Antropología Social – Mexique), « Les lieux, les réseaux et les processus dans la production de « pacas » de fripe à la frontière entre les États Unis et le Mexique »

Adeline PIERRAT (docteur en géographie, chercheure associée Prodig), « Territoires de la valorisation des déchets : enjeux et dynamiques dans trois villes d’Afrique »

Le séminaire est en accès libre.

Nous vous y attendons nombreuses et nombreux.

Plus d’information sur le programme 2016-2017 sur le site de l’Atelier : http://dvo.hypotheses.org/

contact : dvo.seminaire1@gmail.com

Le comité d’organisation : Fanny RASSAT (doctorante LADYSS, Université Diderot Paris VII), Jeanne Guien (doctorante CETCOPRA, Université Paris I Panthéon-Sorbonne), Élisabeth Anstett (Chargée de recherche CNRS, IRIS), Nathalie Ortar (Chargée de recherche MEEM, LAET).

Expo photo – Récupérateurs de déchets à Casablanca et Istanbul : une économie populaire

Une exposition de photographies réalisées par Pascal Garret du 2 au 31 mai 2017

Maison des Sciences de l’Homme Paris Nord

Cette exposition présente des portraits photographiques de récupérateurs de déchets des villes de Casablanca (Maroc) et Istanbul (Turquie), travail ayant été réalisé en parallèle avec les travaux de la géographe Bénédicte FLORIN (Université de Tours).

 

Le “dernier échelon de l’échelle du travail“ ?

À cause de leurs activités liées aux déchets et à cause des caractéristiques de leurs espaces de vie, les communautés de récupérateurs de déchets sont aujourd’hui clairement exclues de la ville et de la société. Quand ils travaillent, ils sont souvent les victimes de violences de la part des autorités locales et parfois même d’autres habitants. Leurs espaces de vie et de travail, bidonvilles et autres quartiers informels, sont régulièrement démolis ou menacés par le développement immobilier ou par de grands projets de rénovation urbaine. Pire, les réformes de gestion des déchets actuellement mises en œuvre par les pouvoirs publics les excluent : la modernisation ne peut pas et ne veut pas prendre en compte ces “pauvres“, “sales“ et “archaïques“ récupérateurs de déchets.

Pourtant, ces récupérateurs font un travail plus qu’utile, évitant le rejet direct de grandes quantités de déchets tout en offrant à ces objets et matériaux une nouvelle vie. En outre, leur activité ne coûte rien à la société car ils sont auto-financés, contrairement aux multinationales qui sont largement subventionnées pour évacuer et enfouir les déchets sans vraie valorisation de ces derniers.

L’idée de ce travail photographique est de présenter des portraits de ces personnes dont le métier est de récupérer les déchets, avec la préoccupation de montrer qu’elles sont complètement membres d’une société dans laquelle elles devraient avoir aujourd’hui une place et un rôle essentiels, en particulier dans un contexte où les questions environnementales sont plus que jamais à l’ordre du jour : Qui est vraiment propre, qui est vraiment sale ?

Architecte et sociologue de formation, Pascal Garret pratique à titre indépendant la photographie dans le cadre de recherches en sciences sociales. Il consacre une partie de ses travaux à la question des « récupérateurs de déchets ».

Travail artistique pour quelle écologie des mobilités ? (Charleroi)

Séminaire Watch This Space 9 « ICI OÙ LÀ ? Ressources, usages et espaces de l’auteur

mardi 25 avril 2017, Plate-forme culturelle « Le Vecteur », Rue de Marcinelle 30, 6000 Charleroi, Belgique

Aujourd’hui, la mobilité permanente semble s’imposer. Entre local et global, comment l’artiste se positionne-t-il? Quel sont ses territoires d’investigations et d’opérations ?

Dans le cadre de la 9e édition du programme Watch This Space, 50° nord – Réseau transfrontalier d’art contemporain et ses membres invitent théoriciens des sciences humaines et sociales (philosophes, sociologues, historiens, etc.), artistes, étudiants en art, critiques et commissaires, à s’interroger sur les formes actuelles de pratiques et de développement du secteur des arts visuels. Car si la situation spatiale de l’artiste est bien sûr une donnée d’ordre géographique, elle a également un impact à la fois économique, sociologique et politique.  Entre mobilité et proximité, dans un monde aux réalités mixtes, l’artiste opère entre territoires tangibles et matières poétiques.

Inscriptions 50° nord : + 33(0)6.89.27.38.44 – contact@50degresnord.net

Programme

9H30 – 10H > accueil

10H – 10H15 > temps d’introduction et présentation du déroulé de la journée

Romain Voisin, coordinateur – Le Vecteur, Charleroi
Nathalie Poisson-Cogez, professeur d’enseignement artistique et coordinatrice recherche et professionnalisation à l’ESA du Nord-Pas de Calais Dunkerque-Tourcoing / membre du bureau de 50° nord

10H15 – 12H30 > débat d’idées / barcamp

modération
Anaïs Perrin, chargée de développement – CRP/
Centre Régional de Photographie, Douchy-les-Mines

Le laboratoire des hypothèses
performance/projection, en présence de Fabrice Gallis

Hugues Bazin, Travail artistique pour quelle écologie des mobilités ?

Les artistes sont de plus en plus convoqués (instrumentalisés ?) dans les programmes d’aménagement du territoire. La mobilité est un marqueur dans la façon d’envisager, pratiquer et transformer la ville.
Entre la marchabilité de proximité et les hubs de l’hypermobilité, cette conception néolibérale de la ville n’est pas obligatoirement celle des populations des territoires délaissés ou relégués qui s’inscrivent dans la mobilité des contre-espaces moins « douce », rapide et linéaire.
En ouvrant un imaginaire et en légitimant certaines pratiques d’espaces le travail artistique participe de cette géoconstruction de la réalité qui n’est pas sans impacte dans l’institutionnalisation de la société.

Pratique et stratégie ninjas
par Ann Guillaume, artiste-auteur

Frontières, mobilité et production technologique de l’espace
par Jean Cristofol, philosophe, ESA Aix, PRISM (AMU-CNRS), antiAtlas des frontières

12H30 – 13H45 > déjeuner et inscription aux ateliers

14H – 16H > ateliers répartis dans 3 salles

1- Quels dispositifs et outils pour la mobilité ?
invités : Marie Le Sourd, secrétaire générale – On The Move | Cultural
Mobility Information Network et
Tiny Domingos, artiste / directeur de rosalux.com / cofondateur du
Netzwerk Projektraueme Berlin
modération : Lissa Kinnaer, chargée des relations internationales pour les arts visuels au
Kunstenpunt / Flanders Arts Institute

2- La figure du sédentaire nomade : impacts du numérique dans nos usages aujourd’hui
invitée : Marie Lelouche, artiste-auteur
modération : Philippe Franck, directeur de Transcultures, Charleroi

3- Circulation : comment la mobilité génère-t-elle d’autres modes de pensée ?
invité : Armin Zoghi, artiste-auteur
modération : Nathalie Poisson-Cogez, professeur d’enseignement artistique et coordinatrice recherche et professionnalisation à l’ESA du Nord-Pas de Calais Dunkerque-Tourcoing / membre du bureau de 50° nord

16H – 16H30 > Temps de restitution – grande salle

16H30 – 16H45 > Conclusion et ouverture par Virginie Gautier, auteure et doctorante en recherche & création en littérature contemporaine

Soirée
Vernissage de l’exposition curatée par Richard Neyroud

Nightwood
avec
Gareth Cadwallader, Doris Lasch, Emma van der Put, Robin Vote.

L’exposition Nightwood expérimente une coexistence des œuvres des artistes avec un personnage du roman Le bois de la nuit de Djuna Barnes, auteure américaine mythique (1892-1982). Une histoire d’amour passionnelle rencontre le travail des artistes sur le terrain de la fiction et, ensemble, ils opèrent inexorablement un glissement du jour vers la nuit.

« – Avez-vous jamais pensé à la nuit ? demanda le docteur avec une pointe d’ironie.
Il était extrêmement désappointé, ayant attendu quelqu’un d’autre, bien que son thème favori et sur lequel il discourait chaque fois qu’il en avait l’occasion fût la nuit.
– Oui, dit Nora en s’asseyant sur l’unique chaise. J’y ai pensé, mais ça ne sert à rien de penser à une chose dont on ne sait rien. »
Extrait du roman de Djuna Barnes, Le bois de la nuit (1936).

Exposition visible du mercredi 26 avril au samedi 13 mai 2017
Ouverture le mercredi, vendredi et samedi de 13h à 17h – Entrée libre
Galerie V2 – Vecteur – 31 rue de Marcinelle à Charleroi

 

Le hip-hop comme pensée politique de la culture (38)

 

 

 

 

 

 

 

Dans le cade du cycle « Les Rencontre Sociétales » de la médiathèque Paul Elouard de Fontaine

Conférence d’Hugues  Bazin sur le hip-hop comme pensée politique de la culture

jeudi 27 avril 18h30, Médiathèque Paul Eluard
31 Avenue du Vercors, 38600 Fontaine

RENSEIGNEMENTS
Mairie de Fontaine
Service culturel. 04 76 28 75 44
Mail : service.culturel@ville-fontaine.fr &
médiathèque Paul Elouard  04 76 26 31 35

 

Siamo tutti stranieri

PLATEAU, TERRE D’ACCUEIL

« Siamo tutti stranieri »
nous sommes tous des étrangers

 « L’HISTOIRE AU COURS DES DERNIÈRES ANNÉES, NOUS ENSEIGNE QUE LA FERMETURE D’UNE ROUTE MIGRATOIRE NE RÉDUIT POINT LA MIGRATION, MAIS OUVRE DE NOUVELLES ROUTES QUI COMPORTENT UN BILAN HUMAIN ENCORE PLUS LOURD. LA CRIMINALISATION DES MIGRANTS DANS LES PAYS DE TRANSIT AUGMENTE AU CONTRAIRE LE NOMBRE DE VICTIMES, DE PERSONNES REFOULÉES DANS LE DÉSERT, DANS LES PAYS D’ORIGINE, OBLIGÉES D’EMPRUNTER DES ROUTES DE PLUS EN PLUS IMPRATICABLES. »
(ARCIASSOCIATION ITALIENNE QUI TRAVAILLE ENTRE AUTRES SUR LE DROIT DES RÉFUGIÉS.)

« Nous sommes les innombrables, redoublés à chaque case d’échiquier,
Nous pavons de squelettes votre mer pour marcher dessus.
Vous ne pouvez nous compter, une fois comptés nous augmentons, fils de l’horizon, qui nous déverse à seaux.
Nous sommes venus pieds nus, sans semelles, et n’avons senti ni épines, ni pierres, ni queues de scorpions.
Aucune police ne peut nous opprimer plus que nous n’avons déjà été blessés.
Nous serons vos serviteurs, les enfants que vous ne faites pas, nos vies seront vos livres d’aventures.
Nous apportons Homère et Dante, l’aveugle et le pèlerin, l’odeur que vous avez perdue, l’égalité que vous avez soumise. »
(Erri de Luca, Aller simple)

À travers les médias nationaux, les médias indépendants, les récits de camarades voyageurs, nous avons suivi les révolutions arabes, le soulèvement en Syrie, la dictature au Soudan, le massacre des Kurdes en Turquie… Toutes ces guerres et l’exil forcé de millions de personnes qu’elles engendrent.
Depuis notre plateau, impuissants, nous assistions à l’arrivée de tous ces gens bloqués aux portes de l’Europe, à ces milliers de naufragés morts en mer dans l’espoir de rejoindre nos terres et à toutes les horreurs perpétrées par les réseaux de trafics de migrants. Nous regardions se dresser les murs avec leurs hotspots à quelques kilomètres de chez nous pour contrôler les flux migratoires.
Plus de 200 000 personnes sont arrivées par la mer en 2016, dont plus de 5 000 y sont restées, mortes, englouties par les fonds marins. Ne sachant pas nager pour la plupart, sans gilet de sauvetage, entassés comme des bêtes sur des embarcations pourries. Comment pouvoir agir sur cette tragédie, semblable à tant d’autres depuis des siècles ? Se sentir tétanisé de ne pouvoir lier le quotidien avec la réalité des mouvements engendrés par les guerres et les politiques migratoires.
En 2015, l’arrivée d’exilés en France avec le premier démantèlement de la  jungle de Calais poussa le gouvernement à créer de nouveaux CADA (centres d’accueil de demandeurs d’asile) ; des CAO (centres d’accueil et d’orientation) et d’autres centres d’hébergements. Pour combler la dite « crise migratoire », le gouvernement lança un appel à des communes de France pour l’ouverture de ces nouvelles structures d’accueil.
De quelle « crise migratoire » parlons-nous ?
Le nombre de migrants désirant rejoindre la France depuis 2010 est ridicule par rapport aux milliers d’Italiens et d’Espagnols venus trouver refuge en France pendant la seconde guerre mondiale, ridicule par rapport aux Européens ayant quitté leur pays pendant la première guerre mondiale, ridicule par rapport à la population mondiale. Les personnes migrantes ne représentent en 2016 que 0,004 % de la population française, pourcentage invisible à l’œil nu sur un diagramme.

C’est quoi, vos origines ?
« Est-ce que vous avez des origines ? » demande un enfant de 8 ans d’une école primaire d’un quartier dit « difficile » de Nantes, lors d’une rencontre avec un groupe de musique. « On dirait que vous êtes Italiens. » Il lui avait été demandé de poser des questions sur le groupe, la musique, mais il lui semblait bien plus important de savoir l’origine des inconnus qu’il avait en face de lui. Tous les jours, la société lui rappelle, à cet enfant, qu’il a des origines, qu’il vient d’ailleurs.
Tout le monde a des origines, des traces des peuples déplacés, des mélanges de populations.
Les migrations sont aussi anciennes que l’humanité.
Les flux migratoires, le déplacement de populations, la circulation de pays en pays fait partie de l’histoire de notre planète, de la richesse de ses peuples et de ses cultures.
Les migrations écologiques, économiques, politiques, professionnelles, affectives, de survie dues à des persécutions, des guerres, des famines…
Des flux incessants depuis la nuit des temps
Les rapports étroits entre la France et le Maroc depuis le début du XIXe siècle transforme la langue française orale. Des mots et des expressions souvent déformés font partie du vocabulaire argotique et viennent de la langue arabe : toubib (médecin), kawa (café), klebs (chiens)…
Mélange des langues
Mélange des musiques, des chants, des goûts et des coutumes.
Les guerriers « huns» à la chute de l’Empire romain amenèrent la recette des choux fermentés en Europe. Ils sont devenus les fameux choux utilisés pour la choucroute labellisée « alsacienne » !
Les frontières
Dans les années 1990, les frontières de l’Europe s’ouvrent, deviennent des no man’s land, des bâtiments vides, des aires de covoiturage, des parkings. L’espace Schengen fonctionne comme un espace unique en matière de voyages internationaux et de contrôles frontaliers, sans contrôle des frontières internes.
Nous, Européens, pouvons circuler, partir pour un temps, revenir, aller dans de nombreux pays du monde.
Cependant, depuis les années 2000, l’Europe se braque, les frontières de l’espace Schengen reprennent leurs fonctions, deviennent infranchissables, encerclant l’Europe. L’Europe avec ses murs, ses barbelés, ses chiens et ses gardes-frontières, ses milices privées.
Les pays européens s’allient pour mieux contrôler les flux, ficher les populations, rapatrier les indésirables.
En 2004, l’Europe s’arme : elle crée Frontex, l’agence européenne pour la Gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne. Frontex a des moyens militaires colossaux pour lutter contre l’arrivée des migrants en Europe (des armes, des  bateaux, des hélicoptères, des lunettes infrarouge, des détecteurs de battement de cœur….).
Frontex contrôle les murs aux frontières, surveille les mers, organise les charters de rapatriement, trie les migrants à l’arrivée des bateaux, prend de force les empreintes digitales, avec gégène si besoin, s’occupe du démantèlement de Calais. Frontex laisse des milliers de réfugiés se noyer en mer, faisant le choix de ne pas les secourir. Frontex reçoit de l’Europe plus de 120 millions d’euros en 2016.

Des personnes fichées anarcho-autonomes se voient refuser leur visa pour les États-Unis au moment de l’investiture de Trump. Aucune raison ne leur sera donnée.
Est-ce juste pour le temps de la cérémonie ou pour toute la durée de la candidature de Trump ?
Trump refuse l’accès aux États-Unis à six pays musulmans. Nouveau décret pour maintenir hors des frontières les  « terroristes islamistes radicaux ».
Si la circulation était libre comme l’indique la Convention universelle des Droits de l’homme, les déplacements seraient fluides, les gens iraient, viendraient.

« ARTICLE 13
1. TOUTE PERSONNE A LE DROIT DE CIRCULER LIBREMENT ET DE CHOISIR SA RÉSIDENCE À L’INTÉRIEUR D’UN ÉTAT.
2. TOUTE PERSONNE A LE DROIT DE QUITTER TOUT PAYS, Y COMPRIS LE SIEN, ET DE REVENIR DANS SON PAYS. »

Il n’y a pas plus de crise migratoire que d’invasion. Mais bien un besoin de contrôler, de réprimer, de dominer.

Un centre d’accueil à  Peyrelevade, un jeu d’échecs dans un univers carcéral

Deux CADA ouvrirent leurs portes, un à Eymoutiers en 2014 et un à Peyrelevade en 2015. À Peyrelevade, 80 personnes vivent en permanence tassées dans l’ancienne maison de retraite du village. L’odeur, les tapisseries, le lino, tout dans ce lieu rappelle son ancienne affectation et donne un goût âpre aux perspectives de ses nouveaux résidents. Dans des chambres à peine grandes comme des cellules, les demandeurs d’asile se succèdent. Après un an, deux ans ou trois ans de calvaire administratif, 70% des demandeurs d’asile voient leurs demandes refusées et sont forcés de quitter le dispositif CADA. Ils se retrouvent à la rue, sans rien, ni revenu ni  droit au travail. Dès leur chambre libérée, celle-ci sera remplie par de nouveaux arrivants. Venus des quatre coins du monde, Guinée, Nigeria, Bosnie, Algérie, Afghanistan, Kosovo, Russie, Djibouti, Congo, Éthiopie, Soudan, Érythrée… des hommes seuls, des femmes seules, des enfants, des familles, défilent dans ces centres en attendant leur destin.
Suivre les directives européennes d’accueil des migrants, les quotas d’acceptation, telle est la devise des travailleurs sociaux en gérance de la plupart des structures d’accueil de migrants.
Ils jugent les résidents dès leur arrivée, ils jugent leur entourage, leur fréquentation, et surtout leur récit, leur histoire, seule chose qui leur appartient encore.

Notre mémoire se troue là où elle ne veut se souvenir.
Notre mémoire se forme, se transforme, devient notre réalité.
Notre réalité est faite de souvenirs, de cassures, de traumatismes…
Notre réalité est notre histoire.
Notre histoire est en mouvement, elle ne peut se figer.
Notre histoire n’est pas la même que celle de notre frère ou que celle de notre mère.
Le trauma fait oublier.
Une femme, enceinte suite à un viol, raconte à un médecin lors de son arrivée en Europe, après des mois de voyage, n’avoir jamais eu de rapport sexuel, être persuadée d’être vierge.
Notre mémoire laisse place à la survie.
Elle se troue, elle se bouche, elle se floute.
Il reste du flou, ou juste des odeurs, des couleurs, des mots, des lieux ou des visages dont on ne sait le nom.
Ces questions, cette mémoire, le récit de leur vie, pour les demandeurs d’asile, se fige le temps de la procédure.
Leur vie devient un récit froid, qui ne peut changer, comme si leur passé appartenait aux autorités.
Et les flash-back, et les oublis ?
Non, plus rien n’est possible.
Un récit écrit est un récit fini.
Ce récit est leur seule défense.
Défense face à la prose de l’OFPRA (office fédéral de Protection des réfugiés apatrides).
Une prose qui ressemble étrangement à la prose policière.
Prose bien loin de la réalité, fantasmant des relations inexistantes, réécrivant la vie des gens à leur sauce, en y mettant déjà un a priori, ou des fascinations qui sont celles de policiers ou d’autres fonctionnaires de l’État.
Une prose qui cherche le mensonge. Qui doute, qui enquête pour chercher la faille dans la vie des gens jusqu’à en faire douter les interrogés sur leur propre nom, ou sur la date de naissance de leur mère.
« Il y a une erreur dans votre nom. »
Je n’ai pas de papiers, on me les a volés pendant la traversée. Je ne peux prouver mon identité.
« Vous êtes enregistré mais sous un autre nom. »
Je ne porte pas seulement le nom de mes parents comme chez vous.
Mon nom comprend toute une histoire, celle d’un arbre généalogique.
J’ai le nom de tous ceux qui me composent, de mes ancêtres.
Je ne peux pas avoir qu’un seul nom mais trois ou quatre.
Avoir un seul nom serait arracher une partie de moi-même, de mes ancêtres.
« Écorché, tu te nommeras écorché. »
Tu te nommeras avec deux S et un H ou tu ne te nommeras pas car tu ne peux le prouver.
Et en plus vous n’avez pas d’empreintes.
« Vous êtes non identifiable. »
Être sans histoire, être sans papiers, sans nom, sans date de naissance.
Que reste-t-il ?
L’achat de récits tout faits, vendus par les trafiquants de vie, les voleurs d’humanité, les brûleurs d’empreintes. Avoir l’asile est un parcours du combattant. Dans le combat tout est possible, vendre son histoire, vendre son nom, perdre son identité.
Mon histoire, est-elle assez vraie, est-elle assez triste, est-elle assez horrible ?
Ai-je bien raconté, ai-je bien insisté sur les points cruciaux ?
Toute cette pression persiste tout le long de leur démarche.
Toute rencontre dans ce contexte est donc compliquée.
Comment peuvent-ils transmettre leur histoire, l’histoire de leur pays, en s’échappant de cette spirale infernale qui est leur « récit », le « récit » de leur vie, celui qu’ils ont raconté à l’administration française.
Apprendre à raconter.
Apprendre à se rencontrer.

Nous et le Plateau

Nous avions été accueillis les bras ouverts par Jean Plazanet il y a dix ans, nous avons été bercés depuis notre arrivée par l’histoire de la résistance et par la fameuse expression : « Plateau, terre d’accueil ». Pourtant l’accueil des réfugiés depuis l’ouverture des CADA, ne fut pas une évidence. Peur de l’inconnu, peur du vol du travail, peur de l’invasion. Nos régions ne proposent plus de travail depuis bien longtemps. L’économie vivote, les maisons se vident et les classes se ferment par manque d’effectifs. L’arrivée des « néo » il y a une dizaine d’années a redonné vie à cette région désertée mais sa population reste encore très faible.


La peur est le mot d’ordre des sociétés capitalistes. Neutraliser les citoyens par la peur. Mettre en état de choc, à travers les médias, des populations entières, par des faits divers (viols collectifs, agressions, vols..) soi-disant commis par des migrants. Mettre en état de choc afin de faire passer des lois sécuritaires qui vont au-delà du contrôle des migrants. Certains Parisiens à la retraite, certains dits « de souche »  et habitant la Montagne limousine depuis plusieurs générations, des socialistes, des jeunes, des vieux… Beaucoup, matraqués par les médias, tremblent dans leurs chaumières.
Mais qu’est-ce que vous leur proposez, quel avenir pour eux, qu’est ce qu’ils vont faire ici sur le Plateau?
Se reposer, prendre un temps pour attendre, rencontrer des gens sur qui compter, à qui parler, des amis, l’amour, ou rien peut- être, ou seulement un peu de chaleur dans le froid du Plateau.
C’est à croire qu’ils en oublient leur passé, qu’ils en oublient l’histoire, l’histoire de notre monde. D’où venons-nous ? Ne sommes-nous pas tous de partout et d’ailleurs, d’ici et de nulle part ? SIAMO TUTTI STRANIERI
Pourquoi avoir si peur que nos villages désertés reprennent vie?

À notre arrivée, nous avions rencontré de vieux Espagnols. Ils nous ont conté leur vie, pas celle d’ici, celle de l’Espagne. Comme si leur vie avait pris fin une fois la frontière passée. On sentait entre nous une proximité, celle de se sentir étranger à ce monde, celle de vouloir se battre et dont la lutte est la vie.
Les Italiens, les Espagnols, les Portugais, les Kurdes, les esclaves des fermes, les enfants réunionnais, les néo et maintenant les milliers de personnes fuyant les guerres provoquées par les grandes puissances occidentales.
Nous traversons des territoires, nous apprenons à les aimer, à connaître leur rudesse et leur beauté, à rencontrer leurs habitants. Nous nous retrouvons ensemble, ici, pour tenter quelque chose, pour reprendre nos vies en main, parce que nous pensons qu’ensemble c’est plus facile que tout seul. Pour se battre contre les inégalités, pour être libres d’agir sur l’éducation de nos enfants, sur notre corps, sur notre santé, pour savoir ce qu’on mange, savoir produire, se réapproprier les moyens de subsistance, les moyens de construire nos maisons, et trouver la force de lutter contre ceux qui nous oppriment et qui veulent faire de ce monde un cimetière géant.

 «Les gouvernements ont choisi le camp de la mort, nous sommes du côté de la vie. Migrants,  bienvenue! » manifestation contre l’expulsion de la jungle de Calais en décembre 2016 à Tulle.

Ne pas perdre notre histoire, rencontrer celle des autres, lutter au jour le jour.
« Terre d’accueil » ne fait pas consensus sur notre territoire.
Un tag fraîchement peint qui disait « Accueil des migrants » a été modifié en « A. C  des migrants » (assez des migrants) puis en « virons les migrants » puis en « un migrant = 1 balle ». Ces slogans nous font froid dans le dos et nous rappellent une époque pas très lointaine.
Froid dans le dos, comme ce slogan scandé dans une manifestation de policiers en grève à Paris : « toute la racaille en prison ! ».
La montée du fascisme dans nos campagnes profondes s’accélère. Le fascisme, seule chose à laquelle les perdus de notre terre peuvent se rattacher dans ce chaos général.
Nous voulions creuser dans le passé de notre territoire, comprendre comment on en était arrivé là et comment avaient été réellement accueillis ces Italiens, Espagnols, Portugais, Kurdes, turcs, Réunionnais, néos… qui peuplent les terres du Limousin depuis des décennies.
Nous voulions en savoir plus…

Un peu d’histoire des migrations en Limousin 

Les italiens tailleurs de pierres
« Fano Delprato  a fui le fascisme pour venir faire un travail de bagnard dans le Limousin. Il n’est jamais retourné en Italie. Un jour, son fils Joël a réussi à décider son père de faire le voyage ensemble : les voilà partis en voiture. À l’approche de la frontière, il sent son père se crisper ; puis ça y est, ils sont en Italie. Moins de cinquante kilomètres après, Fano dit à son fils : « S’il te plaît, fais demi-tour… «  Joël a bien senti que ce n’était pas la peine d’insister, impossible de retourner là-bas. Ils sont revenus à Pontarion ; ils n’ont plus jamais reparlé de l’Italie. »

Dans les années 1920, le plateau de Millevaches accueille des Italiens par milliers fuyant pour la plupart le fascisme. Ceux-ci travaillent dans la taille de pierre, dans des conditions extrêmes. Ils ont bâti des maisons, des églises, des ponts et des trottoirs. Beaucoup de trottoirs. Ils ont taillé, beaucoup.
Taillé dans les blocs de granit immenses qu’ils pétaient à la dynamite.
Ces trottoirs qui nous paraissent si anodins, où les chiens déversent leurs excréments, sur lesquels on marche à longueur de journée…
Les « Macaronis » , voilà le surnom que ceux qui ne voulaient pas d’eux utilisaient pour les nommer !

Là où ils ont travaillé toute leur vie, là où ils ont grandi, là où ils sont morts, là où ils ont fait des enfants, là où ils habitent, ils sont toujours restés considérés comme des étrangers.

Les maquisards espagnols
À partir de 1936, des milliers d’Espagnols fuient le franquisme et atterrissent en France. Des camps de travail voient le jour un peu partout. Parqués comme des bêtes et surveillés par le régime de Vichy. Tout particulièrement ceux fichés « anarchistes » ou « communistes ».

Beaucoup d’Espagnols seront déportés et livrés aux Allemands par le régime de Vichy. Ils mourront, pour la plupart, dans les camps d’extermination allemands. D’autres seront renvoyés de force dans l’Espagne fasciste qu’ils avaient fui. Pour les Espagnols ayant réussit à fuir la déportation, nous retrouverons leur trace dans les maquis du Limousin, aux côtés des maquisards français participant à la Libération. Retrouvant enfin leur place et leurs marques, enseignant l’art de la guérilla aux maquisards français.

Nous étions en temps de guerre.

En état de guerre, nous le sommes encore, les containers de calais encerclés par des barbelés et surveillés par des gardes-mobiles, toutes les expulsions massives, l’entassement dans des camps aux frontières, les centres fermés, les viols, violences et assassinats perpétrés par la police.

Le 18 mars 2016, la Turquie et l’Union européenne ont convenu d’un plan global pour réduire la migration vers l’Europe. Le but de cet accord est de réduire le franchissement irrégulier des frontières, de renvoyer les migrants en situation irrégulière de force dans leur pays d’origine, de créer des camps dans les pays en guerre (Syrie…) et d’aider les dictateurs des pays d’où proviennent les réfugiés à contrôler leurs opposants.

« Coopérer pour mieux expulser »
Les migrants provenant de pays dictatoriaux ayant des accords avec l’Europe voient leur demande d’asile refusée, car ils sont considérés comme des migrants économiques et non politiques. Conséquence directe de cette stratégie européenne, des dictatures telles que l’Érythrée, le Soudan ou la Gambie utilisent le rôle de partenaire que l’Union européenne leur a attribué dans la lutte contre l’immigration, pour se réhabiliter face à l’opinion publique internationale, en tentant de faire passer au second plan les crimes qu’elles ont commis.

« CONCRÈTEMENT, L’UE VISE, EN PARTICULIER LE GOUVERNEMENT ITALIEN, À ESSAYER DE TRANSFÉRER NOS FRONTIÈRES EN AFRIQUE, OU MÊME DIRECTEMENT DANS LES PAYS D’ORIGINE, EN BLOQUANT DÈS LE DÉPART LES MIGRANTS « ÉCONOMIQUES » ET LES DEMANDEURS D’ASILE, C’EST-À-DIRE LES PERSONNES QUI FUIENT LA GUERRE ET LES PERSÉCUTIONS. DANS CE CAS, LES RELATIONS AVEC DES DICTATURES SONT ÉGALEMENT NORMALISÉES. L’UE EST MÊME PRÊTE À DIALOGUER AVEC LE DICTATEUR ÉRYTHRÉEN ISAIAS AFEWERKI, AU POUVOIR DEPUIS 1993 DANS UN PAYS D’OÙ PROVIENT UN DES GROUPES DE PERSONNES LE PLUS NOMBREUX À LA RECHERCHE DE PROTECTION, À CAUSE JUSTEMENT DU MANQUE TOTAL DU MOINDRE SEMBLANT DE DÉMOCRATIE ET DE RESPECT DES DROITS DE L’HOMME ; TOUT CELA MALGRÉ LES LOURDES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION D’ENQUÊTE ONUSIENNE SUR LES CRIMES COMMIS EN ÉRYTHRÉE. » (ARCI)

C’est également l’esprit du processus de Khartoum, signé le 28 novembre 2014 entre l’Union européenne et une vingtaine de pays africains, du Soudan à la Libye. L’Europe finance des formations de surveillance, renforce les contrôles aux frontières, établit des camps, vise à interrompre les flux de transit. Les services de renseignements des pays africains dictatoriaux travaillent de pair avec les polices européennes pour repérer, dans les camps, les gens fichés, les opposants.
Beaucoup étaient à Calais, sans procédure de demande d’asile, ils ne sont pas enregistrés en France, ils sont renvoyés de force sans laisser de trace.
Un fonctionnement qui nous rappelle des moments douloureux de l’histoire des dictatures d’Amérique latine, « l’opération condor ».
Dans les années 1970, les services secrets du Chili, de l’Argentine, de la Bolivie, du Brésil, du Paraguay et de l’Uruguay et avec le soutien des États-Unis, travaillent ensemble pour poursuivre et assassiner des dissidents politiques. Ces services iront jusqu’en Europe et aux États-Unis.

Les pupilles de La Réunion : les enfants de la Creuse, une migration forcée
Danyel Waro – Banm Kalou Banm – YouTube

« Chicaud, ala in nafèr pou ou. Astèr fèrm out bous, tak ali pou touzour. »


En 1965, les élèves d’une école rurale de Lozère.

« J’ai souvenir d’un temps où le soleil irradiait nos moindres mouvements, où les éclats de rires accrochaient les étoiles dans nos regards d’enfants où l’innocence était encore un trésor dans nos cœurs ardents. J’ai souvenir d’un temps qui fut comme un rêve et comme un avant. » (Un enfant devenu pupille de l’État)

« Historien de l’enfance orpheline, j’ai rarement été confronté à tant de souffrancesDans les archives, on trouve des cas d’enfants de 12 ans qui font des tentatives de suicide, qui sont internés, tombent en dépression. On trouve des lettres désespérées qui supplient l’administration de rapatrier leurs auteurs à la Réunion.»

« Ce qui se passe en outre-mer dans les années 1960-1980 rend visible une nouvelle configuration de la société française que l’on peut  appeler « post-coloniale ». La Ve République réorganise, dans le contexte de la guerre d’Algérie, son espace post-colonial et, quelques années après l’indépendance de l’Algérie, introduit de nouveaux réaménagements dans les domaines économiques, politiques, sociaux et culturels dans les outre-mer…une nouvelle carte du territoire apparaît, distinguant ceux qui comptent et ceux qui ne comptent pas. » (Françoise Vergès, Le ventre des femmes)

À l’origine de cette affaire d’enfants déportés, il y a Michel Debré, alors député gaulliste de La Réunion et ministre de la Guerre. Confronté à la crise de l’île, marquée par la grande pauvreté et le chômage, Michel Debré préconise la ponction d’une partie de la jeunesse réunionnaise qu’il fait venir en métropole, surtout dans les zones rurales (Creuse, Lozère, Gers, Lot, etc.).
Michel Debré et son gouvernement gaulliste luttent contre le communisme et continuent sur les traces de la guerre d’Algérie, de mettre en place la contre-insurrection.
Ayant peur que cette jeunesse pauvre et livrée à elle-même ne se soulève, ils veulent contrer l’emprise du communisme sur cette population démunie.
«C’est dans la misère que naît le communisme. » (Michel Debré)
Entre 1963 et 1981, 1 615 enfants ont été transférés de la DDASS de La Réunion au foyer de Guéret en Creuse puis dispatchés dans toute la France.
Michel Debré donne des directives et engage une campagne de publicité pour persuader les familles.
« L’Eldorado c’est la France. »
Pour être transférés, les enfants, sélectionnés dans les orphelinats ou les quartiers les plus pauvres de l’île, doivent être immatriculés comme «pupille d’État», c’est-à-dire que leurs parents –lorsqu’ils existent– doivent renoncer à tout droit sur eux. Ces enfants appartiennent à l’État français qui pourra faire d’eux ce qu’il veut.
Des centaines de parents illettrés signent des procès-verbaux d’abandon qu’ils ne peuvent pas déchiffrer.
On promettait aux parents un avenir de médecin et d’avocat pour leurs enfants, et surtout un retour de ceux-ci pour les vacances.
Ils furent escroqués car jamais ils ne revirent leurs enfants.
Pour les choisir, des assistantes sociales enquêtent dans les bidonsvilles de La Réunion puis émettent des rapports ignobles.
« Ils vivent comme des bêtes. »
« Ce sont des sauvages. »,
« Les enfants sont en danger, les parents sont des ivrognes. »
La plupart des familles seront forcées.
Ces bébés, ces enfants, ces adolescents seront endormis pendant le trajet en avion.
Ils ne se rappellent que de l’atterrissage en France.
À leur arrivée à Guéret, ils seront triés par âge et désinfectés.
L’esclavagisme sera le destin de ces enfants.
Les plus âgés seront envoyés dans des fermes, travaillant comme des esclaves, maltraités, mal nourris et pour certains violés.
D’autres resteront dans des centres fermés, eux aussi violés, maltraités, et faisant l’objet d’un lavage de cerveau quotidien sur les bienfaits de la France.
Des fillettes seront envoyées au couvent, ou placées comme bonnes dans des familles.
Certains ont eu un peu plus de chance et ont été placés en familles d’accueil ou adoptés.
Ils perdirent jusqu’à leurs vrais noms et furent rebaptisés par leurs camarades de classe, leur patron ou leur surveillant « Chocolat », « Mousse », « Petit noiraud ».
Aucun impact démographique n’aura eu lieu ni à la Réunion ni dans les régions de France où ils furent déportés.
Cette histoire reste secrète, l’État n’a jamais voulu reconnaître l’atrocité de ses gestes.

Les Kurdes en Corrèze
« Peyrelavade, la difficile intégration de 56 Kurdes »
« Ces réfugiés font un effort pour s’intégrer, les jeunes filles ne portent plus le foulard traditionnel, la vie dans les gîtes passe par l’observation de règles explicitées par les autorités locales. »  (extrait d’un quotidien de l’époque)
Le Kurdistan s’étend sur trois pays : le sud de la Turquie, le nord de la  Syrie et l’Irak. Dans les années 1980, des Kurdes, réfugiés politiques, fuient les régimes turc et irakien. Les Kurdes naissent apatrides, le régime turc ne leur donne pas de papiers, pas d’état civil.
Naître apatride dans son propre pays.
N’avoir aucun droit, même pas celui de vivre, de parler de politique sans être surveillé, torturé, massacré, persécuté.
De nombreux Kurdes ne pouvant supporter de rester en Turquie en subissant le régime, en restant la tête baissée, ont décidé de prendre les armes.
Après des années de lutte face à la répression grandissante, certains sont forcés de fuir dans d’autres pays et d’y poursuivre leur combat, de lutter pour leur peuple au-delà des frontières.
En 1989, plus de 300 Kurdes, fuyant les exactions dont ils sont victimes en Irak, arrivent en Auvergne. Après deux mois passés au camp militaire de Bourg-Lastic, dans le Puy-de-Dôme, une soixantaine d’entre eux « débarquent » à Peyrelevade, au cœur de la Montagne limousine, pendant que d’autres sont accueillis en Creuse, à Mainsat, ou encore dans le Puy-de-Dôme ou en Ariège. La plupart partiront vers les villes une fois leur demande d’asile acceptée.

Et bien d’autres histoires
La France a accueilli sans problème 128 531 Vietnamiens, Cambodgiens et Laotiens dans les années 1980. Et maintenant elle s’effraie d’accueillir à peine 30 000 réfugiés.
Bien d’autres histoires se sont passées sur notre territoire mais nous ne pouvons toutes les conter.
Il faut savoir se rappeler. Savoir laisser des traces.
Savoir transmettre tel un ménestrel les musiques qui nous ont bercés, les gens qui nous ont précédés, les choses qui se sont passées, les choses qui sont restées cachées.
Apprendre du passé nourrit notre présent.
Le perpétuel recommencement laisse sans voix.

«Vogliono rimandarci, chiedono dove stavo prima, quale posto lasciato alle spalle.
 Ils veulent nous renvoyer, ils demandent où j’étais avant,
quel lieu laissé derrière moi.

Mi giro di schiena, questo è tutto l’ indietro che mi resta, si offendono, per loro on è la seconda faccia
Je tourne le dos, c’est tout l’arrière qu’il me reste.
Ils se vexent,  pour eux ce n’est pas une deuxième face.

Noi onoriamo la nuca, da dove si precipita il futuro che non sta davanti, ma arriva da dietro e scavalca.
Nous, nous honorons la nuque, d’où s’élance l’avenir
qui n’est pas devant, mais qui arrive par-derrière et enjambe.

Devi tornare a casa. Ne avessi une, estavo.
Nemmemo gli assassini ci rivogliono.
Tu dois rentrer à la maison. Si j’en avais une, je serais resté.
Même les assassins ne veulent plus de nous.

Rimetteteci sopra la barca, scacciateci da uomini,
non  siamo bagagli da spedire e tu nord non sei degno di te stesso.
Remettez-nous dans le bateau, chassez-nous en hommes,
nous ne sommes pas des bagages à expédier et toi, Nord, tu n’es pas digne de toi-même.

La nostra terra inghiottita non esiste sotto i piedi, nostra patria  una barca, un guscio aperto.
Notre terre engloutie n’existe pas sous nos pieds,
notre patrie est un bateau, une coquille ouverte.

Potete respingere, non riportare indietro,
è cenere dispersa la partenza, noi siamo solo andata.
Vous pouvez nous repousser, non pas ramener,
le départ n’est  que cendre dispersée, nous sommes des aller simples »

Erri de Luca, « Aller simple »

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Quelle place pour les recycleurs de rue au Brésil et en France ?

Projection débat à la Mutinerie, 29 rue de Meaux, 75019 Paris (Métro Jaurès), le 26 avril à partir de 18h30

Documenter des alternatives citoyennes, c’est le pari que s’est donné le programme Une Seule Planète depuis maintenant plus de deux ans. Une Seule Planète vous invite à la première de son film documentaire « Catadores, recycleurs de rue au Brésil, transformer les déchets en citoyenneté ».

Ce documentaire produit par Une Seule Planète a été réalisé par Sonia Ben Messaoud et Laetitia Martin, membres d’ Echo’via, une association engagée autour de la production et la réalisation de projets audiovisuels et plurimédias à caractère social, écologique et solidaire. Longtemps marginalisés et stigmatisés, certains recycleurs de rues brésiliens, les catadores , se sont progressivement organisés pour la reconnaissance de leurs droits et de leur profession.

C’est ainsi que ce pays a vu naître sur son territoire des centaines de coopératives et associations de catadores. Ces travailleurs contribuent à construire une économie populaire, dont la finalité n’est pas uniquement monétaire, mais aussi sociale et environnementale.

En France, la situation est très différente. Interdits par la plupart des municipalités et méconnus du public, les biffins renvoient trop souvent à des situations d’extrême pauvreté qu’ils permettent pourtant de combattre. C’est pour une reconnaissance comme travailleur à part entière qu’ils militent.

La projection sera suivie d’un débat, qui sera l’occasion de revenir sur le contexte brésilien qui a vu naître le mouvement des catadores, tout en interrogeant la situation des biffins en France.

Programme :
– 18h30 : accueil
– 19h00 : projection du film « Catadores, recycleurs de rue au Brésil, transformer les déchets en citoyenneté » (32 min.)
– 19h30 : Débat
– 20h00 : Pôt de l’amitié

Intervenants :
-Marcelo Negrao (Ancien salarié de France Libertés, doctorant sur les catadores)
-Mireille Alphonse (Conseillère municipale EELV à Montreuil en charge du commerce et de la promotion territoriale)
-Samuel Le Cœur (Président d’Amélior, association pour la promotion des marchés biffins en Ile de France)

Animation : Henri Lefebvre, coordinateur du programme Une Seule Planète

Les places étant limitées, merci de confirmer votre présence en vous inscrivant ici.

 

Autres rendez-vous concernant les biffins en Ile de France :

 

Comment peut-on reinterroger l’éducation populaire à travers la recherche-action ?

Comment peut-on reinterroger l’éducation populaire et répondre aux enjeux actuels à travers une démarche de recherche-action ? L’expérience du Laboratoire d’Innovation Sociale par la Recherche-Action Vendredi 7 avril 2017 à 19h, dans les locaux de Peuple et Culture, 108/100 rue Saint-Maur, 75011 Paris Dans le cadre du cycle culturel « Comprendre ce qui nous arrive […]

Reinterroger l’éducation populaire à travers la recherche-action (Paris)

Comment peut-on reinterroger l’éducation populaire et répondre aux enjeux actuels à travers
une démarche de recherche-action ?
L’expérience du Laboratoire d’Innovation Sociale par la Recherche-Action

Vendredi 7 avril 2017 à 19h, dans les locaux de Peuple et Culture

Dans le cadre du cycle culturel « Comprendre ce qui nous arrive » Rencontre débat avec Hugues Bazin
chercheur indépendant en Sciences Sociales, coordinateur du laboratoire d’Innovation Sociale par la Recherche-Action, chercheur associé à la Maison des Sciences de l’Homme Paris-Nord et à l’Institut National de la Jeunesse et de l’Éducation Populaire

Où et comment s’incarne le projet émancipateur et transformateur ? Qui sont les acteurs populaires de ces mouvements ? Quels sont les dispositifs et les outils de ce processus ? Pourquoi ces acteurs ne se revendiquent pas nécessairement de l’héritage de l’éducation populaire, voire contestent cette notion ?

Depuis les années 2000, un réseau d’acteurs s’est constitué et a pris la forme d’une association sous l’énoncé « Laboratoire d’Innovation Sociale par la Recherche-Action ». La manière dont s’est constitué ce réseau, le profil des acteurs et de leurs expériences caractérise un processus qui s’est développé hors des formes instituées, dans des espaces interstitiels ou des territoires délaissés, bien souvent dans l’angle mort de la connaissance académique.

Entrée libre
Réservation obligatoire par mail union@peuple-et-culture.org ou téléphone – 01 49 29 42 80

Union d’éducation populaire
108/100 rue Saint-Maur, 75011 Paris
www.peuple-et-culture.org

Le corps politique de la danse hip-hop

©Thomas-Bohl, Danse des guerriers de la ville

Le corps est l’endroit où s’enchevêtrent l’intime et le politique entre l’expression des sentiments et l’incorporation des oppressions. Le « dedans » est une opération du « dehors ». Dans ces plis se logent les conditions sociales de production de la personne. S’il y a bien un espace où cette confrontation peut avoir lieu entre art et pouvoir, c’est l’espace public.

 

Entre ceux qui pratiquent l’espace et ceux qui veulent contrôler son caractère sauvage, inorganisé, improbable, ingouverné, non fonctionnalisé. Il n’y a pas de définition préétablie de l’espace public, sinon dans la manière de jouer sur le curseur entre liberté et contrôle.

Soumis au formatage de la convocation et de l’événementiel, plus les cultures urbaines, le street art  et autre art de la rue sont encensés dans le discours officiel, plus ils sont inféodés à l’idéologie consensuelle de l’« attractivité » et de la « reconquête » des territoires interstitiels ou délaissés, c’est-à-dire à la fermeture des derniers espaces de respirations de la ville, « à la grande entreprise d’uniformisation urbaine, de cadrage des usages dans l’espace public et de gentrification de quartiers populaires »[1].

Comprendre les enjeux actuels, c’est comprendre comment le corps réagit dans l’espace public. Est-il régi par lui ou au contraire ouvre-t-il un espace en se déployant à travers lui ? Cette immersion dans l’espace provoque une poussée politique d’une force esthétique dirigée de bas en haut égale au poids du volume déplacé. Ce théorème d’Archimède appliqué à tous arts publics, appelons-le poussée de « l’art à l’état vif »[2].

Une technologie du pouvoir s’est instaurée pour évacuer les indésirables, les gueux, les marginaux, les migrants, les révoltés, pour les rendre invisibles, pour les mettre hors de portée, hors société, pour exclure savamment et méthodiquement le corps de l’espace et infliger aux corps les contraintes de la servitude. L’exploitation économique commence par une coercition des corps. C’est une manipulation calculée de ses éléments, de ses gestes, de ses comportements. La discipline fabrique des corps soumis et exercés, des corps « dociles » ; elle majore les forces du corps en termes économiques d’utilité et diminue ces mêmes forces en termes politiques d’obéissance[3].

Un jeune noir ou arabe dans les rues françaises apprend très tôt à ne pas courir devant les forces de l’ordre sous peine d’injures et de poursuites, car si l’on court c’est que l’on fuit et si l’on fuit c’est que l’on est coupable. Zyed et Bouna à Clichy-sous-Bois sont morts d’avoir couru[4].

« Ne jamais courir, surtout la nuit, pas de mouvements brusques, pas de capuchon sur la tête, pas d’objet à la main, surtout brillant, ne jamais attendre des amis à un coin de rue, au risque d’être pris pour un dealeur, garder ses distances avec ceux qui pourraient vous juger dangereux sous peine de se mettre soi-même en danger[5] ». Ce sont des règles universelles de résistance dans tous les territoires ségrégationnistes de la planète[6].

La marche comme proto mouvement d’un état du monde traduit directement ce rapport politique. Une pensée du corps dans l’espace ouvre cette voie réflexive d’interroger son expérience en constituant le contre espace d’un labo in vivo des repliements et dépliements d’une forme corporelle et sociale.

« Pendant l’entre-deux-guerres des artistes afro-américains propose de nouvelles formes de danse cherchant à s’éloigner des claquettes des danses de revue, il commence à penser la danse comme un lieu de revendications sociales et raciales, de métissage, de mémoire culturelle et de représentation de la diaspora »[7] qui fit écho quelques années plus tard à la lutte pour les droits civiques, le mouvement Black Power et les luttes des minorités.

Tout processus d’oppression génère sa culture de résistance. Les luttes sociales se réinventent à l’aune du changement radical des rapports de production. Un acte libre et gratuit ne peut qu’interroger de par sa simple existence les conditions politiques d’émergence d’un espace public. C’est une manière de réaffirmer le caractère non-propriétaire comme espace du commun partageable. Un système à prétention totalitaire possède ses propres failles. La rue avec ses espaces insoumis et ses murs révoltés est une de ces failles spatio-temporelles. Par le fait même d’être à la fois le début et la fin d’un processus de marchandisation, elle provoque des tensions où se logent des pratiques spontanées et brutes d’hacking urbain selon les méthodes créatives de détournement et de la récupération à l’instar du graffiti[8] et du parkour[9].

La danse devient elle-même politique en dépassant l’emprise de la peur, en retournant ce par quoi la ville se refuse à la rencontre et à l’expression. Et tout d’un coup, ce corps invisible, refoulé, replié, relégué aux périphéries rythme le cœur des places. Cet acte fondamental d’appropriation de son espace vital recompose l’unicité de son parcours de vie.

La danse hip-hop est politique parce qu’elle restaure cette fonction critique dans la tension entre le proto mouvement du corps contraint et le méta mouvement des luttes d’émancipation. Elle se distingue en cela de la danse contemporaine dans sa forme instituée labellisée par le monde de l’art qui a perdu sa promesse émancipatrice, « un projet dont la faillite accompagne la fin des avant-gardes historiques et l’échec du projet révolutionnaire »[10]. Seul peut se dire contemporain celui qui ne se laisse pas aveugler par les lumières du spectacle. « Contemporain est celui qui reçoit en plein visage le faisceau de ténèbres qui provient de son temps »[11].

Au rez-de-chaussée des villes, au plus bas des dalles et des halls, en tâtant la dureté des textures le mouvement tire sa force des matériaux disponibles, le béton prenant ici le rôle de la terre mère africaine. « En Afrique, la danse n’est pas séparée, elle fait partie intégrante du complexe vivant »[12].

Cette capacité à relier la terre battue et le bitume participe d’une médiation de la forme (l’expérience esthétique) avant une médiation de l’œuvre (l’expérience artistique). C’est ce qui a facilité la traversée des océans entre Afrique et Amérique, Amérique et Europe, Europe et Afrique. C’est ce qui a permis de transcender les cultures en dépassant la séparation entre un art de vivre et vivre l’art entre culture populaire et culture savante.

Ce n’est pas un objet d’art statufié qui prend sens dans le regard du public averti de « La » culture, mais des situations en mouvement d’un imaginaire instituant entre les hommes et le monde. Autrement dit, il ne peut avoir transformation sans relation entre forme et sens, matériaux et symboles. Sans l’irruption créatrice de cet imaginaire, la société n’existe plus dans ce qui fonde notre manière de vivre ensemble.

« En matière de création artistique, il importe essentiellement que l’imagination échappe à toute contrainte, ne se laisse sous aucun prétexte imposer de filière. Loin de notre pensée de vouloir ressusciter un soi-disant art « pur » qui d’ordinaire sert les buts plus qu’impurs de la réaction. Nous estimons que la· tâche suprême de l’art à notre époque est de participer consciemment et activement à la préparation de la révolution. L’artiste ne peut servir la lutte émancipatrice que s’il s’est pénétré subjectivement de son contenu social et individuel, que s’il en a fait passer le sens et le drame dans ses nerfs et que s’il cherche librement à donner une incarnation artistique à son monde intérieur »[13].

Mais une fois décrétée objet d’art, l’œuvre perd cette force médiatrice. Retrouver l’énergie salvatrice s’opère dans la confrontation aux matériaux. Se cogner au ciment cimente. C’est dans cette force structurante que naissent une conscience et des collectifs, un mouvement indiscipliné, sauvage qui s’invente lui-même ; c’est dans ce mouvement que s’exprime un désir irrépressible et spontané surgi de l’expérience innommable, intolérable des rapports de domination. Si les cultures urbaines sont nées du croisement entre l’art et le peuple alors elles ne peuvent exister que comme formes autonomes et subversives.

Elles perdent leur autonomie là où commence la définition de l’art et du peuple comme objet économique et sociologique. Existent-ils vraiment ? Certains disent les avoir rencontrés. Ne les croyez pas ou plutôt croyez en l’illusion de la réalité du peuple que procure l’art. « L’art est un mensonge qui dit la vérité en nous délivrant de l’illusion du réel »[14].

La folie de Charlie Chaplin disparaît lorsque le cinéma parlant devenu une industrie s’est mis à prétendre décrire le réel alors que le cinéma muet finissait en objet de curiosité et d’analyse. Sa force était ces zones d’ombre, le caractère irréel de ses personnages. Comme le déplorait Chaplin, « de nos jours on n’en sait trop sur les gens, il n’y a plus de place pour l’imagination, pour la poésie inhérente aux figures mythiques »[15]. Ces personnages n’existaient pas dans la vraie vie et pour cela pouvait dénoncer férocement les conditions de vie, jouer le facteur de chaos à l’intérieur de l’ordre établi, réussissant à créer leurs propres dynamiques auxquelles pouvaient s’associer les gens.

Alors, doutons lorsqu’on prétend décrire un peuple et un art hip-hop. Attachons-nous à une recherche qui se déjoue des représentations chosifiant le vivant pour mieux toucher la vérité d’un mouvement d’émancipation et de création, là où la danse de rue retourne l’enveloppe de la ville permettant à chaque passant pauvre ou non de projeter dans le clochard céleste l’âme révolutionnaire.

Que nous dit le danseur hip-hop ? « Puisque tu n’as rien, tu vas faire quelque chose de magnifique. L’art est au coin de la rue, il suffit d’avoir des yeux de poète »[16]. Ne croyez pas les commentaires paternalistes qui disent d’un ton condescendant qu’un chorégraphe est « issu du » hip-hop ou « issu de » la rue lorsqu’il accède au Saint Graal des scènes contemporaines. Le hip-hop serait digne d’intérêt non dans sa force éruptive, mais comme volcan éteint, esthétiquement domestiqué, policé une fois éliminé tout danger subversif.

« La danse est la danse. Un chorégraphe noir qui chorégraphie des ballets classiques sur des thèmes empruntés à l’Antiquité grecque n’est pas moi artiste qu’un chorégraphe noir dont le travail s’inspire du ghetto »[17]. « Issu de » rappelle constamment l’injonction faite aux arts considérés comme mineurs et a-historiques – puisqu’enfermés dans un passé dénué d’avenir – de s’ouvrir à l’art, le vrai, celui qui s’inscrit dans l’histoire et le récit national. Comme il est toujours rappelé aux jeunes « issus de » l’immigration trois générations après qu’ils ne seront jamais totalement français, qu’ils n’appartiendront jamais au récit collectif et doivent toujours faire la preuve de leur intégration comme manifestation de leur docilité.

Michel De Certeau appelait cela la « beauté du mort » où les arts et les cultures populaires deviennent attractifs qu’une fois éteints[18]. Chris Marker le confirme notamment à propos du pillage de l’art africain : « quand les hommes sont morts, ils entrent dans l’histoire. Quand les statues sont mortes, elles entrent dans l’art. Cette botanique de la mort, c’est ce que nous appelons la culture »[19].

Mais l’émergence de formes brutes et singulières nous indique qu’« il se peut que, sur les ruines de la culture, une création d’art renaisse, orpheline, populaire, étrangère à tout circuit institué et à toute définition sociale, foncièrement anarchiste, intense, éphémère, dégrevée de toute idée de génie personnel, de prestige, de spécialisation, d’appartenance ou d’exclusion, de clivage entre la production et la consommation. Ce serait l’avènement d’un homme sans modèles, radicalement irrespectueux et par conséquent créateur »[20].

De l’art et du peuple lequel finalement manque le plus à l’autre ? Il est de bon ton, et plus confortable moralement, de prétendre que l’art manque au peuple. C’est ainsi que s’érige l’idéologie néo coloniale envoyant les artistes comme missionnaires civilisateurs au nom de la reconquête des territoires populaires. « On peut penser aussi que c’est le peuple qui manque à l’art, et c’est aux artistes alors de nous le rappeler, eux qui ont recours à son énergie, à sa créativité et à ses ressources, pour renouveler leur inspiration »[21].

La danse hip-hop reçoit l’injonction de s’ouvrir. « En distinguant art majeur et art mineur, la politique culturelle de l’État a contribué à maintenir les ségrégations culturelles. Elle a établi des échelles normatives de valeur fondées sur la notion vague d’« excellence », dont on peut se demander si elle relève du goût, nécessairement subjectif, ou d’un critère construit par l’esthétique et/ou l’histoire de l’art »[22].

Pourtant, loin d’enfermer l’art, le hip-hop et autre art populaire le libèrent du carcan qui le sépare de la vie. Ainsi la danse ne devient pas « art » une fois qu’elle monte sur la scène des théâtres contemporains, l’art existait dès les premières secondes de sueur jetée sur l’asphalte. Elle sera vivante tant qu’elle continuera d’introduire le corps pensant dans l’espace public.

Ce corps acrobate tel un Buster Keaton prend des risques. Parfois maltraité, parfois briser, « il est projeté avec fulgurance au travers des structures sociales, des mécaniques et des machinations de la société. C’est un corps jeté au monde, et dans le mouvement de sa projection il va précipiter, emballer le monde à l’échelle des grands espaces, de la ville entière »[23].

Dans le cercle hip-hop, dans ce jeu continuel d’appel réponse propre à toute forme populaire, le corps du spectateur est mobilisé, il est transporté, il devient lui aussi acteur de ces liaisons et déliaison sensorimotrice, il est projeté dans cette danse avec le monde.

En créant un nouveau cadre de réception, la danse hip-hop crée un environnement qui ouvre un champ de possibilités sans pouvoir présager de la forme d’apparition et de production des événements, rarement répertoriés dans les lieux dédiés à la culture qui qualifient l’œuvre en fonction des critères d’excellence artistique.

Mais comme le rappelle Jean Dubuffet « L’art ne vient pas coucher dans les lits qu’on a faits pour lui ; il se sauve aussitôt qu’on prononce son nom : ce qu’il aime c’est l’incognito. Ses meilleurs moments sont quand il oublie comment il s’appelle ».

Échapper à la catégorisation de la forme esthétique c’est d’une autre manière revendiquer l’expérience esthétique comme faisant partie du processus artistique et l’art lui-même comme bricolage assumé. C’est comprendre avant tout l’œuvre comme un principe d’accomplissement de ce mouvement. Ce n’est pas refuser une professionnalisation, mais indiquer que les modes de création, de transmission et de diffusion peuvent emprunter des chemins braconniers et, par conséquent, sa propre façon d’organiser, de classer, de hiérarchiser ses modes de validation et de jugement, distincts de ceux du monde de l’art.

Après tout on veut bien accepter de l’art contemporain qu’il développe des œuvres comme processus d’emprunts collages, réappropriation, transformation, rupture, renversement… Alors, la prise en compte de l’aléatoire dans l’œuvre, le dialogue ou la confrontation avec les matériaux bruts, la préférence du processus intuitif à l’ingénierie de projets, l’absence d’appartenance à une école, la revalorisation par le détournement des situations déclassées ou reléguées devraient être des critères tout aussi acceptables d’une mise en œuvre artistique que celle du milieu académique ou institutionnel.

Et si l’on refuse à cet art indiscipliné une autonomie, ce n’est pas pour des critères artistiques, mais politiques couvrant d’autres raisons économiques. Le refus de considérer l’art catégorisé comme mineur, minoritaire, voire communautaire, c’est lui refuser de se constituer comme forme sociale et culturelle totale, un « Tout-Monde »[24] dans sa diversité et son universalité.

À la brutalité du monde et des hommes ­répond l’art porté à mains nues comme une arme. Le collectif de femmes du New Dance Group affirmait dans les années 30 « dance is a weapon », la danse est une arme contre les puissants, une arme pour les dominés, une ­arme pour l’émancipation des masses. « Alors on va dans les usines, dans les bureaux, dans les rues, on enseigne l’art du mouvement ­libre, de l’improvisation aux danseurs professionnels comme aux amateurs, ­enfants, ouvriers ou secrétaires »[25].

Le corps politique de la danse et autre art dans l’espace public sont une guérilla en faveur d’un libre accès à l’espace et la culture. « Il est grand temps pour nous, dans la grande tradition de la désobéissance civile, de manifester haut et fort notre opposition à la confiscation de la culture publique par les organismes privés »[26]. Il nous faut nous emparer du savoir et tous autres matériaux utiles là où ils sont, les diffuser et les partager avec le reste du monde.


Hugues Bazin, Intervention à la conférence dansée, « Danse contemporaine, questions d’Afrique », 18 mars 2017, Morsang-sur-Orge (91) sous les auspices des Rencontres Essonne Danse et du centre de développement chorégraphique La Briqueterie (Val-de-Marne)


[1] Anne Gonon, « La ville a-t-elle définitivement dompté ses artistes urbains ? », in revue Nectart No 1, 2015.

[2] Richard Shusterman, L’art à l’état vif, La pensée pragmatiste et l’esthétique populaire, Ed de Minuit, 1992, Col Le sens commun.

[3] Michel Foucault, Surveiller et punir, Gallimard, 1975

[4] À l’origine des émeutes de 2005

[5] Garnette Cadogan, « Être Noir dans la ville », Le Monde du 19/01/2017

[6] Sur l’humiliation et l’incorporation du pouvoir par le corps : Hugues Bazin, « Police des banlieues, contremaître du néo capitalisme », recherche-action.fr, 2017

[7] Claire Rousier, « Avant-propos » in Danses noires, blanche Amérique, Centre National de la Danse, 2008, p.5.

[8] Hugues Bazin,  « L’art d’intervenir dans l’espace public » in Territoires No 457, Adels, 2005, p.10-12

[9] Hugues Bazin, « Les arpenteurs ouvreurs d’espaces », revue Arpentages, 2013

[10] Thierry de Duve, « Fonction critique de l’art ? Examen d’une question », in C. Bouchindhomme et R. Rochlitz (dir.), L’Art sans compas. Redéfinitions de l’esthétique, Paris, Le Cerf, 1992

[11] Giorgio Agamben, Qu’est-ce que le contemporain ?, Paris, Rivages, 2008

[12] Ric Estrada, « Three leading negro artists and how they feel about dance in the community » in Dance Magazine, vol 42, no11, 1968, p.60.

[13] André Breton, Diego Rivera, Manifeste pour un art révolutionnaire indépendant, Mexico 25 juillet 1938

[14] Pablo Picasso, Cité par Florent Fels dans « Propos d’artistes », Bulletin de la vie artistique, juin 1923.

[15] Simon Backès, Chaplin/Keaton, le clochard milliardaire et le funambule déchu, 52’, MK2 TV, 2015

[16]  Bodan Litnianski, cité in Olivier Olivier Thiebaut, Bonjour aux promeneurs ! Sur les chemins de l’art brut, Editions Alternatives, Paris, 1996.

[17] Julinda Lewis William, « Black dance : adiverse unité », Dance Scope, vol14, no2, 1980, p.58

[18] Michel de Certeau, « La beauté du mort » in La culture au pluriel, Paris, Christian Bourgeois, 1974, (Points Essais), 1993.

[19] Chris Makher , Commentaires, Paris, Seuil, 1961

[20] Michel Thévoz, L’Art Brut [1975], Genève, Albert Skira, 1995.

[21] Jean Olivier Majastre, L’art, le corps, le désir. Cheminement anthropologique, Paris l’Harmattan 2008

[22] Jean Caune, « Culture administrée ? Art instrumentalisé ! », Revue Nectart No 4, 2017

[23]  Simon Backès, Chaplin/Keaton, le clochard milliardaire et le funambule déchu, 52’, MK2 TV, 2015

[24] Hugues Bazin « Art du bricolage, bricoleurs d’art » in Les cahiers d’Artes « L’art à l’épreuve du social », Presses Universitaires de Bordeaux, 2013, pp 95-113.

[25] Victoria Phillips Geduld, Dance is a weapon : le New Dance Group, 1932-1955, Centre National de la Danse, 2008.

[26] Aaron Swartz, Manifeste pour une guérilla en faveur du libre accès, Juillet 2008, Eremo, Italie

Conférence dansée : « Danse contemporaine : Questions d’Afrique »

Le Collectif Essonne Danse et le Théâtre de l’Arlequin vous proposent un temps d’échanges autour de la thématique « Danse contemporaine : Questions d’Afrique » dans le cadre de la 17ème édition du festival Rencontres Essonne Danse.

Samedi 18 mars 2017  – 14h30 – Salons du Château de Morsang-Sur-Orges  Place des Trois Martyrs 91390 Morsang-sur-Orge – RER C Savigny-sur-Orge, bus DM 21 Château de Morsang

La dénomination « danse contemporaine » ne désigne pas la « danse d’aujourd’hui », mais l’aboutissement d’une *lignée artistique occidentale* : danse classique, danse moderne, danse contemporaine.

En s’exportant en Afrique, cette discipline a rencontré un continent où, dans des *configurations très différentes, la danse tient une place majeure. Les questions que ce continent pose à la danse dessinent la possibilité d’un monde où une *féconde conversation* *des cultures *est désormais possible.

Le colloque dansé donnera une place importante à ce que dit la danse, à travers de courtes pièces ou interventions dansées ouvrants chacune sur une problématique, notamment autour de l’histoire ambigüe de la danse contemporaine en Afrique, et autour des lignées qui ne procèdent pas des pratiques « savantes » telles que le hip hop. Chaque thématique donnera lieu à un débat avec les artistes et des personnalités concernées.

Avec les artistes Qudus Onikeku, Vincent Mantsoé, Phumlani Nyanga, Souleymane Sanogo, Salah Keïta, Michel Onomo et les interventions de Mahmadou Lamine Sagna, sociologue, de Theo Van Rompay, directeur adjoint de P.A.R.T.S., Salia Sanou, directeur du centre chorégraphique La Termitière à Ouagadougou, et Hugues Bazin, chercheur indépendant en sciences sociales.

Programme :

14h30 – Accueil

15h – Pourquoi cela fait-­‐il débat ? avec

  • Jean-­‐Louis Sagot-­‐Duvauroux – essayiste, dramaturge, co-­‐fondateur de la compagnie malienne BlonBa. De quoi le mot « contemporain » est-­‐il hanté? 10 mn
  • Qudus Onikeku, danseur, chorégraphe – Comment cette problématique se travaille au Nigeria. 10mn
  • Film sur l’action de Qudus Onikeku à Lagos – 10 mn Discussion: 30 mn
  • Qudus Onikeku accompagnera par des improvisations dansées les propos de la discussion.

16h – 16h10 : pause

16h10-­‐ Heurts et bonheurs des formats de la danse contemporaine en Afrique, avec

  • La pièce solo « Gula » de Vincent Manstoé, interprétée par Phumlani Nyanga, une des premières à avoir été primée par la biennale Danse Afrique Danse organisée par l’Institut français. 10mn
  • Salia Sanou, chorégraphe, directeur du centre chorégraphique La Termitière à Ouagadougou et directeur artistique de la Triénnale : Les vecteurs occidentaux de la danse contemporaine en Afrique, heurts et bonheurs. 10 mn
  • Mahamadou Lamine Sagna, sociologue: ce que dit la danse dans les cultures africaines. 10 mn

Discussion: 30 mn

  • Theo Van Rompay, directeur adjoint de P.A.R.T.S.: pourquoi l’école chorégraphique P.A.R.T.S. a-­‐t-­‐elle choisi d’envoyer ses étudiants à l’Ecole des sables (Sénégal) pour un stage de deux mois? 10 mn
  • Souleymane Sanogo, sortant de P.A.R.T.S. ayant participé au stage: témoignage dansé 5mn

Discussion: 15mn 17h40-­‐17h50 : pause

17h50 : Le cas de la danse hip hop, avec

  • Mahamadou Lamine Sagna, sociologue : le hip hop comme résistance du monde noir à la déshumanisation dans la pensée de Cornell West -­‐ 10mn
  • Salah Keïta, danseur, fondateur de la compagnie hip hop bamakoise Dogmen G : la naissance du hip hop à Bamako, récit dansé 7 mn
  • Hugues Bazin, chercheur en sciences sociales : Comment le hip hop français a fait sa place et quelle place 10 mn
  • Michel Onomo, chorégraphe et danseur : le hip hop français entre les dalles et les salles, récit dansé, 7 mn

Discussion: 35 mn Fin du colloque: 19h

Dans la continuité de cette journée, une collation sera proposée au Théâtre de L’Arlequin avant la représentation de 5/T/R/A/T/E/5 Quartet de Bintou Dembélé – Cie Rualité.

INFOS ET RESERVATIONS :

  • Marielle Rouiller-Luinati / Chargée de production / essonnedanse2@gmail.com
  • Elise Granet / Coordinatrice / essonnedanse@gmail.com – 06 66 19 06 71
  • www.rencontresessonnedanse.com

Journée mondiale des récupérateurs de «déchets» 1er Mars

« Le réemploi et le recyclage sont entre nos mains! »

A l’appel de l’Alliance Mondiale des Récupérateurs de « Déchets », des biffinEs des associations Sauve Qui Peut ( biffinEs de la porte Montmartre) et AMELIOR ( biffinEs de Paris, Montreuil, Bagnolet et d’Ile de France), associations de travailleurs excluEs de l’économie circulaire du réemploi et du recyclage populaires

Rassemblement sur la Place de l’Hotel de Ville de Paris le mercredi 1er mars 2017 de 8h à 18h à l’occasion de la Journée Mondiale des récupérateurs de « déchets »

Solidaires de nos camarades des mouvements populaires des recycleurs et récupérateurs du monde entier en lutte contre l’exclusion, la pauvreté et le réchauffement climatique, nous nous rassemblerons pour réclamer aux éluEs du conseil de Paris la reconnaissance de nos métiers et l’arrêt des politiques répressives criminelles et scandaleuses conduites depuis 10 ans à Paris

Nous ne sommes pas des délinquantEs! Nous sommes des travailleurs!
la pauvreté n’est pas un crime! la répression est un scandale !
Pour une ville sans excluEs, aucun travailleur sans droit!

Nous réclamons :

  • Le droit au travail pour touTEs les biffinEs.
  • Une place et un marché pour touTEs.
  • la création d’espaces marchands organisés dédiés aux biffinEs et à leurs acheteurs, soit 6 marchés de 100 places chacun réparties sur 6 arrondissements aux portes de paris, 3 jours par semaine.
  • 10% des places pour les biffinEs sur les vides greniers, brocantes et marchés alimentaires découverts parisiens.
  • le soutien aux organisations des biffinEs.
  • la reconnaissance et le développement des métiers verts des biffinEs (collecte tri valorisation réparation réemploi recyclage vente).
  • l’octroi de locaux pour les associations de biffinEs!
  • La prise en compte par les pouvoirs publics dans le droit commun des marchés biffins actuels et des expérimentations qui les accompagnent.
  • Pour le développement d’une économie populaire et des recherches-actions.
  • Pour une économie circulaire et populaire qui résiste!
  • Arrêt des confiscations et des destructions des biens de recup’ des biffinEs.
  • Non aux bennes et à l’incinération.

Atelier public avec les récupérateurs-vendeurs

Programme de recherche-action La biffe comme écodéveloppement en milieu urbain

 Le jeudi 2 mars 2017 de 14h à 17h30 – salle 414

MSH Paris Nord – 20 avenue George Sand – 93210 La Plaine Saint-Denis – M° 12 Front populaire

À l’ordre du jour :

  1. Rappel du fonctionnement du collectif : la démarche de recherche-action
  2. Chantiers en cours : guide culturel, étude d’impact, cartographie
  3. Pistes de travail et stratégie collective (recherche de lieu alternatif, expérimentations)
  4. Interventions diverses et autres propositions de projet
  5. Perspective d’un forum en octobre / novembre 2017

 

Police des banlieues, contremaître du néocapitalisme

Les derniers faits de cruautés[1] sous le couvert de contrôles policiers sont présentés par les commentateurs médiatico-politiques comme des actes individuels. Au pire, il suffirait d’extirper les brebis galeuses du troupeau pour que tout rentre dans l’ordre républicain.

Les « bavures » ne sont pas des dérapages individuels, l’humiliation est un système de domination. La police représente pour les jeunes de banlieue de la cité des 3000 à Aulnay (Seine-Saint-Denis) ce que furent les contremaîtres de leurs parents travailleurs à l’usine automobile d’Aulnay.

Les choix industriels de l’époque d’embaucher massivement une main-d’œuvre immigrée sans possibilité de formation et de promotion condamnent ces ouvriers à des bas salaires et des conditions de travail pénible. « On n’en pouvait plus, les ouvriers travaillaient plus et perdaient en salaire, ils étaient insultés » raconte Christian Bonin dans le film « Haya » (« en avant », en arabe) [2]. Jusqu’à 3000 ouvriers, sur un site qui compte alors 6000 employés, cessent le travail. Cette grève restera atypique : grève d’OS (ouvriers spécialisés), grève d’immigrés, grève pour la dignité avant toute autre revendication (grève de Citroën-Aulnay de 1982).

Les années 80 sonnèrent entre Ronald Reagan, Margaret Thatcher et François Mitterrand la fin dans les pays occidentaux d’un type de capitalisme industriel, l’installation d’un chômage de masse, l’avènement d’un capitalisme financier, la marchandisation de l’existence et le recyclage des idéologies soixante-huitardes dans l’économie néo-libérale. Ce sont les banlieues qui constituent alors les lieux de résistance.

Entre 1982 et 84, « les grèves menées par les ouvriers immigrés de l’automobile de la région parisienne posent la question du devenir d’un salariat particulièrement dominé et exploité, dans une industrie en constante restructuration »[3]. Les luttes sociales portaient autant sur le travail que sur le logement, les lois discriminatoires d’expulsion, les actes racistes. Les grèves sont l’occasion de libérer une parole muselée. Au-delà des revendications syndicales, la question de la dignité est omniprésente dans les paroles des OS, qui renvoie tant à la dignité en tant que salariés vis-à-vis de l’entreprise, qu’en tant qu’immigrés vis-à-vis de la France. Les quartiers populaires trouvent une certaine autonomie dans cette articulation entre luttes professionnelles et luttes des minorités. Une de ces expressions fut en 1983 la « marche pour l’égalité » qui s’achève par un défilé de 100 000 personnes à Paris et l’engagement du président de la république sur certains droits.

Le discrédit participe de l’arsenal répressif. Les rapports des renseignements généraux dans les luttes au sein des entreprises sont invoqués pour appuyer la thèse relayée pas les plus hautes sphères de l’État d’un « islam ouvrier sous influence extérieure » . Le traitement politique du conflit sous l’angle religieux inaugurait il y a 35 ans le discours islamophobe postcolonial et le clivage national/racial s’imposant aujourd’hui dans l’argumentaire de l’islamisation des ex-banlieues ouvrières. En même temps que le Front National engrange ses premiers succès électoraux en 83, le Premier ministre socialiste de l’époque, Pierre Mauroy et son ministre du travail Jean Auroux développent la thématique des « grévistes noyautés par l’intégrisme » : « les immigrés sont les hôtes de la France et à ce titre ont un double devoir : jouer le jeu de l’entreprise et celui de la nation »[4].

Si l’entreprise a disparu, le quartier la remplace dans l’injonction de docilité. Le contrôle qui s’opérait dans le rapport au travail s’étend dorénavant dans toutes les séquences de vie par la militarisation de l’espace. De l’exploitation ouvrière à l’asservissement des banlieues, les procédés sont les mêmes : c’est l’incorporation de la domination par les corps où le policier joue dorénavant le rôle du contremaître. Le quadrillage par les mouchards, la hiérarchisation parallèle, les assignations sans motif, les insultes racistes qui étaient le lot quotidien de « l’usine de la terreur » dénoncée par les ouvriers de l’époque sont les mêmes mécanismes qui opèrent maintenant dans les « quartiers de la peur ». Il est logique que les revendications résonnent de la même façon aujourd’hui. Les travailleurs immigrés demandaient le respect de la dignité, la liberté de parler, de s’engager dans l’organisation de son choix, d’être reconnu dans le droit de penser et de religions différentes, de cesser d’être traités comme des esclaves…

L’humiliation reste le support privilégié pour effacer le sujet dans sa qualité même d’être humain. « Elle est une forme intense, de souffrance psychique : elle dévalorise, méprise et met en cause le droit de l’individu »[5].  Chaque personne doit intégrer cette peur comme modèle comportemental de soumission indépassable de sa situation personnelle. En entreprise comme dans le quartier, l’humilié doit comprendre son inadaptation aux exigences du système. Le sentiment d’inutilité est la base même du totalitarisme économique, ce que Patrick Vasseur appelle « superfluité »[6], c’est-à-dire un système où les hommes sont superflus, atomisés dans une masse sans possibilité de se rattacher à une forme collective : un individu sans qualité, sans originalité, sans singularité, sans personnalité, un individu inférieur. À cette forme totalitaire correspond une humiliation radicale. Le manque de respect, de considération, le déni de reconnaissance viennent rappeler cette condition. La soumission des groupes passe toujours par la dimension individuelle. On isole pour cela l’individu, on cherche à l’atteindre par l’intime, là où s’abritent les sentiments les plus profonds d’existence de soi et des autres. On le réduit à un corps, on disqualifie sa vie par le vécu sensible de la douleur, de la dégradation.

Résister à cette domination, c’est analyser l’humiliation avant tout comme une question politique décisive. À cette dégradation individuelle correspond la détérioration constante ces dernières années des conditions socio-économiques dans les quartiers classés « prioritaires ». Alors que la situation de l’emploi semble se stabiliser sur le plan national, la hausse du chômage deux à trois fois supérieur dans les quartiers (indépendamment du niveau de diplôme) n’est pas une conséquence de la crise, c’est un choix politique. Plus les banlieues populaires apparaissent inutiles au développement du pays depuis la déstructuration du tissu industriel, plus le système répressif s’accentue, le contrôle s’opérant par transfert de la violence de la sphère de production à la sphère publique.

Cette domination basée sur une ségrégation territoriale et une discrimination ethno-sociale n’est pourtant pas audible dans le débat public. Elle est même devenue progressivement « acceptable » en se parant d’un alibi idéologique. La critique de classe laisse place à une approche culturaliste où le travailleur immigré devient le musulman et le jeune issus de l’immigration une racaille naturellement encline à la délinquance. Ce sont les thèses fumeuses de l’« insécurité culturelle » (peur du multiculturalisme, du « grand remplacement »), la thématique de la « reconquête des territoires de non-droit », la reformulation d’un récit national excluant l’apport des immigrés, l’instrumentalisation de la laïcité dans une racialisation des rapports sociaux, etc.

Les travailleurs de terrain ont pu constater ce pourrissement progressif caché par la logique technicienne de la « politique de la ville » qui finit d’étouffer toute velléité d’auto organisation du milieu associatif. Détruire les tours d’immeubles et rénover les façades n’ont jamais permis aux populations de mieux s’organiser en autonomie. Les modes de structuration anciennement liée aux luttes dans le travail ayant disparu, il n’est pas accordé aux révoltes le statut de luttes légitimes comme en 2005 (suite à la mort de Zyed et Bouna à Clichy-sous-Bois), systématiquement renvoyées à la case délinquance des « casseurs » et autres « réseaux mafieux ».

La perpétuation d’un état d’urgence débridant la violence policière et son détournement dans la répression du mouvement du printemps 2016 contre la Loi Travail ont eu pour effet inattendu de faciliter un rapprochement entre les différentes formes de luttes. Les primo-manifestants découvrent en « live » la technologie du pouvoir militaro-policier maintenant sous le joug les banlieues depuis des décennies et réciproquement les acteurs de banlieues découvrent à travers les réseaux sociaux les stratégies d’organisation et de rébellions mises en place par les mouvements autonomes.

La convergence des luttes souhaitée à l’époque ne s’est pas vraiment faite, car restant accolée au modèle de rapport au travail et de militance propre à certaines couches socioprofessionnelles. Les « Sans » se sont retrouvés cependant dans les cortèges de tête des manifestations et les AG d’occupation des places sans permettre vraiment aux quartiers populaires de trouver leur propre forme d’organisation. Le rassemblement le 11 février 2017 devant le tribunal de Bobigny et dans plusieurs autres villes de France en soutien à Théo L. a constitué peut-être l’un de ces points de convergence.

Alors que les flammèches d’une guérilla urbaine peuvent à tout moment provoquer un embrasement, l’émancipation des populations dominées passe par la possibilité de prendre le statut d’acteurs politiques comme à l’époque des luttes ouvrières dans l’industrie automobile. En s’affirmant comme référent à l’ensemble des mouvements, la périphérie devient centrale, condition nécessaire à une transformation radicale des modèles économiques et politiques. Les banlieues ne sont plus alors les « lieux du ban » assigné identitairement, mais les centres d’une intelligence sociale dans le partage des savoir-faire, l’autoformation réciproque, l’appropriation des lieux et des outils, l’émulation et la fierté collective… L’histoire des luttes montre que d’autres trajectoires collectives sont toujours possibles.

 

[1] Le 2 février, dans la cité des 3000, à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), Théo L., 22 ans, est gravement blessé, violé par une matraque télescopique d’un policier.  Le 29 octobre 2015,  Alexandre T. a également l’anus  perforé par la matraque d’un policier municipal de Drancy (Seine-Saint-Denis) qui est jugé pour violences volontaires avec arme, le jeune homme a perdu son emploi et reste traumatisé, – Le 19 juillet 2016  à la suite de son interpellation, Adama Traoré, 24 ans, meurt dans la gendarmerie de Persan (Oise) dans des conditions non inexpliquées par les autorités… Sans être aussi dramatiques, les contrôles qui tournent mal sont monnaie courante. Trois points de suture au cuir chevelu, une dent cassée et un hématome sur le visage. C’est le bilan médical de l’interpellation d’Hicham, dans la nuit du 3 au 4 février dernier à Clichy-la-Garenne (Hauts-de-Seine). Une plainte est déposée, etc.

[2]  « Haya », Réalisé par Edouard Bobrowski et Claude Blanchet, France, 1982, 60 mn

[3] Vincent Gay, « Des grèves de la dignité aux luttes contre les licenciements : les travailleurs immigrés de Citroën et Talbot, 1982-1984 », www.contretemps.eu

[4]  Frantz Durupt, « L’usine PSA d’Aulnay sous influence islamiste ? Un argument qui remonte à 1983 », Libération du 3 janvier 2017

[5] Claudine Haroche , « Le caractère menaçant de l’humiliation », Le Journal des psychologues, 6/2007 (n° 249), p. 39-44.

[6] Patrick Vassort, Contre le capitalisme. Banalité du mal, superfluité et masse, Le Bord de l’eau, coll. « Altérité critique », 2014

Programme du colloque

Construire les savoirs avec tou.te.s ?
Recherches participatives avec les personnes en situation de pauvreté

1er mars Colloque au CNRS, 3 rue Michel Ange, Paris 16ème

Animation de la journée par Sandra Laugier, professeure, directrice adjointe scientifique de l’InSHS-CNRS, membre du comité « Sciences en société » du CNRS et Claude Ferrand, coordinateur du Réseau Wresinski Participation, Croisement des savoirs, ATD Quart Monde

8h30 : Accueil

9h : Ouverture du colloque par Alain Fuchs, président du CNRS, Claire Hédon, présidente du mouvement ATD Quart Monde France, Olivier Faron, administrateur général du Cnam

9h30-10h : Les éléments constitutifs d’une recherche participative en croisement des savoirs et des pratiques impliquant des personnes en situation de pauvreté par ATD Quart Monde

10h-10h30 : Les résultats du séminaire sur l’épistémologie des recherches participatives et en croisement des savoirs par Marcel Jaeger, titulaire de la chaire de travail social et d’intervention sociale au Cnam et Patrick Brun chercheur, ATD Quart Monde:

  • Les savoirs : identité, spécificité, interactions, plus-value du croisement des savoirs avec des personnes en situation de précarité et de pauvreté
  • Les finalités, la reconnaissance et la validation d’une recherche participative en croisement des savoirs
  • Les conditions du processus relationnel et de connaissance du croisement des différents savoirs

10h30 : Pause

11h-12h30 : Table ronde sur les enjeux et intérêts scientifiques, épistémologiques et sociaux des recherches participatives en croisement des savoirs, animée par Xavier Godinot, co-directeur de recherche internationale sur les dimensions de la pauvreté et leurs mesures, ATD Quart Monde

  • Patrick Cingolani, Laboratoire de changement social et politique, Université Paris-Didero
  • Jean-Michel Fourniau, Directeur du GIS Démocratie et Participation, CNRS
  • Nonna Mayer, Directrice de recherche émérite CNRS, Centre d’études européennes de Sciences Po
  • Catherine Neveu, Directrice de recherche CNRS, IIAC

12h30 : Buffet

14h – 15h30 : Quatre ateliers

  • Atelier 1 : Quelles sont les conditions éthiques, méthodologiques et épistémologiques des recherches participatives en croisement entre les différents savoirs ? Animé par Marion Carrel, maitresse de conférences en sociologie, Lille 3 – CeRIES et Marianne de Laat, conseillère pédagogique en croisement des savoirs, ATD Quart Monde
  • Atelier 2 : Quelles sont les conditions éthiques, méthodologiques et épistémologiques des recherches participatives en croisement entre les différents savoirs ? Animé par Hugues Bazin, chercheur en Sciences sociales, LISRA et Françoise Ferrand, conseillère pédagogique des programmes Quart Monde – Université, Quart Monde Partenaire
  • Atelier 3 :Atelier 3: Comment les politiques publiques peuvent-elles favoriser les conditions de recherche participative en croisement des savoirs et l’application des résultats dans l’élaboration, la réalisation et l’évaluation des actions publiques ? Les conditions de faisabilité et de financement. Animé par Cyril Fiorini, doctorant, Cnam-HT2S et Laurent Sochard, psycho-sociologue, praticien chercheur
  • Atelier 4 : L’évaluation et la validation des savoirs co-construits sur le plan de la connaissance, de l’action et de la formation. Les modalités de diffusion. Animé par Philippe Warin, directeur de recherche ODENORE-CNRS et André Moisan, sociologue

15h30 : Pause

16h -16h30 : Mise en commun des ateliers, Xavier Verzat ATD Quart Monde

16h30-17h : Intervention : les enjeux des recherches participatives en croisement des savoirs dans la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale.
Gaël Giraud, Economiste en chef, Agence française du développement (AFD)

17h-17h15 : Prise de parole de Thierry Mandon, Secrétaire d’Etat chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche et de Ségolène Neuville, Secrétaire d’Etat auprès de la Ministre des Affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la Lutte contre l’exclusion (à confirmer).

17h15 : Conclusions et perspectives

17h30 : Fin du colloque

Inscription

Recherches participatives avec les personnes en situation de pauvreté (Paris)

Construire les savoirs avec tou.te.s ?
Recherches participatives avec les personnes en situation de pauvreté

1er mars Colloque au CNRS, 3 rue Michel Ange, Paris 16ème

Appel pour le développement des recherches participatives en croisement des savoirs

Animation de la journée par Sandra Laugier, professeure, directrice adjointe scientifique de l’InSHS-CNRS, membre du comité « Sciences en société » du CNRS et Claude Ferrand, coordinateur du Réseau Wresinski Participation, Croisement des savoirs, ATD Quart Monde

8h30 : Accueil

9h : Ouverture du colloque par Alain Fuchs, président du CNRS, Claire Hédon, présidente du mouvement ATD Quart Monde France, Olivier Faron, administrateur général du Cnam

9h30-10h : Les éléments constitutifs d’une recherche participative en croisement des savoirs et des pratiques impliquant des personnes en situation de pauvreté par ATD Quart Monde

10h-10h30 : Les résultats du séminaire sur l’épistémologie des recherches participatives et en croisement des savoirs par Marcel Jaeger, titulaire de la chaire de travail social et d’intervention sociale au Cnam et Patrick Brun chercheur, ATD Quart Monde:

  • Les savoirs : identité, spécificité, interactions, plus-value du croisement des savoirs avec des personnes en situation de précarité et de pauvreté
  • Les finalités, la reconnaissance et la validation d’une recherche participative en croisement des savoirs
  • Les conditions du processus relationnel et de connaissance du croisement des différents savoirs

10h30 : Pause

11h-12h30 : Table ronde sur les enjeux et intérêts scientifiques, épistémologiques et sociaux des recherches participatives en croisement des savoirs, animée par Xavier Godinot, co-directeur de recherche internationale sur les dimensions de la pauvreté et leurs mesures, ATD Quart Monde

  • Patrick Cingolani, Laboratoire de changement social et politique, Université Paris-Didero
  • Jean-Michel Fourniau, Directeur du GIS Démocratie et Participation, CNRS
  • Nonna Mayer, Directrice de recherche émérite CNRS, Centre d’études européennes de Sciences Po
  • Catherine Neveu, Directrice de recherche CNRS, IIAC

12h30 : Buffet

14h – 15h30 : Quatre ateliers

  • Atelier 1 : Quelles sont les conditions éthiques, méthodologiques et épistémologiques des recherches participatives en croisement entre les différents savoirs ? Animé par Marion Carrel, maitresse de conférences en sociologie, Lille 3 – CeRIES et Marianne de Laat, conseillère pédagogique en croisement des savoirs, ATD Quart Monde
  • Atelier 2 : Quelles sont les conditions éthiques, méthodologiques et épistémologiques des recherches participatives en croisement entre les différents savoirs ? Animé par Hugues Bazin, chercheur en Sciences sociales, LISRA et Françoise Ferrand, conseillère pédagogique des programmes Quart Monde – Université, Quart Monde Partenaire
  • Atelier 3 :Atelier 3: Comment les politiques publiques peuvent-elles favoriser les conditions de recherche participative en croisement des savoirs et l’application des résultats dans l’élaboration, la réalisation et l’évaluation des actions publiques ? Les conditions de faisabilité et de financement. Animé par Cyril Fiorini, doctorant, Cnam-HT2S et Laurent Sochard, psycho-sociologue, praticien chercheur
  • Atelier 4 : L’évaluation et la validation des savoirs co-construits sur le plan de la connaissance, de l’action et de la formation. Les modalités de diffusion. Animé par Philippe Warin, directeur de recherche ODENORE-CNRS et André Moisan, sociologue

15h30 : Pause

16h -16h30 : Mise en commun des ateliers, Xavier Verzat ATD Quart Monde

16h30-17h : Intervention : les enjeux des recherches participatives en croisement des savoirs dans la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale.
Gaël Giraud, Economiste en chef, Agence française du développement (AFD)

17h-17h15 : Prise de parole de Thierry Mandon, Secrétaire d’Etat chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche et de Ségolène Neuville, Secrétaire d’Etat auprès de la Ministre des Affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la Lutte contre l’exclusion (à confirmer).

17h15 : Conclusions et perspectives

17h30 : Fin du colloque

Inscription

 

Sociologie des pratiques urbaines (Reims)

Cette rencontre le jeudi 25 Janvier 2017de 13h à 19h, Quartier LibreEspace collectif et créatif, 12 rue Filles Dieu, 5100 Reims, a pour but de présenter les données récoltées lors de cette étude/recensement, nous permettra également d’avoir un regard et une analyse historique et sociologique autour des pratiques urbaines par la présence de Hugues Bazin (chercheur et fondateur du laboratoire d’expérimentations sociale et culturelle recherche-action.fr) et Thomas Blondeau (journaliste aux Inrocks et spécialiste de la culture Hip Hop) et vous permettra de rencontrer des profils pépites oeuvrant dans les cultures urbaines à l’échelle de la région.:

  • Julien Colinet, MJC Calonne, Sedan
  • Ismael Taggae, danseur, Reims
  • RESFE, graphiste et arts visuels, Paris
  • Raphael Chiquet, champion du monde de BMX flat 2009, Epernay
  • Guillaume Brière, The Shoes, producteur, Reims
  • IEMZA, street artist, Reims

Cet après midi se déroulera en plusieurs temps :

  • Accueil
  • Présentation de Quartier Libre – espace collectif et créatif
  • Présentation des données issues de l’étude/recensement et les limites constatées ;
  • Intervention croisées de Hugues Bazin et de Thomas Blondeau
  • Speed meeting, rencontre des profils pépites régionales oeuvrant dans les cultures urbaines
  • Conclusion et prises de paroles officielles
  • Temps de convivialité

L’association Velours et ses partenaires, la Direction Régionale de la Jeunesse, des Sports et de Cohésion Sociale ainsi que la Direction Régionale de Affaire Culturelles, vous invitent à la rencontre autour de l’étude/recensement des pratiques urbaines en région Champagne Ardenne qui a débuté en 2015 et s’est finalisée au printemps 2016..

 

 

Pour toutes questions contactez le : 06.31.76.57.75

Les expérimentations démocratiques aujourd’hui (St Denis)

(Re) Distribuer (les places, rôles sociaux, ressources, capacités…)

Vendredi 27 janvier après-midi

14h30 Conférence introductive par Florence Jany-Catrice (Clersé, Univ. de Lille 1)
14h50-16h :  Table-ronde :
  • Hugues Bazin (Laboratoire d’Innovation Sociale par la Recherche-Action)
  • Pierre Crétois (Sophiapol, Univ. Paris X)
  • Maria Inés Fernandez Alvarez (Universidad de Buenos Aires)
  • Jean-Louis Laville (Lise, Cnam)
  • Sébastien Thiéry et Charlotte Cauwer (PEROU)
  • Stéphane Vincent (27ème Région)
16h15-18h15 :                                                                                   Quatre ateliers en parallèle
A. Argent et participation. Quel modèle économique pour le pouvoir d’agir ?
B. Subversion et démocratisation : les contradictions de la participation populaire
C. Démocratie du faire : entre pratiques collaboratives et coopératives
D. Expérimentations citoyennes et acteurs de la transformation sociale : enjeux et résistances
Atelier organisé par Marion Ben-Hammo (Fondation de France) et Julien Talpin (Ceraps, Cnrs) :
  • Table de quartier du Pile à Roubaix: « Comment la dépendance aux finan-cements publics contraint la participation »
  • Marion Ben-Hammo : « Le programme “démarches participatives” de la Fondation de France, quelles oppor-tunités et contraintes pour les acteurs ? »
  • Coordination Pas sans nous : « La campagne sur le fond d’initiative citoyenne »
  • Alliance citoyenne de Grenoble : « Vers l’auto-financement du community organizing ? Contraintes pratiques de l’autonomie »
  • Dimitri Courant (IEPHI, Univ. de Lausanne et CRESPPA, Univ. Paris 8) : « Tirage au sort et Constitution : Première analyse des assemblées citoyennes Irlandaises (2011-2017) »
  • Georges Letarte (Nousblogue.ca) et Marc Jeannotte (Votepour.ca) : « De l’échec d’un modèle au renouvellement de la participation citoyenne »
  • David Smadja (Lipha, Paris-Est) : « L’expérimentation démocratique vue de l’hôpital ou une participation qui ne dit pas son nom : le cas d’une association d’étudiants en formation continue en éthique »
  • Cédric Terzi (Cems, EHESS) : « Expérimentation d’une parole émancipée comme figuration de la souveraineté populaire. Le cas des institutions de la démocratie semi-directe suisse »
  • Guillaume Bagnoligni (Centre d’éthique contemporaine, Univ. Paul Valéry) : « Participer à l’activité scientifique, le cas du biohacking : analyse comparée de deux laboratoires collaboratifs La Paillasse à Paris et La Myne à Lyon »
  • Antonin Fournier (Marelle) : « Les conditions politiques, économiques et institutionnelles qui permettent l’existence d’un fablab “public” »
  • Aurélie Landon (Lavue-CRH, Paris 8) : « À la recherche des lieux communs »
  • Perrine Poupin (Cems, EHESS) : « Nuit debout et cortège de tête des manifestations contre la loi Travail : la politique comme expérimentation »
  • Flavia de Faria (Centre Edgar Morin-IIAC, EHESS) : « Initiatives citoyennes de participation politique à São Paulo »
  • Maïté Juan (Lise, Cnam) : « De l’expérimentation culturelle citoyenne au contre-pouvoir : vers une “Nouvelle Institutionnalité” ? Le cas du centre socioculturel autogéré La Casa Invisible (Malaga)
  • Jérémy Louis (Mosaïques-Lavue, Paris X) : « La place des centres sociaux comme acteurs d’expéri-mentations démocratiques :  entre porteurs, accompagnateurs, interfaces entre pouvoirs publics et habitant
  • Ada Reichart (Univ. de Picardie) : « Temps, résistance et émancipation : de la difficulté de faire (sur)vivre “l’esprit coopératif” dans une Scop »

Colloque international
du Gis Démocratie et Participation

Les expérimentations démocratiques aujourd’hui :
convergences, fragmentations, portées politiques

les 26, 27 et 28 janvier 2017

à la MSH Paris Nord à Saint-Denis
20, avenue George Sand
Métro Front Populaire (terminus ligne 12)

Les inscriptions sont ouvertes.
L’inscription est gratuite mais obligatoire

Programme complet

Actes du forum les biffins acteurs du réemploi

Le mercredi 2 novembre 2016, le collectif Rues Marchandes organisait sa première rencontre publique à la Maison des Sciences de l’Homme de Paris Nord, sur le thème des récupérateurs vendeurs, autrement appelés biffins.

Le collectif de recherche-action Rues Marchandes rassemble et met en relation des personnes et des structures concernées par la question des biffins récupérateurs-vendeurs et de l’économie solidaire. Son objectif est de produire et de diffuser, avec les biffins, des connaissances à même de répondre aux manques, d’une part de considération de l’activité économique, sociale et écologique de la biffe, et d’autre part d’espaces marchands dédiés à cet effet.

La journée, ouverte à tous, avait plusieurs objectifs. Dans un premier temps, le matin, il s’agissait de donner la parole à divers acteurs (chercheurs, biffins, associations) afin de faire connaître la population des récupérateurs-vendeurs, souvent invisibilisée, les objets traités par celle-ci – déchets ou objets déchus – , de replacer dans son contexte historique cette activité de la biffe, vieille de plusieurs siècles, pour enfin faire valoir le rôle des biffins dans la ville, l’utilité environnementale et sociale de leur travail.

Sur la base de ces matériaux, l’après-midi prenait quant à elle la forme d’un atelier de recherche-action  visant sur la base des matériaux du matin à dégager des problématiques transversales qui pourraient se traduire en expérimentations concrètes pour l’amélioration des conditions d’exercice de la vente et de la récupération, et l’autorisation de diverses formes de marchés. Les participants étaient invités pour étayer leurs réflexions et propositions à reprendre quatre thématiques : « La culture, c’est pas du superflu, c’est notre survie, notre vie ! », « La rue, c’est pas vide, c’est l’espace de tous ! », « Économie souterraine ? Non, économie populaire ! », « Pas sous prolétaires, travailler les déchets, c’est un métier !

Télécharger l’intégralité des actes de la rencontre :

Actes du forum les biffins récupérateurs-vendeurs, acteurs de la ville et du réemploi

Le mercredi 2 novembre 2016, le collectif Rues Marchandes organisait sa première rencontre publique à la Maison des Sciences de l’Homme de Paris Nord, sur le thème des récupérateurs vendeurs, autrement appelés biffins.

Le collectif de recherche-action Rues Marchandes rassemble et met en relation des personnes et des structures concernées par la question des biffins récupérateurs-vendeurs et de l’économie solidaire. Son objectif est de produire et de diffuser, avec les biffins, des connaissances à même de répondre aux manques, d’une part de considération de l’activité économique, sociale et écologique de la biffe, et d’autre part d’espaces marchands dédiés à cet effet.

La journée, ouverte à tous, avait plusieurs objectifs. Dans un premier temps, le matin, il s’agissait de donner la parole à divers acteurs (chercheurs, biffins, associations) afin de faire connaître la population des récupérateurs-vendeurs, souvent invisibilisée, les objets traités par celle-ci – déchets ou objets déchus – , de replacer dans son contexte historique cette activité de la biffe, vieille de plusieurs siècles, pour enfin faire valoir le rôle des biffins dans la ville, l’utilité environnementale et sociale de leur travail. Sur la base de ces matériaux, l’après-midi prenait quant à elle la forme d’un atelier de recherche-action  visant sur la base des matériaux du matin à dégager des problématiques transversales qui pourraient se traduire en expérimentations concrètes pour l’amélioration des conditions d’exercice de la vente et de la récupération, et l’autorisation de diverses formes de marchés. Les participants étaient invités pour étayer leurs réflexions et propositions à reprendre quatre thématiques : « La culture, c’est pas du superflu, c’est notre survie, notre vie ! », « La rue, c’est pas vide, c’est l’espace de tous ! », « Économie souterraine ? Non, économie populaire ! », « Pas sous prolétaires, travailler les déchets, c’est un métier !

C’est Alain Bertho, directeur de la Maison des Sciences de l’Homme Paris Nord, qui a ouvert la journée de rencontres et d’échanges en soulignant l’importance de faire valoir l’expertise des populations concernées dans la gestion de la ville et la réflexion sur leur transformation. C’est dans cette dynamique que le Collectif de Rues Marchandes, présenté par Hugues Bazin, chercheur indépendant en sciences sociales et fondateur du laboratoire d’innovation social par la recherche action, mène une recherche-action où les citoyens intéressés, biffins, chercheurs, associations collaborent afin de produire de la connaissance venant directement du terrain, qui permette de faire émerger des pistes d’actions concrètes pour répondre aux besoins des principaux intéressés et améliorer les conditions d’exercice de la biffe.

Forum

Afin de mieux comprendre le sujet des débats de la journée, Mélanie Duclos, anthropologue, est revenue sur les multiples significations du terme « biffe » et sur l’histoire des biffins depuis la révolution industrielle jusqu’à nos jours. La biffe désigne aujourd’hui l’activité de recherche de biens dans les poubelles ou dans la rue puis la revente des objets trouvés. Les biffins, qui pratiquent la biffe donc, ont été repoussés aux portes et en périphéries des Villes suite à une série de mesures politiques appliquées au cours des deux derniers siècles. En région parisienne, les biffins ne peuvent vendre légalement que dans deux espaces de marché.

L’obtention de ces espaces autorisés a fait l’objet de plusieurs luttes portées par les biffins eux-mêmes. Martine et Chantale, toute deux biffines, nous ont raconté l’histoire du collectif Sauve Qui Peut à l’origine de la création du Carré des Biffins en 2009, géré par l’association Aurore, puis de l’association Amélior et de la mise en place d’un marché auto-géré. Patrick, Anibal et Clarisses, membres eux aussi de l’association Amélior, les ont rejoints sur la scène pour décrire la manière dont chaque biffin joue un rôle dans l’organisation de ce marché et sur sa bonne tenue.

Ces espaces de marchés ne sont pas uniquement des lieux de ventes. Ils sont aussi et surtout des espaces sociaux. Sumijhra Dharmasena, biffine et auteure, nous a lu plusieurs extraits de son livre intitulé « Le Pont », dans lesquels s’expriment avec beaucoup de poésie, la diversité des profils et les liens qui unissent les biffins qui vendent sur le Carré, à la Porte de Montmartre.

Les interventions suivantes, de Nikholae, membre de l’association Intermèdes et de Florence Lévy, anthropologue nous ont éclairées sur les situations des biffins Roms et chinois, communautés méconnues et peu représentées dans les collectifs notamment en raison de la barrière de la langue.

Enfin, Radia Slimani, ingénieure en énergies renouvelables a présenté les résultats d’une enquête préliminaire menée par Make Sense, visant à quantifier l’impact environnemental et économique de la biffe.

En parallèle de ces interventions, Martine et Patrick ont monté des stands éphémères sur la scène afin de montrer quels types d’objets pouvaient être sauvés des poubelles et étaient susceptibles d’être vendus sur les marchés. La matinée a aussi été ponctuée de projection de vidéos documentaires et de clips musicaux retraçant les parcours de la biffe, des luttes et des revendications.

 

Le déjeuner s’est déroulé dans la salle où étaient exposées une série de photographies de biffins, prises à travers le monde par plusieurs photographes et chercheurs. Bénédicte Florin et Claudia Cirelli, respectivement géographe et anthropologue, à l’origine de l’exposition, nous ont alors expliqué les spécificités de la biffe dans les pays visités (Egypte, France, Maroc, Turquie…).

Atelier

Le forum du matin a exposé des récits d’expérience émanant des biffins récupérateurs-vendeurs (voir synthèse). Ces matériaux de vie et de réflexion croisent des questions transversales. L’atelier de recherche-action de l’après-midi propose de les problématiser pour qu’elles deviennent des questions publiques et débouchent sur des initiatives en termes d’expérimentations de la part du collectif Rues Marchandes, et sur une prise en compte de la part de nos partenaires, notamment les collectivités territoriales.

La culture, c’est pas du superflu, c’est notre survie, notre vie !

Les récupérateurs-vendeurs mobilisent leur culture comme ressource. Cette culture ne se situe pas en dehors de l’économie, mais fait prioritairement partie de l’économie de survie. La culture permet de résister et de construire des stratégies. Plus généralement, une culture de résistance est issue de forme de luttes, comme en témoigne la réappropriation du terme « biffins » par les récupérateurs-vendeurs. C’est un mouvement qui part du bas vers le haut à l’instar de la culture paysanne et ouvrière ou encore des minorités actives, c’est à dire des groupes restreints, mais susceptibles d’influencer l’ensemble de la société. C’est l’enjeu d’aujourd’hui : comment la culture biffine peut-elle constituer une minorité active alors que nous nous ne somment plus au temps des chiffonniers du XIXe siècle dont la culture de classe s’appuyait sur une communauté d’habitat et de travail ?

Le « Guide culturel » est une proposition d’expérimentation collective à travers la mise en place d’ateliers d’écriture et de récits d’expérience. Des structures de proximité et des associations là où vendent ou habitent les récupérateurs vendeurs pourraient assurer un relais et accueillir les ateliers. Le guide culturel se conçoit comme un outil de valorisation de la culture de la biffe dévalorisée ou invisible. Il s’agit de déconstruire des clichés et légitimer la place de populations discriminées dans l’espace public. C’est aussi un outil de conscientisation interne qui participe à une auto-formation réciproque. Ce serait enfin un guide concret pour outiller les acteurs concernés à l’élaboration et la négociation de rues marchandes.

La rue, c’est pas vide, c’est l’espace de tous !

Il y a différentes façons d’occuper l’espace public et différentes manières de voir cette occupation, selon par exemple que l’on est automobiliste ou piéton. Il en est de même pour le biffin : nuisance ou attractivité du territoire ? La rue est une négociation permanente. Qui maîtrise l’usage de l’espace, selon quels critères ? Le marché biffin en est un exemple, on peut investir un espace sans le privatiser et en être co-responsable, encore faut-il que cet espace soit ouvert. Est-ce que les marchés biffins participent à l’attractivité des territoires ou à sa dégradation, c’est tout l’enjeu des rues marchandes.

Un travail cartographique permettrait à la fois d’actualiser les lieux de la récupération et de la vente en région parisienne et en même temps d’explorer la possibilité d’aménager des lieux et configurer une typologie des espaces marchands. Des modalités de négociation pourraient être définies pour que des espaces (friches, espaces en transition ?)  accueillent des marchés en relation avec des partenaires, voire constituer des lieux plus permanents pour entreposer et trier des objets.

Économie souterraine ? Non, économie populaire !

La notion d’économie populaire renvoie à l’articulation entre une économie de survie quotidienne et l’industrie du recyclage. Il y a une question d’échelle pour cette économie de proximité avec une économie régionale, voire internationale quant à la récupération des déchets. Il y a aussi une question de statut entre entrepreneuriat individuel et une économie coopérative collective. Est-ce que le statut doit passer nécessairement par les structures classiques de l’économie sociale et solidaire ? Constatant qu’il existe des difficultés pour penser cette économie aussi bien entre économie de proximité et autres échelles économiques qu’entre économie populaire et modèle économique existant, qu’il se veuille ou non alternatif au modèle dominant. Parlons-nous d’une insertion qui se conforme aux lois du marché et qui repose sur la structure des inégalités sociales ou l’addition de stratégies individuelles de survie ? Est-ce un entrepreneuriat social visant à l’intérêt général ou  simplement l’addition des intérêts de survie individuels ? À quel statut correspondrait cette gestion ? Lorsqu’elle relève de l’entreprise privée, cette économie de gestion des déchets est valorisée tant qu’elle reste cachée ou inaccessible. Mais quand elle occupe espace public, elle devient répréhensible. Le type d’économie renvoie inévitablement au type de société que nous voulons développer. Une économie du commun serait aussi une manière de qualifier une gestion collective, entre  économies publique et privée.

Négocier des espaces de collecte au bas de immeubles (à relier avec la proposition de cartographie de l’espace public dans la thématique précédente), ce qui rend nécessaire une stratégie de communication sur le circuit court de la biffe et les dispositifs mis en place. En même temps, cela doit être réfléchi avec les compétences que pourraient nous apporter l’économie sociale et solidaire et le milieu de  l’entrepreneuriat social sur un modèle économique propre aux biffins et susceptible de  déboucher sur un statut.

Pas sous-prolétaires, travailler les déchets, c’est un métier !

Ce thème renvoie à la question du statut et de la validation des compétences, ainsi qu’au statut du travailleur, à l’articulation entre le statut informel et celui du salarié classique. Il y a donc une dynamique entre la reconnaissance des droits des biffins de récupérer et de  vendre, le fait de pouvoir investir des lieux et le fait d’acquérir un statut.

Une formation action des acteurs de la biffe articulée avec la proposition des ateliers du guide culturel (voir premier thème) pourrait contribuer à une validation par l’écriture d’un certain nombre de compétences. Cette formation-action permettrait de former des cadres biffins, qui pourraient assurer l’interface avec les institutions et les collectivités territoriales ou être co-gestionnaires du marché avec des partenaires associatifs.

Télécharger l’intégralité des actes de la rencontre :

Actes Forum 2 Nov 2016 Les Biffins Acteurs Du Réemploi
Actes Forum 2 Nov 2016 Les Biffins Acteurs Du Réemploi

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